La Couronne de Cuivre

Surya Galariel

En fait d'uniformes, il y avait deux hommes en armure porteurs de la cape de la garde blanche, et Lothringen, qui tournaient un coin tandis qu'elle criait pour la seconde fois. Dans l'infravision, le semi-drow distinguait nettement la petite forme à terre, et le morgh à demi vautré sur elle, qui tentait de l'attaquer de sa langue paralysante. Ils étaient encore à une bonne dizaine de pas : il fallait déconcentrer le monstre le temps qu'ils parviennent à sa hauteur. Aucun des trois manostiens n'était pour l'heure équipé d'arme de jet - ce type d'armes est généralement sans grand effet sur des mort-vivants fort peu sensibles à la douleur - mais ils avaient d'autres ressources.

"Eau bénite", murmura Lothringen à son voisin de gauche, qui lui mit en main une petite fiole, sans doute parce qu'il jugeait que le conseiller viserait mieux que lui dans la pénombre. Ce dernier jeta aussitôt la fiole sur le morgh, dans l'espoir de détourner son attention.

Lothringen et Surya

La créature s'en prenant à Surya était sur le point de parvenir à ses fins en glissant sa langue sur sa nuque exposée mais - au lieu de sentir le contacté dégoutant et la paralysie qui s'en suivrait - elle se sentit soudain éclaboussée. Au même instant, la créature se redressait en poussant un hurlement horriblement strident et puissant. Le monstre se griffait maintenant les yeux sans se soucier des dégâts qu'il s'occasionnait à lui-même. Le jet du conseiller avait fait mouche et il ne lui restait - à lui ou à l'un des gardes - qu'à achever l'abomination.

A ce moment, un second hurlement inhumain leur parvint depuis la maison du contremaître.

Galariel

La guerrière était courageuse et disposait en outre d'une certaine science du combat même si elle devait lutter au corps à corps ce qui gênait considérablement la fluidité de ses mouvements. Elle parvint toutefois à repousser suffisamment la créature pour retrouver - l'espace d'un instant - la bonne distance pour ajuster un coup précis. La moitié de la langue de son adversaire fut tranchée net et elle hurla malgré son absence évidente de poumons. Décontenancée par sa perte et un peu déséquilibré par le coup, le monstre laissait à Galariel une magnifique ouverture pour l'achever.

Le garde de gauche - Aeron, lui sembla-t-il, mais dans la hâte il n'avait pas vraiment prêté garde à l'identité de ceux qui venaient avec lui - donna un coup de pommeau dans la créature qui, accompagné d'un vigoureux mouvement de bras, la mit à terre. Lothringen l'acheva en la décapitant, la méthode ayant prouvé son efficacité pour empêcher ces monstres de se relever. Le cri qu'ils venaient d'entendre laissait présager qu'un deuxième morgh venait de se faire tuer dans la maison du contremaître, peut-être par Halaster lui-même ?

Tandis que le dernier manostien aidait Surya à se relever, Lothringen interrogea la barde.

"Qui restait-il, là-haut ?"

Surya vit avec un soulagement teinté d'incrédulité Lothringen et ses hommes achever le monstre qui venait de l'agresser. Ça semblait si facile, pour eux... Elle n'avait pas vraiment compris ce qu'ils avaient fait : elle s'était sentie éclaboussée et la créature avait bondi en arrière... et ils l'avaient achevé. Elle craignait l'eau ? Il lui fallut quelques instants pour comprendre qu'il s'agissait d'eau bénite...
Il lui fallut quelques secondes encore pour réaliser que le conseiller manostien venait de lui poser une question. Qui restait là-haut...?
- Galariel, répondit-elle d'une voix hachée, en train de se battre contre un de ces monstres. Et Halaster... inconscient, ou... ou mort. Il leur faut de l'aide...
Elle se rappela un peu tard que c'était bien pour ça qu'elle avait fui, pour chercher du renfort... pas seulement pour leur échapper. Elle aurait dû leur dire plus vite...
- Merci, ajouta-t-elle, à retardement, à l'adresse de celui qui l'avait aidée à se relever.

hrp: si on peut prendre ses aises, let's go ;-)

