La Couronne de Cuivre

De toutes les choses qu'elle s'était attendue à trouver en explorant cette cache secrète, un ancien cadavre était loin de figurer tout en haut de la liste de Chandara. Cependant, elle n'hésita pas à imiter le jeuen Quentin et à s'approcher du squelette. Cette personne était morte isolée et c'était triste, même s'il s'était agi d'un pirate. La jeune femme se pencha vers la couchette pour tenter d'en apprendre davantage : peut être la façon dont il était mort était-elle évidente ?

Pas vraiment.
Le squelette, que ne couvraient plus ni le moindre morceau de chair, ni le moindre lambeau de vêtement - hormis, toutefois, des fragments de cuir ici où là -, ne portait aucune marque de fracture. Quand à sa position, qui avait pu changer depuis l'heure de son trépas, elle suggérait davantage le repos qu'autre chose.
Peut-être était-il simplement mort dans son sommeil ?
En tout cas, on ne pouvait qu'émettre des hypothèses...
-Il y a une clef, là, constata finalement Quentin
En effet, une petite clef rouillée gisait entre les côtes de la dépouille. Il n'était pas impossible que le défunt l'ait jadis porté autour du cou, mais que le cordon la maintenant en place ait depuis disparu.

Mieux valait songer à cette hypothèse qu'à celle, plus sinistre, qu'il ait pu l'avaler de son vivant. Dans tous les cas, la paladine récita une bénédiction envers le mort avant de prélever l'objet avec autant de délicatesse qu'il était possible puis de le tendre à son jeune acolyte. La clé supposait la présence d'une serrure quelque part : il ne restait donc qu'à la chercher et à la trouver.

Ravi d'avoir la clef, Quentin ne manqua pas de la remercier.
-Eh bien, à présent, il ne reste plus qu'à fouiller de partout, lança-t-il joyeusement. Mais gare aux échiffres et aux vieux clous rouillés !
De fait, au regard de la vétusté du moblilier, un minimum de prudence était nécessaire. Toutefois, les lieux n'étant guère étendus, les recherches ne dureraient sans doute pas très longue.
Du moins, si la serrure était bel et bien ici.

Chandara était ravie de se joindre aux recherches tout en laissant la main à son jeune camarade. La découverte de la grotte en général et de la clé en particulier lui revenait en premier lieu et elle trouvait naturel qu’il puisse en profiter. La paladine commença par orienter ses recherches sur les meubles visibles, y cherchant une serrure qui pourrait correspondre. Si cela ne suffisait pas, elle étendrait ses investigations aux murs et au sol de la pièce.

La fouille des meubles s'avéra vaine : hormis de la vaisselle ébréchée, des couverts rouillés et autres objets du quotidien en piteux état, ils ne contenaient rien - ou plus rien - de particulier. Idem pour les tonneaux, dont le contenu s'était volatilisé, avec le temps.
Ces primes déconvenues ne suffirent évidemment pas à les décourager et ils poussèrent plus avant leurs recherches. Ce qui finit par porter ses fruits. En effet, Chandara remarqua une irrégularité dans le sol, sous l'une des couchettes : après avoir un peu tâtonné, elle parvint à retirer une pierre plate de bonne taille, dévoilant une niche dans laquelle était déposé une cassette métallique pourvue d'une serrure.

La jeune femme appela immédiatement Quentin qui s'était un peu éloigné pour qu'il partage sa découverte. Elle déposa ensuite la couchette sur une table et examina la serrure pour déterminer si elle correspondait à la clé que Quentin avait trouvée. Si c'était bien le cas, elle laisserait ce dernier l'essayer. Elle était très impatiente et curieuse de découvrir ce que contenait ce seul conteneur peut-être préservé mais le jeune musicien avait bien mérité d'en obtenir la primeur.

