La Couronne de Cuivre

Quête : Equité

Zélia leva des yeux larmoyants sur Astrée, à moins que ce ne soit l'eau qui ruisselait de ses cheveux mouillés qui lui trempait le visage.
" Je ne sais pas où est mon père... Il est parti dans l'orage, c'est toi qui l'as dit ! Tu crois qu'il serait parti ? Qu'il m'aurait laissée ? Parfois quand je n'obéis pas, que je suis trop difficile, parfois il dit que je peux partir si je veux... quand il est très en colère... quand je le pousse à bout parce que je suis furieuse que maman... que c'est pas juste, ce qui est arrivé..."
Elle frémit.
" Il faut que je le retrouve..."

Quête: Equité

L'humeur d'Astrée s'adoucit bien vite devant la détresse de la jeune fille.
- Ne t'inquiète pas... C'est ton père, il ne va pas te laisser comme ça ! Surtout en pleine nuit, avec un temps pareil !
Elle posa une main amicale sur l'épaule de la jeune fille. Elle cherchait à la rassurer, mais ne pouvait empêcher l'angoisse de l'envahir.
- J'ai vu de la lumière dehors, j'ai jeté un coup d'oeil... J'ai eu l'impression qu'il cherchait quelque chose, en tout cas il revenait, repartait... mais je ne vois pas ce qu'il pourrait chercher en pleine nuit sous la grêle.
Elle soupira.
- Il n'a pas laissé de message inquiétant ?

Quête : Equité

" Non, il n'a rien laissé... fit Zélia, les lèvres pincées. D'habitude, quand il y a de l'orage, il sort voir les animaux... Les animaux ont souvent peur de l'orage... Alors il va voir si les chevaux et les vaches sont bien à l'abri..."
Elle se tut, son regard écarquillé.
" Ça doit être ça ! Il doit y avoir une bête qui n'est pas rentrée ! C'est sûrement la chèvre... Parfois elle arrive à se faufiler sous la barrière, elle aura peut-être pris la poudre d'escampette !"
Un sourire traversa son visage, puis disparut.
" Mais c'est quand même stupide de partir sous la grêle pour une simple chèvre... Il pourrait attraper la Grelotte, non ? Tout ça pour une chèvre qui aura tôt fait de se réfugier sous une haie..."

Quête: Equité.

- Oui, c'est sûrement ça, il a dû s'inquiéter pour les animaux... Bon, écoute, tu ferais mieux de rentrer au chaud sinon c'est toi qui va attraper le grelotte !
Mais la gamine était inquiète, et avec raison peut-être.
- Mais si tu veux, je peux aller voir un peu plus loin si je trouve ton père. Je suis bien habillée. Il n'a pas pu aller très loin tout de même ! Surtout s'il cherche une chèvre.
Une subite pensée lui traversa l'esprit. Il n'était tout de même pas à la recherche de... Prince ? S'il avait vérifié que toutes les bêtes étaient là et n'avait pas vu l'étalon... Oui, ce pouvait être l'explication.
Fichu écureuil, songea-t-elle avec davantage d'affection que de rancoeur. Si jamais c'est ta faute tout ça, je te jure que... Elle ne savait pas trop quoi d'ailleurs. Et puis, cela n'avait peut-être rien à voir.

Quête : Equité

Zélia hésita.
" Je pense... je pense que je préfère que tu restes avec moi, dit-elle alors. Lui, il connait bien le coin, la rivière et la petite mare, puis l'endroit où il y a eu le glissement de terrain l'année passée... La vieille ruine du temple... Non, je crois que c'est pas prudent que tu ailles dehors par cette nuit. Je crois... je crois qu'il reviendra quand il aura trouvé la chèvre."
Elle eut un sourire un peu plus brave.
" J'ai déjà moins peur maintenant que je comprends pourquoi il est sorti. Je vais aller lui préparer un lait chaud avec des épices, pour quand il rentre... Il sera fâché que j'ai veillé, mais c'est de sa faute, après tout !"

