La Couronne de Cuivre

Kasumi lui répondit tout en lui caressant doucement les cheveux :

- Je sais que tu es autonome et courageuse : tu l'as toujours été. Et pour le bosquet... Je ne connais pas sa localisation exacte mais Hortense m'a indiqué d'où partir pour le trouver en suivant un ruisseau. Avec un peu de chance, je l'aurai trouvé dans un jour ou deux. La suite dépendra de ce que j'y trouverai mais je serai prudent : tu as ma parole.

" Oh, c'est vraiment une bonne nouvelle ! s'exclama Sylvia. Mais vu les circonstances... Je crois que tu as intérêt à éviter de croiser les villageois. Peut-être qu'il faut faire en sorte que tu partes avant le lever du jour, pour que personne ne te voie et puisse se mettre en travers de ta route. Et quand tu reviendras... évite de croiser quiconque. Peut-être qu'il faut attendre la nuit, là aussi. Ou peut-être que je me fais trop de souci pour rien... Tu comptes partir deux jours d'affilée, si tu ne trouves rien demain ?"

Le demi-elfe esquissa un calme sourire avant de répondre d'un ton indécis :

- Si je dois passer deux jours en forêt, je rentrerai au moins passer la nuit ici pour te tenir au courant. quant à partir demain avant l'aube, je ne sais pas si ce serait une très bonne idée : ça donnerait l'impression que j'agis en catimini, non ? Et puis si les villageois ne me voient pas ici ou à la cabane, ils devineront que Bertrand n'est pas parvenu à me dissuader.

Il marqua une pause, réfléchit un instant, puis ajouta d'un ton un peu plus assuré :

- Mais éviter une possible confrontation est la bonne attitude je pense. Je partirai donc tôt demain.

Sylvia sourit.
" Il peut y avoir des tas de raison t'obligeant à partir tôt, sans que ce soit une volonté de te cacher : il suffit de prétendre que ta destination est lointaine ou qu'il te faut du temps. Et je pense qu'il est mieux d'éviter les rencontres... Je ne crois pas qu'ils en soient déjà à te guetter pour t'empêcher de partir mais on ne sait jamais !"
Étouffant un bâillement, elle ajouta.
" Mais si tu comptes te lever de bonne heure, je crois qu'il vaut mieux dormir... Enfin, sauf si tu as d'autres choses dont tu voulais me parler ?"

Il n'avait pas vraiment d'autre sujet à aborder aussi entreprit-il de se déshabiller pour se mettre au lit mais il restait tout de même dubitatif :

- Je pensais laisser Ombrage ici : il ne ferait que me ralentir en forêt. Et l'emmener pour le laisser près de la cabane ne serait pas plus discret... Je dois dire que cette histoire me tracasse : je ne m'attendais pas à recevoir d'aide de la part des villageois mais pas devoir me cacher non plus. Heureusement que Martha et Bertrand sont beaucoup plus ouverts.

" Ils sont très remontés, parce qu'ils ont peur. Ils ont peur que notre action oit un soutien aux bêtes sauvages et que ça leur cause du tort. Ce n'est pas évident à leur expliquer. Et je me dis que le meilleur moyen de leur prouver que notre action est une bonne chose, cest de réussir : ils se rendront compte que ça n'aggrave pas les choses, au contraire. Ou alors, il faudrait parvenir à mettre fin aux attaques des bêtes sauvages, pour qu'ils comprennent qu'on est de leur côté. Mais je ne vois pas du tout comment faire. Je ne sais pas si trouver le bosquet suffira..."

Il répondit tout en prenant place sous les couvertures et en invitant Sylvia à le rejoindre :

- Je ne sais pas si ça suffira mais j'ai du mal à penser que les deux phénomènes ne soient pas liés : les attaques et la corruption du bosquet. Peut-être les animaux sont-ils perturbés ou même changés par le bosquet d'aujourd'hui. Mais si ce n'est pas aussi simple, il se pourrait qu'il y ait des adeptes de Malar ou d'autres cultes abjects qui soient à l'origine des deux problèmes. Et alors, ce sont eux que je devrai traquer. C'est pour ça que je m'inquiète un peu pour toi...

Il ne voulait pas pousser plus loin ses inquiétudes, comme à suggérer que des adeptes puissent se cacher parmi les Peyregourdins. Ceux-là même qui auraient beau jeu d'attiser les peurs.