En réalité, ils pourraient en profiter tous deux en même temps, car Quentin, avant d'ouvrir le coffret, le posa sur la table branlante, bien en vue.
A l'intérieur, ils découvrirent un petit rouleau de parchemin, ainsi qu'un médaillon précieux. Fait apparemment d'or massif, incrusté de belles gemmes rouges qui paraissaient n'être autre que des rubis, il était gravé de symboles étranges totalement inconnus à la paladine comme à son jeune comparse.
Si ce n'était pas une belle prise !

Chandara en resta quelques instants bouche bée, admirant l'oeuvre d'orfèvrerie avec délectation. Assurément, le médaillon était beau, très beau même. Voilà qui plairait à ses confrères Sunites si elle le ramenait à la commanderie. Mais, avant de tenter de le manipuler, la jeune femme prit délicatement le rouleau de parchemin et le déroula plus délicatement encore pour ne pas risquer de le dégrader. Contenait-il de précieuses informations pour comprendre l'origine de ce bijou ? Elle ne manqua pas non plus de détailler la réaction de son jeune ami à cette découverte.

Celui-ci était ravi, il n'y avait qu'à voir son expression pour s'en convaincre. Et ravi, il y avait de quoi l'être : c'était bien un trésor qu'ils avaient trouvé !
Quant au parchemin, abimé par le passage du temps mais toujours utilisable, il s'agissait d'une carte. Ou, plutôt, d'une esquisse de carte : on y voyait le tracé d'une portion de littoral, celui de l'embouchure d'une rivière, quelques vagues indications topographiques et... un X à la signification probablement explicite.

La paladine était heureuse de voir que son enthousiasme était bel et bien partagé. Elle examina la carte le temps de déterminer si l'emplacement indiqué ne pouvait pas être confondu avec cette crique souterraine mais la présence de la rivière et de certains autres trésors laissait à penser que ce n'était absolument pas le cas. Extatique, elle se tourna à nouveau vers le jeune Quentin pour annoncer :

- Il me semble qu'il pourrait y avoir encore d'autres trésors à découvrir ensembles !

Mais cela supposait de trouver une carte suffisamment précise de la région pour tenter de déterminer l'emplacement représenté sur ce nouvel indice. Et surtout que Quentin accepte de poursuivre une partie de son périple en sa compagnie...

Le gamin observa l'esquisse avec attention.
[color=#FFFFF66]-Doit y avoir quelque chose d'important, là bas, pour que la carte soit cachée ici, sous clef... Alors si ça ne se trouve pas à l'autre bout d'Helonna ou sur un autre continent, il est possible que je songe à changer l'itinéraire de ma tournée pour aller voir de quoi il retourne...[/color]

Chandara était vraiment heureuse de cette réponse : sa courte exploration avec Quentin lui avait fait apprécier le jeune garçon et elle n'était pas pressée de le voir repartir seul sur les routes. La paladine répondit avec enthousiasme :

- Nous pourrons sans doute nous renseigner discrètement en ville. Quant au médaillon, nous pourrons discuter de ce qu'il convient d'en faire : un collectionneur nous en offrirait certainement un bon prix mais je pense que cela pourrait aussi beaucoup intéresser mon temple.

Quentin haussa les épaules.
-C'est à vous de voir. Je me verrais mal vous imposer de le vendre si vous pensez que c'est mieux de le rapporter à votre temple : vous êtes paladine, après tout... Mais je pense malgré tout que ce serait dommage de se précipiter : si ça se trouve, ce médaillon a un rapport avec l'endroit indiqué sur la carte. Sinon, pourquoi l'avoir enfermé dans le même coffret ?

Chandara adressa un sourire bienveillant à son jeune acolyte et répondit avec sincérité et gratitude :

- Tu as parfaitement raison : il pourrait s'agir d'une clé ou alors les inscriptions dont il est gravé sont-ils des indices. Dans tous les cas, emportons-le avec nous et nous aurons bien le temps de décider quoi en faire plus tard.

La paladine jeta ensuite un coup d'oeil au reste de la salle : s'il lui semblait qu'ils avaient tout exploré, il serait temps de rebrousser chemin et prendre le temps de se sécher avant leur retour en ville.

