La Couronne de Cuivre

Elzen, quant à lui, avait prit son temps pour manger, observant sa camarade.

« Toi, essayer de ménager mes nerfs ? On t'a vraiment changé. »

S'il souriait de bon cœur à cette pique, il ne put s'empêcher de redevenir sérieux aussitôt.

« Ne crains pas d'abuser de ma patience : j'en ai de bonnes réserves. Pose toutes les questions que tu voudras, j'y répondrai autant que je le pourrai. C'est… important pour moi que tu te sentes bien. D'ailleurs, à ce sujet… »

Il s'approcha d'elle.

« As-tu encore mal quelque part ? Je dois pouvoir lancer quelques sorts, au besoin. »

Chance rit à la plaisanterie en se demandant tout de même si elle était réellement aussi insupportable ou s'ils essayaient tous, lui et Augustin, de le lui faire croire.

Si elle préférait éviter de poser des questions, c'était effectivement pour essayer de le ménager car elle ne pouvait qu'imaginer ce que ressentait celui qui avait été oublié. Le rôle de l'amnésique n'était pas si terrible à côté.

- C'est inutile, je n'ai aucune blessure physique, juste l'impression d'avoir une bonne centaine d'années. En tout cas, je me déplace comme si c'était le cas.

Elle se releva péniblement, comme pour illustrer ses propos, attrapa sa cape -ou plus exactement la cape qu'un certain tieffelin lui avait prêté il y a plusieurs mois déjà- et la posa sur ses épaules.

- Tu viens ? Je voulais sortir d'ici plus tôt mais je n'ai pas osé. J'avais peur de me retrouver nez à nez avec la famille au complet...

Les capes des deux tieffelins étaient en effet étonnamment similaires. Ou pas si étonnamment que ça, bien sûr, si l'on savait qu'elles étaient jumelles. Souriant, Elzen vint aider Chance à l'ajuster.

« Une centaine d'années ? Quelle vénérable tieffeline nous avons là… »

Il s'avança ensuite vers la porte.

« En route. Je pense qu'un peu d'air te fera le plus grand bien. Et, encore une fois, n'hésite pas à me demander ce que tu voudras. »

Chance se fit violence pour ne pas céder à la tentation de rabattre son capuchon sur sa tête. Lorsqu'elle arriva en bas des escaliers, elle salua tout le monde avant de sortir précipitamment sans attendre leur réponse. Bon, ça s'était bien passé, au moins n'avait-elle pas cédé à la panique comme la veille. Elle trouva sa réaction complétement idiote, en y repensant.

L'air était encore frais dehors mais la tieffeline avait, pour la première fois depuis qu'elle s'était éveillée, l'impression de vraiment respirer. Elle tourna sur elle-même, observant les alentours ; cette maisonnette semblait se trouver au milieu de nulle part, et il était difficile d'imaginer que la guerre sévissait plus loin.

Elzen suivait Chance de près, prêt à la soutenir s'il semblait s'avérer que les forces lui manquaient. Mais elle semblait tenir le coup, pour l'instant ; peut-être ses douleurs n'avaient-elles été dues qu'à ce curieux sommeil trop prolongé, et qu'à s'activer comme il fallait, elle serait de nouveau capable rapidement de se livrer à quelques acrobaties du genre d'une attaque sauvage de tieffelin au saut du lit. La question était de savoir ce qu'il en serait de sa mémoire…

« L'endroit est plaisant, n'est-ce pas ? »

Il n'avait pas perdu l'idée de trouver, non loin, un refuge où s'établir. À distance raisonnable de cette famille, ceci dit : si charmants qu'ils soient, fonder un refuge pour tieffelins égarés à proximité de demeures humaines faisait perdre quelque peu l'intérêt de se mettre à l'écart. Enfin, bref.

« Toujours pas la moindre idée de la façon dont tu es arrivée ici ? Ça fait un bout de chemin, depuis Melandis… »

Chance cheminait tranquillement aux côtés d'Elzen, appréciant l'air frais et le fait de pouvoir se dégourdir les jambes.

- Aucune idée. J'ai du marcher longtemps et la drogue m'a très certainement aidée à tenir le coup.

Elle soupira.

- J'ai vu la marque bleue sur mon visage. J'ai peut-être perdu mes souvenirs mais je sais encore ce que ça signifie.

