La Couronne de Cuivre

Gabriel pensa que l’alcôve était trop étroite pour que l’on enchaine un squelette géant. Une personne ou un animal avait dû être attaché là et venait certainement de s’enfuir par une porte secrète activée par leur passage sous l’arche. Le cri du colosse fait d’os et de métal le ramena à sa situation périlleuse. La carcasse animée était ralentie par sa taille et devait se courber pour franchir la porte. Il prit la décision de l’attaquer avec son épée pour trancher ses cervicales au niveau de la jointure du casque et du gorgerin.

Le squelette, handicapé par le coup reçu dans les cervicales, fut incapable de parer le coup. L'épée de Gabriel frappa juste à la jointure entre le gantelet et le reste de l'armure, sans parvenir toutefois à trancher la main : le métal était solide. Mais son coup fut suffisamment puissant pour endommager l'armure, blesser le squelette au poignet et surtout lui faire lâcher son épée qui fut projetée contre le mur le plus proche.
Par un phénomène étrange, l'épée disparut avant même de heurter le mur, et le tintement attendu ne se fut jamais entendre.
Il ne restait plus à Gabriel qu'à achever le colosse, désormais désarmé, mais toujours protégé par son armure.

HRP : je te laisse décrire la fin du combat, vas-y, achève-le !

Gabriel vit l’épée de son adverse disparaitre à travers le mur mais il continua à désosser l’immense carcasse. Il coupa le deuxième membre supérieur en frappa à l’intérieur de la coudière qui tomba avec le bouclier. Il fit s’écrouler le colosse en séparant le fémur gauche du tibia et du péroné par un coup d’estoc glissé derrière la genouillère. Il entendit le cliquetis des vertèbres dans la pansière alors que la colonne vertébrale se démantelait au contact du sol.

Une fois l'immense squelette réduit à un tas d'ossements et de ferrailles, le silence retomba, total, profond. Il devina toutefois le frottement des pieds légers contre la roche, dans l'escalier, et aperçut, dans la pièce ronde, Anita qui s'approchait, circonspecte, risquant un regard par l'embrasure.
" Tu l'as eu ?... Bon... "
Elle le rejoignit, observant d'un regard circulaire la pièce.
" Et on n'a toujours pas de trace de ce qu'on cherche, je présume ?"

Gabriel sourit à la remarque d’Anita.
« Je ne l’ai pas trouvé, mais le mur à ma gauche est une illusion. Je ne connais rien à la magie mais l’épée du squelette l’a traversé. En revanche, je ne l’ai pas entendue tomber… Anita, quelqu’un ou un animal s’est enfuit en réussissant à se détacher de ces chaînes. » Dit-il en montrant l’anneau de métal noir où pendaient quelques maillons.

Anita observa les chaines en fronçant les sourcils.
" S'il y avait quelque chose, on l'aurait vu passer : la seule issue est l'ouverture par laquelle on est passés... enfin, à moins que ton mur ne soit qu'une illusion. Ou alors, c'était avant notre arrivée ? Ou c'est peut-être juste... le squelette ? L'alcove pourrait être juste assez grande pour le contenir... évidemment, en butant les murs de tout côté. Et regarde, il me semble qu'il y a un morceau de métal du même genre, là, au milieu des os...."
Dans l'obscurité qui régnait, il était difficile d'en être certain, même avec leurs sens particulièrement développés.
Quant au mur que Gabriel désignait, il semblait tout à fait ordinaire, bien qu'un peu trop lisse : il était d'origine artificielle. Quand Anita en toucha la surface, elle le trouva aussi solide que les autres...

« Mais... par quelle magie l’épée a traversé le mur ? ... Peut-être que la lame de son arme était forgée par le même métal ? ». Tout en parlant Gabriel pris le morceau de métal dans le tas d’os et se dirigea vers le mur lisse pour vérifier sa question.

Mais le mur, même face au morceau de métal, resta de marbre -le terme convenait parfaitement à sa blancheur presque pure. Gabriel ne parvint pas à enfoncer le métal à l'intérieur, ni même à rayer la pierre.
" Peut-être que l'épée n'était pas du même métal ?, hasarda Anita. Ou alors... ça n'a rien à voir avec le métal".
Comme Gabriel, elle se mit elle aussi à examiner le mur, centimètre par centimètre, concentrée. Mais à voir son expression, elle n'y trouvait rien de probant, elle non plus.