Quête : Equité

Astrée hocha la tête.
- Oui, le lait chaud, c'est une bonne idée. J'en prendrais bien un bol ou deux ! Mais je me demande...
S'il avait décidé de ne pas revenir avant d'avoir trouvé ce qu'il cherchait ?... et si ce qu'il cherchait, c'était Prince ?... Le pauvre allait attraper un refroidissement !
Elle hésita un bref instant avant de lancer un petit mensonge.
- Ecoute, je me demande si ce n'est pas mon étalon qui pourrait manquer à l'appel. Tu sais, il est très fugueur... et je ressens sa présence, je pense qu'il s'est abrité dans un bosquet plus loin. Si jamais c'est lui que ton père cherche, il n'est pas près de le trouver... C'est pour ça que je devrais peut-être aller le chercher, il va finir par attraper froid...
Mentalement, elle tenta d'entrer en contact avec Prince toujours caché dans sa capuche, pour tenter de le convaincre de filer quelques centaines de mètres plus loin sur la route, de reprendre sa forme équine et de se faire entendre par un grand hennissement. Qui, elle l'espérait, suffirait à rameuter le forgeron. Et si cela ne suffisait pas, peut-être pourrait-elle l'envoyer à sa recherche ? S'il avait fait beau, l'étalon se serait exécuté sans rechigner, mais là, vu le temps, il n'était pas sûr qu'il accepte de quitter son abri...

Quête : Equité

" Tu crois ?" demanda la gamine, interloquée.
Prince des Frelons, lui, n'avait vraiment aucune envie de sortir de son abri.
" Mais peut-être que oui... Si tu sais où il est, ton cheval..."
Le cheval en question ne voulait pas se laisser convaincre, mais devant l'insistance de la rôdeuse, il finit par invoquer des images de grands champs de pissenlits dans son esprit. Le message était clair : si elle voulait qu'il se farcisse l'orage, elle avait intérêt à le laisser brouter à son aise le lendemain matin.
" Mais on devrait d'abord vérifier, non ?"
L'écureuil emprunta un chemin extrêmement cruel (et qui n'aurait sans doute pas plu à Kasumi, s'il en avait été informé) pour quitter son abri : il se faufila dans le dos de la rôdeuse, devint abeille pour se glisser dans ses chausses, la chatouilla des fesses aux chevilles en bourdonnant toujours plus bas, puis redevint écureuil pour filer dans la nuit.
" Aaaah ! Un rat ! Tu as vu, il y avait un rat ?!"

Quête : Equité

Astrée tenta de son mieux de ne pas se contorsionner. Son fidèle compagnon semblait parfaitement savoir à quel point elle craignait ce genre de chatouilles. Elle résista à grand-peine à l'envie de l'attraper alors qu'il la torturait ainsi, mais voilà, cela ne se faisait pas de mettre ses mains dans ses chausses, de quoi aurait-elle eu l'air devant la gamine ? Et elle eut encore plus de mal à ne pas lui transmettre mentalement sa subite envie de l’assommer... mais ce n'était pas le moment de gâcher sa relative bonne volonté. Aussi resta-t-elle aussi stoïque que possible en promettant des montagnes de pissenlits le lendemain... sans lui laisser voir qu'il ne perdait rien pour attendre.

Elle rit aux cris de la gamine.
- Oui, je l'ai vu, il m'a frôlé le pied. Ce n'est pas étonnant avec le temps qu'il fait... Mais tu sais, ce n'est pas forcément méchant ces bêtes-là. Bon, tu veux qu'on vérifie si mon cheval s'est bien sauvé ? Tu sais, moi je n'en ai pas besoin, je sens sa présence... mais si tu y tiens, viens, on va s'approcher de l'écurie. Mais ensuite tu rentres, d'accord ? Ton père sera furieux si tu prends la grelotte !
Restait à espérer que Prince aille suffisamment loin et donne de la voix suffisamment fort pour que le forgeron l'entende...