Oui, il y avait… ceci.

« Ça… c'était effectivement un de tes gros problèmes. Mais, je crois me souvenir que ce n'était pas par choix. Tu avais… travaillé pour la mauvaise personne, je crois. Tu comptais arrêter. D'ailleurs, j'espère que tu l'as bel et bien fait depuis ; car sinon, la crise de manque risque de s'avérer délicate… Mais je serai là pour toi si ça se produit. »

Il ne savait pas ce qu'il pourrait faire, au juste. Sans doute rien. D'ailleurs, elle ne voudrait peut-être même pas de lui ; elle s'était mise à l'écart lorsqu'une chose de ce genre s'était produite, durant leur première – et, en fait, seule, jusqu'à la veille – rencontre. Mais… qu'elle sache au moins qu'il la soutenait lui serait peut-être au moins de quelque réconfort.

Bon sang, pourquoi ne pouvait-il pas simplement la prendre dans ses bras, lui dire qu'il l'aimait et que tout irait bien, avant de lui donner un baiser ? Non, il devait chasser ces pensées de son esprit. Du moins dans l'immédiat. Du moins… tant qu'elle n'aborderait pas elle-même le sujet. Si elle l'abordait. Si elle se souvenait de quelque chose, peut-être…

« Tu avais des affaires avec toi ? Peut-être que quelque chose nous mettra sur la voie pour comprendre ce qui t'es arrivé. »

Cette tentative désespérée de ne pas s'attarder sur les sujets les plus problématiques lui semblait passablement ridicule.

Cela collait avec ce qu'Augustin lui avait raconté la veille. Elle ne se souvenait absolument pas de cet ancien employeur mais elle commençait à comprendre pourquoi elle avait cherché à le fuir. Elle ressentit soudain une bouffée de colère, la colère de devoir subir les conséquences de choix qu'elle ne se souvenait même pas avoir fait. Mais la colère laissa très rapidement place à un autre sentiment, l'angoisse. Cette crise de manque qui menaçait de la submerger d'un instant à l'autre la rendait terriblement anxieuse. Qu'avait dit Augustin à ce propos ? Tremblements, vomissements, sensation de perdre tout lien avec la réalité... Son but n'avait pas été de la terrifier, juste de la mettre en garde, mais le résultat était là : elle était totalement terrifiée, terrifiée à l'idée que cela puisse lui arriver. Que ferait-elle à ce moment là ? Malgré la sollicitude d'Elzen, elle se surprit à espérer qu'il ne soit pas près d'elle au moment où ça arriverait.

- Plus j'en apprends sur moi, et moins j'ai envie d'en apprendre.

Elle s'efforça de sourire.

- Mais je ne suis pas obligée de courir après mes souvenirs, je peux tout aussi bien m'en faire de nouveaux. Rien qui n'implique des histoires de drogues ou que sais-je encore.

Elle considéra sa demande d'un air songeur.

- Je n'avais pas grand chose sur moi. Mais peut-être pourrais-tu jeter un oeil à ce bout de parchemin que j'ai retrouvé dans mes affaires, je n'ai pas... réussi à le lire.

« Oh, si épouvantable que tu étais, je ne regrette pas de t'avoir rencontré, tu sais. Tu as quand même quelques bons côtés. »

Nouvelle petite moquerie, et nouveau sourire du tieffelin. Il fallait reconnaître que la bonne humeur de la demoiselle était communicative.

« Pas réussi à le lire, dis-tu ? Hum. C'était un gribouillage illisible ? Ou bien écrit dans une langue que tu ne connais pas ? Je veux bien essayer… »

Évidemment, il ne savait pas encore ce dont il s'agissait ; pas plus qu'il ne savait que la tieffeline ne savait pas lire, puisqu'elle s'était jusque là bien gardé de lui préciser ce petit détail.

- J'ai hâte de voir lesquels.

Elle lui était reconnaissante de ne pas s'attarder sur les sujets les plus déplaisants, et de continuer à plaisanter comme il le faisait.

- Non, l'écriture est tout à fait lisible, seulement je n'arrive pas à la lire. C'est peut-être écrit dans une langue que je ne connais pas, oui, mais ça paraît étrange de conserver quelque chose que je ne sais pas déchiffrer. En tout cas, je ne suis pas pressée de retourner là-bas, alors tu vas devoir patienter.

Sans prévenir, elle s'arrêta et se laissa à moitié tomber dans l'herbe.

- Je fais une pause. Je suis bien ici.

« Arrêtons-nous là, dans ce cas. »

Il s'assit à son tour aux côtés de la demoiselle. Il pouvait y avoir plusieurs explications au fait qu'elle ait conservé le papier malgré tout ; mais il préférait réserver son jugement à ce sujet en attendant d'avoir vu la chose. Voir ne pas y prêter attention : il n'était pas du genre à vouloir percer le moindre de ses secrets.

« C'est vrai que l'endroit est plutôt sympathique. Et la compagnie est charmante. Tu trouves aussi ? »

Était-ce le simple fait d'avoir retrouvé Chance qui mettait Elzen d'aussi bonne humeur, ou bien le caractère de celle-ci était-il contagieux ?

Chance ne répondit pas, mais son sourire mutin trahissait ce qu'elle pensait de ladite compagnie. Il est vrai que la présence du tieffelin assez réconfortante, si on mettait de côté le fait qu'elle ne se souvenait pas de leur première rencontre et, pire encore, du genre de relation qu'ils avaient entretenu. Mais cela faisait parti des nombreux sujets angoissants auxquels elle ne voulait pas avoir à réfléchir, aussi chassa t-elle rapidement ces pensées de son esprit.

- Tu avais des projets avant de me retrouver j'imagine, un endroit où tu voulais te rendre peut-être ? Ont-ils changé ou pas ? finit-elle par demander. J'ai dit que je t'accompagnerai mais j'aimerais savoir où, et pourquoi.

« Pour faire court, je n'en ai pas la moindre idée. »

Finalement, il n'était pas tellement sûr d'être moins perdu qu'elle. Mais puisqu'elle avait tout oublié, il pouvait lui réexpliquer la situation qui était la sienne. Très brièvement, cependant, pour ne pas l'ennuyer.

« Mon clan est à la recherche d'un nouveau foyer. Cette région me plaît, et je pense qu'il nous serait possible de nous y établir. Mais avant de les rejoindre pour la leur proposer, j'aimerais trouver un endroit idéal. Ce qui veut dire, entre autre, aussi peu peuplé que possible ; nous préférons éviter les compagnies indésirables. Alors je déambule dans la région en espérant tomber sur le coin qu'il faut. »

Il hésita un instant, puis ajouta :

« Je t'avais d'ailleurs proposé de venir nous rejoindre. »

Vivre parmi d'autres tieffelins, l'idée aurait enthousiasmé celle qu'elle était avant de perdre la mémoire, mais aujourd'hui elle considéra cette proposition comme une option parmi d'autres. Le futur lui semblait si incertain lorsqu'elle y songeait qu'elle préféra simplement profiter de l'instant présent. Il n'était d'ailleurs pas si mal...

- Il se trouve que je n'ai pas grand chose de prévu en ce moment, alors autant errer ensemble.

Elle bascula lentement en arrière et observa les nuages.

- Tu cuisines bien ? Que je sache au moins si ça vaut le coup de voyager à tes côtés...

Son sourire indiquait qu'elle était prête à voyager avec lui peu importe la réponse qu'il lui donnerait.

« Je n'ai pas la prétention d'être le meilleur cuisinier qui soit ; mais je me débrouille… »

Il lui sourit en retour. Elle n'avait, certes, pas bondi de joie à l'idée de rejoindre son clan ; mais c'était à échéance trop lointaine pour s'en préoccuper. Pour l'heure, elle projetait de l'accompagner, et cela lui suffisait amplement.

« Et je pense pouvoir faire en sorte que ma compagnie vaille le coup autrement qu'en cuisinant… »

Chance l'observa, intriguée.

- Qu'est-ce qui peut bien surpasser un bon cuistot ?

Un bon garde du corps, ce fut la première chose qui lui traversa l'esprit. Encore que, elle n'en était pas vraiment sûre. Un bon garde du corps doublé d'un bon cuistot peut-être ? Oui, cela devenait tout de suite beaucoup plus intéressant, surtout si le garde du corps cuistot était aussi masseur de pieds. Mais elle s'égarait...

« Ce que je fais de mieux que cuisiner ? »

Souriant, Elzen commença à chantonner.