Anita obtempéra, sans grande conviction. Elle retourna sous l'arche, sans qu'il y ait le moindre bruit indiquant qu'il se soit passé quelque chose. Peut-être la magie ne se déclenchait-elle qu'une fois. Le mur resta de marbre, à nouveau.
" Si ça se trouve, ça n'a aucun rapport. C'était peut-être une sorte d'épée fantôme... ou elle venait d'un autre plan et n'existait que lorsqu'elle était tenue en main. Ou alors ce mur n'accepte que les armes, ou qu'un métal précis. On peut imaginer des tas d'explications. "
Elle haussa les épaules.
" On devrait peut-être aller explorer plus loin ? Il y avait un couloir qui partait de la pièce voisine...

« Allons-y, le sceptre devrait s’y trouver...Du moins, c'est ce que pense l'être antique... ». Gabriel aurait souhaité en savoir plus sur ce qui venait de se produire. Il avait mémorisé les runes et il se promit de les traduire.

Ils revinrent donc dans la salle ronde et s'engagèrent dans le couloir qui en partait. C'était un étroit boyau, sombre, aux parois irrégulières, qui semblait creusé directement dans le roc depuis des temps immémoriaux. Il n'était pas rectiligne, mais semblait au contraire tourner autour de la pièce où ils se trouvaient juste avant, tout en s'élevant peu à peu.
Anita avait incité Gabriel à prendre la tête de leur duo, et ses pas résonnaient contre la roche, malgré ses efforts de discrétion. Mais le couloir semblait vide. Et, surtout, incroyablement long : il leur semblait qu'à force de tourner, ils avaient déjà dépassé l'endroit où aurait dû se trouver la seconde pièce, celle où gisait désormais le tas d'os. Mais ils n'en voyaient aucun signe. Peut-être étaient-ils déjà trop haut, ou peut-être le couloir ne suivait-il pas exactement le mur. Ou alors, il y avait une autre raison.
Puis il y eut une sorte de palier, avec une bifurcation : un tunnel, devant, continuait à s'élever en pente douce. Une ouverture à droite donnait dans une pièce ronde similaire à celle qu'ils avaient quitté -et ils notèrent à nouveau, la présence de runes, gravées cette fois-ci sur le sol à l'entrée de la pièce. Et un autre tunnel, à gauche, bifurquait aussitôt vers la gauche sans qu'ils voient ce qui s'y dissimulait.
" Regarde, il y a un trou de chauve-souris, fit remarquer Anita en lui désignant un imperceptible renfoncement dans le tunnel de gauche. Ce peut être signe qu'il y a une communication vers l'extérieur..."

« Anita, peut-être que le tunnel de gauche s’ouvre vers une sortie, mais j’ai donné ma parole à l’être antique.... Mais cela ne t’engage en rien et je comprendrais que tu veuilles retrouver Noah.... D’ailleurs il serait rassuré de te savoir vivante.».
Gabriel soupira, il ne pouvait pas exiger à son amie de continuer. Il éprouvait de l’affection pour ses deux sauveurs et il ne voulait pas mettre la jeune rôdeuse en danger, ni priver Noah de retrouver sa fille adoptive.
« Je vais rentrer dans la pièce. Prends le tunnel de gauche, il est certainement le chemin de sortie. Noah doit-être rassuré.»

" Hum... Je ne veux pas être pessimiste, mais il me semble que l'espèce de chose à tentacules là-dessous n'appréciera pas que je m'éclipse sans sa permission. Je ne voudrais pas qu'il se venge sur toi..., fit Anita avec une légère grimace. Et puis, il peut y avoir du danger. C'est plus prudent de rester ensemble. Je vais venir avec toi..."
Elle s'approcha de l'ouverture de droite. Les runes, au sol, semblaient différentes de celles de la pièce précédente, mais appartenaient probablement au même langage. Elle hésita, puis les franchit, d'un pas. Il y eut soudain une vibration dans le sol, et plusieurs dalles du centre de la pièce se mirent à s'enfoncer dans le sol.
Le mouvement s'arrêta aussi vite qu'il avait débuté. Devant eux se trouvait à présent une sorte de damier aux cases suffisamment larges pour s'y tenir debout. Une case sur deux était de roche claire, les autres, là où le sol s'était enfoncé, semblaient couvertes d'une sorte de brume bleue.
De l'autre côté du damier se trouvait une autre ouverture, qui semblait être la seule autre issue de la pièce.

