La Couronne de Cuivre

Quête : de flamme et d’os

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Eldurvellir était enchanté d'avoir eu le temps de prendre ses notes. Et tout aussi enchanté de voir partir son prétentieux compagnon et ce gamin à l'esprit un peu trop vif pour son goût. Il était un peu inquiet des ex-esclaves - savait-on ce que des ex-désespérés de la vie avaient dans la tête ? - mais leur comportement lui parut suffisamment raisonnable. Seule Tiamandis, qui piaffait d'une joie sans nom lorsqu'elle apercevait Silmandel, devait être rappelée à l'ordre de temps à autre. Le charme qui émanait de l'elfe gracieux était indéniable, mais pour la pipistrelle il devenait simplement irrésistible.

Le mage était grandement intrigué par le sarcophage. Il attendit que le groupe d'Asmodeus ait repris sa progression vers un nouvel abri pour demander aux anciens captifs :

- Quelqu'un parmi vous saurait-il détecter les pièges ?

[Quête : De flamme et d'os]

Asmodeus

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Silmandel

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Eldurvellir

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Asmodeus

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La petite chauve-souris ne s'était pas trompée : Clémentine et Silmandel étaient bel et bien de retour. Ils prirent alors en charge deux nouveaux groupes, dont fit partie Eldurvellir, et les menèrent sans encombres jusqu'à la petite salle. S'ensuivirent plusieurs allers-retours, également paisibles, jusqu'à ce qu'ils soient enfin tous au complet et qu'ils puissent reprendre leur route. Bien qu'on n'entendisse plus de grondement, bien que les couloirs qu'ils enfilaient soient moins piégés que le précédent, la prudence restait de rigueur : il subsistait des traquenards et il était toujours possible que des monstres pointent le bout de leur nez.
-Regagner l'endroit par lequel nous sommes entrés va prendre beaucoup de temps et il risque de faire nuit noire quand nous regagnerons l'air libre, dit la jeune fille. Par conséquent, si j'aperçois quelque chose qui ressemble à une autre issue, j'irai l'explorer.

Asmodeus avait été fort aise que le gamin se lasse de poser des questions enquiquinantes. Que ce fut par manque de curiosité ou par crainte, il s'en moquait comme de sa première chemise mais il avait tout de même accueilli avec une certaine joie teintée de soulagement l'arrivée des petits groupes qui signifiaient tant la fin d'un tête à tête embarrassant et le départ prochain vers des lieux moins tourmentés. Les propos de Clémentine lui fournirent cependant bien trop rapidement un nouveau sujet d'inquiétude et il ne manqua pas de l'exprimer à sa manière un peu pédante :

- Asmodeus vous fait confiance en ces matières Clémentine mais s'il y a peu de chance d'atteindre la surface avant la nuit, ne serait-il pas plus judicieux de se trouver un abri défendable et discret pour y passer la nuit ? Dehors, les grilles seront fermées et les morts rôderont autant sinon plus que dans ces couloirs, n'est-il pas ?

Quête : de flamme et d’os

« Je suis de votre avis, Asmodeus. Mais avant tout, éloignons-nous le plus possible de la secte et rapprochons-nous d’une sortie. Si effectivement on a confirmation qu’il fait nuit, alors on devra veiller dans un lieu à notre avantage. »

Silmandel était très satisfait de sa prestation avec les pièges et, d’une façon plus général, de la manière dont la fuite se déroulait. Encore aucun drame à déplorer. Aucune fâcheuse rencontre avec un démon furibond. Bref, tout allait pour le mieux aux pays des morts ! Que cela dure !

Le trajet vers une autre salle se fit sans autre encombre que les petits couinements rageurs d'une pipistrelle frustrée de ne pouvoir voyager sur l'épaule de Silmandel. Vraiment, songeait Eldurvellir, une reprise en main de Tiamandis s'impose. Non que son familier fut désobéissant, mais les cryptes avaient une indéniable influence sur son caractère. Ajouté à ce fait le charisme d'un jeune ensorceleur, et l'effet de cette influence se trouvait multiplié.