Quête : Equité

Zélia guida Astrée de refuge en refuge pour gagner les écuries en évitant au maximum l'averse. La rôdeuse eut donc le grand bonheur de pouvoir localiser les latrines, de visiter l'atelier crasseux du forgeron, le poulailler (où les deux visiteuses furent très mal accueillies) avant d'atteindre leur but. Trois chevaux, dont Tache de Lune, deux vaches et une chèvre leur retournèrent un regard apeuré depuis les profondeurs de leurs stalles. Comme l'avait prévu la petite fille, la porte était fermée : son père était passé par là. L'absence de Prince ravit l'enfant qui bombarda Astrée de questions sur son lien avec l'animal, la manière dont il s'était développé, le moment où elle avait réalisé qu'elle partageait quelque chose avec la nature environnante. Sans lui laisser réellement le temps de répondre, elle s'interrogea alors à haute voix sur son propre destin, ne s'imaginant pas forgeronne et rêvant de Luménis et de grands halls de marbre. Alors que le tonnerre se faisait moins bruyant, un hennissement puissant brisa la quiétude relative de la nuit.
" C'est ton cheval, ça ?! Wouah ! On dirait... un tremblement de terre !"
Il n'avait pas fait dans la dentelle, c'était le moins qu'on puisse dire.
La jeune femme et la petite fille regagnèrent ensuite l'abri de la ferme pour aller se préparer ce fameux lait chaud.

Quête : Equité

Astrée tenta d'expliquer mentalement à Prince qu'il devait s'assurer que le forgeron l'avait bien entendu... Aller à sa rencontre, et ensuite rentrer directement à l'écurie sans se laisser rejoindre, histoire de prouver à Léoric qu'il n'avait nullement besoin de lui.
Bien sûr, tout cela supposait que ce soit bien à la recherche de Prince que soit parti le forgeron. Mais c'était l'explication la plus rationnelle.

Une fois son manteau trempé pendu près de l'âtre, Astrée aida Zélia à relancer le feu presque éteint et à préparer le lait chaud. Puis elle s'affala sur une chaise, les yeux mi-clos, s'emplissant du doux parfum des épices et du miel. Il serait prêt dans quelques instants, et il leur faudrait bien ça pour se réchauffer après tout ce temps passé sous la pluie. Elle se sentait glacée jusqu'aux os et la petite devait l'être encore davantage.
- Ne t'en fais pas, Zélia. Tu as entendu mon Prince... Ton père a dû l'entendre aussi et il va donc revenir d'ici quelques minutes.

Quête : Equité

Le forgeron ne reparut qu'une bonne demi-heure plus tard, alors que les deux demoiselles avaient eu le temps de boire un premier bol et de s'en resservir un deuxième. Il déboucha dans la pièce de vie, sa lampe tempête vacillante à bout de bras, et poussa un cri de saisissement plutôt comique en les découvrant installées dans les fauteuils. Il était trempé jusqu'aux os malgré son manteau (dont il avait dû se débarrasser dans le couloir).
" Par les dieux, mais qu'est-ce que vous faites là ? s'exclama-t-il.
— On t'attendait, répondit crânement Zélia, sans plus la moindre once de l'angoisse qui l'avait habitée plus tôt.
— Mais j'étais juste... allé vérifier... que les animaux étaient à l'abri...
— Et puis tu as dû courir la campagne pour retrouver le cheval d'Astrée..."
Il s'empourpra.
" Mais je l'ai retrouvé. Je suis vraiment désolé... J'ai dû mal fermer la barrière... Mais il a l'air en bonne santé. Juste un peu mouillé. Mais je l'ai bouchonné. Il ne devrait pas attraper froid. J'espère. Je suis navré, vraiment."

Quête : Equité.

Astrée se sentait terriblement gênée
- C'est moi qui suis désolée ! s'exclama-t-elle. J'aurais dû vous prévenir qu'il était très fugueur, et qu'il ne fallait surtout pas vous inquiéter s'il disparaissait. Il est capable de s'échapper d'à peu près n'importe où... C'est la réputation qu'il avait lorsqu'on me l'a offert et elle est amplement méritée. C'est une habitude chez lui, il aime courir la campagne, et avait dû sans doute se réfugier dans un bosquet. Il sait que de toute façon je le retrouve toujours. Il ne méritait pas que vous vous fassiez tant de souci, vraiment... Ni même que vous le bouchonniez, après tout c'est lui qui a décidé de s'échapper !