Ils farfouillèrent encore un moment mais sans rien trouver d'intéressant. Alors, ils remirent parchemin et médaillon dans le coffret, glissèrent celui-ci dans le sac de la paladine puis entreprirent le trajet de retour.
Puisqu'ils s'étaient enfoncés très profondément dans le complexe souterrain - peut-être aussi profondément qu'il était possible, quoiqu'ils n'aient pas exploré tous ses tunnels -, cela fut long et même quelque peu fatigant.
Aussi, lorsqu'ils eurent regagné l'air libre et la plage toujours aussi enseillée, où attendaient la monture de Chandara ainsi que l'étrange chat tigré, Quentin se laissa-t-il tomber sur le sable.
-Je sais pas vous mais moi, je m'accorde une pause ! annonça-t-il.

Chandara éclata de rire et s'affala elle aussi sur le sable chaud. Après un si long séjour dans les cavernes à la chiche lumière d'une torche, le soleil d'après-midi blessait un peu les yeux et semblait quelque peu irréel. La jeune femme mit quelques instants à reprendre pied dans la réalité, à se laisser bercer par le ressac et le chant des mouettes, à apprécier le contact du sable chaud sur sa peau et celui du soleil.

-On a bien gagné le droit de se reposer quelques minutes, c'est bien vrai. Et de toute façon, il faut que nos vêtements sèchent. Ces rochers sont parfaits pour ça et ça nous donne le temps de reprendre notre souffle.

Sa réponse ne se fit pas attendre.
-Il n'y a vraiment pas grand chose à sécher, pour moi en tout cas ! répondit-il d'un ton léger.
Il s'étendit de tout son long et croisa les bras sous sa tête.
-Mais même s'il n'y avait rien du tout... Nous avons bien mérité cette pause. Après tout, l'expédition a été productive, non ?

Chandara sourit sans quitter des yeux le bal des mouettes dans le ciel et en maintenant ses bras croisés derrière sa nuque.

- Tu as parfaitement raison, encore une fois : l'expédition a été un succès sur tous les plans. Mais le plus important, c'est que je pense que tu t'es bien amusé, pas vrai ?

Sa voix s'était faite légèrement plus grave, bien loin de ce que laissait penser ses simples propos.

Il opina du chef.
-C'était aussi amusant qu'intéressant. Après, pour certains, explorer ce genre d'endroits est un métier : j'imagine que c'est le cas pour vous, à côté de vos autres tâches. Mais c'est l'idéal, quand on peut joindre l'utile à l'agréable.

Chandara émit un petit rire joyeux avant de répondre que son métier l'amenait surtout à s'entraîner : elle était encore une jeune paladine qui avait beaucoup à apprendre. Mais il était indéniable que partir en exploration lui plaisait beaucoup, même si c'était plus le métier des aventuriers à plein temps. Cela restait un privilège rare -et d'autant plus appréciable - que d'exhumer des oeuvres dignes de l'intérêt de sa déesse et de son ordre.

Ils profitèrent ainsi à bavarder une bonne demi-heure, profitant de la plage et du soleil radieux. Puis, une fois secs, ils prirent le chemin du retour.
L'après-midi touchait à sa fin lorsqu'ils eurent regagné Bordeleau. Quentin s'excusa donc : il avait juste le temps de se préparer avant de donner son petit récital devant l'auberge. Quant à Chandara, elle pouvait faire ce que bon lui semblait.

La jeune femme avait profité de son retour à l'auberge pour passer quelques minutes avec son destrier puis pour procéder à des ablutions pour se débarasser du sable et du sel récolté pendant la journée d'expédition. Elle avait ensuite pris soin de se pomponner pour aller assister au récital de son jeune protégé, une façon très agréable de commencer la soirée. Ells prit ensuite ce dernier à part pour convenir avec lui d'un rendez-vou le lendemain matin : pour qu'ils puissent mener des recherches sur la carte. Elle avait aussi dans l'idée de récupérer le cadeau qu'elle avait commandé pour lui mais elle garderait cette information secrète : il s'agissait après tout d'une surprise !

La journée du lendemain s'annonça également belle, quoique l'azur profond du firmament soit ponctué, cette fois, de quelques moutonnements nuageux. Quant au tailleur, bien que Chandara allasse le voir à une heure assez matinale, il avait respecté ses délais et réalisé la tenue commandée, d'une manière qui satisfit tout à fait la paladine. S'étant vue assurer par le commerçant qu'il serait tout disposé à procéder à des retouches en cas de besoin, elle put donc regagner promptement l'auberge où Quentin ne fut pas long à se présenter, ponctuel comme à son habitude.

Chandara avait pris soin d'admirer le travail du tailleur et ne put que louer son talent et son art : la commande lui paraissait tout à fait conforme à sa commande et elle avait hâte de voir Quentin essayer les chausses d'un blanc nacré orné d'une bande pourpre. A cela, une tunique assortie légèrement ceintrée et un veston sobre et élégant venait compléter la magnifique parure. Certes, il serait hors de question de porter pareils vêtements en exploration ou même sur la route mais la tenue lui semblait parfaitement convenir à la qualité de ses récitals de musique.

En retrouvant le jeune garçon, la paladine arborait un sourire énigmatique, anticipant la surprise qu'elle avait l'intention de lui faire après leur séance de recherche.

- Est-ce que tu sais où nous pourrions trouver des archives avec des cartes précises de la côte ?

Le gamin se gratta la tête, songeur.
-Hum, des archives, je ne sais pas. Mais pour les cartes, à mon avis, l'endroit le plus indiqué est la capitainerie du port. Elle est pas immense, mais ils en ont forcément. Enfin, c'est ce que je me dis.

Le sourire de la paladine - communicatif - s'élargit et elle claqua dans ses mains avec emphase :

- C'est bien pensé ! Commençons par là dans ce cas, ce pourrait même être amusant qui sait ? Nous devrions pouvoir comparer notre carte aux environs voire davantage si la capitainerie a des cartes pour les routes commerciales qui partent au nord et au sud.

Une fois parvenus à la capitainerie, il suffit à Chandara de se présenter et d'expliquer qu'elle était en mission pour qu'on lui réserve bon accueil et qu'on lui laisse compulser les diverses cartes précieusement conservées dans l'un des bureaux.
Son comparse et elle passèrent donc une matinée studieuse, concentrée et même, au bout d'un certain temps, un tantinet ennuyeuse. Il faut dire que la tâche était ardue, puisque le plan dont ils disposaient était une esquisse, non un tracé précis réalisé par un véritable cartographe. Néanmoins, leurs efforts furent récompensés. En effet, alors que midi approchait, ils avaient identifié deux endroits pouvant correspondre : l'un au sud-est, à environ une semaine de voyage, l'autre au nord est, à une quinzaine de jours de trajet et à la limite de la région connue sous le nom de Falaises du Sud.

Chandara avait procédé avec méthode pour éliminer les cartes d'apparence approchante et se limiter à ces deux pistes potentielles. Certes, cela laissait envisager un voyage d'au moins un mois s'ils escomptaient explorer les deux sites mais peut-être auraient-ils autant de chance que le matin-même ? Après tout, Chandara se sentait investie par sa mission et guidée par sa déesse. La jeune femme consulta néanmoins Quentin pour savoir s'il était partant pour l'accompagner, au moins jusqu'à l'emplacement le plus proche. Ils ne savaient pas ce qu'ils allaient y trouvermais le voyage semblait déjà intéressant en lui-même et plein de promesses.

Quentin sourit.
-En fait, ça tombe bien, puisque c'est par là que je comptais aller : j'envisageais de me rendre jusqu'à Evendum puis de longer les Falaises du Sud jusqu'à Lunaros. Du coup, ça ne me fait même pas de détour. Et si en plus je peux faire le voyage en bonne compagnie... Non, rien à redire, ça tombe très bien.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Ce que les vagues ne sauraient effacer