Eldurvellir riait sous cape de l'air renfrogné de ce cher Asmodeus. Visiblement le gamin lui avait tenu la jambe. Le mage eut fort à faire pour brider son imagination et continuer à se concentrer sur les pièges et chausse-trapes que signalait Silmandel.

Arrivé enfin, il se plongea dans son calepin, attendant patiemment que les autres aient fini leur dangereux parcours. Ce fut le moment que choisit Tiamandis pour s'échapper, histoire d'aller voir son cher ami Silmandel.

- Silmandel, excusez-la... Elle semble s'être prise de passion pour vous.

Le mage avança de quelques pas pour récupérer la petite chauve-souris, qui n'osa pas cracher de colère devant l'air déterminé de son maître.

Asmodeus et Silmandel parlaient de s'arrêter pour la nuit. Eldurvellir n'en était pas mécontent, mais signala à ses compagnons :

- Bien sûr, je suis aussi d'avis de nous reposer... Mais il serait judicieux de vérifier nos réserves. En cas d'attaque, aurons-nous suffisamment de potions de soins ? Dans tous les cas, il faudra que quelques personnes se relaient pour monter la garde, afin que nous nous soyons pas surpris lors d'une attaque éventuelle.

[Quête : De flamme et d'os]

Leur périple se poursuivit, interminable. En trois occasion, Clémentine demanda au groupe de l'attendre tandis qu'elle explorait une salle ou un passage prometteurs. Mais, à chaque fois, ces pistes s'avérèrent finalement décevantes : nulle issue vers la surface. Alors, ils durent continuer à marcher, à marcher encore, ce qui leur sembla durer des heures, une éternité.
Enfin, ils atteignirent leur point de départ : la porte dérobée, la salle avec son sarcophage, son escalier. La jeune fille le gravit, disparut dans les hauteurs, revint avec la nouvelle qu'ils anticipaient déjà : il faisait noir, dehors. Il serait donc nécessaire de passer la nuit dans cette pièce... La bonne nouvelle, c'est que protégée comme elle l'était par deux passages secrets, les aventuriers et les anciens captifs n'auraient rien à craindre ni des monstres de la crypte, ni de ceux du cimetière.

Allons bon ! Les voilà revenus presqu'à leur point de départ. Mais la boucle n'était pour autant pas bouclée car il n'était pas encore venu le temps de se séparer quoique l'envie de certains n'aurait très certainement pas manqué de le faire.

La pièce dans laquelle le groupe - élargi de quelques anciens esclaves de la secte - se retrouvait à présent semblait un peu trop petite pour y établir un bivouac un tant soit peu confortable au goût d'Asmodeus mais au moins semblait-elle sûre et non dénuée d'intérêt avec ce sarcophage passionnant qui n'attendait qu'un érudit expert assez sage pour en apprendre les secrets. Il fallait cependant parer au plus urgent avant de songer au plaisir de la découverte :

- Asmodeus est d'avis de décider maintenant des tours de garde et de qui les assumera. Il a lui-même besoin de quelque repos pour renouveler son plein potentiel magique. Ainsi que de provisions s'il y en a assez pour tout le monde.

Il espérait bien ne pas être celui qui devrait s'en priver si tel n'était pas le cas car il savait que sauter un repas et son apport énergétique était plutôt déconseillé dans son cas. Et cela avait en sus le don de le rendre irritable. Un argument à faire valoir si d'aucuns cherchaient à le priver de dîner.

Quête : de flamme et d’os

Bon, la marche avait été longue, un rien ennuyeuse, mais au final les choses se présentaient plutôt bien. Très bien même, à vrai dire. Se retrouver pratiquement à la sortie, dans une salle protégée par deux passages secrets, que demander de plus ? Qu’il fasse jour ? Il ne fallait quand même pas exagérer, surtout que la nuit n’allait pas être des plus difficile à passer. Bon, certes, il y avait ce gros sarcophage avec ses runes. Certes, si quelqu’un le touchait, il risquait fort de finir en cendre. Mais bon, encore une fois, rien d’insurmontable puisqu’il suffisait de s’abstenir. Silmandel déposa au sol son sac et l’ouvrit afin d’en faire l’inventaire.