Galariel loua la Déesse de cette opportunité quand elle détacha proprement la tête du morgh du reste de son corps d'un puissant revers de son épée. La tête tomba avec un son mat et répugnant au sol précédant de peu la lourde chute du corps qui fut encore secoué de quelques tremblements avant de s'immobiliser définitivement. Assurée qu'elle ne risquait plus rien de ce côté, la jeune femme alla droit sur Halaster pour s'assurer de son état, mais si ses souvenirs étaient exacts le poison injecté par la langue de ce mort-vivant ne tuait pas mais paralysait. Elle devait d'abord avoir la confirmation que le mage était bien vivant avant de secourir Surya, si il n'était pas déjà trop tard.

"Alors on y va", déclara Lothringen, qui poursuivit sa route en compagnie d'Aeron, afin de vérifier l'état d'Halaster et de Galariel.

Le garde qui avait aidé Surya enchaîna :
"Vous semblez indemne ? Vous pouvez retourner au pied de la tour si vous voulez vous mettre à l'abri, la route est dégagée, le combat est fini et les nôtres brûlent les corps..."

Pour sa part, il courut derrière le conseiller et son camarade. Il les rattrapa à l'entrée de la maison du contremaître. Tous trois entrèrent dans la pièce, pour constater que la bataille était finie et que Galariel se trouvait au pied d'un mage inanimé.

"Est-il blessé ou a-t-il été simplement touché par la langue de ces monstres ? Dans le dernier cas, il n'est que paralysé - ça peut durer longtemps en revanche..."

Surya hésita en voyant les manostiens s'éloigner. Elle pouvait retourner au pied de la tour puisque l'endroit était sécurisé. Mais d'un autre côté, la maison du contremaître le serait très bientôt, maintenant qu'il y avait des renforts. Elle s'inquiétait un peu du sort d'Halaster et de Galariel, et surtout, elle ne perdait pas de vue son objectif : s'approcher autant que possible des gens de pouvoir, notamment de ce demi-drow.

En tout cas, il était hors de question de rester stupidement plantée ici au beau milieu du village. N'importe quel mort-vivant pouvait surgir. Elle se décida donc à s'avancer sur les pas de Lothringen et de ses hommes, trottant rapidement en direction de la maison du contremaître. Elle s'approcha de l'entrée à pas de loup pour jeter un oeil, et, rassurée par la vue des hommes et de Galariel en train de discuter, entra finalement juste à temps pour entendre l'explication de Lothringen. Ainsi, la langue de ces monstres avait un effet paralysant, rien de plus. C'était un grand soulagement.
- Et que faut-il pour contrer cette paralysie ? risqua-t-elle. Un clerc peut le guérir, j'imagine ?
Tristan ne devait pas être loin, il était parti affronter les morts-vivants...

Galariel creusa profondément dans ses souvenirs pour retrouver ce qu'elle avait pu lire une fois à ce sujet dans un livre dont elle ne se rappelait plus le nom, le Manuel des morts-vivants ou Morts-vivants de Féerune ou un truc de ce genre en tout cas:

- Je crois que ce poison fait effet seulement quelques minutes, certainement qu'il n'en faut pas plus à ces créatures pour vous faire passer de vie à trépas.

Elle fut soulagée de voir que Surya s'en était sortie sans grand mal à première vue, à part quelques éraflures et les cheveux un peu ébouriffés.

En provenance d'ici

Sire Rowan et "Hugues" arrivèrent pour trouver le conseiller, Galariel et deux soldats manostiens dans la demeure du contremaître. Sire Rowan fit un rapport succinct de la situation.

"Messire. L'entrepôt contient des chevaux que l'on pourra utiliser plus tard. Aucune trace de mélandiens, en revanche, nous avons dû occire une créature abominable qui..." il grimaça en poursuivant "venait de naître sous nos yeux. Sa mère semblait humaine et est morte lorsque la chose l'a attaquée à la gorge. Nous n'avons pu qu'abattre cette chose."

