[Boutique] La Vierge d'Argent

[Althéa]

Althéa secoua pensivement la tête. Non, Elissa n'était pas bien. Du moins, depuis quelque temps. Peu de temps auparavant, c'est son amie qui l'avait soutenue, après la naissance de sa fille. Quand elle avait été capturée par un groupuscule opposé à Lothringen, c'est encore elle qui lui avait apporté le plus de réconfort. Et maintenant que c'était à son tour de lui rendre la pareille, elle ne savait comment. L'ombre d'Eliaëdel les séparait tel un mur. Et il y avait autre chose. Autre chose sur quoi elle n'arrivait pas à mettre la main dessus. Un quelque chose qui lui donnait des frissons dans le dos.

"Oui, Elissa est fragile. Je ... Je ne la comprends plus"

[Eliaëdel]

Eliaëdel s'est relevée péniblement. Après un long moment où elle est restée prostrée. Elle a descendu les marches restantes une à une. La femme tenait à peine debout. Le visage totalement dévasté. Ses douleurs auraient du la faire au moins grimacer. Ou plus vraisemblablement, la faire se tordre au sol.
Mais elle avançait, hagarde. Sans forces. En direction des cuisines. Si elle a entendu parler dans l'arrière boutique, elle n'en a pas fait grand cas. Ou peut être, tout simplement, cela était devenu un détail. Elle a poussé la porte en manquant de trébucher.

L'elfe n'avait jamais été grande. Ni bien solide extérieurement. Ce qui était clairement une impression trompeuse dont elle n'avait jamais hésité à en jouer. Mais elle paraissait clairement diaphane lorsqu'elle a franchi le seuil. Maigre. Et faible. Ses yeux se sont posés sans comprendre sur les trois autres. Hagards et rougis. Ternes. Comme incapables d'appréhender ce qu'ils voyaient.
Elle a continué à moitié en trébuchant, à moitié en marchant, vers les cuisines. Sans un seul mot. Enfermée dans un mutisme vide.

[Dhast]

Brus écoutait en fronçant les sourcils les paroles suspendues des deux femmes. Il croqua à nouveau dans sa miche de pain, avant de prendre la parole. Mais ses mots mâchés s'arrêtèrent avant d'avoir franchi sa bouche lorsque la porte s'ouvrit, faisant place à une Eliaëdel traînante et pâle comme une morte. Elle était méconnaissable, bien que Brus ne la connaisse en vérité que depuis peu et qu'il l'ait souvent vu en mauvais état. Sans attendre il lâcha sa miche et rattrapa l'elfe qu'il soutint d'une épaule, l'accompagnant sans chercher à entraver son mouvement.

- Bah vous alors... Hmpf... Fallait l'dire si vous aviez faim, j'vous aurais apporté un truc. C'est bête, j'avais ma miche de pain, j'l'ai laissée sur la table, bougez pas j'vais la prendre! Hem, non en fait j'vais 'tinuer à vous sout'nir hmpf...

Il se tourna vers les deux autres, maintenant sa prise en évitant un mauvais geste brusque.

- 'pourriez 'ller chercher m'dame Elissa? ou m'filer un coup d'main...

Il se remit en avant, épaulant l'elfe haletante.

[Althéa]

Althéa s'était levée d'un bond, soudain effrayée. L'être que soutenait Brus n'était qu'une caricature. La caricature même de la faiblesse, et de la folie. L'elfe blessée dégageait quelque chose de malsain, d'innommable. Mais aussi de terriblement triste. Oui, elle souffrait. Et la douleur physique n'en était qu'une infime partie.

Avec un frisson de répulsion involontaire, elle vint à coté d'elle, passant le bras de l'elfe autour de ses épaules. Elle les fit aller dans un petit salon attenant au bureau d'Elissa. Là, elle fit allonger l'elfe avec l'aide de Brus.

"Pas besoin d'Elissa, murmura-t-elle, c'est un prêtre qu'il nous faut."

[Oriane]

En voyant l'elfe entrer, Oriane avait hésité, bien plus longtemps qu'elle ne l'aurait fait si n'importe qui d'autre s'était trouvé à sa place, se reprochant son indécision, mais incapable d'agir. Pendant ce temps, Althéa s'était levée pour aider Brus. Ensemble, ils avaient conduit l'elfe dans une petit pièce non loin de là. Elle les regarda s'éloigner puis ferma les yeux, laissant échapper un long soupir. Il n'y avait pas d'antipathie, ni de malaise qui tienne. Un membre de la guilde était blessé, elle devait l'aider. C'était aussi simple que cela. Se concentrant sur cette idée, elle se leva à son tour pour les rejoindre. Elle entra dans la pièce au moment où la bretteuse parlait d'aller chercher un prêtre, et regarda rapidement en direction de l'elfe, allongée sur la banquette. Plus morte que vive. Elle détourna le regard. Puis d'une voix où perçait, malgré elle, l'hésitation, elle répondit :

"Je...peux aller chercher un prêtre. Peut-être l'un de vous pourrait-il...pendant ce temps...prévenir Elissa ?"

[Eliaëdel]

La femme n'a pas protesté. Ne s'est même pas débattue. Un instant, elle a cru reconnaitre Althéa. Sans faire naitre la moindre de trace de sarcasme. Ou d'animosité. Ainsi que le gamin, Brus. Ses yeux sont restés morts. Ternes. Sans volonté.

Comme si tout lui était désormais égal. Elle a tenté de se laisser glisser sur le flanc. Peut être pour tourner le dos dans un sursaut de pudeur. Ou peut être par habitude. Ou parce que les douleurs seraient plus supportables de la sorte. Sans réussite. Elle est restée apathique après cela.

[Dhast]

- Faut pas bouger m'dame Eliaëdel, ç'va bien s'passer... Brus avait murmuré ces mots sans grande conviction, un peu dans le vide, car Eliaëdel ne l'entendait sûrement pas.

- Euh, j'vais rester là, z'avez qu'à aller trouver m'dame Elissa, d'vez savoir où elle est, non? Pour l'prêt' c'p'tet plus utile, ouais... Bon... Bah on vous attend.

Brus regarda autour de lui, n'étant jamais venu dans ce petit salon, il apprécia toutefois son aménagement, et tout particulièrement le massif fauteuil de cuire rembourré rouge sur lequel il se laissa tomber en poussant un soupir d'incompréhension, les yeux fixés sur les traits fiévreux de l'elfe.

[Elissa Keens]

Une porte dérobée lui avait offert une sortie discrète. Elle n'aurait pas pu rester ici une minute de plus. L'atmosphère pesante, délétère. Elle n'en pouvait plus. Elle avait marché au hasard dans les rues de la ville. Elle ne pensait plus au retour. Fuyant, droit devant elle. Et ses soucis s'égrenaient au fil de ses pas. Et avec elle la fatigue accumulée au fil de ces derniers jours. Elle ne s'était arrêtée qu'une fois perdue dans la foule. Qu'ils la cherchent le temps qu'ils voulaient. Pour le moment, elle était anonyme.

A la guilde, elle s'interdisait tout, vivre compris. Hé bien, grand bien lui fasse, elle n'y retournerait plus. Du moins le temps que sa colère se calme.

[Eliaëdel]

Un long silence. Des inspirations tantôt saccadées. Tantôt inaudibles. Un esprit muet. Terrassé et impuissant.
Elle avait mal. Son corps avait fondu. A peine capable de se mouvoir. Et certainement incapable de se défendre. Elle ne le voulait pas, pour autant. Elle sentait confusément trois présences auprès d'elle. Sans les voir. Sans comprendre les mots qu'ils prononçaient.

Une petite pincée de révolte l'a sorti doucement de sa torpeur. Une fraction beaucoup plus importante de colère l'a fait se relever lentement de la couche. Du moins, tenté de le faire. Douché très rapidement par un désespoir flagrant. Ses bras la portaient à peine, pris de crampes et de tremblements. Elle a lentement pris conscience de l'identité des trois autres à leurs intonations.

" Elissa ne sera d'aucun secours. Althéa a raison. " Des mots faibles. Sans regarder ses interlocuteurs. Sa vision était trouble, dansait. L'esprit a émergé lentement des brumes. Ses mots étaient tristes, amers. Sans complaisance. Le silence a repris son du après son intervention. Il semblait peu probable qu'elle daigne s'expliquer davantage. Son expression était redevenue vague. C'était davantage des forces qu'il lui fallait. Au moins pour réussir à s'éloigner d'ici.

[Oriane]

Elle savait au fond qu'elle aurait très bien pu se passer de l'approbation des deux autres et partir sitôt sa proposition faite. Mais elle écouta d'abord la réponse de Brus, toujours hésitante, puis elle regarda l'elfe tenter de se relever, malgré son extrême faiblesse, avant de détourner le regard vers le jeune homme. Elle ouvrit la bouche pour lui répondre, dire qu'elle reviendrait aussi vite que possible, qu'ils verraient sans doute Elissa plus tard, puis se ravisa. A quoi bon ? Elle avait déjà perdu assez de temps. Secouant la tête, elle sortit de la pièce et de la boutique. Le bruit de la rue et l'air frais eurent tôt fait de dissiper son malaise, suffisamment du moins pour la pousser à agir plus rapidement. D'un pas vif, elle prit la direction du centre ville. Le matin même, Edric lui avait montré l'endroit où il logeait depuis que l'Ordre l'avait...mis à l'écart. Elle l'y trouverait certainement. Il était prêtre, il pourrait sans doute faire quelque chose...

***

"C'est par ici.", murmura la jeune femme à son ami en se rapprochant de la porte ouverte du petit salon. L'aller-retour ne lui avait pas pris plus d'une dizaine de minutes, le temps mis pour lui expliquer la situation compris. Elle entra dans la pièce, l'invitant à la suivre. Un regard vers l'elfe lui appris que son état n'avait guère évolué. En un sens, ce n'est plus mal, songea-t-elle, au moins il n'a pas empiré. Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle. Brus était toujours assis dans son fauteuil, Althéa était allée chercher une chaise, et Elissa n'était pas là. A bien y réfléchir, elle ne l'avait pas croisé non plus ni dans la boutique, ni côté guilde. Secouant la tête, elle se tourna vers Edric, une expression préoccupée sur le visage :

"Tu crois que tu peux faire quelque chose ?"

Pour toute réponse, il se rapprocha de la banquette, observa l'elfe quelques instants et finit par murmurer quelques paroles. La jeune femme supposa qu'il s'agissait d'un sortilège de soin, impression confirmée par la faible lueur qui s'échappa des mains du prêtre pour aller toucher l'elfe. Son soin prodigué, le jeune homme se tourna vers son amie.

"C'est tout ce que je peux faire, j'espère que ça suffira..."

[Chandara]

Quelques minutes après avoir quitté le quartier de la Citadelle d’Argent, le petit groupe se retrouva à arpenter les rues plus animées du port. Chandara avait déjà eu l’occasion d’y venir à plusieurs mais s’émerveillait toujours de la foule impressionnante qui se pressait chaque jour du côté du marché et de la taille des navires marchands qui croisaient dans les eaux calmes de la rade de Manost. Durant son enfance, elle s’était émerveillé des récits sur la capitale et assister à ces prodiges faisait toujours une impression spéciale à la jeune femme.

Mical, Corwin et elle s’arrêtèrent devant la boutique qui servait de couverture au groupe de mercenaires dirigé par Elissa Keens. La paladine décida d’entrer la première, prenant ses marques dans le groupe et à cœur sa mission de protéger ses compagnons. Elle se devait de prendre la tête en cas de danger et mieux valait commencer à prendre cette habitude.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Althéa avait sursauté. Quelqu'un venait d'ouvrir la porte de la boutique. Après tout, rien n'indiquait qu'on était fermés. Et Delcia se tenait derrière le comptoir. Elle l'imaginait, le visage impassible, levant le nez des bocaux qu'elle était probablement en train d'étiqueter consciencieusement, faisant fi de ce qui se passait dans la pièce à coté. Après tout, Eliaëdel ne lui était rien. La connaissant, elle était capable de se dire que sa mort arrangerait un tant soit peu les affaires de la guilde. Elle lui avait raconté "le lancer de la dague", comme elle l'appelait désormais. Delcia s'était contentée de hocher la tête, les poings serrés. Oui, elle était capable de souhaiter la mort d'Eliaëdel.

Elle se l'imagina souriante face aux inconnus qui venaient d'entrer. Puis, comme à son habitude, elle prendrait sa voix suave et grave. Elle prendrait une pause charmeuse, son air boudeur puis.

"En quoi pourrais-je vous être utile ?", l'entendit-elle dire.

[Chandara]

Chandara laissa ses compagnons s’avancer vers le comptoir tandis qu’elle se contentait de saluer timidement la tenancière, sans doute cette fameuse Elissa Keens à moins qu’elle ne se trompe. En tous cas, elle n’avait aucune intention de prendre l’initiative de la conversation, craignant bien trop de commettre un impair alors que la discrétion s’imposait. Au lieu de cela, elle s’attela à détailler la pièce qui en apparence avait tout d’une herboristerie, s’attendant à moitié voir débarquer
des mercenaires en arme à tout moment. Elle sourit de l’image ridicule qui s’imposa à son esprit.