« ♪♫ J'écris tous les jours, même sans les violons,
Même si j'ai le cœur lourd, quand je trouve le temps long,
Pour sentir la vie, tu sais, comme on dit pour toucher le fond…
D'un rêve endormi au fond de mon lit, qui portait ton nom…

♪♫ C'est ça ma pilule, c'est ça l'émotion !
Je suis un peu ridicule à construire cette maison,
Je connais mes erreurs, mes courages et mes peurs, de demande pardon…
J'accepte le bonheur jusqu'à l'abandon…

♪♫ J'écris des chansons chantées comme ça,
Juste un peu de son, un peu de voix,
J'écris des chansons chantées comme ça…
J'écris des chansons, et puis voilà,
Je suis le garçon qui ne parle pas…
J'écris des chansons, et puis je te vois ! »

HRP : c'est de Marc Lavoine.

- Dois-je en conclure que je vais voyager avec un barde ? lui demanda t-elle une fois qu'il eût fini.

Ce tieffelin était décidément plein de surprises. Mais elle découvrait certainement cela pour la deuxième fois, à bien y réfléchir.

- J'imagine que tu sais aussi jouer d'un instrument ? Tous les bardes savent au moins jouer d'un instrument, enfin je crois. Il paraît qu'ils savent aussi très bien mentir. Elle sourit. Hum, je vais devoir me méfier...

« Mais si je te dis que je ne mens pas, suis-je en train de te dire la vérité ? »

La question amusait visiblement le barde ; qui ne tarda pas à sortir un couteau et un morceau de bois à moitié travaillé. Jouer d'un instrument, oui. Il fallait y songer s'il voulait pouvoir le faire avant longtemps.

« Je sais jouer de quelques trucs, oui ; mais le dernier que j'ai eu sur moi n'est malheureusement plus en état. Alors je vais devoir le remplacer. »

Et il se remit à tailler sa nouvelle flûte. Il n'y en aurait sans doute plus pour très longtemps.

Le problème avec l'amnésie, c'est que tout le monde pouvait lui faire gober n'importe quoi ; elle se demandait d'ailleurs quel crédit accorder aux histoires d'Augustin, surtout celles qui la mettaient chaque fois en scène dans des situations gênantes. Mais elle avait choisi de ne pas se montrer suspicieuse, surtout à l'égard d'Elzen. Peut-être parce que c'était un tieffelin, lui aussi. Et pourtant c'était une raison supplémentaire de se méfier.

Elle se redressa, posa sa tête sur ses genoux (ses genoux à elle, hein) et observa en silence ce dernier pendant qu'il taillait son bout de bois.

HRP : bah quoi, mes genoux à moi ne sont pas à la hauteur ?

Elzen ne dit rien non plus pendant un bon moment, taillant silencieusement une flûte qui commençait à prendre forme ; et ne s'interdisant pas de lancer de temps à autres un regard souriant à sa camarade. Au bout d'un certain temps, cependant, il finit par rompre le silence.

« Je suppose que ce n'est pas exactement une question à poser à quelqu'un qui a perdu la mémoire, mais… est-ce que tu as déjà réfléchi à ce que tu comptais faire plus tard ? Je veux dire… tu préférerais mener une vie plutôt tranquille ou tumultueuse ? Est-ce que tu envisages de t'installer quelque part ? »

Une personne connaissant les sentiments d'Elzen pour Chance aurait pu penser qu'il y avait dans cette question des sous-entendus, et une demande cachée. Peut-être était-ce le cas, inconsciemment ; mais pour le tieffelin, il s'agissait surtout d'alimenter ses propres réflexions. Lui-même voyageait depuis tout gosse, et avait du mal à se projeter dans l'idée d'une vie tranquille dans un endroit à lui. Ce qui serait pourtant dans l'ordre du particulièrement envisageable, dès lors que les siens auraient trouvé – peut-être grâce à lui – un lieu où s'installer.

[HRP : Je garde ça pour plus tard

]

Chance parût surprise ; n'avait-elle jamais abordé ce sujet avec lui par le passé, lui qui lui avait pourtant proposé de vivre parmi les siens ? Elle se demanda un instant quelle avait été sa position à l'époque et ce qu'elle lui aurait répondu.