" Tu penses au cercle de pierres de l'autre jour, c'est ça ? Il faudra sûrement retourner voir d'un peu plus près. Mais je pense moi aussi que la priorité est le bosquet. Il me semble... je ne sais pas... que ça devrait renforcer les forces du bien et affaiblir celles du mal. C'est un peu vague, dit ainsi, mais je suis sûre que tu me comprends. J'ai la sensation que la puissance du bosquet peut nous aider à ramener la paix... même si je ne sais pas comment il peut nous aider contre les malarites ou autres..."
Sylvia soupira.
" Quoiqu'il en soit, ne te fais pas de souci pour moi. Pour les gens d'ici, je suis juste ta femme, qui attend un bébé, ils ne considèrent pas que je représente un danger. Enfin, il me semble... Et puis, je reste enfermée ici, je ne risque rien..."

Restait que leurs ennemis ou même des villageois terrorisés pouvaient chercher à l'atteindre lui en se prenant à elle. Mais il préférait là encore ne pas donner trop de corps à ses inquiétudes : Sylvia était vigilante et pas du genre à se faire surprendre et elle avait besoin de quiétude pour surmonter l'épreuve frustrante qu'elle traversait. Alors Kasumi se contenta de l'embrasser sur le front puis de lui souhaiter la bonne nuit sans plus d'arrières pensées. Il avait l'intention de se lever avant l'aube le lendemain, alors il fallait que lui aussi parvienne à mettre ses doutes et ses peurs de côté.

Le sommeil ne tarda pas à venir l'emporter : mine de rien, il avait eu une journée chargée et la fatigue se faisait sentir. Sylvia s'endormit toutefois avant lui, et c'est bercé par le son de sa respiration qu'il sombra à son tour.

Il se réveilla en entendant les premiers chants d'oiseaux, annonçant gaiement l'approche de l'aube. Il faisait encore sombre, même si une ligne plus claire se devinait à l'horizon est. Sylvia, bien sûr, dormait encore.

Kasumi sourit en ouvrant les yeux : la journée promettait d’être chargée et tendue mais se réveiller aux côtés de Sylvia avait le don d’effacer ses tracas. Il la regarda dormir – juste une minute et par simple plaisir – avant de se glisser silencieusement hors de leur lit pour s’habiller. Il avait l’intention de partir assez rapidement et la rôdeuse avait besoin de sommeil aussi ne comptait-il pas la réveiller. Et pour adoucir son éveil, il déposa un petit cadeau, bien en évidence, sur le meuble situé de son côté : il s’agissait du petit médaillon le représentant que la rôdeuse lui avait demandé il y avait des veilles de cela et qu’il avait enfin pu achever la veille pendant qu’Hortense renouait son lien avec la forêt. Si cela ne remplacerait pas sa présence au réveil de Sylvia, au moins cela la ferait-elle sourire…

Il la regarda encore un instant avant de quitter la pièce et de refermer doucement la porte : sans doute que Martha serait elle aussi déjà levée, conformément à son habitude.

Il était plus tôt que d'habitude, et Martha n'était pas encore levée. Elle avait laissé en évidence sur la table le pain, le miel et une théière prête à chauffer, mais Kasumi dut rallumer le foyer éteint. Elle surgit alors qu'il terminait de souffler sur les braises.
" Vous êtes matinal... je m'y attendais. Je vais vous sortir du beurre, du fromage et du jambon. Vous prendrez ce que vous voulez... et vous emmenez le reste pour le casse-croûte. J'en ai pour deux minutes et vous pourrez filer. Et ne vous en faites pas, je veille sur votre belle !"
Le village autour était encore parfaitement silencieux : à l'exception du boulanger, les plus matinaux devaient tout juste se lever, eux aussi.

Kasumi remercia Martha pour avoir compris et anticipé ses intentions. Il prit néanmoins le temps de boire une tasse de thé avant de se confectionner un en-cas qu'il mangerait sur le chemin de la forêt. Sans élever la voix de peur de réveiller Sylvia qui avait bien besoin de dormir, il fit part de ses intentions à leur hôtesse : passer la journée en forêt pour rechercher une source dont avait parlé Hortense puis revenir en fin de soirée, après le retour des bûcherons.

