La Couronne de Cuivre

Le paladin poussa un profond soupir et s'accrocha un moment aux créneaux, yeux fermés. Le vent froid de l'hiver charriait une odeur de mort que le gel étoufferait bientôt. Ils avaient survécu. Il adressa une prière à Lathandre, avec ferveur et abandon, absent pendant quelques secondes de l'instant présent.
Puis il fit volte-face pour contempler la cour et le carnage. Il avait vu des hommes tomber, des soldats de leur petite troupe, et son pouvoir curatif pouvait peut-être encore aider l'un ou l'autre, aussi redescendit-il rapidement les escaliers. Ensuite, il faudrait rassembler l'état-major, ou le conseil, ou les deux, et aviser.
L'hydre était toujours en plein milieu de la cour.

L'infirmerie avait été installée dans le haut rez-de-chaussée de la tour sud-est. Les blessés n'y manquaient pas, qu'ils soient colons ou mercenaires, homme du rang ou officiers - Edgar, par exemple, avait un bras en écharpe, tandis que Guillermo avait la tête enrubannée d'un linge ensanglanté. Barthélemy s'affairait auprès des plus grièvement atteints.
-J'aurais besoin de tes services, dit-il au paladin, sans détour. Tes reste-t-il, en réserve, quelques pouvoirs de guérison ? Et si ton destrier est en état, je te serais très reconnaissant de l'envoyer auprès de la colonne. Une bonne partie des réserves du dispensaire ont été emportées, sans compter que nous devons informer nos compagnons... Or, je ne peux plus le faire par magie.

" Il doit me rester du pouvoir, oui. Je dois avouer que je me suis stupidement soigné, j'aurais dû penser aux plus atteints que moi..."
Il grimaça et se porta aux côtés du clerc, prêt à agir.
" Et mon cheval est disponible pour qui voudra le monter. Il n'a pas épuisé le tiers de son énergie. Cela dit, je ne suis plus certain de pouvoir penser droit... Crois-tu que nous puissions simplement leur dire de s'immobiliser là où ils se trouvent en attendant de nos nouvelles ?"

-J'imagine que oui, répondit-il. D'accord, le décor ne sera pas exactement plaisant, et le confort s'avérera pour le moins... limité. Néanmoins, je gage qu'apprendre que le fort n'a finalement pas été pris et que nous avons abattu un nombre incroyable d'ennemi leur remontera suffisamment le moral pour qu'ils endurent sans problème ces petits désagréments. Hum, par contre, n'y connaissant rien en destriers de paladins, je te laisse le choix du cavalier... Mais dans l'immédiat, un petit coup de main pour refermer l'abdomen de ce brave serait approprié...
En quelques minutes seulement, Hubert avait épuisé ses ressources. Néanmoins, son intervention faisait déjà sentir ses effets, dont plusieurs de ses compagnons à la limite de l'agonie avaient profité avec reconnaissance.

Hubert quitta donc Barthélémy pour se mettre en quête de Grand Vent et d'un cavalier approprié. Il avait sa petite idée en tête et chercha les enfants. Peut-être qu'embarrassés par leur tragique désobéissance, ils s'étaient carapatés dans les profondeurs, mais il avait comme un doute. Il songea alors au Paludier qui avait porté l'armure de Robert et qu'il avait vaincu grâce à l'apparition subite de l'hydre. Il pouvait récupérer la lame et la donner à Alban... à moins que le gosse n'ait déjà repéré le cadavre, ce qui n'était pas impossible.

Peut-être l'avait-il repéré, oui. Peut-être même s'en était-il approché. Mais il n'y avait pas touché, un regard lui suffit pour le constater. Et pour cause : le petit garçon, comme son amie, était pour l'heure fort occupé à apporter de l'eau et de la nourriture aux soldats épuisés mais indemnes qui étaient allés s'assoir dos contre l'un des remparts. Les colons n'avaient manifestement pas pu tout emporter au moment de leur repli et, en l'occurrence, c'était plutôt une bénédiction.

Hubert ramassa la lame de Robert et l'essuya sur un morceau d'étoffe qui traînait, vestige d'une cape ou d'une tunique, reflets de la violence des combats. Il retourna le corps de son adversaire, le délesta du fourreau. L'armure était fichue. De toute façon, Alban n'aurait pas pu la porter. Un instant, bref, Hubert se demanda s'il pourrait trouver une trace de Robert dans son équipement, quelque chose qui lui permettrait de le ramener à la vie, comme il le souhaitait encore parfois ardemment, aux moments les plus imprévisibles. Puis il se tempéra. L'armure avait été portée, désormais. Il avait mille fois plus de chances de ressusciter le monstre qui leur avait ravi le Loup Blanc.
Et de la mort jaillit la vie. Lathandre n'aimait pas que l'on joue avec les lois de la nature.
L'épée en main, il jeta ensuite un coup d'oeil à l'hydre et grimaça. Hésita à aller lui parler. Est-ce qu'Albérich avait oublié comment on se métamorphosait dans l'autre sens ? C'était aberrant ! Il songea alors que le Luménien était peut-être blessé. Mais il avait encore ses douze têtes et paraissait à peine touché. Il avait reculé dans un coin de la cour, l'imposant postérieur de la créature pressant contre le rempart, comme s'il essayait de s'adosser à quelque chose. Peut-être était-ce la fatigue... Mais il y avait plus urgent. Des hommes se mourraient.
Il retourna vers les enfants, s'immobilisa et les appela simplement.
" Ruth. Alban. Venez ici."

Les gosses sursautèrent en s'entendant appeler par leur maître.
Ils s'entreregardèrent sans oser d'abord se retourner. Mais ils n'échangèrent pas un mot.
Enfin, ils pivotèrent et s'avancèrent dans sa direction. Ruth semblait extraordinairement embarrassée. Alban, lui... Pas du tout.
Décidément, la journée réservait bien des surprises.
-Oui, m'sire ? fit la fillette, d'une toute petite voix.

Il ne leur sourit pas mais il ne se montra pas non plus revêche. Il les traita de la façon dont il aurait traité n'importe lequel de ses hommes : avec sérieux et autorité. Ils voulaient jouer les soldats, ils devaient assumer.
" Je veux que vous enfourchiez Grand Vent et que vous retourniez jusqu'à la colonne. Avertissez les colons de notre victoire et demandez-leur de s'arrêter là où ils se trouvent, en attendant de plus amples informations. Chargez aussi les fournitures du dispensaire de Barthélémy sur Grand Vent et revenez ensuite ici au plus vite. Barthélémy a besoin de son matériel, d'urgence."

Ruth poussa un profond soupir de soulagement. Sans doute avait-elle craint une vive réprimande, voire une sévère punition.
-Tout de suite, m'sire, répondit-elle.
Alban, lui, ne desserra pas les lèvres, se contentant d'incliner poliment la tête.
L'instant suivant, ils tournaient les talons et rejoignaient Grand Vent, pour le conduire en direction de la tour dont l'escalier avait été dégagé.

Hubert les regarda partir avec des sentiments mitigés. Il savait qu’il ne pourrait pas faire comme si de rien n’était, qu’il lui faudrait tôt ou tard entrer en matière sur ce qu’ils avaient fait : quitter la colonne sans autorisation pour venir prendre part à une bataille meurtrière. Bien sûr, ils étaient arrivés quand le gros du danger était écarté. Bien sûr, ils avaient été déterminants, évitant à n’en pas douter des pertes à leurs alliés. Mais c’était la patte de Tymora et Hubert craignait que Tymora ne soit pas toujours avec eux. Il ne savait pas quoi en penser. Il se sentait furieux, fier, inquiet, reconnaissant. Il n’était décidément pas fait pour superviser, et encore moins éduquer, des enfants.
Mais cela attendrait que les émotions et la fatigue de la bataille soient retombées. Il ne pensait plus droit et il risquait de dire des choses inappropriées, ou fausses, sous le coup de l’épuisement. Il fallait qu’il rassemble son état-major et il fit passer un message en ce sens à un des hommes qu’il croisa, avant de se diriger, enfin, vers l’hydre.
Il choisit une tête au hasard et se campa devant la bête.
« Albérich, ça suffit, maintenant. » dit-il simplement, curieusement contrarié.
Il se demanda si cette bouffée de colère subite était due au fait qu’il détestait l’idée que le Luménien se soit exposé – les hydres meurent aussi – ou si c’était parce qu’il était vaguement dégoûté par le concept de métamorphose et ce qu’il avait vu dans la cour. Il n’aurait jamais imaginé que l’ancien clerc puisse être aussi violent… comme si sa forme contaminait son âme. Il frémit à cette seule pensée.
Mais ce qui se produisit ensuite le laissa bouche bée. L’hydre disparut et il se retrouva face à son ami, absolument nu. Albérich grimaça et se recroquevilla sur lui-même, tandis que le paladin s’empourprait. Une seconde plus tard, il s’accroupissait à son tour pour l’étreindre et le protéger du froid.
« J’ai besoin d’une couverture ou d’un manteau ! » cria-t-il.
Il sentit le corps du Luménien frissonner entre ses bras. Il était conscient du fait que ses mailles maculées n’étaient pas exactement la meilleure protection à offrir à un homme transi et manifestement épuisé, mais dans l’immédiat, il n’avait rien d’autre.
« Mais où sont tes vêtements ?
— En lambeaux, je le crains.
— Misère, Albérich… Et tu es blessé…
— C’est superficiel…
— Excuse-moi, mais ça saigne franchement. Je t’emmène chez Barthélémy. »
Dès qu’on lui aurait amené quelque chose de protecteur.

Les minutes passèrent. Sur les remparts, le guet était assuré par quelques mercenaires commandés par Lothar, par quelques soldats dirigés par Gaspard. Même s'il était peu probable que les cannibales lancent un nouvel assaut dans les minutes à venir, il était heureux que certains hommes se soient tirés indemnes de la bataille.
Un garde finit par apporter une couverture sans doute récupérée dans les caves. Les deux amis purent alors rallier le dispensaire de fortune, ou Barthélemy s'intéressa aux plaies du Luménien.
-Bon, rien de bien méchant, conclut-il. Je vais nettoyer tout cela, mais pour les pansements, il faudra attendre qu'on m'ait ramené mon matériel...

Emmitouflé dans sa couverture, Albérich était toujours embarrassé. Il était surpris de l'épuisement qui l'avait saisi au moment où il avait repris forme humaine et un vague dégoût de ce qu'il avait commis sous forme bestiale avait commencé à l'envahir, le laissant presque sonné.
" Je peux m'en charger moi-même, si tu me donnes de l'eau..." proposa-t-il à Barthélémy.
Puis il sourit doucement.
" Je ne suis pas certain que c'était exactement ce que tu entendais, quand tu parlais de convaincre Hubert... Mais je n'ai pas bien vu comment faire autrement."
Le paladin s'était raidi, les yeux réduits à l'état de fentes, et Albérich se morigéna d'avoir maladroitement impliqué le Chauntéen dans le déferlement furieux qui n'allait sûrement pas tarder à jaillir.

Le vieillard ne parut décontenancé ni par les propos du Luménien, ni par le regard du paladin.
-Non, ce n'était pas tout à fait ce que j'avais imaginé. Mais quelle importance ? Hubert est vivant, vous aussi, le fort n'est pas tombé et les cannibales ont été mis en déroute. De mon point de vue, tout se termine donc on ne peut mieux, et tu as très bien agi.
Il lui sourit.
-Pour le reste, il serait fort peu déontologique de laisser un patient s'occuper de ses propres blessures. Laisse-moi un instant, que je trouve de l'eau et des linges propres...
Et de s'esquiver vers le feu allumé dans un coin de la salle.

La fuite de Barthélémy laissa bien sûr le champ libre à Hubert.
" C'est lui qui t'a demandé d'intervenir ? souffla-t-il.
— Oui. Il m'a prévenu que tu étais en train de tenter quelque chose qui se terminerait mal."
Hubert resta silencieux, Albérich avait l'impression de deviner des rouages en mouvement sous son crâne.
" Je suis désolé d'avoir interrompu ton duel. Mais tu allais te faire tuer."
Le paladin ne dit toujours rien, son regard s'était perdu dans le vague.
" Je sais qu'il aurait été plus loyal de l'abattre sans mon apparition, mais...
— C'est lui qui s'est laissé distraire. Tu ne l'as pas attaqué. Tu n'as rien à te reprocher et sans toi, nous n'aurions certainement pas pu défendre le fort. J'aurais dû prendre la mesure de la puissance du phylactère plus tôt..."
Il s'interrompit et Albérich devina ce qui restait tu. Que s'il y avait songé, il l'aurait confié à quelqu'un d'autre, et l'aurait renvoyé avec la colonne. Ils se dévisagèrent une seconde, embarrassés, et Hubert détourna le regard le premier.
" Je vais rassembler mon état-major. Nous devons aviser... Je ne sais pas exactement combien de cannibales sont encore dehors. Varamyr avait l'air de dire qu'ils se battraient jusqu'au dernier, or nous ne les avons pas tous tués. Il y a certainement d'autres shamans... et je ne sais pas si la brèche qu'ils ont ouverte peut-être colmatée de manière efficace... Repose-toi. Je reviendrai ensuite."
Puis, sur un sourire gêné, le paladin quitta l'infirmerie de fortune. Albérich le regarda filer, à la fois soulagé et amer. Les choses ne s'étaient pas si mal déroulées, tout compte fait. Il resserra les pans de la couverture autour de lui.

Son état-major l’étendait dans la cour, quoiqu'en l'absence d’Ézéchiel, il se résumât à un trio d'officiers épuisés. Edgar et Guillermo venaient tout juste de quitter l'infirmerie et portaient encore les stigmates des blessures récoltées au cours de la bataille. Gaspard, quant à lui, paraissait ne souffrir que d'égratignures, mais il suffisait de voir ses traits tirés pour comprendre à quel point il était fatigué.
-Alors, mon capitaine, on attend qu'on nous ramène les chevaux pour mener une charge sur le camp ennemi ? s'enquit l'ancien sergent, sur le ton de la plaisanterie.

" C'est une excellente question et c'est bien pour ça que je vous ai rassemblés." dit le paladin avec une grimace.
Il regarda les hommes autour de lui et soupira, puis se retourna vers un homme plus ou moins valide qui passait à proximité.
" Trouve-moi Giovanni, veux-tu ?"
Il refit face à ses officiers.
" Allons nous asseoir quelque part. Je ne tiens plus debout."
Il chercha un coin plus ou moins dégagé de la cour et opta pour la catapulte qui, même si elle avait souffert de l'attaque, offrait de bonnes possibilités.
" Bon. D'abord tous mes remerciements à chacun pour l'énergie que vous avez mise dans le combat. Nous étions submergés et je pense que sans l'implication absolue de chaque personne, nous serions tombés beaucoup plus rapidement."

-Bah, nous avons juste fait notre travail... répondit Edgar.
Guillermo rit.
-Ce n'est pas très loyal de me voler ma réplique.
-Je pense que les armes et les armures trouvées dans les coffres ont beaucoup joué, intervint Gaspard. Sans parler de l'hydre.
-Et du rhinocéros ! N'oublions pas le rhinocéros ! s'esclaffa l'ancien sergent.
-Hum, à ce propos, il me semble que nous devrions faire l'inventaire des ressources actuellement à notre disposition, fit le capitaine mercenaire. De toutes nos ressources. Cela s'avérera crucial pour ce qui doit suivre.

Ce qui doit suivre, songea Hubert.
Au moins un d'entre eux avait un avis sur la question...
" Je suis d'accord et nous y reviendrons dans un instant."
Sa mine se fit plus grave. Autant ne pas tourner autour du pot.
" Combien de personnes avons-nous perdu ?"

Les mines de Gaspard et d'Edgar s'assombrirent.
-Sept de nos hommes n'en ont pas réchappé, souffla l'ancien sergent.
-Et six membres de ma compagnie sont tombés au champ d'honneur, dit Guillermot.
Treize en tout.
-C'est beaucoup compte tenu de nos effectifs, mais peu si l'on prend en compte la situation, enchaîna le mercenaire. D'autant que selon mes premières estimations, nous avons abattu dans les deux cent ennemis.

Deux cents cannibales ?! C'était inespéré.
" C'est très peu et beaucoup trop, murmura Hubert en jetant un regard circulaire autour de lui. Il va falloir que nous leur rendions les honneurs... et aussi que nous décidions de ce que nous allons faire de tous ces cadavres. Le pragmatisme et la précarité de notre situation nous obligeront sans doute à détrousser nos ennemis, aussi discutable soit la pratique... Mais ensuite... Qu'en pensez-vous ? Devons-nous abandonner le fort ? Est-il possible de refermer cette brèche ? Allons-nous, comme le suggérait Edgar, panser nos blessures, rassembler nos forces, et mener le combat dans la vallée pour leur porter le coup de grâce, tant qu'ils sont sous le choc de leur défaite ?"

Edgar soupira.
-J'imagine qu'il vaudrait mieux battre le fer tant qu'il est chaud, mais... En aurons-nous les moyens ?
-Si nous attaquons leur camp, ce qui s'ensuivra ne sera pas très propre... souffla Gaspard. Même si c'est nécessaire, arriverons-nous à... à en venir à de telles extrémités ?
-Ils comptent encore des guerriers et des shamans dans leurs rangs, répondit Guillermo. Pour le reste... Se salir les mains fait aussi partie des attributions de ma compagnie.
Il se tourna vers Hubert.
-Mais qu'en pensez-vous, vous ?

Hubert grimaça.
" Si vous êtes en train de me demander si je vais pouvoir cautionner le massacre de leurs femmes et de leurs enfants..."
Il se tut et frémit, passa une main lasse sur son visage.
" Je n'en sais rien. Non, je suppose. J'aurai l'espoir de les mettre en déroute et qu'ils fuient ou... de les obliger à signer des accords, je ne sais pas... Varamyr me rirait au nez, je sais bien... Mais s'ils sont réduits à une poignée de survivants... La communauté ne sera plus en danger immédiat. Et les gosses... Ils peuvent sans doute être... sauvés, non ?"
Il secoua la tête.
" Pragmatiquement, de toute façon, nous devons d'abord nous reposer avant de pouvoir faire quoi que ce soit. Nous ne sommes plus qu'une quarantaine de soldats, charger leur campement sans rien en savoir me parait suicidaire."

-C'est plutôt de lancer un tel assaut que je parlais, même si la question de l'élimination de leur tribu se posera tôt ou tard. Il est très regrettable que nous n'ayons pas les moyens de les attaquer dès à présent, car leur moral doit être au plus bas... Enfin, nous n'avons pas le choix, cela devra être remis à demain. Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous soyons condamnés à l'inaction, cette nuit. La catapulte à l'air de porter loin, le fort voisin ne sera plus guère protégé... Il y a de quoi faire. En tout cas, à mon humble avis, il faut pousser notre avantage au maximum et sans perdre de temps.

La question de l'élimination de la tribu avait pris racine dans l'esprit d'Hubert et, il le savait, elle allait désormais le hanter jusqu'à ce qu'une décision soit prise. Une décision qu'il ne voulait pas prendre.
" Vous pensez qu'ils continuent à utiliser le fort occidental comme base d'opérations ? Je croyais qu'ils ne l'avaient investi que pour nous narguer. Ce qui me fait penser que les chances sont élevées que son sous-sol dispose des mêmes coffres garnis que le nôtre. Nous pourrions envisager d'y envoyer un groupe..."
Il revint à Guillermo.
" Mais à présent que la brume est levée : ne devrions-nous pas plutôt canarder leur campement à la catapulte ? Nous pourrons mieux ajuster notre tir... Les remparts d'en face doivent tenir le choc d'un rocher... et ils sont plutôt éloignés."

-Je pense qu'il vaudrait mieux utiliser la catapulte pour viser leur camp : être bombardés, cela pèsera forcément sur leur moral. Quant au fort ouest, m'est avis qu'une petite escouade pourrait sans mal venir à bout des quelques guetteurs qui s'y trouvent. Ensuite, nous pourrions installer sur les remparts dudit fort nos balistes... et celles que renferment peut-être les autres coffres. De là, les tentes des cannibales devraient être à portée de leurs tirs.

Hubert acquiesça.
" Ça me semble prometteur. Nous ne serons cependant pas capables de défendre deux forts. Il faut envisager un repli rapide du second s'ils décidaient de venir nous y chercher... D'autant qu'il est en moins bon état que celui-ci."
Il regarda les autres officiers.
" Mettons que nous les canardons d'ici. Dès qu'un groupe est suffisamment reposé, nous l'envoyons nettoyer le second fort, et nous les canardons de là aussi... Pour monter les balistes, la catapulte, en imaginant qu'il y ait là-bas exactement le miroir d'ici... ça va nous prendre plus que la nuit nécessaire à notre repos... Même si nous en avons tué deux cents... une charge de quarante cavaliers reste sacrément risquée."

Ils acquiescèrent.
-Il est certain que nous ne devrons tenter cette sortie qu'après les avoir longuement et efficacement pilonnés. Sans doute faudra-t-il également nous faire accompagner des lanceurs de sorts, pour qu'ils les gratifient d'une pluie de feu...
-Après, notre charge devrait les achever. Surtout si nous avons avec nous quelques créatures invoquées, un rhinocéros et... une hydre.

Hubert ne releva pas, malgré tout le mal qu'il en pensait.
" Bon. Imaginons que ce soit effectivement notre stratégie. Investir le fort ouest, pilonner les positions ennemies, et quand nous estimons les avoir suffisamment martelées, lancer la charge déterminante... Que faisons-nous de la communauté ? La ramenons-nous jusqu'au fort ? Je pense qu'ils n'ont pas pu franchir une très longue distance... mais psychologiquement... et pratiquement, il faut que nous soyons sûrs de pouvoir nous défendre s'ils décidaient de profiter de notre relative... joie... pour nous attaquer à nouveau."

-Les civils seront toujours mieux à dormir dans les caves que dans le tunnel, non ?
-Si je puis me permettre, une partie d'entre eux ne devra pas dormir. Il nous faudra des volontaires pour barricader la brèche en attendant de voir si on peut la colmater par magie, pour récupérer les flèches et les carreaux encore utilisables, pour tenter d'arracher les plantes grimpantes du mur ouest et surtout pour faire le guet.
-A mon avis, ça ne posera pas de souci.. Et si tout le monde s'y met, on devrait être prêts à recevoir les cannibales s'ils veulent tenter un baroud d'honneur...

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée