La Couronne de Cuivre

HRP : je ne serai pas dispo demain

" Ah Elwyn... Elle me fait penser aux princesses elfes de jadis, arrogante et formidable... J'imagine que si je ne bouge pas pour aller la chercher, certains pourraient m'en vouloir. Mais la plupart ne seraient pas surpris. Passé un certain âge, les elfes ont le droit de se retirer. Le devoir, même, diraient certains. Sinon, nous ne laissons jamais la place aux jeunes générations, à nous attarder sans tirer notre révérence..."
Il se leva et alla jusqu'à la rambarde, jetant un oeil vers le sol loin en contrebas.
" Je serais ravi de débarrasser la source magique de l'abbaye de ce qui la pervertit. Mais il faudrait que les humains acceptent de me laisser le site. Pas pour que je le fouille à la va-vite... bien qu'entre nous, vous devinez qu'il me faudrait probablement une bonne cinquantaine d'années pour en venir à bout... mais de manière définitive. Ce genre d'éminence... au beau milieu de la campagne... n'est jamais complètement naturelle. Je ne pourrais pas l'assainir pour ensuite l'abandonner à nouveau à des coeurs incertains."

HRP : C'est bien noté ! Et merci !

-Je comprends. Peut-être suffirait-il de leur expliquer la situation pour qu'ils comprennent. Peut-être vaudra-t-il mieux leur mentir, en disant que la source est fondamentalement mauvaise... Je ne saurais dire. Quoi qu'il en soit, soyez assuré que je ne dirai rien de vos intentions réelles.
Il se fiait à l'avis de Wilmarin en la matière. Sans compter qu'il n'allait certainement pas lui opposer d'objection alors qu'il semblait d'accord pour l'accompagner, ce qui était une excellente nouvelle.

" Le jour où il suffira d'expliquer quelque chose aux humains pour qu'ils le comprennent n'est pas près de se lever, n'en déplaise à leurs dieux. C'est bien le problème avec eux : cette génération-ci acquiescera, la suivante doutera, la troisième contestera et la quatrième prendra les armes. Ne protestez pas, même pour la forme, je sais mieux de quoi je parle que vous. Ils n'ont pas de mémoire. Ils n'y peuvent rien, c'est l'espèce qui est ainsi faite. Mais ce qu'ils perdent en mémoire, ils perdent en pouvoir également. Je saurai sans nul doute rendre le site imprenable, invisible peut-être même, dès que cela sera nécessaire. Le seul hic c'est que... je me plais plutôt ici. Hum. Et j'ai encore beaucoup à faire."
Il eut un léger sourire.
" Mais je ne vais pas vous convaincre de me laisser encore un siècle ou deux, bien sûr."
Il revint vers le barde, se servit une nouvelle tasse de brumante.
" Par contre, je pourrais vous demander de me donner un coup de main."

Taliesin avait brièvement songé à ces contrées de Toril où elfes et humains coexistaient pacifiquement depuis des générations et des générations. Mais il s'agissait de terres lointaines, avec un historique, un contexte bien différents de celui d'Helonna et, à l'inverse, la situation observée sur cette île se retrouvait sinon identique, du moins apparentée en bien des lieux. Dès lors, il jugea inutile de rouvrir la controverse.
-Cela me paraît tout à fait légitime et vous pourrez donc compter sur moi répondit-il simplement

" Pendant combien de temps ?" demanda le vieil elfe avec un petit sourire mutin.
Puis il leva une main.
" Ne répondez pas. J'imagine que nous emmenons l'hybride et la fouine avec nous. Il est de toute façon hors de question que je les laisse piétiner mon bosquet en mon absence. Je crois que mon garde-môme a trop sympathisé avec le cornu, et la gamine grimpe aux arbres comme un écureuil. Je l'ai déjà récupérée trois fois dans les hauteurs et je sens que je vais devoir fouiller ses poches avant de partir. Enfin, bien sûr, je peux aussi, toujours, les transformer en pierre."