Bien sûr, il avait dû être ravi qu'on soit aux petits soins pour lui après s'être ainsi trempé. Et puis, le forgeron n'avait pas tort, il ne faudrait pas qu'il prenne froid... Mais tout de même, il s'en tirait à bon compte.
Bon, elle devait bien reconnaître qu'il avait également accepté de contribuer à résoudre les choses, donc finalement méritait un peu de commisération.
- Mais merci quand même, pour lui. S'il s'est laissé faire c'est qu'il en avait vraiment besoin...

Quête : Equité

Léoric parut un peu décontenancé en apprenant que la bête avait l'habitude de prendre la poudre d'escampette, mais prit la chose avec un doigt d'humour.
" Dans ce cas, j'espère qu'il aura fait honneur à ma jument... pour me dédommager de mes efforts !" s'exclama-t-il avant d'éternuer.
Il se serait sans doute déshabillé au milieu de son salon s'il n'avait eu une invitée, mais il battit en retraite dans le couloir puis vers les étages. Il reparut néanmoins quelques minutes plus tard, vêtu de sec, pour quémander sa part de lait au miel. Il avait l'air frigorifié et il ranima le feu dans l'âtre, conseillant aux jeunes femmes de retourner se coucher. L'aube ne tarderait plus et si Astrée avait une longue route à faire, peut-être aimerait-elle profiter des dernières heures d'obscurité. Zélia, sur un bâillement, ne se fit pas prier. Au dehors, la tempête s'éloignait.

Quête : Equité.

Astrée regarda la gosse qui s'éloignait. Le forgeron avait raison, il était tard... ou plutôt tôt. Et elle avait sommeil elle aussi.
- Elle était inquiète de ne plus vous voir... Elle a peur de vous perdre vous aussi, je crois, expliqua-t-elle à Léoric en se levant à son tour.
Elle ne faisait pas que croire, elle le savait avec certitude, mais le gosse semblait prendre tant de soin à dissimuler son angoisse à son père qu'elle ne voulait pas avoir l'air de trop la trahir. Elle espéra n'avoir mis nul reproche dans son ton : c'était une simple constatation.
Elle étouffa un baillement.
- Mais vous avez raison, il me reste deux petites heures de sommeil devant moi, mieux vaut que j'en profite si je veux être d'attaque demain.
Elle se doutait que son brave étalon, lui, serait passablement épuisé.
- Bonne fin de nuit !

Quête : Equité

" A vous aussi..." lui répondit le forgeron.
La fin de la nuit se déroula sans nouvelle alerte. L'orage s'était éloigné, la grêle apaisée, et Astrée put retrouver le sommeil bercée par le chant tranquille d'une fine pluie printanière.
Elle fut réveillée par un rayon de soleil, le son régulier du marteau sur l'enclume et une bonne odeur de pain chaud. Il était plus tard que prévu et la matinée était radieuse. Lorsqu'elle se fut débarbouillée et préparée, elle retrouva Zélia à l'étage inférieur, qui l'accueillit avec un petit déjeuner roboratif. Dehors, le forgeron lui apprit que Prince avait à nouveau pris la clé des champs et qu'il se trouvait à une centaine de mètres... dans un champ de pissenlits. Il n'avait pas essayé de le rattraper, d'autant qu'on le voyait depuis la forge, et qu'il semblait parfaitement heureux là où il se trouvait.

Quête : Equité

Astrée eut un large sourire en apprenant où se trouvait Prince.
- Vous avez bien fait de le laisser là-bas. Il adore ces fleurs-là et je l'en ai un peu privé hier soir, pour ne pas arriver trop tard ici. Je risque d'ailleurs d'avoir un peu de mal à l'en arracher...
Elle ne pouvait tout de même pas lui dire qu'elle lui avait promis de le laisser grignoter des pissenlits tout son saoul la veille au soir.
Le soleil printanier peinait à réchauffer l'atmosphère, mais sa lumière était un revigorant efficace : la rôdeuse en oubliait presque leur petite mésaventure nocturne.
Elle salua le forgeron et sa fille, leur souhaitant une belle descendance pour Tache de Lune. Elle était certaine que Prince n'avait pas boudé son plaisir : s'il suivait les traces de son premier maître il ne pouvait en être autrement... enfin il lui semblait, d'après le peu qu'elle avait connu Bélenn, que c'était plutôt un bon vivant. Peut-être qu'elle se trompait ? Quoiqu'il en soit, elle promit de passer à son retour prendre des nouvelles de la jument. En espérant qu'elle donne naissance à un poulain normal...

Elle ne tenta même pas de convaincre Prince de revenir vers elle : ce fut elle qui apporta harnachement et bagages jusqu'à lui, et elle eut un peu de mal à obtenir sa coopération pour se faire équiper.
Bon, on y va maintenant ? Ou tu veux encore grignoter ces fleurs que tu viens de piétiner ? Tu sais qu'il y en aura pleine d'autre sur le chemin, surtout avec un soleil pareil!

Quête : Equité

L'étalon emplit l'esprit de sa cavalière de grosses fleurs de tournesol épanouies, lui transmettant au passage un peu de sa gourmandise : il avait apparemment d'autres projets pour l'été. Même s'il ne l'aida pas vraiment pendant qu'elle le harnachait, il accepta ensuite de reprendre la route sans se faire prier. Avant de quitter Tournebride, il poussa cependant deux longs hennissements assourdissants, auxquels répondirent les chevaux du forgeron, dans le lointain. Puis il reprit le galop, comme si la mésaventure ne l'avait affecté en rien. Astrée elle-même ressentait à peine les effets de sa courte nuit et ils purent cheminer à un bon train pendant la majeure partie de la matinée, sous un soleil timide mais volontaire. A seulement une journée de selle de Luménis, la route demeurait très fréquentée et le printemps avait remis en mouvement tous ceux qui attendaient un temps clément pour voyager. Quand ils arrivaient en vue de groupes trop importants ou de chariots qui encombraient le passage, Prince quittait simplement la terre battue pour fouler un moment les prés alentours. Il tenta même l'expérience au creux d'une petite forêt, ce qui valut une belle frayeur à sa cavalière. L'étalon prit alors son mal en patience, piaffant derrière une charrette qui transportait des cageots pleins de poules jusqu'à un marché voisin. A la mi-journée, ils se reposèrent une petite heure avant de repartir sous un ciel voilé. Il ne plut cependant pas et Astrée se retrouva en pleine campagne pour sa seconde nuit dehors. Le Pont des Trois Sires n'était plus très loin, mais si elle cherchait à l'atteindre, elle n'y parviendrait peut-être pas avant la minuit.

Quête : Équité

Astrée n'avait pas réellement envie de séjourner au Pont des Trois Sires. L'aubergiste devait encore se rappeler de leur dernière visite... Certes, elle serait accueillie comme une cliente ordinaire, mais l'aubergiste était sans doute encore persuadé que Kasumi avait kidnappé sa nièce. Elle se voyait mal lui expliquer que l'adolescente était partie de son plein gré avec le barde incriminé, ni que ce dernier était le demi-frère de Kasumi, ce qui expliquait leur ressemblance mais ne jouerait pas en leur faveur. Ils avaient bien demandé à la jeune fille de lui écrire pour lui expliquer, mais elle n'avait sans doute pas encore pris le temps de le faire. Et puis, il lui faudrait aussi éviter de croiser l'officier que Kasumi avait quelque peu provoqué... Quoique... elle pouvait en profiter pour payer son amende. Mais cela lui coûterait la quasi totalité de la somme confiée par Miranda. Bah, elle verrait au retour s'il lui restait assez. Le plus raisonnable était de revenir plus tard, avec son compagnon : après tout, c'était lui qui était en cause, pas elle.

Il lui restait donc à trouver un endroit où passer la nuit. Il lui fallait de préférence un bosquet assez touffu pour se protéger d'une éventuelle petite averse. Non loin d'une source d'eau, ce serait encore mieux. Elle avait son hamac, elle pouvait s'installer confortablement un peu en hauteur : elle n'avait pas vraiment de temps ni l'envie pour se bricoler un petit abri, à moins que le ciel ne devienne trop menaçant.
Quittant la route trop fréquentée, elle se mit en quête de l'endroit idéal.

