La Couronne de Cuivre

Cet arrangement était décidément le meilleur possible pour eux d'eux et il était dificile de ne pas voir dans cette heureuse coïncidence et leur premier succès commun un signe de la bénédiction divine de leur mission. Chandara sourit de plus belle et ajouta qu'elle aussi était tout à fait ravie de pouvoir voyager quelque temps en si bonne compagnie. Elle n'avait aucune objection à rester en ville le temps que Quentin termine les représentations qu'il y avait prévu. Puis, d'un ton énigmatique, elle ajouta :

- Mais avant toute chose, je pense que j'ai justement de quoi fêter notre accord. C'était aussi un petit cadeau pour te remercier de ton aide au cours des jours précédents mais l'un n'empêche pas l'autre.

Elle extirpa alors le paquet contenant sa commande chez le tailleur et le tendit au jeune garçon.

Quentin s'empourpra légèrement et prit le paquet avec hésitation.
-Mais... Il ne fallait pas, fit-il d'un ton où pointait l'embarras. Je veux dire, c'est très gentil mais... J'ai vraiment pas fait grand chose pour mériter ça. Je vous ai juste montré où était la grotte, ce que n'importe qui d'autre aurait pu faire. Et de surcroit, cette grotte m'intéressait aussi...

La jeune femme sourit une nouvelle fois en observant la réaction du jeune garçon et elle répondit avec une joie tranquille :

- Cela me paraissait tout naturel, au contraire. Le fait que tu aies pris plaisir à me rendre ce service ne retire rien à sa valeur. Pour moi, tu as amplement mérité cette petite marque d’affection. Viens donc, je pense que tu voudras être dans un endroit tranquille pour ouvrir ce paquet-ci !

Il acquiesça.
-Oui, ce serait bête de faire ça ici...
Et il lui emboita le pas, toujours quelque peu embarrassé quoi que reprenant rapidement son aplomb.

Au moins le trajet jusqu'à son auberge aurait-il cette vertu que de préparer le garçon à la surprise qui l'attendait. Avant de pénétrer dans la salle commune, Chandara proposa à son protégé de l'accompagner jusqu'à la chambre qu'elle louait à l'étage tout en gardant le mystère sur ses raisons. Nul doute que l'idée avait déjà fait son chemin et que quentin avait deviné de quel nature était son cadeau. D'autant qu'il était typiquement Sunite.

Préférant ouvrir le paquet dans un lieu un peu plus discret, le jeune musicien ne fit aucune difficulté pour la suivre et, sitôt dans la chambre, il se mit à l'ouvrage avec méticulosité.
-Waouh ! s'exclama-t-il. Elle est sacrément belle, cette tenue.
Il sourit puis... pinça les lèvres.
-Presque trop belle, en fait. Honnêtement, je ne méritais pas autant. Et puis, même si je suis soigneux avec mes affaire, et même en ne la gardant que pour les grandes occasions, elle risque de vite s'abimer, compte tenu de mon mode de vie...

Chandara croisa les bras et observa le garçon en coin pendant quelques instants avant de répondre avec conviction :

- Ne t'inquiète pas de ça : je l'ai choisie dans un tissu résistant. Les paladins ont l'habitudede faire attention à ce genre de détail. Et même sans cela, les belles choses sont faites pour être montrées, non enfermées à l'abri. Allez, tu devrais l'essayer pour t'en rendre compte. Pour me faire plaisir !

-Bien sûr, acquiesça-t-il.
Il se déchaussa, retira sa tunique et ses chausses puis, avec moult précautions, enfila la nouvelle tenue.
Chandara put alors constater que les mesures qu'elle avait données au tailleur étaient très justes et qu'il en avait parfaitement tenu compte. Bien sûr, si l'on chipotait, il y aurait quelque petites retouches à faire, puisque lesdites mesures avaient été faites au jugé. Mais, dans l'ensemble, le résultat était très bon.

Chandara s'approcha pour réajuster très légèrement le veston et le col de la tunique puis s'éloigna à nouveau pour admirer le résultat avec un sourire empreint de fierté :

- Eh bien, tu vas en faire chavirer plus d'une avec une telle parure ! Et je crois qu'on peut même s'économiser un passage chez le tailleur. Comment te sens-tu ?

-Heu... Intimidé ?
Il sourit.
-Non pas que ces habits ne m'aillent pas. c'est juste que j'ai peur de les abîmer. C'est bête mais... c'est comme ça.
Son expression se fit sérieuse. Solennelle, même.
-Par conséquent, je ne vais plus faire le moindre mouvement. Ainsi, pas de risque de déchirure !

La paladine secoua la tête, espérant bien que le garçon plaisantait. Décidant que c'était bien le cas, Chandara répondit d'un ton léger :

- Fais attention à ce que je ne cherche pas à profiter de la situation ! Allez, essaye de lever un peu les bras que je vois si la tunique n'est pas trop serrée aux épaules. Comment jouerais-tu, si ce n'est pas le cas ?

Mais Quentin ne bougea pas.
Pas d'un pouce.
Il donna même l'impression de vouloir retenir son souffle.

Chandara s'approcha à nouveau, la mine faussement inquiète. Elle tendit une main, la retira puis fit mine de réfléchir avant que son visage ne s'illumine soudainement :

- Ah je sais : c'est un effet classique avec les nouveaux vêtements... Par chance, je connais exactement le remède !

Et sans laisser le temps au garçon de réfléchir et sans égard pour le fait qu'ils se connaissaient depuis peu, elle entreprit de le châtouiller aux côtes par surprise.

Quentin ne s'offusqua pas. Mais, de toute façon, sans doute était-il trop surpris - et chatouilleux - pour pouvoir le faire.
-C'est... c'est bon, vous m'avez l... libéré de la p... pétrification ! articula-t-il tant bien que mal.
Il se tortilla pour se libérer puis leva les bras.
-Voilà... Et ça serre pas trop aux épaules.

Chandara partit d’un rire joyeux et cessa aussitôt son assaut pour vérifier la façon dont le tissu réagissait aux mouvements et à cette nouvelle position. Satisfaite du résultat, elle fit à nouveau un pas en arrière avant de répondre avec un clin d’œil :

- Heureusement que ce traitement a parfaitement fonctionné : cela évite de recourir aux grands moyens !

C'était une provocation.
Et Quentin se fit un plaisir d'y céder.
-Heureusement, en eff...
IL ne termina pas sa phrase : il semblait à nouveau totalement pétrifié.

Chandara éclata cette fois franchement de rire avant de déclarer avec enthousiasme :

- Très bien : voilà encore une preuve de plus que les vêtements sont prernicieux ! La seule solution est donc de les retirer. Tous.

Et de mimer aussitôt un premier geste en direction de son veston...

-Et puis quoi encore ?!
Une fraction de seconde plus tard, Quentin se mettait hors de protée d'un adroit bond en arrière.
-Non mais ! Ah, ces sunites, je vous jure !
Et il fit mine, avec ostentation, de chasser les plis de son veston.
-Vous auriez pu l'abimer, en plus ! ajouta-t-il, mutin.

Chandara resta interdite par la vivacité du garçon pendant un instant puis rit à nouveau en remarquant son air mutin. pleine d'aplomb, elle rétorqua aussitôt comme si cela avait bien été son plan dès le départ :

- Les grands moyens, comme je le disais : ça marche à tous les coups !

Il opina solennellement du chef.
-Je dois le reconnaître : vous êtes très douée, et je n'ai absolument aucun moyen de r...
Nouvelle phrase coupée.
Nouvelle pétrification subite.

Chandara pouffa de rire et se déplaça rapidement dans le dos du garçon avant de répondre joyeusement à cette nouvelle provocation :

- Bien sûr, si ces vêtements provoquent un tel effet, nous pouvons de ce pas retourner chez le tailleur pour en choisir d’autres : je m’en voudrais de nuire à ton art en te pétrifiant de la sorte ! Tu ferais une très jolie statue pour mon temple mais ce serait tout de même du gâchis.