- Eh bien, c'est difficile à dire. Je n'ai encore goûté ni à l'un ni à l'autre, comment choisir dans ces conditions ? Quoique... j'ai une vague idée de ce qu'est une vie tranquille quand je suis ici. Mais est-ce que c'est ce que je veux, ça je n'en sais rien. Elle eût un sourire rayonnant. Montre-moi ce qu'est une vie tumultueuse et je ferai peut-être mon choix à ce moment là.

Hum. De ce qu'il savait, elle saurait ce qu'est une vie tumultueuse dès qu'elle aurait retrouvé la mémoire. Mais ce n'était peut-être pas la chose la plus encourageante à dire.

« Eh bien, il peut y avoir plusieurs sortes de tumultes, dans une vie… d'ailleurs, les deux ne sont pas forcément incompatible. Regarde notre hôtesse : elle a l'air tranquillement installée, ne jamais vivre d'aventure ; et pourtant, ses mômes doivent parfois lui en faire voir de toutes les couleurs. »

Une fraction de seconde, il faillit songer à lui demander si elle envisageait d'avoir un jour ses propres rejetons. Et puis un détail lui revint en mémoire.

« Au fait, quand tu t'es réveillée, tu as réagit bizarrement face à l'un des gosses, je crois. Est-ce que tu pourrais m'en dire plus sur ce que tu as ressenti à ce moment-là ? Ça pourrait nous mettre sur la voie pour essayer de retrouver tes souvenirs. »

Après tout, toutes les pistes étaient bonnes à suivre.

Son sourire mourut sur ses lèvres et son teint devint presque cendreux. Elle aurait dû ajouter cela sur la liste des choses qu'elle n'avait aucune envie de mentionner, pas devant Elzen ; mais maintenant c'était trop tard. Elle détourna le regard. Il doit probablement te prendre pour folle maintenant, ce que tu es sans doute...

-Ils t'en ont parlé, hein ? Elle eut un éclat de rire sans joie. Mais oui, bien sûr qu'ils l'ont fait.

Elle aussi avait posé cette question à Augustin.

► Afficher le texte

Mais il avait obstinément refusé de répondre et avait mis fin à la conversation de façon abrupte. Elle ne l'avait plus aperçu depuis, sans doute ne voulait-il plus avoir affaire à ses questions, mais elle savait qu'il était toujours dans le coin, probablement même en train de l'espionner à cet instant. Plus elle y pensait, et plus son comportement la rendait folle : puisqu'il avait sciemment décidé de lui cacher des choses, pourquoi ne le faisait-il pas correctement ? Il en disait soit trop, soit pas assez.

- Je n'explique pas ce qui s'est passé, c'était comme... viscéral. Je suis peut-être folle qui sait.

Elle se surprit à vouloir lui parler d'Augustin et lui raconter tout ce qui s'était dit la veille. A aucun moment le fantôme ne lui avait fait promettre de garder le secret de sa présence à ses côtés, et pour cause, il savait qu'elle le garderait quoi qu'il arrive, sous peine de passer pour une folle. Ou en l'occurrence d'aggraver son cas...

« Ni plus, ni moins, que le reste d'entre nous. »

Le sourire d'Elzen se voulait réconfortant. Difficile de ne pas comprendre, au changement d'expression de Chance, que le sujet la mettait mal à l'aise ; mais il était trop tard pour éviter cet impair. Alors, autant tenter de rattraper le coup comme possible. Qui sait, peut-être que cela pourrait être bénéfique. Abandonnant son instrument, il s'approcha de son amie.

« Il t'est probablement arrivé quelque chose qui explique cela. Ce dont il s'agissait, je n'en sais malheureusement rien… mais tu n'as pas à t'en vouloir ou quoi que ce soit de ce genre. Tu sais, je pense que tout le monde a peur de quelque chose, sans que ça ait l'air raisonnable. Par exemple, je suis sûr que certains paladins ont peur des poules. »

Il avait, bien sûr, trouvé les derniers mots totalement par hasard, sans jamais avoir eu d'exemple sous les yeux…

HRP :

[600 !]

Chance semblait dubitative quant à cette dernière remarque.

- Naaaaaan, finit-elle par dire, pas crédible. Sérieusement, qui a peur des poules ?

Encore une fois, il essayait de la faire sourire. Et ça marchait.

- Et toi, tu n'aurais pas une peur honteuse à me confier, histoire qu'on soit sur un pied d'égalité ?