Il sourit.
-Ce ne sera pas nécessaire : Amrod, qui accueille déjà Baptiste, est d'accord pour héberger également ces deux -là jusqu'à ce que le problème de la secte soit réglé. Quant au temps durant lequel je pourrai vous aider... Déjà, avant de songer à rentrer chez moi, il me faudra retrouver Victor et pour l'instant, je n'ai aucune piste menant à lui.

" Ne soyez pas trop inquiet : votre petit loup-garou n'est pas perdu. Il a un sens de la survie très aiguisé. Je ne sais pas si ce qui pourrait le tuer existe sur ce Plan."
Il avait ouvert un coffre, dont il sortit un sac de toile tissé, d'apparence tout à fait banale.
" Vous avez rassemblé une belle brochette de merveilles. Vous devez les attirer, quelque part, pour qu'elles convergent vers vous."

Loup-garou... Voilà une bien curieuse façon de présenter Victor. Quoiqu'à bien y réfléchir, c'était une habile métaphore.
-Vous suggérez un appat ? Eh bien, c'est un peu ainsi que j'envisageais les choses. J'espérais, j'espère toujours, qu'il apprendra que Cordélia a été libérée de l'abbaye et qu'il se lancera à ses trousses, ce qui le tiendra éloigné des cultistes...
Sauf qu'il nétait pas dit que le môme, là où il se trouve, ait pu apprendre la nouvelle.

" Oh non, ce n'était pas un projet, c'était un état de fait. Mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas essayer. Je pense qu'il vous reviendra tôt ou tard, mais si son absence doit obscurcir votre jugement et briser votre élan, alors mieux vaut tôt que tard."
Il eut un sourire.
" Et si vous mettiez les moustiques sur le coup ? Ce serait un coup élégant et, en cette saison, diablement efficace."

-Mes excuses : je vous avais mal compris, répondit-il, embarrassé. Tant de choses à l'esprit...
Il sourit.
-Pour être franc, je m'efforce de ne pas trop songer à lui : je ne pense pas avoir les moyens de le retrouver et je préfère donc me concentrer sur ce que je peux accomplir, en me disant qu'il a les moyens de se débrouiller et qu'il finira bien par montrer le bout de son nez. Mais je pourrais toujours, effectivement, demander à Titus d'utiliser les insectes pour tenter de le localiser : je ne sais quel est leur rayon d'action mais cela ne coûte rien d'essayer.

" Vous devriez vous percevoir davantage comme un chef d'équipe que comme une poule acculée tentant de protéger sa couvée. Usez donc de leurs talents, ils ne vous en seront que plus fidèles."
Il se redressa.
" Laissez-moi le temps de rassembler quelques affaires et nous pourrons nous mettre en route. Je connais mal la Vallée... ou plutôt son visage actuel. Amrod et Elros sont mes yeux parmi les humains, et je dois dire que je me suis toujours très peu intéressé à leurs récits."

-Prenez tout votre temps. De mon côté, je vais aller voir si les enfants sont prêts. Mais, bien sûr, si je puis vous être utile d'une quelconque manière, n'hésitez pas à m'appeler.
Sur ce, et à moins que Wilmarin n'ait une tâche à lui confier, il regagnerait le plancher des vaches et en profiterait pour demander à Titus s'il pouvait recruter des espions insectoïdes.

Mais Maître Wilmarin arriva avant qu'il n'ait fait le tour de ses ruminations. Il ne portait rien d'autre qu'un manteau léger, un bâton de marche noueux et son sac de toile, qui paraissait presque vide. A son apparition, les deux enfants cessèrent brusquement de jouer et se réfugièrent en criant entre les arbres, d'où ils l'observèrent, chacun caché derrière un tronc.
" Quelle popularité, remarqua le vieux mage. Si tout est prêt, nous pouvons partir."