[Eliaëdel]

Elle s'est relevée après que le prêtre eut fait usage de sa magie. Doucement. Sans un regard. Les douleurs qui rayonnaient dans son ventre s'estompèrent. Mais ça ne soignait pas l'esprit. Malade. Mourant même.

Elle s'est postée dedans la fenêtre. La tête appuyée contre le montant de la fenêtre. elle chantonné quelque chose. Sans jeu ni tête. Sans cohérence. A chaque fois d'une intonation différente. Le contrôle sur elle même lui filait entre les doigts. Ses mains se sont crispées. Sur les carreaux. Elle a balbutié quelque chose d'incompréhensible.

" Merci. " Le remerciement a franchi ses lèvres. Une drôle de sonorité. Tellement incongrue de sa propre bouche. Elle s'est arrêtée un instant. Delcia venait de parler dans la pièce voisine. Un client. Peut être des ennuis à venir si jamais ils devaient passer de l'autre côté de l'arrière boutique où il se trouvaient.
L'elfe ne s'est pas déplacée davantage. Le regard vert d'eau fixé sur la ville. Sans véritablement observer. Vaguement consciente de sa faiblesse. Ses hanches et ses seins avaient fondu, ses joues s'étaient creusées. La fine balafre cicatrisée qui courait de sa pommette gauche à son arcade sourcillière n'en ressortait que davantage. Sa chemise était souillée par le sang par dessus le large bandage qui lui couvrait le ventre. Le sien. Séché et qui laissait des traces brunâtres reconnaissables entre toutes. Elle n'était plus une menace pour quiconque. Elle en avait confusément conscience. Et personne ici ne la protègerait davantage. Ce qui n'était toutefois pour lui déplaire. Cela lui faciliterait la tâche, le moment venu.

Bien. Elle tenait debout malgré tout. Elle a inspiré longuement. Comme pour chasser ses souvenirs. Pour chasser Shar. Pour chasser Elissa. Seule et multiple. Avec ses vieux démons. C'était une première étape.

[Macros]

Mical jetta un rapide coup d'oeil autour de lui, essayant d'appréhender ce nouveau décor. Pendnt un moment, il se dmanda s'ils ne s'étaient pas trompés de porte. Rien ne laissait en effet présager qu'une quelconque forme d'aide puisse leur être procurée ici, hormis sous forme de potions et d'élixirs. Fronçant légèrement les sourcils, il salua néanmoins la femme qui venait de les acceuillir.

" Veuillez pardonner notre intrusion soudaine. Êtes vous Elissa Keens ? C'est le Haut Prélat Guiguemar d'Aulfra qui nous envoie... "

Tout en parlant, le prêtre ne put que sentir son sentiment de malaise croître. Pour une raison inconnue, l'endroit lui semblait lugubre, tout comme ses occupants. A peine entré, il n'avait déjà plus qu'une idée en tête, en sortir. Mais la mission passait avant tout.

[Dhast]

Brus avait aussi entendu la porte qui donnait sur la rue s'ouvrir et se refermer, mais il n'y avait pas prêter plus attention, absorbé par les rituels et la magie du prêtre. Il avait toujours été méfiant à l'égard de la magie, chose qu'il ne comprenait pas et par réflexe préférait éviter. Le spectacle de cette guérison miraculeuse le laissa muet de perplexité. Avant, dans les bas quartiers d'Athkatla, on usait pas de magie pour soigner les blessés, on bandait, on cautérisait quand c'était possible ou bien on laissait crever, de toutes façons ça pourrissait presque tout le temps et Brus ne pouvait pas supporter l'idée de vivre avec un membre en moins jusqu'à la faim de sa vie, qui auraient d'ailleurs très bien pu s'écourter suite à l'ablation du dit membre. Les effets de la magie était simplement stupéfiant. Il regardait Eliaëdel se relever doucement, mais se relever. Chose impossible, il en aurait juré il y avait quelques instants. Son regard glissa sur le prêtre qui ne semblait pas s'émouvoir de ce qu'il venait de faire et, malgré lui, chose rare, il ne put s'empêcher de sentir s'insinuer lui un sentiment d'infériorité impuissante.