Quête : Equité

Même si l'agriculture avait colonisé la majeure partie de la région, repoussant la nature sauvage de plus en plus loin, de nombreux petits bois parsemaient encore champs et prés, offrant du bois sec aux paysans en échange de leur survie. Astrée n'eut donc aucun mal à en trouver un assez touffu et assez éloigné de la route et de toute habitation pour lui garantir une certaine quiétude. Elle dénicha aisément un espace susceptible d'accueillir son feu et son hamac, un petit ru coulait non loin, et dès qu'elle eut libéré Prince, il se fit écureuil pour grimper dans les hauteurs. La nuit tomba peu après, fraîche et silencieuse, et la jeune femme se retrouva solitaire auprès de son feu, comme mille fois auparavant, en d'autres lieux, en d'autres temps. Le crépitement des braises, le cri d'un oiseau de nuit, quelque part dans les branches, le souffle tranquille d'une brise vagabonde, étaient ses seuls compagnons de veillée.

Quête : Equité

Du reste, la veillée ne fut pas longue. Une journée de chevauchée, même par un beau soleil printanier, est toujours fatigante. Aussi Astrée ne traîna-t-elle pas longtemps. Elle vérifia que son feu était correctement éteint puis grimpa dans un chêne aux larges branches, arrima quelque part ses quelques bagages, tendit son hamac entre deux branches suffisamment solides pour supporter son poids, et s'installa aussi confortablement que possible, emmitouflée dans son manteau, sa cape, ses couvertures... bref tout ce qu'elle avait de suffisamment chaud. Prince ne tarda pas à la rejoindre, à la recherche d'un peu de chaleur sans doute.
Elle perçut quelque part, au loin, la présence de Première Neige, la louve de Kasumi. Elle avait promis de veiller sur elle, mais elle suspectait l'animal d'apprécier la liberté totale dont elle jouissait depuis le départ du rôdeur. Elle la laissa donc à sa chasse nocturne, évitant de la déranger.

Il y avait bien longtemps qu'elle ne s'était pas retrouvée ainsi, seule dans la nature. Ici, loin de la ville, la solitude ne lui pesait pas. Certes, elle regrettait un peu l'absence de Kasumi avec qui elle appréciait tant de courir la campagne. Mais seule, elle pouvait profiter pleinement des mille et un petits bruits du bosquet, le bruissement de la brise dans les branches, le battement d'ailes d'une chauve-souris, le crissement d'une branche sous les pattes d'un animal quelconque, le cri d'une chouette. Elle s'était toujours sentie bien dans les bois. Et ainsi perchée, elle était en sécurité.
Elle ferma les yeux, se laissant bercer par la quiétude du moment. Mais elle était si attentive à tout ce qui l'entourait, qu'elle mit du temps à s'endormir.

Quête : Equité

La nuit s'écoula tranquillement et demeura sèche. Les premiers rayons du soleil pointant à l'est réveillèrent la rôdeuse avec douceur, tandis que les oiseaux rivalisaient d'ardeur pour saluer le jour. A nouveau, le ciel était clair, mais le vent s'était levé, agitant les branches des chênes où Astrée s'était réfugiée. Elle réalisa cependant rapidement qu'elle n'était plus seule dans son petit bois et baissant les yeux vers le sol, elle repéra un groupe de cochons hirsutes qui fouinaient dans l'humus à la recherche de glands, leur porcher sur les talons. C'était un adolescent encore jeune, appuyé sur un bâton plus grand que lui, et qui fredonnait en guidant ses bêtes. Il ne leva pas les yeux mais une petite abeille facétieuse s'en fut à sa rencontre.