Martha lui conseilla d'attendre la nuit pour revenir discrètement : mieux valait éviter de se trouver sur la route d'un peyregourdin en colère. Elle ne fut pas longue à lui préparer un petit en-cas, et il put partir aussitôt après. Sylvia ne s'était pas réveillée, il devinait sa respiration régulière dans la pièce voisine. Elle serait peut-être déçue de ne pas l'avoir saluée mais il pouvait espérer que son petit présent compense sa frustration.

Le soleil n'était pas encore levé lorsqu'il quitta le village, sans croiser âme qui vive. Il aperçut juste une femme tirant de l'eau qui, mal réveillée, ne lui prêta aucune attention. Quelqu'un s'activait auprès du four à pain communal, mais c'était à l'autre bout du village : la maison de Martha était par chance peu éloignée de la porte sud.
Il entendit un coq chanter dans son dos et devina que le village se réveillerait sous peu, mais pour l'heure, il avait toute la tranquillité dont il avait besoin.

Sans vouloir nullement donner l'impression de se cacher et d'agir en catimini, le demi-elfe s'éloigna d'un bon pas après avoir quitté le village. Il avait l'intention de s'en tenir aux indications fournies par Hortense en commençant par chercher la source qui devait se trouver au nord des zones qu'il avait déjà explorées. Il pourrait en effet estimer avoir très bien avancé dans sa recherche de l'emplacement de l'ancien bosquet lorsqu'il aurait repéré son objectif.

Le plus simple pour atteindre la zone en question était de partir de la sente des bûcherons. Celle-ci s'enfonçait au coeur de la forêt, plus ou moins vers l'est, et se poursuivait par un sentier de plus en plus étroit. L'éminence se trouvait à près de trois heures de marche, sur sa droite, et, d'après les explications d'Hortense, le bosquet devait se trouver sur sa gauche. Quelque part...
La forêt s'éveillait sous les premiers rayons du soleil et la végétation était humide de rosée. Il n'y avait nulle âme qui vive, mais c'était l'heure où les bêtes s'éveillaient, et les chants d'oiseaux emplissaient l'atmosphère. La journée s'annonçait chaude et ensoleillée.
En longeant les secteurs exploités par les bûcherons, il découvrit des traces de loups, des traces d'hommes en fuite, et découvrit l'endroit où avait eu lieu l'attaque et où certains avaient été blessés, sur l'une des parcelles les plus éloignées du village. Il jugea qu'il devait y avoir quatre ou cinq loups incriminés. Ils semblaient avoir pris la fuite vers les profondeurs des bois, à peu près dans la direction qu'il suivait lui-même.

Ces constatations ne le surprirent pas vraiment mais il redoubla de prudence dès qu'il eut croisé les signes de l'attaque. Et, autant pour se rassurer que par simple plaisir, il essaya de déterminer où se situait Première Neige. L'avoir à ses côtés serait indéniablement un atout pour la suite d'autant qu'il se sentirait ainsi bien moins seul. S'il la sentait à proximité, il ralentirait le pas pour lui laisser le temps de le rejoindre sinon il poursuivrait, les sens aux aguets pour ne pas risquer d'être surpris par une attaque. Face à cinq loups, il devrait pouvoir avoir le dessus à moins que ces derniers n'attaquent les premiers ou ne l'encerclent.

Il devina la présence de sa louve, pas très éloignée, quelque part vers le sud-ouest. Il l'avait laissée rejoindre les bois à Respelm, l'avant-veille, et elle se trouvait sans doute quelque part entre là-bas et ici. Mais en se concentrant davantage pour essayer de l'avertir qu'elle pouvait le rejoindre, il ressenti quelque chose d'anormal. Il eût du mal à identifier clairement la sensation. L'impression qu'elle était plus loin que prévu, ou peut-être moins concentrée, ou que le lien était affaibli. Il finit par comprendre qu'ils avaient du mal à communiquer parce qu'elle avait mal. Et peur. Elle était blessée.

Le cœur du rôdeur se mit à battre la chamade alors que lui venait à l'esprit ses craintes les plus profondes : celles que des Malarites s'en soient pris à elle pour l'atteindre ou que des villageois ait décidé qu'elle constituait un danger. Celle aussi, plus diffuse, que la forêt était décidément très dangereuse et hostile. Dans tous les cas, il relégua toute prudence pour se précipiter dans la direction où il la sentait, espérant qu'elle n'était pas gravement atteinte ou en danger immédiat.