« On devrait tous avoir de quoi à manger, au moins un peu. Pour l’eau, ce sera plus juste, mais on a que quelques heures à attendre. Comme Asmodeus, j’ai besoin de me reposer pour récupérer ma magie. Je veux bien sûr monter la garde, soit avant, soit après mon repos. »

- Je veux bien commencer un tour de garde, avec un des ex-esclaves. A deux nous serons assurés de ne pas dormir... Si l'un pique du nez, l'autre le réveillera.

Eldurvellir avait ouvert son sac et fait un rapide inventaire.

- En partageant équitablement, il devrait y avoir assez pour tous. Les galettes sont nourrissantes, nous serons suffisamment rassasiés.

Le mage distribua quelques galettes et posa à terre deux gourdes pleines d'un liquide ambré.

- Je vous conseille de garder la boisson, qui a un effet énergisant, pour votre tour de garde dès votre réveil. N'en prenez pas trop, ces boissons doivent nous durer encore demain, au cas où la sortie serait plus difficile que prévu.

Il rangea son sac.

- Un quart d'environ deux heures ? ainsi quatre groupes suffiront amplement.

[Quête : De flamme et d'os]

Plusieurs ex-captifs se portèrent volontaires, mais il apparut rapidement qu'ils étaient encore trop éprouvés pour oser monter la garde sans que quelqu'un de plus expérimenté, et donc l'un de leurs libérateurs, ne veille en leur compagnie. Ainsi, bon gré, mal gré, les quatre groupes finirent par se constituer : le premier comprendrait Eldurvellir, le deuxième Clémentine, le troisième Silmandel et le dernier Asmodeus.
Cet épineux point tranché, l'on se partagea les vivres et la boisson, l'on mangea et l'on but, l'on éteignit les torches hormis une seule puis tous s'installèrent pour la nuit, tous sauf le mage et la femme entre deux âges qui faisait équipe avec lui. Alors, le silence s'installa peu à peu dans la pièce.
Et, bientôt, il ne fut plus qu'un lointain souvenir : des ronflements se firent entendre, certains tonitruants ; des gémissements, aussi, émis par quelques personnes victimes de cauchemars... Un véritable tintamarre, en somme. Pour ceux qui avaient besoin de calme pour s'endormir ou qui souffraient d'un sommeil léger, les heures à venir s'annonçaient très, très pénible.

Et pénibles, elles l'étaient pour l'infortuné Asmodeus. Oui, elles l'étaient ! L'élu divin à la santé déjà fragile ne se sentait pas suffisamment en sécurité, entassé dans une crypte avec un monceau d'inconnus dont il jugeait la plupart incapable de le protéger. Et ce boucan, c'était une horreur inadmissible ! Tout comme cette marotte de lui adjoindre un tour de garde sous prétexte qu'il était plus expérimenté. Il l'était oui, incontestablement, mais en quoi cela justifiait-il qu'il se prive de sommeil et que le groupe diminue - par la même occasion - le potentiel de l'un de ses plus puissants défenseurs. Alors, comme il n'arrivait pas à trouver le sommeil même en se tournant et en se retournant, il se mit à laisser divaguer son esprit et ses pensées l'amenèrent immanquablement vers les catacombes et, de fil en aiguille, vers sa frustration de n'en avoir pas tiré davantage qu'une bande d'inutiles en guenille. Pourquoi donc s'était-il lancé avec des aventuriers ayant manifestement eu que cet objectif en tête depuis le départ ? C'était aussi stupide que l'affaire du démon et de l'orbe à bien y réfléchir. Cela l'amenait à penser qu'il devait urgemment se remettre en question et réfléchir davantage sur le choix de ses compagnons et de ses objectifs pour l'avenir. Melandis ne pouvait pas n'être peuplée que de bons samaritains volant au secours de la veuve et de l'orphelin juste pour le plaisir de faire une bonne action tout de même !