Il revint à lui lorsqu'une voix d'homme, qui leur parvenait depuis l'entrée de la boutique, déclina son identité. Il n'avait pas la moindre idée de qui pouvait être ce haut prélat hormis une personnalité importante vu ses "hautes" qualifications. Le plus intéressant étant qu'ils cherchaient eux aussi Elissa. Brus, après un dernier regard dubitatif pour le prêtre et l'elfe, reporta donc son attention sur la conversation qui allait suivre tout en guettant une réaction plus que probable de la part des autres personnes de la pièce, sans doute plus au fait que lui sur la situation.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Delcia avait considéré le prêtre durant un court instant, méfiante. Ce n'était pas qu'elle n'avait pas l'habitude de les voir en ville. Mais cette fois, il planait sur le groupe qui venait d'entrer une solennité inquiétante, annonciatrice de quelques ennuis. Et elle n'avait aucune envie de se retrouver en tête de file. Plutôt essayer de déléguer au plus vite. Et Althéa ferait l'affaire. Après tout, Elissa ne l'avait-elle pas promue au poste de second ? Qu'elle assume enfin ses responsabilités !

Elle la savait dans l'autre pièce, à coté d'Eliaëdel. A coté de ce qui se passait avec elle, se confronter à un prêtre et à sa suite serait sans doute une partie de plaisir. Ou peut-être passer de la liche au glabrezu ... Dans tous les cas, ce n'était pas son problème.

"Attendez-moi", dit-elle d'une voix gracieuse qui ne souffrait pourtant aucune réplique.

D'un geste souple, elle descendit du tabouret sur lequel elle était juchée et disparut dans l'autre pièce après avoir adressé au groupe un sourire mutin. On l'entendit chuchoter et une autre personne lui répondre. Les voix s'étaient un peu élevées et c'est finalement une personne différente qui les rejoignit. Une brunette aux tâches de rousseur et au visage fatigué.

Althéa étouffa un soupir. Quand Delcia prenait la poudre d'escampette, c'est qu'il y avait un problème. Et bien sûr, il n'y avait rien de moins qu'un prêtre helmite et une paladine. Ah, et aussi Corwin, qu'elle n'avait pas vu depuis ... Le voir lui rappelait quelques douloureux souvenirs. Le fait qu'il fasse le déplacement jusqu'à elle ne présageait rien de bon en perspective. De quoi s'amuser, vraiment. Pourquoi avait-elle rejoint les autres au lieu de rester chez elle avec sa fille ? Elle avait l'impression étrange qu'elle mettrait du temps à revenir, cette fois-ci. Prenant son courage à deux mains, elle avança vers le prêtre.

" Bonjour Corwin. Elissa Keens est absente pour le moment. Je suis Althéa de Lochnohan, sa suppléante. En quoi la Vierge d'Argent peut-elle vous être utile ?"

[Lothringen]

Le vieux prêtre sourit d'un air embarrassé. Il n'avait pas oublié leur dernière rencontre, lui non plus. Quand il avait appris que ses compagnons cherchaient à compléter leur groupe à la Vierge d'Argent, il avait plus ou moins espéré qu'Althéa n'y serait pas. Qu'elle resterait à l'écart de tout ceci, pour une fois. Auprès de l'enfant qui avait bien failli naître mort-née et grandir orpheline. Vivante et en sécurité - pour une fois...

De cet endroit ne se dégageait aucune impression de sécurité, mais bien d'effervescence un brin malsaine. De maladie, aussi... Et les odeurs émanant des innombrables flacons de simples vous montaient à la tête et la pressaient dans un étau.

"Bonjour à vous, Althea. Nous cherchons à obtenir des renforts pour la mission confiée à mes compagnons par le Cœur Radieux. L'affaire a son importance, alors je crois... Il serait bon que nous puissions en parler directement à Elissa."

[Oriane]

En entendant la voix d'homme mentionner le haut prélat, Oriane se tourna vers son ami, interrogative, songeant que peut-être, il avait eu vent de ce qui se passait. Il se contenta pour toute réponse de secouer brièvement la tête, puis il détourna le regard. Comme s'il voulait éviter le sujet. Elle n'insista pas, supposa qu’il n’avait sans doute guère envie de parler d’un homme qui, peut-être, était parmi ceux qui l’avaient radié de l’Ordre. Elle ne pouvait encore une fois s’empêcher de songer que ç’avait été une belle erreur. Il avait fini par lui raconter un peu plus en détail ce qui s’était passé, et elle se rangeait complètement et définitivement de son côté.
Un rapide regard vers l’elfe lui apprit que le sortilège avait fait effet. Elle était encore visiblement assez loin d’être au meilleur de sa forme, mais elle avait au moins l’air un peu plus...vivante. Considérant qu’elle n’avait plus grand-chose à faire dans ce petit salon, la jeune femme se tourna vers son ami.

"Je te raccompagne si tu veux..."