HRP : félicitations. Plus que 66, et t'as le nombre de posts qui va avec ton perso

Le tieffelin prit soudain un air plutôt gêné.

« Moi ? Hum, eùh… parlons d'autre chose, tu veux bien ? »

Chance se rendit cependant rapidement compte que sa réaction était trop exagérée pour ne pas être feinte. Elzen avait manifestement, une fois encore, l'intention de l'amuser, et certainement pas de la tromper. Il reprit son sérieux au bout d'un instant.

« En fait, j'ai plutôt tendance à ne pas avoir assez peur, en ce qui me concerne. Pas immédiatement, en tout cas. Ce qui n'était pas trop pour t'arranger lors de notre première rencontre, d'ailleurs ; mais rétrospectivement, je pense que tu n'en étais pas mécontente. »

À bien y réfléchir, c'était tout de même une tentative de noyer le poisson. Mais à sa décharge, il était assez délicat d'expliquer à l'élue de son cœur, qu'elle ait ou non conscience des sentiments dont elle était l'objet, que l'on était terrorisé par les trop grandes proximités humaines…

- Quoi, j'ai essayé de te faire peur et ça n'a pas marché ? questionna la tieffeline, amusée. C'est drôle mais ça me rappelle quelque chose...

N'avait-elle pas tenté exactement la même chose la veille ? Avec un résultat tout aussi fulgurant que la première fois apparemment. Elle ressentit une fois encore la frustration de ne pas se souvenir de ce moment.

- Je me demandais... Est-ce que nous étions...

Non, cette phrase commençait très mal, elle regretta presque aussitôt de l'avoir formulée à haute voix.

- Est-ce que nous étions...

Non, toujours pas non.

- Proches ?

A bien y réfléchir, cette question n'était pas si embarrassante, c'est son hésitation qui l'avait été. Elle ne lui laissa pas le temps de répondre cependant, comme si elle n'avait plus du tout envie de connaître la réponse.

- C'est juste que... eh bien... j'ai parfois l'impression que c'était le cas et...

Et c'était sûrement le cas, d'ailleurs. Elzen lui avait sauvé la vie et lui avait même proposé de rejoindre les siens, alors, sans présumer du degré d'intimité entre eux avant sa perte de mémoire, elle se dit qu'ils devaient tout deux au moins s'apprécier. Les conversations sur ses problèmes de drogue ou sur ses phobies bizarres ne lui semblaient plus aussi désagréables que tout à l'heure, étrangement. Et pourquoi avait-elle aussi chaud ?

- … et je finirai cette phrase un autre jour.

Un autre jour, dans une autre vie...

« Je… »

Pour cette fois, le barde semblait avoir perdu ses mots. Il resta un long moment à observer son amie ; sans doute le rouge lui était-il monté aux joues de façon bien plus visible que ce qu'il n'aurait souhaité. Mais… il ne pouvait pas toujours faire comme si de rien n'était.

« À vrai dire, je… je me posais la même question. »

Hum, bon. Ce n'était pas exactement le meilleur moyen d'amener les choses. Et puis, ce n'était pas censé être lui, l'amnésique.

« On ne peut pas vraiment dire que nous ayons eu énormément de temps pour le devenir… en fait, nous ne nous sommes connus que très brièvement. »

Mais cela avait semblé hors du temps, comme s'il l'avait déjà connu depuis des milliers d'années.

« Je ne sais pas… quels étaient tes sentiments pour moi. »

- Je ne le sais pas non plus...

Mais elle se sentait bizarrement soulagée.

- Mais puisque nous nous sommes connus que brièvement, rattraper le temps perdu ne semble pas si impossible.

Elle avait aussi dit ça à haute voix ? Elle détourna la tête ; elle commençait à éprouver des difficultés à regarder le tieffelin dans les yeux et elle cherchait un moyen de faire diversion avec une autre question.

- Bon, alors, quelle est ta couleur préférée ? Elle se mit à rire. C'est une question tellement stupide lorsqu'on veut apprendre à connaître quelqu'un. Attends, je pense que je peux trouver quelque chose de moins superficiel. Elle réfléchit. Oui, j'aimerais que tu me parles des membres de ton clan ; sont-ils des membres de ta famille, des amis ?

La Couronne de Cuivre

[RP] Guerre des Plaines Brûlantes - armée mélandienne