Quête : de flamme et d’os

Des ronflements ? Des gémissements ? La belle affaire ! Silmandel sombra bien vite dans la songerie elfique. Il lui en fallait plus pour l’empêcher de se reposer, lui qui des années durant avait fait équipe avec un nain fort bruyant. Les yeux toujours ouverts, mais dans le vague, assis contre un mur, son visage souriant devint paisible. Le voilà loin de ce lieu, voguant au gré de son imagination libre de s’exprimer. Pour lui, point de cauchemars, mais des rêves. Il était satisfait de cette journée, satisfait de cette bonne action, satisfait de cette aventure peu lucrative mais si amusante. Un démon tout de même... Bien fait pour lui, sa statue était moche ! Et maintenant, elle était même en cendre ! D’ici quatre heures, l’ensorceleur serait en pleine forme.

Bon sang, songea Eldurvellir, c'était pourtant prévisible... La salle dans laquelle nous sommes est construite de manière à faire résonner les sons les plus ténus... Et ces lourds dormeurs ne sont pas discrets...

Il ne put s'empêcher de sourire. D'abord parce que ce cher Asmodeus, petite nature, ne parvenait pas à dormir, ce qui amusait beaucoup le mage ; ensuite parce que ces ronflements inégaux formaient la plus drôle des musiques ! et, cerise sur le gâteau, au milieu de ces épouvantables sonneurs, un Silmandel Songevent - bien nommé - perdu dans ses songes, un léger sourire sur les lèvres.

Tiamandis, le corps bien à l'abri dans l'écharpe d'Eldurvellir, scrutait les endormis. Elle émettait de temps à autre de petits couinements légers, ponctuant ainsi les rythmes désordonnés des ronflements. Ce qui ajoutait encore à l'hilarité silencieuse du mage.

[Quête : De flamme et d'os]

Les heures s'écoulèrent, les guetteurs se succédèrent : Clémentine remplaça Eldurvellir avant d'être elle-même remplacée par Silmandel. En dehors de cela, rien ne changea, à commencer par l'impossibilité pour Asmodeus de trouver le sommeil. A chaque fois que ronflements et gémissements s'apaisaient quelque peu, à chaque fois qu'il pensait enfin pouvoir sombrer, il y avait un bruit pour l'en empêcher, comme un grognement provenant de l'extérieur et poussé par quelque habitant du cimetière... Ainsi, lorsqu'un elfe frais et dispos vint joysueement lui annoncer que c'était son tour de monter la garde, l'élu divin n'avait pu fermer l’œil, pas même un instant.
Commença alors sa veille proprement dite. Et, hasard malheureux, cruelle facétie du destin, c'est pile à ce moment-là que le silence, un silence propice au sommeil, commença à s'installer dans la salle. Même le pire des ronfleurs reposait désormais silencieux et paisible...
Les heures s'écoulèrent. Plus un son.
Jusqu'à ce que...
-Ouah, qu'est-ce que j'ai bien dormi ! s'exclama Alexandre en se redressant.

- Qu'ils soient tous maudits, se répétait Asmodeus en une litanie incessante qui ne l'aidait pas à se détendre. En tous cas pas assez pour pouvoir fermer un œil malgré la grande fatigue qui lui faisait peu à peu perdre le contrôle de ses muscles et de sa volonté également. Quand Silmandel vint le "réveiller" pour lui annoncer, la bouche en cœur, qu'il était censé prendre son tour de garde, l'élu divin eut toutes les peines du monde à lui asséner une réplique bien sentie et à l'envoyer promener. Cependant, il avait une image à conserver aussi consentit-il les efforts nécessaires pour se relever. Il ne ferait certainement pas la vigile la plus fiable de tous les temps mais à quoi bon essayer de dormir dans ces conditions après tout. Ironiquement, c'est en essayant de rester éveillé et de garder les yeux ouverts qu'il se rendit compte à quel point le sommeil était maintenant difficile à repousser. Lui avait-on jeté quelque malédiction ? Ou alors s'agissait-il de quelque complot visant à le ridiculiser ? Non, sans doute que non. A moins que... Le premier qui ferait mine de se réjouir de sa situation allait le payer très cher en tous cas ! Il en était là de ses réflexions quand Alexandre se manifesta, suscitant une grimace du plus mauvais aloi.