Elle avait à peine fini sa phrase que Delcia entra dans la pièce pour venir chercher Althéa. Interpellée par l’intrusion, elle poursuivit :

"Dans un instant..."

Elle supposait que si les nouveaux venus avaient été de simples clients, Delcia aurait certainement pu les aider. Le fait qu’ils demandent à voir Elissa voulait vraisemblablement dire que la guilde allait être impliquée. Après un regard vers Brus, elle sortit du petit salon, se rapprocha de la porte de l'arrière-boutique et s'arrêta sur le seuil. Les visiteurs étaient au nombre de trois, et elle reconnu parmi eux la jeune femme de Linceul. Elle lui adressa un sourire rapide, rassurée de constater qu'elle semblait aller beaucoup mieux que la dernière fois qu'elles s'étaient vues, puis tourna la tête vers Althéa, attendant la suite de la conversation.

[Eliaëdel]

Eliaëdel s'est éloignée de la fenêtre, en la repoussant doucement du bout des doigts. Son équilibre s'est fait vacillant. Mais elle a tenu debout sur ses propres jambes. Elle a secoué la tête. Le regard encore figé.
Elle a tenté de se concentrer sur la discussion. Essayé d'en appréhender la tournure. Mais l'esprit a vagabondé. Sauté d'une idée à l'autre. Avec lenteur; sans transition. Hagard et égaré. Trop occupé à ignorer le passé proche. Trop occupé pour vouloir appréhender l'avenir. Sinistre. Delcia est passé à proximité d'elle sans un regard.

L'elfe s'est approché lentement de l'embrasure de la porte. Elle s'est arrêtée à quelques pas derrière Oriane. Comme si elle ne l'avait remarquée qu'au tout dernier instant. Ca a paru la troubler un instant. Avant que son visage ne se referme dans sa démence.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Althéa ne savait pas vraiment quoi dire. Jamais Elissa n'avait été absente dans ces moments là. Sans elle, elle se sentait démunie, fragile. Étrangement, l'ambiance se fit plus crue, plus pesante. La détermination, émanant de la paladine et du prêtre derrière lui la mettaient mal à l'aise. Cette droiture et cette confiance tranquilles la mettaient mal à l'aise. La paladine pire que le prêtre, étrangement. Bien qu'elle fut jeune, il émanait d'elle un je ne sais quoi d'effrayant.

Elle sentait les regards des autres membres de la guilde posés sur elle. Un soutien, si petit soit-il. Personne ne savait où était Elissa. Et quelque chose lui criait qu'elle allait mettre du temps à revenir. Mais la porte s'ouvrit, comme pour la détromper. Elissa était revenue, quelque chose de changé dans le regard. Plus de fatigue, plus de fragilité. Mais une sorte de détermination. Étrange.

"Bonjour. Je suis Elissa Keens. Alors, que nous vaut l'honneur du déplacement du Coeur Radieux ?"

[Chandara]

Chandara fut étonnée de découvrir un visage connu parmi les occupants de la boutique qui servait de couverture à la guilde. Elle fut tellement surprise qu’elle put à peine manifester un salut en retour avant qu’Oriane ne s’écarte à nouveau à sa vue. Cette apparition détourna un instant son attention de l’échange entre Corwin et la jeune femme se tenant derrière le comptoir. Elle n’eut donc pas vraiment de la gêne de cette dernière et n’aurait de toute manière pas eu le temps de s’y attarder car une autre personne venait de faire son apparition, la tenancière des lieux à l’en croire. Tous les regards se tournèrent vers cette dernière mais la paladine préféra détailler la demi-elfe en laissant Mical décrire les raisons de leur présence. Elle s’était attendue à autre chose de la part de la dirigeante d’une guilde aussi puissante en ville. Pourtant, elle préféra garder ses réflexions pour elle, saluant Elissa d’un signe de tête poli.

[Macros]

Mical fronça légèrement les sourcils, légèrement déstabilisé par la sudaine présence de tant de personnes. Il avait espéré pouvoir s'entretenir avec la responsable à l'écart des oreilles indiscrètes au préalable, mais en faire la demande à présent pouvait être impoli, ou pire, insultant pour ceux et celles mis à l'écart. Mais le Haut Prélat n'avait soutenu la sécurité de cet endroit qu'avec un aplomb modéré, pour ne pas dire avec une certaine fraîcheur. Elissa Keens était probablement sûre, mais qu'en était il des autres ? Le prêtre avait la sensation d'être coincé entre la nécessité de devoir exposer les buts de leur présence en ces lieux et la prudence consistant à en dire le moins possible sur les affaires du Temple devant des oreilles étrangères.