Il se dirigea au hasard vers le sud, quasiment à l'opposé de là où devait se trouver le bosquet, en se fiant à ses maigres perceptions, et devina qu'elle se déplaçait elle aussi dans sa direction, mais lentement. Elle ne répondait pas à ses sollicitations mentales, ou seulement par des images et sensations décousues. Elle avait peur, elle avait mal, elle était à bout de forces, c'est tout ce qu'il put en tirer. Mais elle n'était pas en danger immédiat, elle n'était pas en train de fuir.
Il finit, au bout de près de deux heures de marche, par deviner une tâche blanche dans les feuilles mortes : elle s'était couchée, haletante, deux flèches fichées dans son flanc, et le regarda approcher avec des yeux suppliants.

Kasumi vint aussitôt à sa rencontre après avoir brièvement balayé du regard son environnement pour tenter de repérer les signes d'une embuscade éventuelle. Puis, à genou près de la louve, il se défit de son sac tout en essayant de rassurer Première Neige et d'évaluer la gravité de ses blessures. Ses yeux étaient plein de colère de découvrir que les blessures de l'animal étaient une nouvelle fois dus à la bêtise ou à la malveillance d'un humain. II s'efforça pourtant de museler ce sentiment pour concentrer ses forces sur les soins qu'il pouvait ou non prodiguer. Il fallait qu'il sauve Première Neige : rien d'autre ne comptait dans l'immédiat !

Première Neige redressa la tête pour le regarder approcher, et Kasumi perçut son soulagement à travers le lien. Ses blessures étaient profondes et elle avait perdu beaucoup de sang, mais aucun organe vital ne semblait touché. Elle était simplement très affaiblie.

La louve gémit lorsque Kasumi retira les flèches, et les blessures se remirent à saigner. L'hémorragie cessa heureusement dès qu'il comprima les plaies. Un bon bandage et la louve serait hors de danger. Néanmoins, elle ne pourrait se nourrir seule ni se défendre pendant quelques jours et aurait besoin du rôdeur. Cependant, dans l'immédiat, la seule chose qu'il lui fallait, c'était de pouvoir se reposer en sécurité.

Kasumi décida aussitôt d'abandonner son programme pour la journée : laisser Première Neige à la merci de l'archer qui l'avait grièvement blessée ou même du premier prédateur venu était tout simplement hors de question. Et la transporter, pour l'heure, aurait été douloureux aussi le rôdeur décida de s'installer à côté d'elle, commençant par la faire boire un peu d'eau. Si elle se sentait assez vaillante, plus tard, il lui donnerait aussi une partie de son déjeuner du midi. Mais pour l'heure il se contenterait de veiller sur elle, d'examiner les fameuses flèches qu'il avait extraites puis d'interroger sa louve pour savoir si elle avait vu son agresseur ou si elle pouvait lui indiquer où s'était tenu le tireur. Il avait grand besoin de réponses. Et d'une cible à son courroux...

Première Neige resta un moment immobile, épuisée, puis lapa doucement l'eau qu'il avait mise à disposition. Elle accepta même de manger un peu de jambon, mais elle était trop fatiguée pour répondre à ses sollicitations. Il dut patienter un bon moment, la faire boire encore, la caresser, la ressurer, pour qu'elle lui livre quelques images.
Hélas, les informations qu'elle put lui fournir étaient très parcellaires. Il comprit que l'attaque avait eu lieu la veille en fin de journée, au sud du lieu où ils se trouvaient, assez loin de l'orée des bois. Et qu'il y avait plusieurs hommes incriminés, deux ou trois peut-être, à l'affut derrière une haie. Elle avait senti leur odeur une fraction de seconde trop tard. Elle avait fui aussi vite qu'elle pouvait, marchant dans l'eau fraîche d'un ruisseau, puis dans une zone plus rocailleuse, mais elle ne savait pas s'ils l'avaient poursuivi, s'ils avaient abandonné la traque, ou s'ils avaient trouvé une autre cible plus facile. Elle avait juste filé sans demander son reste.