- Viens ici, garçon... Il est temps qu'Asmodeus inspecte cette robe un peu plus en détail.

Alexandre se leva, s'étira et, étouffant un bâillement, il rejoignit l'élu divin, se plaçant devant lui afin qu'il puisse observer la robe et les symboles dont son plastron était orné.
-Mince, messire, vous avez l'air crevé, commenta-t-il d'un ton désolé. Vous avez pas dormi assez ? Pourtant, c'est le dernier tour de garde, là, non ? Enfin, c'est sûr que cette pièce, elle est pas très confortable, le sol il est dur et tout. Par contre, c'est super calme ! Même pas un p'tit bruit pour déranger ! Pis on a de la chance que personne ronfle, sinon, ç'aurait pu être horrible !

Un regard pouvait-il tuer ? Ou transformer en pierre comme dans les contes ? Asmodeus regrettait que ce ne soit pas le cas ou que son dieu n'ait pas jugé bon de le doté de ce pouvoir. Dans une telle éventualité, il aurait été libéré de l'impertinent qui entendait se moquer de lui. L'élu divin serra les dent, prit une inspiration, puis une seconde, puis tenta de se concentrer sur les symboles qui lui faisaient face. Il n'y avait pas assez de lumière. Ses yeux le brûlaient comme si un de ces crétins avait jugé amusant de lui verser du sable dessus pendant la nuit.

- Horrible... Pas *un seul* ronfleur, non. Tout est calme. Asmodeus te suggère de garder le silence pour que cela reste le cas. Il lui faut davantage de lumière pour identifier efficacement ta robe. Ou à tout le moins toucher le tissu : cela aide parfois. Veux-tu l'enlever un instant ?

Alexandra hésita un instant pui secoua la tête.
-Heu... Non, je préfère pas, messire. Parce que... heu... fait un peu trop froid, voilà. Mais vous pouvez toucher le tissu si vous voulez. Et puis, il vous suffit de lancer un sort pour que votre bâton il éclaire à nouveau, non ? Ou alors vous êtes trop fatigué ?
Il grimaça.
-Oups, pardon, vous m'avez dit de plus parler... Désolé.

Non mais quelle tête de mule ! Le garçon a presqu'autant de suite dans les idées qu'Asmodeus lui-même ! L'élu divin posa un regard pesant sur le garnement pour trouver ses mots. D'ordinaire, il n'aurait eu aucun mal à le remettre à sa place mais la nuit blanche lui avait été tout sauf profitable.

- Asmodeus n'est pas si fatigué et y réussirait même les yeux bandés mais le sage regarde les étoiles tandis que le singe se contente de regarder le doigt qui les désigne : Asmodeus propose donc d'enchanter ta robe. Rien de définitif, rassure-toi ! Mais cela laissera amplement le temps de l'étudier en détail voire d'en révéler certains secrets cachés. Et cela fera de toi, la source de lumière de tout le groupe ! Tu auras de quoi être fier, petit Alexandre.

Autant le gamin ne sourcilla pas aux premiers mots de l'élu divin, autant le terme de "petit" ne lui fit manifestement guère plaisir, au point qu'il parut prêt à protester. Il s'en abstint, cependant, préférant se concentrer sur la proposition de son interlocuteur.
-Bon, si vous voulez... finit-il par acquiescer. Tant que ça l'abime pas... Pis comme il fera jour quand on sortira d'ici, ça se verra pas trop que la robe elle éclaire.

