La Couronne de Cuivre

La favorite sembla satisfaite. Elle s’en retourna vers les autres. La nuit continuait de tomber. Les ombrs devenaient maîtresses et le château, au loin, se muait en forme vague. Le signal du rassemblement fut donné au moment où la lune commençait à poindre à l’horizon. Un gros croissant de lune tranquille, indifférent à ce qui s’annonçait. Les jeunes restaient en arrière, avec quelques adultes pour les surveiller. Le reste entama l’ascension de la colline que dominait la place forte. Les flancs étant boisés, il n’y avait pas trop à craindre d’être découvert. Néanmoins, personne ne parlait et le silence était lourd, pesant.

Louve sentait le poids du silence peser sur ses épaules. Elle aussi tentait d'être aussi discrète que les autres. Elle observait les gens, ses éventuels alliés. Et le loup blanc, où était-il ? Elle espéra qu'il ne passerait pas trop près.

Elle n'avait pas envie de se laisser distraire de sa mission principale : éliminer le chef des Lames d'Argent avec les autres. Elle n'aimait pas les intrigues de basse-cour.

Le vieux château se dressa bientôt de toute la hauteur de ses murailles. Il pouvait paraître impressionnant mais quand on y regardait de plus près, il était aisé de constater que la place forte avait souffert de la guerre contre Melandis. Des fissures, des éboulis, des débris... On s’était battu ici. Le château, qui ne semblait de surcroît pas très entretenu, ressemblait d’avantage à une ruine. Franchir ses murs n’allait pas être difficile.

Louve se trouvait maintenant à proximité des murs en question, en compagnie de la favorite et de plusieurs autres loups-garous. Non loin se tenait Looup Blanc, le Prince et Boniface. Ce dernier faisait son rapport. Il coordonnait les rats. Ceux-ci n’avaient pas leur égal en tant qu’espions et assassins.
« Il y a des sentinelles du côté de la grande porte. Le mieux, ce serait de grimper directement ici, de gagner le chemin de ronde, puis les bâtiments intérieurs. On pourrait ainsi surprendre la réunion, dit Boniface.
- Vous êtes certains qu’ils ont commencés ? demanda le Prince.
- Certain, assura Loup Blanc. Mais il faut nous hâter. Ce ne sont pas des gens à faire de longues palabres.
- Boniface, toi et les autres rats, ouvrez la voie. On suivra. J’étripe le premier qui se fait repérer ! » ordonna le Prince.
Boniface acquiesça et disparût dans l’ombre. L’attente débuta. Louve entendit la Favorite commencer à aiguiser une lame. Une curieuse lueur brillait dans ses grands yeux de biche.

Louve resta à coté de la favorite, méfiante. Elle ne bougea pas ni ne parla. Les muscles tendus, en alerte, attentive au moindre son. Elle espérait cependant que la favorite serait détournée de son but dans le feu de l'action. Elle continuait de se méfier d'elle en dépit de sa proximité. Cependant, elle tenta de ne pas se laisser distraire par cette pensée. Elle avait besoin de toutes ses ressources pour l'assaut.

Quelque part, elle était impatiente et pressée d'en découdre.

Non loin de Louve se trouvait Loup Blanc. L’aristocrate maussade semblait particulièrement anxieux. Plusieurs garous profitèrent de cet instant d’attente pour changer de forme. Les apparences hybrides semblaient les plus adaptées pour la situation. La Favorite fit ce choix. Elle paraissait par ailleurs partager la même impatience que Louve. D’autres garous, donte le Prince, demeurèrent sous forme humaine.

Après une éternité vint le signal des rats-garous. Le chemin de ronde était libre. La voie était ouverte vers l’intérieur du vieux château. Alors débuta l’escalade facile des remparts fatigués. Passés les créneaux, Louve découvrit le cadavre d’une Lame d’Argent proprement assassiné. Boniface, à demi dissimulé dans l’ombre, désigna les escaliers menant à la cour. Puis ce fut une fenêtre qu’empruntèrent les lycanthropes. La Favorite suivait Loup Blanc. Et Louve, pour l’instant, suivant la Favorite. Tous trois restèrent donc ensemble, en compagnie d’autres loups. Le Prince donnait ses ordres et les faisaient transmettre par les rats maintenant que la discrétion était de rigueur. Il fallait se déployer pour couper toute retraite à l’ennemi avant de frapper.