Ainsi donc il y avait plusieurs hommes et non pas un chasseur isolé. Qui plus est, l'attaque avait eu lieu loin du village, ce qui tendait à écarter quelque peu les soupçons qu'il pouvait nourrir vis-à-vis des villageois. Mais il ne pouvait pas totalement écarter cette hypothèse et il serait peut-être à même de savoir qui n'était pas au hameau la veille auprès de Bertrand. Il allait néanmoins falloir jouer finement car il soupçonnait ne pas être en état de grâce auprès du chef du conseil qui ne l'aiderait certainement pas ouvertement.

Mais au moins avait-il récupéré de premiers indices qui précisaient un peu la menace : c'était bien mince mais Première Neige était sauve et c'était bien l'essentiel. Son prochain mouvement serait de l'amener à l'abri, peut-être dans la cabane qu'il avait nettoyée. Il pourrait ainsi la nourrir et elle passerait la nuit au chaud et au sec...

La louve, épuisée, avait finit par s'endormir, et ce n'est qu'au bout de deux ou trois heures qu'elle émergea. Elle but à nouveau, mangea un peu, et finit par se sentir suffisamment en forme pour se mettre en marche. A condition de ne pas forcer l'allure, de faire des pauses régulières, elle pourrait le suivre sans difficulté. Mais il était encore tôt : s'il rentrait maintenant, le rôdeur arriverait à Peyregorde en milieu d'après-midi et trouverait sur son chemin les bûcherons occupés à couper du bois, des paysans dans les champs, qui risquaient fort de ne pas se montrer accueillants -surtout s'il était accompagné de sa louve.

Mais le rôdeur se sentait pour ainsi dire réduit à l'impuissance : malgré sa volonté d'agir, de traquer les agresseurs ou de trouver le bosquet, il ne pourrait rien tenter tant qu'il ne saurait pas sa louve à l'abri. Il y avait d'ailleurs des risques pour que la cabane n'en constitue pas vraiment un car les bûcherons risquaient de s'y intéresser et Première Neige ne pourrait pas vraiment leur fuir pendant au moins deux ou trois jours sinon toute une veille.

Dans ces conditions, il était effectivement plus prudent de ne pas attirer, plus que de nécessaire, l'attention sur la cabane. Il décida donc d'attendre pendant que sa compagne récupérait ses forces et il se mettrait en route pour n'arriver que vers la tombée de la nuit. En attendant, il pouvait toujours entreprendre de traquer un peu de gibier qu'il pourrait laisser à la louve.

Le gibier lui parut moins abondant que lors de ses précédentes expéditions avec Sylvia, mais peut-être était-ce une simple impression ou un pur hasard. Première neige apprécia le répit laissé, et, confiante, dormit à nouveau un moment tandis qu'il guettait, près d'un point d'eau. L'heure n'était pas vraiment propice à la chasse, mais le soleil déclinait peu à peu, et un petit groupe de cervidés s'approcha de l'eau. Il n'eût aucune peine à abattre un jeune chevreuil. Le bruit ranima la louve qui, intéressée, s'approcha du gibier pour l'achever -et commencer à le déchiqueter. Kasumi sentit le plaisir qu'elle ressentait à mâcher la chair fraîche et sanguinolente. Indubitablement, elle allait mieux.
Il ne leur restait plus qu'à rentrer. Mais l'éminence rocheuse où se trouvait le cercle de pierre maléfique se trouvait entre eux et le village : ils pouvaient prendre le risque de couper tout droit en escaladant la colline, ou opter pour la prudence et la contourner par le nord, pour arriver aussi près que possible de la cabane.

Kasumi n'avait pas l'intention de prendre davantage de risque et grimper l'éminence ne leur ferait peut-être même pas gagner de temps car la montée ralentirait la louve et leur première destination était de toute façon la cabane et non le village. Le demi-elfe hésita, envisageant de porter Première Neige sur une partie du voyage mais il soupçonnait que la louve refuserait de se laisser faire, d'autant qu'elle semblait avoir retrouvé une certaine vigueur. Il se mit finalement en route d'un bon pas équivalent à un léger trottinement pour l'animal blessé.

Il sortit de la forêt alors que le soleil disparaissait à l'horizon. Il ne croisa personne, mais devina, à des traces fraîches, que les bûcherons étaient retournés travailler.
A cette heure tardive, il n'y avait plus personne dans les champs, et il put gagner la cabane sans être inquiété. Celle-ci était exactement dans l'état dans laquelle il l'avait laissée quelques jours plus tôt : propre et accueillante.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde