La Couronne de Cuivre

Chandara jeta un regard interloqué à la jeune femme en entendant cette réponse puis un autre – interrogateur cette fois - à Arthur avant qu’une intuition ne fasse jour en elle. Elle répliqua alors, peu sûre d’elle :

- Ce n’est pas possible… Mais votre visage m’est familier. Vous ne pouvez… Tu ne peux pas être Amélie… Si ?

"Et pourquoi pas ?", demanda la jeune femme avec une moue boudeuse totalement feinte.

Elle fut sur le point, quelques instants de rajouter quelque chose avant de se raviser.

"C'est fou ce que tu as grandi. J'ai vraiment failli ne pas te reconnaître. Si tu ne t'étais pas présentée, j'aurais eu un vrai doute."

Elle semblait émue et quelque part rassurée.

L’ancienne paladine était sans voix car rien ne l’avait préparé à ces retrouvailles. Alors, plutôt que de répondre immédiatement maintenant que sa conviction était faite, elle s’avança pour enlacer spontanément son amie d’enfance.

- Alors ça pour une surprise ! C’est décidément un jour béni…

Comment aurait-elle pu qualifier autrement une journée aussi belle où elle retrouvait tout d’abord Arthur tout aussi charmant qu’elle l’avait espéré puis Amélie en un si bel endroit. Après son étreinte, elle se tourna vers son compagnon et annonça, joyeusement :

- Arthur, laissez-moi vous présenter Amélie Malone, une amie d’enfance que je n’ai pas revue depuis Cojum. Cela doit faire dans les dix ans maintenant. Amélie, voici Arthur Maelwedd, de l’Ordre de l’Aster. Arthur est un excellent ami qui nous vient de Luménis. Lui aussi m’a aidé à chasser des épouvantails, entre autre chose. Et je lui fais visiter Manost.

Arthur était un peu embarrassé de se retrouver témoin de cette rencontre pour le moins opportune. Sans doute le tenancier du Loyal Paladin avait-il connu le lien entre les deux femmes. C'était le plus logique, tout bien considéré : une ville aussi grande que Manost ne pouvait pas ne compter que deux auberges, dont une pension pour bardes.
" Nous pouvons... remettre cela à demain, fit le paladin. Je veux dire... je ne voudrais pas vous empêcher de retrouver votre amie..."

Mais Chandara ne l’entendait absolument pas de cette oreille. Certes, retrouver Amélie était une excellente surprise qui signifiait qu’elle avait plus d’amis en ville qu’elle ne se l’était figuré mais elle était consciente qu’Arthur s’embarquerait bien trop tôt à son goût et que c’était peut-être sa dernière occasion de passer du temps en sa compagnie si courtoise et charmante. Elle ne voulait cependant pas vexer la jeune femme qui se tenait toujours sur le pas de la porte et choisit donc soigneusement ses mots :

- Non, je ne voudrais pas changer notre programme ! J’ai promis de vous faire découvrir la ville tant que vous y êtes de passage alors je ne vais pas me dérober à mon devoir et surtout à mon plaisir ! Amélie, j’ai tant de questions à te poser mais Arthur doit réembarquer demain pour Luménis. Cela dit, je ne voudrais pas te paraître cavalière en te quittant si vite…

C’était loin d’être parfait et la jeune-femme avait tout de même du mal à masquer son indécision face à ces choix contraires… Elle n’osait pas s’imposer en demandant de laisser ses affaires puis tourner le dos à son amie et pourtant c’est ce qu’elle avait initialement prévu de faire.

Amélie hocha la tête, d'un air compréhensif.

"Et moi, je m'en voudrais de contrecarrer vos plans. Laissez donc vos affaires ici et revenez quand vous voulez. J'avais prévu de m'occuper un peu du jardin de toute façon. Je profite du beau temps parce que comme d'habitude, cela ne durera pas."

Elle soupira et demanda à Arthur avec un petit sourire.

"J'imagine qu'il fait beaucoup plus beau à Luménis."

Chandara était soulagée de cet arrangement comme en témoignait son sourire radieux.

- Encore une fois, je suis vraiment désolée de débarquer ainsi à l’improviste et de m’en aller aussitôt… J’espère bien que tu me feras faire le tour de la maison tout à l’heure et que tu me montreras ce jardin ! Et est-ce qu’il y a un endroit où je peux laisser ma jument ?

Oui, il faisait beau aujourd’hui, à tous points de vue, et la jeune-femme avait envie d’en profiter au maximum.

Arthur n'osa pas protester et demeura confus, en retrait, attendant que Chandara ait fini de déposer ses affaires. Il continuait à avoir l'impression d'être un intrus qui grippait une dynamique ancienne, mais c'était peut-être simplement parce que la proximité d'autant de femmes le mettait mal à l'aise. Des femmes étranges, de surcroît. Il était habitué aux rapports beaucoup plus codifiés qui avaient cours dans la bonne société ou dans les rangs de l'armée. Mais il fallait qu'il fasse bonne figure.
" Il pleut aussi à Luménis." lâcha-t-il brusquement, avant de réaliser que la conversation s'était déjà poursuivie, ce qui lui occasionna un nouveau rougissement.

Amélie regarda Arthur, puis Chandara puis encore Arthur.

"Peut-être moins souvent. On m'a souvent parlé de votre ville comme ensoleillée et lumineuse. Peut-être avez-vous emporté un peu de soleil avec vous."

Elle eut l'air un peu interloquée face à la question pratique de Chandara et répondit, contrite.

"Les chevaux n'auront pas assez de place pour tenir dans le salon et je crois que ça serait une catastrophe dans le jardin. Tu crois que Titoeil pourrait s'occuper d'elle. A mon avis, il sera content."

Chandara sourit avec amusement de la plaisanterie d’Amélie, toujours aussi facétieuse et décalée que dans ses souvenirs. La jeune femme avait conservé sa fraîcheur malgré les années qui les séparait de leurs derniers moments ensemble, dans un autre lieu, dans un autre temps. C’était rassurant - tout compte fait - de pouvoir se raccrocher à ce genre de repères immuables.

La jeune femme s’approcha de Kelpie sans reprendre les rênes que tenaient toujours Arthur et sourit au paladin au passage avant de récupérer les fontes contenant l’essentiel de ses possessions hormis ceux que contenait la besace qu’elle portait déjà. Voyant qu’il faudrait porter le tout à l’intérieur, elle reporta son attention vers Arthur :

- Kelpie ne va pas comprendre pourquoi je lui fais faire tant d’aller-retour mais je crois que nous ne risquons rien à la laisser attachée quelques minutes. Enfin, si vous voulez bien m’aider à porter mes affaires à l’intérieur.

Ou même jusque dans sa chambre… Mais il était trop tôt pour l’évoquer puisqu’elle n’avait encore rien convenu de tel avec son amie. Après tout, elle ne savait même pas s’il restait des chambres de libre et si le prix d’une telle demeure était dans ses moyens. Mais il fallait bien entreposer toutes ces affaires quelque part le temps d’un après-midi…

"Tu peux t'installer dans une des chambres du bas, si tu veux. Il n'y a que moi dans la maison. L'autre paladine qui vit ici n'est pas là pour le moment. J'avoue que je commençais à me sentir un peu seule dans cette grande maison vide."

Elle sortit sur le seuil, apparemment sans prêter attention au fait qu'elle allait pieds nus.

"Je peux même vous prêter main forte pour porter des affaires, Arthur."

" Je... heu... ça ira... vous pourrez ouvrir les portes, par exemple..."
Il délesta Chandara d'un maximum de ses affaires — la force physique, c'était quelque chose dont il ne manquait pas, contrairement à l'esprit — et se cala dans son ombre. Luménis était peut-être lumineuse mais les auberges manostiennes étaient curieuses et les femmes... pour le moins déstabilisantes. Il lui semblait qu'à bien des égards, sa ville natale était plus ordonnée et par là plus facile à comprendre, un comble compte tenu de l'endroit où il se trouvait !

Chandara ne fit pas mine de protester en voyant Arthur se charger de la plupart de ses bagages. Elle devait même reconnaître être plutôt ravie de cette gentille et avenante attention. Elle-même emboîta le pas de son amie pour découvrir ce qui allait peut-être devenir son nouveau lieu de villégiature, une maison à première vue chaleureuse et meublée avec goût et sens de l’accueil.

- Je serai ravie de faire la connaissance de cette paladine à son retour !

Elle était curieuse de savoir qui était cette personne, à quel dieu elle était liée et peut-être aussi si elle avait pu la croiser lors de la campagne mais le moment ne se prêtait pas forcément à satisfaire sa curiosité. Pour l’heure, elle s’imprégnait des lieux en se demandant à quoi ressemblerait la chambre qui lui serait dévolue. Elle l’espérait lumineuse bien sûr mais elle ne pouvait certainement pas se montrer ingrate de l’aubaine qui lui était de toute façon offerte.