La réaction des mômes le fit sourire. Mais il se dit qu'après quelques heures de marche - car ils semblaient partis pour marcher, non pour se téléporter -, ils seraient moins effarouchés.
-Alors en route ! dit-il en se relevant.
Puis, à Titus et Marius.
-Allez les gars, on y va : direction la Vallée fertile.

" Ah non, fit Wilmarin sur un ton faussement docte. On ne va pas aller par là."
Il désigna la direction opposée à celle que Taliesin avait désormais presque l'habitude d'utiliser.
" Enfin, à moins que vous n'ayez envie de marcher. Mais personnellement, j'ai déjà assez randonné pour toute une vie, même d'elfe."

Eh bien, il s'était trompé. Et il n'allait pas s'en plaindre.
[color=#FFFFF66]-Je préfère de loin utiliser votre méthode de déplacement. Je n'ai pas arrêté de cavaler, ces derniers temps. Par ailleurs, traverser sans cesse la Lorien sans avoir la possibilité de s'y attarder, de l'explorer... C'est un tantinet frustrant ![/color]
En tout cas, la téléportation était une excellente nouvelle : plus tôt ils seraient arrivés à Champsdor, plus tôt ils pourraient s'attaquer à la secte.

Au fur et à mesure qu'ils progressaient dans ce dédale végétal, Titus gagna en assurance, tandis que Marius restait sur ses gardes, une expression suspicieuse sur les traits. Wilmarin laissa le faune prendre la tête de leur équipée, bien que la luxuriance des arbres et des buissons autour d'eux soit de plus en plus inquiétante et torturée. Le vieil elfe ne semblait pas inquiet, écartant des fleurs à la gueule visqueuse du bout de son bâton, puis se glissant sous un arceau de ronces, sans sourciller.
" C'est de l'esbroufe, finit-il par expliquer. De l’ingénierie végétale. On pourrait penser que c'est la nature qui reprend ses droits, mais il n'en est rien. Les lieux ont été conçus pour faire peur et museler la curiosité du promeneur. Les Anciens étaient très doués en la matière : même les premières tribus elfiques qui ont planté leurs tentes en Lorien s'y sont laissées prendre. Pourtant, il n'y a rien à craindre. Rien de rien."

[color=#FFFFF66]-Si je n'avais pas été avec vous, je me serais fait avoir comme tout le monde et j'aurais probablement rebroussé chemin sans la moindre hésitation...[/color]
Il observa avec encore plus d'attention la luxuriante - et menaçante - végétation.
-Mais qu'est-ce que les Anciens tenaient tant à cacher au point de tout faire pour tenir les visiteurs à l'écart ? Y a-t-il des ruines ? Des vestiges tels que ceux se trouvant près de Champsdor ?

" Exactement, dit le vieil elfe. Ce n'étaient pas des ruines, autrefois, bien sûr. Mais il en demeure effectivement des vestiges ici et là. Ce sont des sites qui entrent en résonance, quand on sait les utiliser."
Il eut un léger sourire, par dessus son épaule.
" Beaucoup de choses se sont perdues... des Anciens avant les elfes, des elfes à l'ère des humains, et sans doute qu'ensuite, quand les humains à leur tour connaîtront leur crépuscule, ce qu'ils savaient se perdra."

-C'est triste, quand on y pense. D'un autre côté, il y aura toujours des archéologues pour essayer de faire parler des ruines, et de nouveaux savants pour redécouvrir ce qu'avaient découvert leurs homologues du passé...
Il eut un sourire pensif.
-Les peuples passe, Toril demeure... Ce genre de considérations est un bon rappel à l'humilité.

" Mais chaque espèce croit qu'elle réussira là où les autres ont échoué, dit Wilmarin. L'humilité est perçue comme une forme de capitulation. Et le monde n'est effectivement sans doute pas assez vieux pour qu'on puisse juger de ce qu'il deviendra. Les elfes n'ont pas dit leur dernier mot, pour commencer. Nombreux sont ceux qui pensent que l'humanité n'est qu'un mal qui finira par passer, si on se montre prudent, patient et confiant. Un peu comme une tempête. Certains tentent de l'affronter, d'autres se laissent emporter, les derniers restent à l'abri. Qui sait qui a raison, au final, et qui l'emportera ?"
Sur un dernier sourire, il écarta un rideau de lianes oranges et vertes, chargées de fleurs en forme de fer à cheval, révélant une clairière. Titus s'immobilisa à l'entrée, tandis que le sage elfe le dépassait. Il s'y trouvait un sanctuaire assez similaire à celui qu'avait exploré Taliesin sur les flancs de la butte de Champsdor mais il était en bien meilleur état. Sa pierre était grise pâle, translucide, et les plantes l'avaient partiellement colonisé. Mais le chemin qui menait à chaque alcôve était dégagé. On notait des éboulements, cependant, quelques fissures, et le toit, comme à Champsdor, avait complètement disparu.

Wilmarin avait avancé jusqu'au centre de la clairière et il se retourna pour observer le petit équipage qui l'accompagnait. Il plissa les yeux et les jaugea tour à tour, d'abord l'elfe — peu de temps, puis son regard passa rapidement sur le demi-faune, avec un sourire entendu, enfin sur la petite fille qui prétendait être un garçon.
Il s'approcha de Taliesin et lui tendit deux pierres. C'étaient des silex aiguisées, d'une belle couleur gris rouge.
" Allez vous placer dans l'alcôve tout à gauche. Ne faites rien tant que je ne vous en donne pas le signal."
Il se tourna ensuite vers le faune et s'accroupit devant lui. Il ramassa une poignée de terre à même le sol et la posa entre les paumes du gosse intimidé.
" Va te mettre dans la deuxième alcôve, le cornu. Et garde ça bien précieusement." lui dit-il en sylvestre.
Il s'approcha enfin de Marius et lui tendit une petite flasque. Pendant ce temps, Titus s'était sagement exécuté.
" Tiens ça et tu vas là... dans trois, annonça-t-il dans son commun rouillé.
— Pourquoi ?"
Il soupira.
" Parce que je dis.
— Et pourquoi je ferais ce que tu dis ?"
Le vieil elfe roula des yeux et se tourna vers le barde.

Il sourit : c'était presque rassurant de constater que maître Wilmarin, lui aussi, peinait à négocier avec Marius.
-Nous allons nous téléporter jusqu'à Champsdor en utilisant la magie de ces ruines, expliqua-t-il tranquillement à la gamine. Si j'ai bien compris, pour l'activer, il fait recourir aux quatre éléments, chacun d'entre eux étant lié à l'une de ces alcôves : toi, tu es chargé de l'eau, Titus de la terre, moi du feu, avec ces silex, et maître Wilmarin de l'air.
Mine de rien, il avait été sur la bonne voie, lors des recherchers qu'il avait menées avec ses fils. S'ils avaient disposé d'un peu plus de temps, peut-être auraient-ils réussi à en percer le mystère...

Wilmarin n'avait rien dit, se contentant d'écouter les explications du barde, avant de s'éloigner quelque peu. Il ne rejoignit cependant aucune des alcôves, resta en périphérie de la clairière. Titus était maintenant à l'endroit qu'on lui avait indiqué, un peu nerveux, mais stoïque. Marius observait Taliesin avec la mine de celui qui tente de deviner si on est en train de l'embobiner.
" Téléportation? C'est sûr ? Je suis pas très motivé par les trucs magiques, moi. Sauf dans tes histoires, mais c'est pas pareil. Tu es certain que ce n'est pas un piège ?"

-J'en suis certain.
Il soupira.
-A présent, Marius... Sois gentil, fais ce que maître Wilmarin t'a demandé. La situation est grave, à Champsdor : beaucoup de vies sont en jeu et plus tôt nous serons là-bas, plus nos chances de réussir à les sauver seront élevées.