Louve avait adoptée sa forme hybride. Avec la pratique, elle s'était rendue compte que c'était la plus adaptée au combat. C'était aussi sous cette forme qu'elle effrayait le plus. Toujours concentrée, elle suivit donc la Favorite et Loup blanc. Pour le moment, elle se contentait de suivre les ordres du Prince en espérant que l'occasion de tuer le rival ne viendrait pas. Aussi s'arrangea t elle pour demeurer à proximité mais assez loin pour ne pas avoir à porter le premier coup.

Ainsi, elle espérait que son comportement n'aurait pas l'air suspect mais guidé par le feu de l'action.

Le château était sombre et humide, une authentique bâtisse à l’abandon. Il suintait des murs une atmosphère lourde. Le calme avant la tempête ? Quoi qu’il en soit, Louve, habituée aux grands espaces, eut la désagréable impression que la pierre froide souhaitait se refermer sur elle. Le groupe de lycanthrope auquel elle appartenait progressait en silence sans rencontrer de résistance. Les pieds chaussés des uns, griffus des autres émettaient de petits bruits discrets ne couvrant pas les respirations.
« C’est là... chuchota une voix nasillarde et grinçante, celle d’un rat-garou. C’est là que vous devez rester. Faut butter tout ce qui remonte l’escalier. »
De fait, ils se trouvaient maintenant au sommet d’un large escalier qui s’enfonçait dans l’ombre. La Favorite, visiblement mécontente, se tourna vers le rat.
« Où est la salle de la réunion ?
- Plus bas, plus loin de c’que j’en sais.
- Pourquoi on nous met là, si loin ? J’espère qu’on ne compte pas nous écarter du bain de sang.
- Ce sont les ordres du Prince. »
Sur ce, le rat s’éclipsa, laissant la Favorite furieuse.

Alors ... la Favorite ne l'était peut-être plus vraiment. Louve avait-elle parié sur la mauvaise personne ? Il était difficile de le savoir. C'était cependant une raison de plus pour éviter de la suivre dans son projet meurtrier. Elle se posta donc dans les escaliers comme on lui avait demandé.

Bien sûr, au fond, elle partageait la fureur de son alliée et rivale mais contrairement à elle, elle était en probation et pas encore sur le déclin. Du moins l'espérait-elle. Il fallait qu'on la remarque et pour les bonnes raisons. Aussi resta-t-elle concentrée et attentive pour surprendre ceux qui auraient la mauvaise idée de gravir les marches.

La rage de la Favorite, certes virulente, fut un feu de paille. Déjà elle se calmait. Elle jeta un dernier regard assassin par où le rat-garou avait disparût avant de s’adosser contre un mur et de croiser les bras. Elle soupira mais ne dit mot. Loup Blanc resta tout aussi silencieux, nourrissant cette même anxiété qu’avait constatée Louve avant de pénétrer la bâtisse délabrée. Le temps recommença à s’écouler, terriblement lent et pesant.

Puis il y eut un bruit, une rumeur.
« Ça commence... » déclara, non sans un ricanement, un des loups-garous que Louve ne connaissait pas.
La rumeur enfla. Des voix, des cris étouffés par la pierre, des sons sourds impossible à vraiment distinguer, mais oui, nul doute sur ce point, ça avait commencé...

Louve observa la Favorite et le Loup Blanc durant quelques secondes. Pas plus. Pour le moment, les deux rivaux étaient au coude à coude. Puis elle se concentra de nouveau, aux aguets, les muscles tendus.

Quand les bruits de combats se firent entendre, elle fut traversée par une sorte d'euphorie qui se calma très vite pour laisser place à l'observation des événements. Attentive aux moindres cris, aux moindres pas. Il pouvait se passer n'importe quoi, elle était prête.

La rumeur, de seconde en seconde, se répandait dans le château, s’approchait, se précisait. Bientôt, il fut possible de distinguer quelques voix, quelques répliques criées dans la bataille.
« Crever tous !
- Lames d’Argent, avec moi ! Pas de quartier !
- Pour la Lune Noire !
- Formation serrée ! »
Puis ce furent au tour des bruits de commencer à être identifiable. Louve reconnut à peu près avec certitude le son de griffes lacérant l’acier, de lames pénétrants la chair, de corde d’arc ou d’arbalète vibrer, de projectiles siffler, de hurlements d’agonies... On mourait, et dans les deux camps.
« Les Lames d’Argent ont pu réagir, murmura Loup Blanc.
- Tu as peur ? lui demanda sournoisement la Favorite.
- ...
- Bon, écoutez vous tous, reprit la Favorite en s’adressant au groupe. On va s’avancer. Un petit coup de main ne sera pas de trop. On sert à rien ici. »
Elle joignit le geste à la parole et commença à descendre l’escalier. Loup Blanc resta sur place. Les autres bougèrent. On se battait pas bien loin. Peut-être juste en bas...