Asmodeus était bien tenté de convertir son banal sort de lumière en autre chose de bien plus puissant et surtout de plus douloureux mais ça n'aurait pas été là une attitude très responsable ni très constructive. Déjà il serait intéressant d'observer comment l'énergie de son dieu allait agit au contact du tissu enchanté. Peut-être le tissu était-il spécifiquement enchanté dans le but d'absorber une partie de l'énergie. En tous cas ce sort anodin constituerait un excellent test. Les règles de l'art stipulait que l'objet à enchanter n'était pas censé être porté pour des raisons évidentes de prudence mais puisque Alexandre avait manifesté mainte fois son refus de le retirer, c'était là une petite vengeance justifiée. Mesquine mais justifiée.

- Ferme les yeux, ça pourrait t'éblouir après tout ce temps passé dans l'obscurité.

Après lui avoir laissé un instant pour obtempérer, l'élu divin enchaîna avec l'oraison qu'il avait annoncée :

Asmodeus -> Lumière -> Robe magique

L'incantation se déroula sans anicroche, et le sortilège jaillit des doigts de l'élu divin pour aller frapper la robe. Mais c'est à ce moment-là que quelque chose clocha : loin d'être illuminé, loin d'absorber l'énergie magique, lobjet la rejeta et la renvoya à son expéditeur avec une certaine violence, puisqu'Amodeus fut secoué par ce qui ressemblait à une décharge électrique sans gravité mais malgré tout désagréable.
-Ben, elle est où, la lumière ? demanda le gamin, candide.

Plusieurs réponses - certaines trop grossières pour être seulement évoquées ici - fusèrent dans l'esprit d'Asmodeus dont la patience avait été déjà soumise à rude épreuve. Cependant, comme il avait toujours mis un point d'honneur à offrir au monde une image distinguée, il s'abstint de prononcer une théorie choquante ayant attrait à l'emplacement de la dite lumière à un endroit où elle ne s'était jamais glissée. Non, au lieu de cette réponse barbare, il analysa froidement son échec et le fit apparaître, grâce à la magie des mots, comme une réussite flamboyante, preuve de son intelligence supérieure :

- C'est exactement ce qu'Asmodeus avait anticipé : ta robe possède un enchantement qui renvoie les sorts qu'on lui lance en direction de son lanceur. La lumière ne présentait aucun risque et c'est pourquoi le choix d'Asmodeus s'est porté sur ce sort simple. Mais imagine un peu si un mage malavisé décidait de te cibler d'un rayon ardent ou de tout autre sort offensif ! Il en serait pour ses frais. Il faudra procéder à un autre examen évidemment mais plus tard. Asmodeus doit maintenant se préoccuper de son tour de garde.

-Mais si ça vous avait renvoyé le sort, vous devriez pas faire de la lumière, vous ? s'étonna le garçon après avoir examiné un instant l'élu divin, en quête de quelques lueurs magiques sur sa personne. Mais d'accord, je vous laisse monter la garde tranquillement. Bon courage ! Promis, je vous réveille si vous vous endormiez !
Et il s'éloigna. Autour d'eux, le silence restait profond, même si l'on devinait, à certaines respirations, à certains mouvements, que l'heure du réveil n'allait pas tarder.

HRP : Manfred, Féérune, vous pouvez intervenir !

L'élu divin fit à nouveau les gros yeux : ce gosse semblait décidément penser pouvoir avoir un avis pertinent sur tout. Asmodeus lui aurait bien répliqué qu'en matière de magie, rien n'était jamais aussi simple et rarement accessible au profane. Mais cela aurait immanquablement amené d'autres questions. Et comme le gamin semblait enfin décider à faire vœu de silence, il n'allait certainement pas l'en dissuader. Il reprit donc sa garde silencieuse, luttant ironiquement pour repousser le sommeil qui l'avait tant fui jusque-là. Ne restait qu'à espérer qu'ils puissent quitter le cimetière au petit matin et qu'il retrouve sa chambre douillette loin de toutes ces questions infantiles et de ces pouilleux aussi discrets qu'intéressants.

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