" Dame Elissa, nous sommes venus quérir votre assistance et celle de votre guilde pour une mission de la plus haute importance. Le Haut Prélat semblait penser que vous pourriez être d'une aide précieuse... "

Tout en parlant, il s'efforçait de détailler du regard les diverses personnes rassemblées dans la pièce, comme si un simple regard povait suffire à discerner les gens de confiance des agents à la solde de l'ennemi. Ce qui le frappa avant tout, c'était la tension qui semblait les habiter, tous à un certain degré, tension dont lui et ses compagnons ne semblaient pas être la cause. Et plus il réfléchissait, moins il était certain de vouloir en connaître les raisons. Mieux valait rester concentré sur l'essentiel.

Finissons en. Nous n'avons déjà que trop traîné.

[Dhast]

Brus avait regardé tour à tour chaque personne se diriger vers la porte qui donnait sur la boutique, et où semblait-il, le centre d'intérêt général s'était déplacé. Ce n'est que lorsqu'il entendit la voix d'Elissa qu'il se redressa. Cherchant quelque chose dans sa poche il s'avança lui aussi et se plaça en retrait d'Eliaëdel, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir une vision convenable de la pièce et de ses occupants. Elissa lui apparut en premier, tendue, Althéa, puis leurs visiteurs, armés.

Brus fronça les sourcils, sortit sa dague, et commença à curer le dessous de ses ongles sales en attendant la suite.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Elissa avait observé le prêtre, avec le calme habituel qui était le sien. Contrairement à Althéa, elle ne se laissait pas impressionner par les helmites ni par leur rigueur. A Manost depuis plusieurs années déjà, elle s'était habituée à leur philosophie, pas si différente que la sienne par de nombreux points.

Par contre, elle se méfiait de ce prêtre impatient, qui semblait vouloir les recruter sans lui expliquer le pourquoi de la mission. A chaque fois, ce genre de quêtes s'étaient soldées par de cuisants échecs, autant humains que matériels. Et elle ne voulait pas retenter l'expérience.

Mais elle avisa les paires d'oreilles suspendues à sa réponse et réalisa que le comité était un peu trop nombreux, surtout pour une mission à priori discrète.

D'un petit geste de la main, elle indiqua une porte.

"Si vous voulez entrer dans le bureau ... Nous serons peut-être plus ... à l'aise pour discuter."

[Chandara]

Chandara fut soulagée qu’on daigne les recevoir dans une pièce plus discrète. Ainsi, elle se sentirait peut être plus libre de prendre la parole sans risquer de commettre un impair. Elle n’avait jamais été à l’aise en public et la présence de tous ces mercenaires espionnant leur conversation lui aurait fait perdre ses moyens. Son instinct martial n’avait pas manqué de noter le jeune humain qui avait dévoilé ostensiblement une dague. Nul doute que chacune des autres personnes présentes dissimulaient sur elles pareil attirail. Elle n’avait pas peur de se battre, même dans une position de telle infériorité mais elle préférait éviter qu’une confrontation n’éclate, pour le bien de leur mission. Pour bien marquer sa préférence et avant même que Mical ou Corwin aient réagi, elle se dirigea vers la porte qu'avait désignée la directrice de la guilde de mercenaires.

[Macros]

Mical suivit le mouvement, remerciant intérieurement la jeune femme pour sa compréhension. Il serait plus aisé de discuter en petit comité. Il attendit que la porte soit refermée pour poursuivre la conversation plus avant.

" Je vous remercie de votre accueil. Je suppose qu'il vaudrait mieux commencer par des explications. "

Le prêtre chercha un soutien dans les regards de Chandara et Corwin, avant de poursuivre.

" Comme vous le savez peut être, l'Eglise de Helm traverse une période troublée, alors même qu'elle est privée de dirigeant. Je vous épargnerais les détails, mais le Conclave est finalement parvenu à un accord sur le nom du prochain Grand Prêtre. "

Il avait fait son possible pour rester aussi évasif que possible sur le sujet. Il ignorait ce que son interlocutrice savait déjà, mais parler des défaillances et des querelles intestines du Temple était loin d'être son sujet de conversation préféré.

" Le problème est que l'homme est manquant depuis quelques temps déjà, et que nous avons des raisons de croire que d'autres cherchent à le faire disparaitre avant qu'il ne puisse entrer en fonctions. Nous sommes chargés d'organiser une expédition afin de le retrouver et de le ramener sain et sauf à Manost, et nous espérions pouvoir compter sur votre assistance. "

Mical jeta un bref coup d'oeil à son aîné et à la jeune paladine, comme pour s'assurer de n'avoir rien oublié d'essentiel.