Les Lames d'Argent avaient pu réagir ... Peut-être les avait-on prévenus. Et Loup Blanc avait l'air nerveux. Louve ignorait si ses soupçons étaient fondés ... Mais l'heure n'était pas aux ratiocinations mais au combat. Elle s'engagea dans l'escalier aux cotés de la Favorite tout en gardant un oeil sur le comportement du rival.

S'il avait des accointances avec leurs ennemis, cela transparaîtrait.

Il fut difficile de surveiller Loup Blanc puisqu’il resta en arrière, ne voulant pas bouger. Louve franchit, à la suite de la Favorite, les dernières marches de l’escalier. La rumeur du combat se fit vacarme. On se battait juste derrière un angle du couloir. De cet angle émergea un rat-garou blessé. Il avait un carreau d’arbalète planté dans l’épaule. Il semblait vouloir fuir mais se ravisa à la vue des renforts. Louve passa l’angle en compagnie des loups-garous. Elle vit un sanglier-garou, blessé lui-aussi, affronter un groupe de soldats, cinq ou six au moins. La Favorite stoppa net et saisit Louve par le poignet.
« Attends ! Ce ne sont pas des Lames d’Argent ! Ce sont des soldats Manostiens ! Des soldats avec des armes en argent, il y a un problème ! »
Et d’après la blessure du rat, même les carreaux avaient des pointes en argent. Avec un tel armement, les soldats devenaient réellement dangereux.

"On a été trahies, je le savais ! Loup-Blanc ..."

Son esprit aiguisé lui renvoya l'image d'un colosse de l'armée manostienne. Elle se rappelait sans mal de son nom qui résonnait en elle comme un chant de haine : Gaspard Hurlegloire. Etait-il possible qu'il se trouve là ? Elle sentit la colère affluer et manqua se jeter dans la mêlée. Mais le pragmatisme l'emporta de justesse. Les soldats étaient en surnombre. Ils étaient venus ici pour les éradiquer et leur avaient tendu un piège.

"C'est pas bon. Vraiment pas bon." souffla-t-elle.

Fallait-il se jeter dans la mêlée ou battre en retraite ? Elle observa un bref instant autour d'elle afin d'avoir un aperçu de la situation.

La fureur du sanglier-garou accaparait plusieurs des soldats. Ceux-ci n’avaient rien de guerriers redoutables. Ils savaient se battre, sans plus. L’un d’eux tomba sous les coups du lycanthrope enragé. Le rat-garou repartit à l’offensive. Les loups-garous en compagnie de Louve se jetèrent à l’assaut. Il semblait possible de gagner cette petite bataille. Mais qu’en était-il du reste ? Le château entier paraissait trembler sous le tumulte des combats. La Favorite n’hésita pas longtemps.
« Faut se tirer ! Suis-moi si tu veux vivre ! » dit-elle à Louve avant de tourner les talons et de remonter l’escalier.

Louve hésita quelques secondes avant de se jeter à son tour dans la mêlée. Que la Favorite batte en retraite, elle se distinguerait en portant secours au sanglier. Une petite bataille pour s'illustrer. Ensuite, rester serait suicidaire. Elle se jeta donc sur l'un des gardes qui combattait le loup. Avec un peu de chance, accaparé par sa bataille comme il était elle aurait l'avantage de la surprise.

Elle prit cependant grand soin de ne pas se découvrir pour ne pas s'exposer à la vue des archers ni des soldats alentours.

Difficile de ne pas s’exposer en plongeant dans la mêlée. Certes Louve avait peu de chance de prendre un carreau d’arbalète, les tireurs ne pouvant risquer de toucher leurs propres camp, mais il était toujours possible de subir un coup d’épée. Quoi qu’il en soit, deux soldats de plus tombèrent. Le sanglier-garou également rendit l’âme. Les Manostiens se replièrent dans le couloir. Des bruits de bottes s’approchaient. D’autres soldats, d’autres menaces. La Favorite avait disparût dans l’escalier. Les garous en compagnie de Louve poursuivirent l’offensive. Au loin, dans les tréfonds du château, il semblait que ce soit l’Enfer. Louve était encore indemne et pleine d’énergie Fallait-il rester ou fuir ?

Peut-être pouvait-elle apporter un peu plus de renfort histoire de se distinguer un peu plus. La Favorite avait fui ... Quelque part, c'était mieux. Elle s'avança à la suite des autres dans le couloir. Mais en même temps, elle resta prudente : il ne serait pas de bon ton de recevoir un carreau d'arbalète en pleine course.