Effectivement, la chambre était lumineuse. Peu spacieuse mais douillette. Peut-être était-ce la lumière entrant par les grandes fenêtres qui donnait cette impression. Un lit avec un édredon de plumes, une grande armoire, un fauteuil et un petit bureau, des meubles de bois clair. L'ensemble était dépourvu d'objets permettant d'identifier un quelconque propriétaire, peut-être une invitation pour l'inviter à l'apporter les éléments qu'il souhaitait.

"Elle ne reviendra pas tout de suite, elle est à Cojum.", répondit Amélie.

Elle observa un léger silence comme pour laisser Chandara découvrir la pièce avant de demander.

"Que voulez-vous visiter en ville ?"

Chandara prit le temps de faire le tour de la pièce, posa son sac près du lit, se rendit devant la fenêtre pour y observer la vue avant de revenir vers Arthur et Amélie, tous sourires et de déclarer avec enthousiasme :

- C’est très joli ici ! Je comptais emmener Arthur sur la promenade du front de mer. Le reste, c’est une surprise ! Enfin, à moins que tu aies des suggestions à me faire ?

Elle adressa un regard complice à la jeune-femme, avant de reporter son attention sur le paladin toujours chargé de l’essentiel de ses bagages.

- Arthur, vous voulez bien poser tout ça près du lit : je rangerai mes bagages ce soir… A moins que vous ne me laissiez juste une minute ou deux pour enfiler quelque-chose de plus confortable pour notre balade en ville…

" Faites à votre aise."
Arthur quitta la pièce sans se faire prier et prit sur lui de regagner l'extérieur de la bâtisse. Il se morigéna de ne pas avoir songé à proposer de ramener le cheval à l'auberge précédente, cela leur aurait fait gagner du temps, et il se serait senti moins mal à l'aise dans cet univers résolument féminin. Il y avait toutes ces fleurs, déjà... et il ne pouvait s'empêcher d'imaginer Chandara qui se changeait, ce qui était dramatiquement indigne de lui. Mais la compagnie du destrier de la paladine le rasséréna et petit à petit, il se détendit, observant les alentours avec curiosité, tout en attendant la jeune femme.

Des alentours, Arthur ne vit pas autre chose que les imposants bâtiments. En les observant mieux, il distingua quelques spécificités dans les vitraux plus hiératiques et plus nombreux du temple de Helm. Il remarqua l'autre bâtiment qui le jouxtait autour duquel allaient et venaient ceux qu'il identifia à raison comme des paladins. Il régnait dans le quartier une fébrilité certaine en ce jour de retour. L'espace d'un instant, il crût même voir passer la silhouette haute et charpentée d'un Gaspard Hurlegloire.

Chandara trouva Amélie dans ce qui devait être le salon compte tenu des bergères et de la banquette jouxtant une cheminée pour le moment éteinte. La jeune femme eut un sourire admiratif avant de demander.

"Que voudrez-vous visiter en ville ?"

Chandara répondit à Amélie d'un sourire un peu timide et incertain :

- Eh bien, nous n'avons pas vraiment décidé encore mais Arthur préfère éviter les temples et les lieux où il risque d'y avoir de l'agitation aujourd'hui...

Elle baissa légèrement les yeux, se trouvant soudain bien démunie pour ce qui était de décider ce qui pourrait plaire au jeune homme. Heureusement qu'il l'attendait au dehors !

- J'avais pensé aller voir les navires au port, que nous pourrions peut-être nous promener au parc, lui montrer une taverne où l'on danse aussi... Non pas que je veuille me montrer entreprenante, non... Mais j'avais envie qu'il garde de Manost une image positive, qu'il voit ses plus beaux côtés... Tu aurais des idées pour moi ?

Amélie répondit un tantinet amusée.

"Alors, il faudra éviter le centre ville. Même le front de mer risque d'être un peu prisé vu que les bateaux luméniens sont encore à quai. Par contre, il y a le quartier qui jouxte le théâtre de la Harpe Manostienne. Il y a une petite taverne assez sympathique qu'on ne remarque pas forcèment. Dedans, il y a des bardes ... Comme ils ne sont pas agréés par le gouvernement manostien, ils n'ont le droit que de jouer que là-bas alors ils en profitent. Vous aurez sûrement de quoi danser, je pense."

Un sourire ravi illumina le visage de l'ancienne paladine et elle répliqua avec enthousiasme après avoir planté un bisou sur la joue d'Amélie :

- C'est vraiment parfait ! Dis, il y a quoi comme représentation au théâtre en ce moment ? Cela vaut la peine que j'y emmène Arthur aussi, tu crois ?

Elle avait tout de même l'intention de se rendre aussi au port puisque ce n'était pas si loin tout compte fait. Avec un peu de chance, Arthur et elle auraient l'occasion de tout découvrir dans l'après-midi.

Amélie qui ne semblait pas prendre ombrage de tant de familiarité répondit.

"Bien sûr que tu pourrais emmener Arthur. La pièce qu'ils jouent en ce moment est "le triomphe de Helm". Apparemment,c'est la même depuis le début de la guerre ... Elle doit valoir le coup d'oeil."

Chandara crut voir l'espace d'un instant une lueur espiègle s'allumer dans ses yeux mais elle retrouva vite son sérieux.

"Quoi qu'il en soit, faites très attention à vous. Il y a de plus en plus de gens malades en villes. Mais trêves de bavardages. Tu vas faire attendre Arthur."

Le nom de la pièce n'avait pas manqué la laisser un brin dubitative mais elle demanderait tout de même à Arthur si c'était susceptible de le tenter. La mention des malades lui arracha aussi une grimace et elle fut sur le point de demander des précisions à Amélie avant de se raviser finalement : le temps filait et elle aurait tout loisir d'approfondir le sujet le soir même. D'ici là, elle comptait bien être prudente même si elle se sentait de toute façon en sécurité aux côtés du paladin luménien.

- Merci pour ton aide, Amélie ! Je file mais je serai de retour avant la tombée de la nuit. Enfin, normalement !

Il ne serait en effet pas très convenable qu'elle accapare Arthur au-delà... Moins d'une minute plus tard, elle sortait de la maison et se dirigeait vers son compagnon qui l'attendait à côté de Kelpie. Elle lui sourit même si elle ressentait soudain une bouffée de stress : qu'est-ce qui lui avait pris de s'habiller de cette façon ? Qu'allait en penser le jeune-homme ?

Quand Arthur vit sortir la jeune femme, il resta une seconde sans voix. Il ne l'avait jamais vue qu'en armure, bien sûr, ou dans des tenues maculées de poussière, fonctionnelles, jamais apprêtée de la sorte. Et elle était encore plus belle, immanquablement. Par contraste, il se sentait plus pouilleux que jamais, et il eut la certitude qu'on le prendrait pour son serviteur pendant toute la durée de leur promenade. Ce n'était pas un problème, Arthur n'était pas arrogant et, dans une certaine mesure, c'était le reflet de ce qu'il voulait être — son serviteur. Il réalisa qu'il était resté silencieux un peu trop longtemps, et que, certainement, il l'avait fixée de manière inconvenante. Il rougit donc et détourna les yeux.
" Vous êtes... heu... très jolie."
C'était faible, mais voilà. Des inquiétudes plus pragmatiques prirent le dessus. Pouvait-elle vraiment se promener en ville — dans Manost la grise, de surcroît — dans une tenue pareille ? Ne risquait-elle pas d'être importunée sans cesse ? Il y avait la cape, bien sûr, mais les gens n'étaient pas aveugles et...
" Je vais tenir le cheval. C'est mieux. Sinon vous allez... hum... avoir des poils partout."

Chandara n’avait pas manqué de constater le regard posé sur elle et elle fut ravie d’attirer ainsi l’attention d’Arthur : elle n’était pas née de la dernière pluie après tout et c’est précisément l’effet qu’elle avait plus ou moins consciemment cherché à obtenir. Evidemment, le compliment la fit sourire quoiqu’en baissant légèrement les yeux. Toujours aussi attentionné, le lathandrite lui proposait même – fort galamment - de conduire sa monture et elle ne réfléchit qu’un instant avant de se décider à accepter :

- Merci Arthur, c’est vraiment très aimable à vous !

Bon, elle aurait dû trouver quelque-chose à répondre sur le compliment aussi mais ses mots s’étaient embrouillés dans sa tête – qu’il était lui-même charmant, qu’elle ne pouvait pas faire moins, que c’était trois fois rien - et le moment semblait maintenant passé…

C’est donc côte à côte qu’ils se mirent en route vers l’auberge, Arthur tenant une Kelpie étonnamment docile par la bride. Alors qu’ils s’engageaient dans les artères les moins animées leur permettant de rejoindre leur destination, Chandara se fit la réflexion que se promener sans arme ni armure la faisait se sentir vulnérable, même dans une ville censément aussi sûre que la sienne. Heureusement, la présence du luménien était suffisamment rassurante pour chasser ses appréhensions devant cette situation inédite et pour lui permettre de profiter de l’instant.

Un peu troublé par la proximité de la jeune femme, Arthur n'était pas certain qu'il serait capable de retrouver le chemin de l'auberge. Heureusement, Chandara était à ses côtés et elle pouvait les guider. Il se sentait un peu comme un gamin perdu qu'aurait recueilli une princesse. Dans cet instant, subjugué par la vision enchanteresse qu'elle offrait, au milieu de tant de grisaille, il avait l'impression un peu effrayante d'être ensorcelé. Il fallait qu'il brise le charme, un rien, sous peine de demeurer silencieux et apathique jusqu'à la fin de la journée.
" Elle a l'air très bien, cette pension... Vous connaissez la gérante... Pensez-vous que l'aubergiste du Loyal Paladin le savait ?"

A mesure qu'ils progressaient dans des rues connues et que Chandara retrouvait ses marques, elle se sentait davantage en confiance et c'est donc d'un ton joyeux qu'elle répondit à la question d'Arthur :

- Oh, je suis prête à parier que oui même si j'ai marché à son petit jeu, comme toujours ! Titœil a bien plus d'humour et de tact qu'il n'y paraîtrait de prime abord... Pour preuve, il y a bien d'autres auberges recommandables en ville mais il a toujours été très protecteur envers moi : je ne voulais pas l'inquiéter ou lui faire de la peine en cherchant refuge chez un de ses concurrents. Et je crois en effet que je me sentirai bien au Clos des Roses. Surtout qu'il est tenu par quelqu'un venant de chez moi en quelque sorte.

Et voilà qu'elle se remettait déjà à bavasser comme une pie ! Décidément, elle allait devoir contrôler cette tendance pour ne pas étouffer le jeune-homme. C'est en partie pourquoi elle répliqua par une autre question :

- J'imagine que la pension ressemble davantage aux établissements dont vous avez l'habitude à Luménis ?

Arthur parut surpris.
" Heu... Non, enfin... Personnellement, je n'ai jamais dormi que chez mes parents, à la commanderie, ou dans une tente. Enfin, avant de venir sur Dorrandin, bien sûr. J'ai dormi sur un bateau, là... Et puis c'est vrai que pendant la guerre civile, à Luménis... Hum. Je m'embrouille. Je n'ai jamais dormi dans une auberge ou une pension. Donc je n'en sais rien... Mais vous vouliez peut-être parler de l'atmosphère générale ? Je ne saurais pas bien dire. On trouve de tout à Luménis. C'est une grande ville. Mais les petites maisons avec jardin, comme ça... ce n'est quand même pas très typique des centres urbains... Enfin je crois. Je n'y connais pas grand chose."

Cette fois, ce fut au tour de l'ancienne helmite d'être étonnée par la réponse du paladin. Mais elle se souvenait qu'Arthur lui avait confié n'avoir pas voyagé souvent avant de se rendre en Dorrandin... Elle désigna une nouvelle rue latérale qui leur permettrait d'éviter la presse quitte à rallonger d'une centaine de mètres le trajet jusqu'ai Loyal Paladin et s'y engagea avant de répondre avec une curiosité sincère :

- Et comment est-ce de dormir su un navire ? Il parait que la plupart des gens y sont malades... Je dois dire que je n'ai jamais eu l'occasion de naviguer et encore moins d'entreprendre un voyage comme celui qui vous a mené ici.

Arthur était embarrassé d'avoir tant parlé pour finalement ne pas dire grand chose de très intéressant, sinon démontrer l'ampleur de son ignorance. Il fut reconnaissant à Chandara de ne pas se moquer. Bien d'autres l'auraient fait sans hésitation et sans même penser à mal. Il avait l'habitude de parler sans trop réfléchir, quand il était un peu mal à l'aise. Ou peut-être par défaut.
" Et bien... ça bouge. On s'y fait. Après, c'est presque difficile de dormir à terre, pendant un temps. Est-ce que votre ville natale se trouve loin de la mer ?"