[Eliaëdel]

Elissa était arrivée dans la pièce. L'elfe n'avait pas bougé. Ni même réagi. L'expression rêveuse sur le visage. Aveugle à ce qu'elle ne voulait voir.

Elle est remontée dans ses quartiers. A pas machinaux. Un peu trainants. Une petite étincelle de lucidité pour lui souffler qu'ils auraient bientôt tous à être prêts. Une autre voix qui lui soufflait que la surveillance sur ces faits et gestes s'amoindrirait d'autant que l'affaire menaçait d'être sérieuse. Une manière de... partir comme elle l'entendrait.
D'autres murmures. D'autres querelles internes. De vagues tentatives d'espoirs. Dispersées implacablement dans le flot continu d'une lucidité sinistre. Non. Il n'y avait plus rien à espérer. Juste être parée. Tout était comme dans ce songe. Celui où elle chutait. Le sol était tout proche désormais; plus que jamais.

Elle a retiré la chemise devenue inutilisable. S'est débarbouillée mécaniquement avec une eau froide de la bassine qui trainait dans la chambre. Amaigrie. Pour enlever le sang. Puis a détaché ses cheveux pour les laver. En les laissant libres après les avoir sechés. Une envie de vomir l'a saisie lorsqu'elle s'est redressée. Malgré l'estomac vide. Elle s'est contenue à grand peine. L'elfe a respiré rapidement, laissant le malaise refluer progressivement. Un frisson l'a enveloppée. Malgré le printemps tiède. Sans doute à mettre sur le compte de sa faiblesse.

La femme s'est rhabillée rapidement. Avec la dernière chemise propre qui lui restait. Puis a enfilé l'armure de cuir. Non sans l'avoir considéré une dernière fois d'un oeil vitreux. Comme si elle se souvenait de la personne qui lui avait permis de la prendre. Elle a secoué la tête. A ri doucement. Avec tristesse. Avant de faire mine d'oublier et d'ajuster le reste son équipement. Sa harpe dans son étui de voyage. Une bourse. A ses armes près. On avait du lui retirer. Vague sursaut d'irritation. Il lui faudrait demander.
Des frissons ont continué à l'agiter. Malgré le long manteau de laine qu'elle portait. Elle a quitté sa chambre non sans la verrouiller. Quand elle est réapparue dans l'arrière boutique, elle n'était pas moins lugubre qu'avant de la quitter. Mais elle semblait prête. Tout du moins, davantage apte à prendre des décisions moins... erratiques. Comme si son fragile équilibre mental avait tranché... pour le moment.

Elle s'est assise à une table sans l'arrière boutique. A pris un bout de pain. Avant de le mâcher précautionneusement. Sans s'empêcher de se sentir vaguement nauséuse. Elle payait les évenements récents, non?

[Lothringen]

Corwin ajouta simplement.

"Nos ennemis se sont déjà manifestés et ils semblent retors. Nous devons veiller à ce qu'aucun de leurs agents ne s'infiltre parmi nous. Il faudra que ce soient des personnes de confiance."

Tout en dévisageant cette femme qu'il ne connaissait guère, le vieux prêtre n'affichait pas une modestie exagérée. Dans son idée, ils n'étaient pas en train de mendier de l'aide : Elissa Keens la leur devait, en vertu d'accords par lesquels, par exemple, il soignait les membres de sa guilde gratuitement et sans poser de questions, et cela depuis des années.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Elissa s'était tue durant quelques secondes, les bras croisés. Comme elle le craignait, l'histoire était on ne peut plus sérieuse. Et elle ne pouvait refuser de les aider. Mais avant tout, il fallait qu'elle sache. Et elle voulait prévoir. Ne rien laisser au hasard, planifier. Pour cela, elle devait savoir le plus de détails possibles.

"Comment se nomme-t-il ? Avez-vous une idée du groupuscule visant à le faire disparaître ? Avez-vous une idée de l'endroit où il s'est rendu ? Où a-t-il été vu pour la dernière fois ? Vous a-t-il dit quelque chose avant de disparaître ?"

Les questions sortaient, en ordre anarchique mais posées d'une voix calme et posée. Et Elissa, tout en parlant pensait aux mercenaires qu'elle pourrait envoyer. Ce n'était pas de gaieté de cœur. Mais ce n'était pas comme si elle avait le choix.