Voir d'abord, agir ensuite. Telle fut la stratégie qu'elle adopta. Elle se fichait un peu des honneurs posthumes.

Un nouveau groupe de soldats jaillit d’un carrefour, renforcé par les soldats qui s’étaient repliés juste avant. Cela faisait au total une dizaine d’ennemis prêt à en découdre, tous des Manostiens de ce que pouvait en juger Louve. Ses compagnons de meute se ruèrent au combat. La rage dictait leur geste. Des carreaux sifflèrent, un loup tomba. Puis la danse mortelle reprit avec ses cris, ses fracas. L’aide de Louve ne serait pas de trop pour triompher de cette opposition conséquente. Seulement, quelque chose l’alarma. Elle entendait désormais des combats même derrière elle, à l’étage d’au-dessus. Ses solutions de repli étaient en train de disparaître. Elle eut d’avantage l’impression d’être prise au piège, entre des murs oppressants, étouffants. La roche était si froide...

La roche était froide tout comme le courant glacé qui parcourut sa nuque lorsqu'elle s'aperçut que si elle continuait d'avancer, elle ne pourrait plus fuir. Elle se fichait totalement des distinctions posthumes. Perdre sa peau de loup pour les honneurs n'était vraiment pas un bon compromis. Il fallait qu'elle rebrousse chemin. Tant mieux si elle tuait quelques soldats dans sa fuite. Elle ne s'attarderait pas.

Aussi regarda-t-elle autour d'elle afin de repérer le plus sur passage.

Le plus sûr passage, c’était sans conteste l’escalier pour l’heure toujours dégagé. Il permit à Louve de remonter d’un étage, quittant les caves qui prenaient des airs de caveaux. Mais elle n’était pas sortie d’affaire pour autant. En bas, le reste de son groupe poursuivait le combat ce qui l’arrangeait, retenant les soldats. À son niveau, elle percevait plusieurs affrontements plus ou moins distants. Il était difficile de les localiser précisément, le dédale du château déformait les sons et multipliait les échos trompeurs. Une chose était certaine, le piège était en train de se refermer. Le temps jouait probablement contre la lycanthrope.

Cette dernière aperçut une ombre fuyante et crut reconnaître un rat-garou, peut-être celui qu’elle avait vu blessé et qui avait dû également décider de fuir. Il était déjà trop tard pour le suivre. Louve pouvait tenter de quitter la bâtisse par le chemin qu’elle avait emprunté lors de l’allée, un chemin qu’elle avait à peu près mémorisé. Sinon, elle pouvait essayer de trouver une autre voie, ce qui était forcément plus hasardeux. Dans tous les cas, elle ignorait comment éviter à coup sûr les ennuis.

Dans la fuite, mieux valait aller au plus simple. Aussi essaya-t-elle de passer par le chemin qu'elle connaissait. D'accord, ce n'était pas très glorieux mais c'était plus sage. Si elle s'en sortait, elle irait demander des explications au Loup Blanc si la Favorite n'était pas passée avant elle. Peut-être la réponse était-elle dans le registre qu'il s'était empressé de refermer ... Encore faudrait-il quelqu'un pour décrypter l'écriture.

Mais rien ne serait possible si elle ne sortait pas de cet enfer. Elle pressa le pas, regardant autour d'elle et espérant ne pas voir tous ses chemins pris.

Hélas, il semblait que pour sortir de ce maudit château, il faille passer sur les corps des Manostiens. Il devait être aisé de condamner les accès de cette place forte. Cela dit, Louve parvint pratiquement à gagner la cour intérieur sans avoir à se battre. Là voilà dans un couloir. Elle vit des corps au sol, ceux de soldats, ceux aussi de garous redevenus humains après leurs décès. Et plus loin, juste après un virage, on se battait férocement. Louve ne tarda pas à reconnaître la voix de la Favorite. Bientôt, elle la vit, contrainte de reculer, de retourner dans le couloir. Même dans la pénombre, il fut facile de voir qu’elle saignait. Elle tourna la tête, prête à fuir, et croisa le regard de la rousse. Ses grands yeux de biche brûlait d’une rage impuissante. Puis vint la hache en argent qui, d’un coup puissant, la décapita. Sa tête roula dans le couloir. Ses grands yeux de biche se voilèrent à tout jamais. Son corps s’effondra, puis redevint celui d’une jeune femme nue, un corps si frêle en apparence, si fragile. Un bruit de botte détourna Louve de ce spectacle. Celui qui tenait la hache entrait à son tour dans le couloir. Il était grand, très grand, incroyablement massif. Vêtu d’acier, son casque portait comme des traces de griffes, des griffures que Louve reconnues, puisque c’était les siennes. Elle reconnue tout autant le regard froid qui dardait par la visière du casque.
« Ha, la rousse... je n’osais y croire, grogna Gaspard Hurlegloire. On a quelque chose à terminer. Viens mourir ! »

La bonne nouvelle était qu'elle n'aurait plus à s'inquiéter de la favorite. La mauvaise était qu'elle avait retrouvé Hurlegloire. Bien sûr, elle aurait pu en être contente mais vêtu entièrement d'acier, muni d'une hache - sûrement d'argent, sûrement aidé par quelques sorts, il faisait un adversaire assez redoutable.