Pendant ce temps, Mornagest s'enquit visuellement de la bonne santé de son compagnon. Tout semblait bien se passer, mais il se demanda pourquoi les groupes s'éparpillaient autant. N'étaient-ils pas censés être avec d'autres luméniens ? C'est alors qu'il vit le corps inanimé d'Halaster. La chance n'était pas du côté de tout le monde...

"Est-il en vie ?" demanda sire Rowan.

Après avoir vu avec soulagement que Mornagest revenait lui aussi indemne, le semi-drow avait fait la grimace en entendant le récit de sire Rowan. Les cultistes commençaient déjà s'amuser avec les otages, et ce ne serait sans doute pas la dernière horreur qu'il leur serait donné de voir d'ici la fin. Puisse cette femme reposer en paix...

« Si l'on en croit Galariel, Halaster devrait nous revenir d'ici quelques minutes. », répondit-il ensuite à la question de son capitaine, tout en réprimant un quart de sourire. De son point de vue, le luménien l'avait un peu cherché : qu'est-ce qui lui avait pris de se rendre ici avec ces deux femmes pour seule escorte, sachant qu'une sur les deux ne savait manifestement pas se battre et qu'il pouvait sans souci prendre d'autres hommes avec lui ? Il avait eu le temps d'oublier qu'il y avait deux corps ici, peut-être, et un nécromancien qui les relevait ? Quelle erreur stupide...

« Hadlis, allez vérifier auprès du prêtre lathandrite s'il y peut quelque chose. Quant à nous autres, puisque nous sommes là... Cherchons cette carte. »

Il regarda autour de lui, cherchant à localiser les étagères et les possibles cachettes. Il y avait d'autres étages, peut-être ?

« Aeron, fouillez les corps, voulez-vous ?... » ajouta-t-il, tout en commençant sa propre inspection des lieux. On ne savait jamais.

Surya s'était approchée d'Halaster pour constater par elle-même qu'il n'était que paralysé. Ses yeux bougeaient donc il était conscient, c'était l'essentiel. Et puisqu'il n'y avait plus de danger dans le bâtiment, le plus utile à faire était de se mettre en quête de cette fichue carte. Et ça, c'était dans ses cordes.
Tandis que Lothringen explorait le rez-de-chaussée, elle se décida à monter en direction de l'étage et entama d'un pas vif son ascension, avant de ralentir subitement. Elle n'avait absolument pas l'intention de se retrouver nez à nez avec l'un de ces monstres. Voyons... le repérage avait bien permis de s'assurer qu'il n'y avait que deux personnes dans ce bâtiment ? Donc l'étage devait être désert, non ? Hésitante, elle préféra s'arrêter à mi-hauteur. Il n'était pas prudent du tout qu'elle soit la première à entrer là-haut, même dans une maison présumée vide. Il lui semblait préférable qu'un ou une combattant(e) plus expérimenté(e) la précède.
" Hum... Peut-être que quelqu'un voudrait bien m'accompagner là-haut pour fouiller ?"
Elle jeta un regard interrogateur à Galariel, à Mornagest, aux autres soldats.

Galariel eut un sourire passager face à la candeur de la petite barde qui n'était pas née de la dernière pluie, courageuse mais pas téméraire ce qui différencie les héros à la retraite des inconscients mangeant des pissenlits à la racine.

- Je passe devant, on ne sait jamais les surprises qui pourraient nous attendre là-haut

Elle dépassa Surya et épée au clair monta les marches.

Hum. La combattante luménienne ne manquait pas de cran, mais de prudence. Un piège quelconque, une embuscade, et sa tête pouvait tout aussi bien rouler dans les escaliers qu'elle gravissait à présent avec entrain. Mornagest jeta un coup d'œil rapide à la jeune barde puis, après un haussement d'épaules succinct, se mit en marche lui aussi.

"Je vous accompagne. Nos ennemis sont retors, et il vaut mieux pécher par excès de prudence."

Les gardes étaient suffisamment expérimentés pour ne rien craindre en groupe, mieux valait soutenir ces deux femmes qui, bien que ne manquant pas de qualités, étaient moins aguerries. Il sourit en pensant à cela. Lui aussi avait débuté comme ça... seul, cependant, et pas en bande à traquer des cultistes ignobles.

Il monta les escaliers à la suite de Galariel.

Galariel, Surya et Hughes parvinrent devant une porte fermée mais qui ne les retint qu’un bref moment : la serrure ne semblait pas difficile à forcer notamment avec deux guerriers bien décidés à la faire céder. Une fois ouverte sans déclencher de boule de feu, de nuage toxique ou même de petite alarme, les trois chercheurs de cartes pénétrèrent dans un petit corridor sur lequel donnaient trois portes dont deux étaient ouvertes. Celle de droite donnait sur une petite chambre dont le lit avait été retourné ainsi que le contenu de sa seule armoire. La seconde pièce - sur la gauche cette fois – était plus prometteuse car elle donnait sur un petit cabinet de travail. Une table et de nombreuses étagères ainsi que plusieurs chaises le meublaient et il semblait effectivement y avoir beaucoup de parchemins dont l’un pouvait être la carte recherchée. Restait une dernière porte en face de l’escalier mais elle semblait verrouillée elle aussi.

Au rez-de-chaussée, l’attente de Lothringen et de son officier supérieur ne s’éternisa pas car bientôt les deux gardes revenaient avec le clerc luménien. Tristan – puisque tel était son nom – ne tarda pas à se porter au secours d’Halaster et utiliser un sortilège de délivrance de la paralysie. Le mage s’anima aussitôt après et se redressa sans aide. Il se tourna vers le conseiller et les paroles qu’il prononça semblèrent lui coûter un effort conséquent :

- Merci, vous m’avez sauvé la vie.

En d'autres circonstances, Lothringen aurait éclaté de rire, tant Halaster semblait devoir s'étouffer dans ses propres paroles. Mais au lieu de cela, il répondit simplement :

"Remerciez plutôt Galariel, elle est venue toute seule à bout de ce Morgh avec beaucoup de sang-froid..."

Et avec une camarade en fuite et un chef hors de combat, il en avait sûrement fallu.

"Prenez quelques instants pour vous remettre. Il nous reste à dénicher cette carte et nous pourrons quitter les lieux. Je n'aime pas savoir nos forces disséminées aussi longtemps dans le village."

"Puisque d'autres sont déjà en train de fouiller l'étage, inspectons la cave à tout hasard", répondit sire Rowan. "Je me demande ce qu'ils peuvent bien y entreposer, sûrement pas la cuvée de la Nouvelle Artryl." Il avait encore en tête le souvenir de la femme dans l'entrepôt, et ne s'attendait à rien de plaisant. Désireux de se dégourdir un peu les jambes, l'épée tirée, il précéda Lothringen dans l'escalier de pierre.

Lothringen

Halaster se sentait tenu de les accompagner ne serait-ce que pour ne pas rester totalement désœuvré avec les deux gardes manostiens laissés en retrait. Le clerc luménien lui emboîta également le pas, peut-être avec l’idée de veiller sur lui, peut-être parce qu’il jugeait que laisser les manostiens affronter seuls les périls de la cave était indigne.

Et les surprises ne tardèrent pas à dépasser les pires attentes de Sire Rowan dès la porte déverrouillée. En effet, une odeur effroyable de mort et d’excréments les frappa avant qu’ils ne perçoivent de légers gémissements dans la pénombre de la cave. Quand le clerc luménien invoqua de la lumière pour que tous puissent y voir aussi bien que le semi-drow, un sifflement strident se fit entendre et une forme vaguement humanoïde fila se cacher derrière un monceau de caisses. Ce qui retenait néanmoins l’attention était les trois jeunes femmes attachées debout au centre de la pièce aménagée en salle de torture. L’une d’entre elles était manifestement morte, son abdomen arraché livrant le passage à ses entrailles. Une autre – n’ayant pas encore délivré l’immondice qui grandissait en elle s’agitait follement. Enfin, la dernière, entièrement nue, ne semblait pas enceinte mais seulement inconsciente.

Galariel en était arrivée à la même conclusion que Mornagest, elle s'adressa à lui:

- Prêt?

Elle raffermit la prise sur son épée et approcha la main vers la poignée qu'elle saisit avec hésitation avant d'assurer celle-ci.