Il fit subitement volte-face.
-Oh non, ce ne sera pas nécessaire : cette tenue n'a vraiment aucun effet secondaire.
Il coula un regard en direction de la porte.
-Merci encore, en tout cas ! Et sur ce, je vais aller me rouler dans la boue : cette nouvelle mise, il faut bien l'étrenner, vous comprenez...

Chandara joua le jeu en arborant une mine faussement horrifiée et en se précipitant devant la porte comme si elle comptait lui barrer le passage. Mais un sourire hilare marqua bien vite son visage alors qu'elle déclarait avec conviction :

- Les bains de boue sont bons pour la peau ! Mais avant que tu ne t'y risques, je devrai te confiquer toutes tes frusques !

Il rit.
-Vous y tenez, hein ? Ah, si j'étais du genre impertinent, je répliquerais que je serais bien curieux de savoir par quel miracle vous compteriez parvenir à vos fins. Mais je suis profondément respectueux, alors je m'abstiendrai et me contenterai de vous assurer que je n'oserais jamais tremper si magnifique tenue dans la boue. Dans l'eau de mer, peut-être. Dans la vase de quelque marais, éventuellement. Mais dans la boue ? Assurément non !

Elle savait qu'il plaisantait encore mais elle ne put retenir une grimace à l'idée de tremper de beaux vêtements dans ces environnements hostiles. Elle finit néanmoins par sourire et répondre d'un ton enthousiaste :

- C'est une très bonne chose que je t'accompagne encore un moment alors : je ferai en sorte de t'éviter les marais et peut-être même les zones inondées !

Quentin acquiesça vigoureusement.
-Vous avez bien raison. L'eau est mauvaise pour la santé, c'est bien connu. Et après nos explorations de ces derniers jours, je pense que j'ai été assez mouillé pour... au moins six mois, disons.
Sur cette déclaration solennelle, il enchaina, l'air innocent :
-Souhaitez-vous vérifier autre chose ? En ce qui me concerne, en tout cas, je n'ai rien à redire sur cette splendide mise qui me va parfaitement.

Chandara jeta un dernier regard admiratif au garçon qui avait décidément fière allure dans ses nouveaux atours. Elle répondit d'une voix affectueuse :

- Non, non Quentin : tout est parfait. Mais donc, tu as des projets pour la journée ? Et j'imagine que tu comptes te produire encore un ou deux jours à Bordeleau, non ?

Cela ne la gênait en rien : après tout, la ville était vaste et elle n'avait guère pris le temps de la visiter. Qui sait quelles rumeurs elle pourrait encore entendre si elle ne se remettait pas aussitôt en route ?

-Je dois jouer ce soir : mon accord avec le patron prévoit que je le prévienne la veille de mon départ. Après... Nous pouvons partir quand vous le souhaitez. Je ne comptais pas m'attarder, de toute façon : je suis ici depuis déjà une semaine et, dans les villes, les gens ont tendance à vite se lasser, vu que les distractions ne manquent pas vraiment.

La paladine lui partagea ses réflexions sur le sujet : ils pouvaient s'en aller le lendemain ou rester un jour supplémentaire s'il souhaitait encore s'attarder. Les deux solutions lui convenaient parfaitement et elle lui laissait donc le choix : le trésor avait attendu des années alors il n'allait pas subitement s'envoler pour quelques heures de plus.

Mais Quentin, qui estimait sans doute que pareil choix revenait à Chandara, répondit qu'il n'avait pas non plus de préférence et s'adapterait en fonction de ce qu'elle déciderait.
Il entreprit ensuite de se changer, renfilant sa tenue habituelle puis remballant consciencieusement celle que la paladine venait de lui offrir.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Ce que les vagues ne sauraient effacer