Gabriel rejoint son amie et regarda le damier magique. « Anita, l Je pense que ce piège est le signe que nous approchons du sceptre.
Les dalles de roche claire me semblent être le chemin pour traverser la salle. Qu’en penses-tu ? ».

" Je ne sais pas... Tu as probablement raison. On devrait examiner ça de près, déjà..."
Le sol autour du damier était clair et lisse, comme une bordure de marbre. Il y avait sur cette bordure divers symboles, et Anita s'accroupit pour les observer. Mais alors qu'elle posait le pied sur la bordure, il y eut une vibration du sol. Devant eux, un panneau de pierre vint boucher l'ouverture qui se trouvait à l'autre extrémité de la salle ronde. Derrière eux, la porte qu'ils avaient franchie était pareillement obstruée.
" On est... enfermés...", murmura la semi-drow d'une voix blanche.

Gabriel regarda autour lui et s’adressa à la jeune femme. « Nous ne pouvions rien y faire… Que va-t-il se passer maintenant ? »

Elle haussa les épaules, sans oser bouger d'un pouce.
Il ne se passa rien.
Elle s'accroupit à nouveau, très lentement.
" Il y a des runes, des symboles, sur cette bordure. Il me semble qu'il y a aussi des symboles du même genre dessinés sur les dalles de pierre de l'échiquier..."
Il y avait plus précisément une dizaine de symboles, inconnus de Gabriel, soigneusement gravés en ligne sur la bordure, formant peut-être une phrase... ou autre chose. Deux d'entre eux étaient malheureusement à demi effacés. Les dalles de pierre de l'échiquier ne comportaient, elles, qu'un seul symbole, tous différents, situés au centre de chacune.

Elle acquiesça, tout en longeant le premier rang de dalles.
" Le premier symbole se trouve là, fit-elle en montrant la deuxième dalle sur la droite... Et aussi sur celle-ci... et celle-ci. Bon, la troisième ne convient pas, puisque quand je m'avance sur la dalle, je ne vois rien ensuite qui corresponde au deuxième symbole..."
Elle avait fait un pas en avant, sur la dalle, et les deux dalles brumeuses qui l'entouraient avaient changé de couleur, passant à un rouge soutenu. Elles redevinrent bleues lorsqu'elle recula.
" Par contre, on ne tiendra pas à deux sur les dalles. On risque de mettre un pied dans cette étrange brume et ça ne me semble pas prudent. Si tu veux passer le premier, vas-y, et je te suis... Mais je ne sais pas par laquelle des deux il faut commencer..."

« Bon, n’ayant pas plus d’indice, je choisis de démarrer par la deuxième dalle à droite du premier rang. Mais, attends… Combien y a-t-il de rangs et de colonnes,... Dix comme le nombre de runes ? »

" Oui, il me semble... Il y a quatorze dalles en largeur, mais c'est pas tant profond. Je pense qu'il doit y avoir dix rangées."
Ce n'était pas évident à distinguer : la brume qui recouvrait une case sur deux avait plusieurs pouces d'épaisseur, et leur brouillait la vue.

Comme il l'avait annoncé, Gabriel s'avança sur la deuxième dalle à droite, déclenchant un changement de couleur dans la brume des deux cases situées à sa gauche et à sa droite : elle devint rose.
Devant lui se trouvait une case brumeuse, et, sur la case située juste à gauche, il reconnut le second symbole. Un grand pas suffisait à la rejoindre, mais il lui fallait néanmoins enjamber un peu de brume. Au moment où il franchissait le coin de la dalle où il se trouvait, un courant d'air glacial jaillit de la brume bleue. Un couche de givre impressionnante recouvrit instantanément son armure, le frigorifiant. Il acheva néanmoins son mouvement, et, alors qu'il prenait pied sur la deuxième rangée, la brume des deux dalles voisines devint rouge sang.
Le troisième symbole cherché se trouvait désormais sur sa droite dans la rangée suivante.
Derrière lui, Anita, concentrée, prenait place sur la première dalle de pierre.