Aussi regarda-t-elle rapidement autour d'elle afin d'envisager une éventuelle retraite ou au mieux un moyen de faire basculer la situation à son avantage. Déjà, avait-elle quelques alliés à proximité ?

Louve était hélas sans soutien. Les seules lycanthropes qu’elle pouvait voir étaient morts, à l’instar de la Favorite. Derrière elle, le couloir était dégagé et de ce qu’elle pouvait en déduire d’après les bruits, il lui était encore possible de se replier. Gaspard avança sur elle d’un pas implacable, sans toutefois charger. Sa hache d’armes, qui ne pouvait être qu’en argent, gouttait de sang, du sang de garou. Derrière lui se profilèrent plusieurs soldats. Le colosse n’était donc pas isolé. Il semblait même y avoir un magicien de guerre. Les Manostiens étaient vraiment venu en force.

Même si tuer Hurlegloire était tentant, il ne faisait pas bon s'attarder dans le secteur. Elle tourna les talons pour s'engager dans l'autre couloir. La fuite n'avait rien de glorieux mais la mort était pire.

Quelque chose lui disait que le destin remettrait tôt ou tard le soldat manostien sur sa route.

Louve entendait derrière elle les pas des soldats. Les manostiens n’accéléraient pas. Gaspard donna au contraire l’ordre d’avancer avec méthode. Il y avait à priori un plan bien établi, un plan qui malheureusement semblait fonctionner. Les pertes de la meute devaient déjà être lourdes. La lycanthrope prit ses distances. Elle ne tarda pas à entendre devant elle de nouveaux combats. Dans le lointain, un loup hurla. Sur la droite, cela semblait plutôt calme mais elle ignorait où cela menait. Elle voyait juste un escalier usé par les ans qui montait à l’étage.

Hrp : Sainte Flatula, priez pour moi

L'escalier était donc pour le moment sa meilleure issue ... Du moins pour le moment. Monter ne l'arrangeait guère mais si elle avait de la chance, elle trouverait peut-être un autre escalier. Il fallait de toute façon qu'elle prenne de l'avance sur ses poursuivants.

Aussi grimpa-t-elle les marches le plus vite qu'elle le put. En même temps, elle restait vigilante afin de surprendre des bruits trahissant une éventuelle présence indésirable une fois qu'elle serait arrivée en haut.

Une fois à l’étage, Louve constata que la bâtisse laissait apparaître plus nettement son état de délabrement. Même si les parages semblaient praticables, il y avait fort à parier qu’il en allait autrement pour de larges parties du château. La lycanthrope progressa dans l’obscurité, poussée par les bruits de bottes, en bas, des soldats Manostiens. À son étage, un silence relatif régnait. En raison des échos, il était difficile de jurer qu’il n’y avait personne toutefois. Au bout du couloir apparût la laiteuse lumière de la lune se reflétant sur les pierres humides. Cette voie menait dehors, sur un des chemins de garde. La liberté était proche. Un détail empêcha pourtant Louve de foncer en avant sur l’instant. Elle devina dans la pénombre nocturne un corps criblé de carreaux d’arbalète. La dépouille, allongée au sol, ne portait pas de vêtement, c’était celle d’un garou.

Un garou étendu ... Si elle ne l'avait pas vu, Louve se serait précipitée et aurait sûrement rejoint son allié dans la mort. Elle était donc prévenue. Elle se baissa autant qu'elle le pouvait de façon à être dissimulée par le mur d'enceinte et avança le plus discrètement qu'elle le pouvait. Un petit pas après l'autre.

Elle était attentive au moindre bruit, prête à bondir sur un éventuel inopportun qui croiserait sa route. Si possible avant qu'il n'ait eu le temps de dégainer ou d'encocher son carreau ... En passant, elle jeta un œil au garou qui lui avait sauvé la vie ou qui lui avait permis de la prolonger un peu. Peut-être le reconnaîtrait-elle.

La Couronne de Cuivre

[Quête] La Lune Noire