Quête: Equité

Astrée s'était réveillée fraiche et dispose, d'humeur à écouter paisiblement les chants des oiseaux sans trop se presser. Le voyage était long mais elle n'avait aucun délai imposé, elle pouvait prendre son temps...
Elle observa en silence les cochons et leur gardien, peu désireuse de se faire remarquer. Le pauvre ne s'attendait certainement pas à trouver une jeune femme perchée dans un arbre à cette heure matinale. Aussi fronça-t-elle les sourcils lorsque Prince se mit en tête d'aller voir de plus près l'adolescent. Non seulement il risquait de se faire assommer dans un geste réflexe, mais une abeille n'avait rien à faire dehors en cette saison, et sa présence allait paraître étrange. Et pire, si le garçon levait les yeux pour apercevoir l'origine du bourdonnement, il allait l'apercevoir.
Elle doutait que son compagnon écoute ses protestations, mais elle se contenta d'observer la scène d'au-dessus. Elle ne pouvait de toute façon pas y changer grand-chose....

Quête : Equité

Prince était pratiquement invisible à l'oeil nu de là où se trouvait Astrée, mais elle le devina aux mouvements désordonnés que fit l'adolescent pour chasser un insecte entreprenant. Le porcher quitta le sous-bois peu après, suivant toujours sa horde de cochons, et l'abeille remonta vers les hauteurs, sans communiquer le moindre message à la rôdeuse. Sans doute s'était-il simplement senti d'humeur facétieuse. Tandis que la jeune femme se préparait, il redescendit et se fit cheval entre les troncs, à la recherche de jeunes jonquilles et d'ail des ours odorant.
Il était temps de traverser lePont des Trois Sires et de s'élancer vers la Trouée.

HRP : tu peux poster ton arrivée au Pont des Trois Sires et indiquer si tu t'y arrêtes ou pas, je te récupère là-bas...

Quête : Equité

Désormais loin du Pont des Trois Sires, les trois compagnons de route reprirent leur chemin, tandis que le fermier aux épinards s'éloignait vers l'est. Reynald sifflota un moment, usant de son bâton de marche, avant de se remettre à parler.
" Quand on y pense, c'est quand même de la concurrence déloyale... Avec l'arsenal de sortilèges dont dispose un clerc, même jeune, les Chauntéens peuvent tout faire pousser, sans jamais avoir de problèmes de sécheresse, de maladie ou de vermine... En y réfléchissant bien, il suffirait que chaque fermier envoie un gosse au Temple, et il pourrait profiter de cette manne céleste... Evidemment, cela déséquilibrerait la foi des campagnes en faveur de Chauntéa, mais c'est déjà elle qui est révérée, généralement... et puis sans doute n'est-il pas certain que tous les fils de paysans voudraient rentrer chez eux... Mais imaginez le gain ! Ce serait formidable... Je devrais en parler avec les autorités la prochaine fois que je vais à Eredhun..."

Astrée secoua la tête, amusée, tout en se disant que Reynald était décidément un incorrigible bavard.
" Hum... Tu crois que les temples verraient d'un bon oeil que leurs jeunes clercs nouvellement formés repartent dans le giron familial faire profiter leur famille de leurs sorts ? Et puis, là aussi ce serait de la concurrence déloyale, entre les fermiers qui ont un clerc à domicile et ceux qui n'en ont pas. En fait, il vaut mieux organiser ça au niveau de la communauté, que le clerc du village aide à tour de rôle chaque famille. Ça serait plus juste !"
Il lui était bien plus facile de se mêler à la discussion en l'absence d'un tiers inconnu.
" Mais par contre il faudrait dire adieux aux... hum... délicieux beignets de chenilles et sirops de limace..."
Et aux oiseaux qui n'auraient plus de chenilles à dévorer... et sans doute quelques autres animaux aussi. Ça déséquilibrerait certains équilibres. En revanche, la résistance à la sécheresse et aux maladies était certainement appréciable. Par contre, oui, la suggestion de Reynald donnerait sûrement une trop grande place aux chaunteens... si toutefois la puissance d'une église se juge à son nombre de prêtres. Mais en fait, elle n'en savait rien : c'était le domaine de Reynald, pas le sien...

