[Lieu] Les taudis

[Vel Cheran]

"T'as raison", acquiesça Jordin, "ne perdons plus de temps. J'allais suggérer de passer par la mercerie pour ramener la soi-disante commande de notre témoin providentiel, mais tant pis : si on nous d'mande, on répondra qu'il doit aller la chercher à la boutique."

[Voyageuse]

Ils se mirent en route à travers la ville, rejoignant rapidement le Parc Verdoyant, qu'ils longèrent vers le nord. L'après-midi était déjà bien avancé, et de nombreux promeneurs profitaient de cette belle journée de début d'automne : parents avec une ribambelle d'enfants, étudiants en robes de mages, coursiers pressés... les allées du parc étaient particulièrement encombrées à cette heure de la journée. Il leur fallut ralentir l'allure, coincés derrière une famille nombreuse, avant de quitter enfin le pôle vert de la ville et se plonger dans le quartier administratif.

[Voyageuse]

Il leur fallut vingt bonnes minutes pour traverser le quartier. Cécile Hanssieux semblait connaître les lieux, et le guida sans hésitation dans le dédale des ruelles. Il reconnut les bains publics qui lui avaient servi de repère la veille, devina la rue Bichon menant à "ses" entrepôts, mais ils poursuivirent plus au sud avant de s'arrêter devant de grands baraquements de bois. Les lieux n'étaient pas déserts : deux hommes à l'allure patibulaire semblaient monter la garde. La porte était ouverte et on entendait le bruit d'objets lourds que l'on déplace. Une odeur de sciure se dégageait des lieux

[Vel Cheran]

Le moine examina les lieux, prenant mentalement des notes, avant de se décider à jouer son rôle jusqu'au bout : sans se soucier de ce que pourraient en penser les deux brutes si elles l'apercevaient, il prit un calepin et un crayon et nota quelques informations sur les dimensions approximatives des lieux et ses besoins pour son école.

Puis, d'un signe de tête, il signala à Hansieux qu'il allait en faire le tour. Ce pouvait être une bonne idée que de repérer d'éventuelles sorties de secours...

[Voyageuse]

Il n'était pas possible d'en faire entièrement le tour : le bâtiment était mitoyen avec d'autres entrepôts, qui pour l'heure ne semblaient pas utilisés -personne n'était visible et on n'entendait aucun bruit.
L'ensemble était construit de pierre grossière jusqu'à hauteur d'homme, et de bois brut au-dessus, avec un toit de bois également. Des baies vitrées, à l'avant et à l'arrière, assuraient certainement une bonne luminosité à l'intérieur, mais elles étaient situées en hauteur, empêchant tout regard indiscret ou tentative d'intrusion par ce biais. Jordin n'aperçut aucune issue à l'arrière ni sur le côté. Il y avait cependant une petite porte à quelques toises du grand portail, sur la façade avant.
L'un des deux gardes finit par s'alarmer de son manège et s'approcha de lui.
"C'est privé ici. 'Pouvez m'expliquer c'que vous faites?"

[Vel Cheran]

Sans se décomposer le moins du monde, Jordin lui répondit d'un ton qu'il voulut le plus amical possible, avec un brin de naïveté.

"Désolé du dérangement, mon brave, je ne fais que du repérage. Je cherche un entrepôt pour mon métier - je suis moine et enseignant - et c'est la raison pour laquelle je fais le tour des bâtiments du coin qui pourraient correspondre à mes besoins. Ne vous inquiétez pas, je ne veux pas nuire à votre espace personnel, je vais donc vous laisser. Bonne journée à vous !"

[Voyageuse]

Le garde se gratta la tête, perplexe.
" Si vous cherchez un bâtiment, voyez bien qu'celui-ci est pris... Puisqu'on y est, nous. J'veux dire, c'est pas la peine de prendre des notes, il n'est pas disponible. J'crois pas qu'Monsieur Mauguen y s'rait intéressé d's'en séparer. Vous pouvez lui d'mander, hein, avec de l'or on achète beaucoup de choses... mais avec tout le fatras dedans, y s'rait bien ennuyé de devoir déménager ça !"
L'explication de Jordin paraissait l'avoir convaincu, et il n'avait plus trace d'agressivité.

[Vel Cheran]

"J'en prends bonne note, merci du renseignement !"

Et, d'un pas décidé, il s'éloigna du bâtiment et fit signe à Cécile de lui emboîter le pas. Une fois hors de vue, il lui fit part de ses observations.

"Si on veut les espionner, ça risque d'être compliqué. Mais je pense avoir suffisamment d'informations pour donner le change devant les proprios."

[Voyageuse]

Cécile Hanssieux acquiesça.
" C'est l'essentiel. Bon, après, si ce type a raison, on n'arrivera pas à convaincre le propriétaire de visiter... mais il faut essayer. Et même s'il refuse, ça donne une raison plausible à notre présence, par la suite. Ils peuvent imaginer qu'on veut continuer à négocier..."
Tout en parlant, elle n'entraînait vers le sud de la ville. Les taudis se firent plus rares, les entrepôts plus nombreux et mieux entretenus, et presque subitement, ils débouchèrent dans un quartier résidentiel cossu, bien différent des bâtisses de bric et de broc qu'on trouvait dans les taudis : villas de pierre et de brique, jardins bien entretenus, portails fermés, presque menaçants : ils étaient dans le quartier sud.