" A mon avis, Astrée, il y aura toujours des chenilles et des limaces, même si Hélonna venait à être peuplée d'un demi-million de Chauntéens rabiques. Et puis ils te raconteront que même ces petites bestioles ont leur rôle à jouer dans le grand cycle de la vie ! Tu sais ça, toi aussi, qui aimes marcher pied dans l'humus des sous-bois..."
Il jeta un regard circulaire autour de lui, puis aux nuages noirs qui les surplombaient.
" Bon. Faisons donc une pause pour pique-niquer. Ensuite, je me mettrai en quête d'un nouveau chariot. Plus nous nous rapprochons de la capitale et plus la circulation est dense. J'ai bon espoir de ne pas devoir marcher trop longtemps... Même si c'est bon pour ma ligne, après tous les festins auxquels j'ai participé ces dernières veilles..."

" Marcher ne peut que te faire du bien, je te confirme, le taquina Astrée. Mais je te rassure, tu n'as pas encore eu le temps de prendre trop d'embonpoint. Je n'ose pas imaginer ce que ce sera au bout de trois mois là-bas, en revanche... Je crois qu'il faudra que tu marches à pied tout le reste de la belle saison, ensuite, pour compenser..."
Elle jeta elle aussi un regard soucieux au ciel.
" On ferait peut-être mieux de manger à l'abri des arbres, si on trouve. Et pour la suite, je suis sûre que tu pourrais nous trouver un chariot bâché pour continuer sans se faire tremper. Dommage que Byron ne puisse pas en profiter, lui..."
Elle adressa un regard désolé au centaure. S'il pleuvait vraiment trop, peut-être devraient-ils se trouver un abri digne de ce nom.

" Je n'ai rien contre un peu de pluie, dit Byron avec le sourire. J'ai pris de quoi me protéger dans mon sac et... je trouve ça plutôt rafraichissant. Une bonne averse n'a jamais tué personne !"
Il secoua la tête.
" Vous ne devez pas vous en faire pour moi."
Ils trouvèrent un bosquet de noisetiers un peu plus loin et s'installèrent à l'orée, sous les ramures vertes.
" Je suis en manque de musique, mais mon luth pesait trop lourd, dit Reynald. Peut-être ne pourrai-je m'empêcher de le rapporter après-demain... Maintenant que je vois le nombre de chariots sur la route, c'est tentant.
— Tu n'as pas une flûte ou quelque chose comme ça ?
— Une flûte ? Mais je ne peux pas chanter, avec une flûte !"

Astrée rit joyeusement. Il fallait qu'il parle, tout simplement, sous quelque forme que ce soit, y compris en chanson...
" J'imagine bien que la musique sans paroles, c'est moins ton genre. Et puis tu dois te sentir tout nu sans ton luth... enfin, je me souviens que c'est ce que disait mon mari, autrefois. Alors j'espère bien que tu le ramèneras pour nous chanter quelques chansons à la veillée. Et puis il faut bien que tu t'entraînes sinon tu ne sauras plus jouer ! Mais sinon, on se rabattra sur des histoires... ou alors, tu peux chanter sans accompagnement, peut-être... "
Elle fouilla dans leurs victuailles et en sortit de quoi se concocter un casse-croûte ravigotant.
" Mais cela dit, rien ne t'empêche de ramener deux montures en même temps que Tybert, ou bien vos ânes, pour porter au moins les bagages. C'est peut-être un petit peu plus encombrant, ensuite, pour se faire héberger quelque part, mais tellement pratique."

" La dernière fois que j'ai tenté de ramener deux montures en plus de Tybert, dois-je te rappeler que je les ai matérialisées au mauvais endroit et que, de surcroît, l'expérience les a laissées encore bien plus traumatisées que notre ami Byron ici présent ? Dois-je te rappeler qu'ensuite, les bestioles en question ont franchi la porte et filé dans la nature, pour ne plus jamais reparaître ? Mais il n'est pas dit que Reynald d'Eredhun soit complètement incapable d'apprendre de ses échecs, damoiselle !"
Il sourit.
" De surcroît, en m'incrustant dans un chariot de passage, je fais des rencontres. Et c'est en faisant des rencontres que je m'enrichis. Or, j'ai bien l'intention d'être l'homme le plus riche d'Hélonna le jour de ma mort !"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La campagne luménienne