La Couronne de Cuivre

RP : Rendez-vous

La situation était grave. Voire désespérée. Les assaillants étaient trop nombreux. Même en tenant compte du fait que Kasumi n'était pas seul, puisque Zerlin semblait être là avec d'autres elfes.
- Il faut les aider !, s'exclama-t-elle à l'attention d'Elanda.
Il fallait quelle agisse, elle ne pouvait pas le laisser se battre seul. Si jamais il se faisait tuer sous ses yeux... elle ne le supporterait pas.

Il ne semblait pas la voir. Cela voulait sans doute dire qu'elle était en réalité absente de la scène, quelque part dans un monde parallèle où elle pouvait tout voir sans pouvoir rien faire. Elle ignorait comment tout cela était possible. Se trouvait-elle tout simplement au coeur d'un cauchemar ?
Mais quoi qu'il en soit... Elle ne pouvait rester sans rien faire.

Consciente de la futilité de son geste, elle saisit le bâton qu'elle avait posé tout à l'heure à ses pieds et, s'approchant de Kasumi, tenta de porter un coup à son adversaire du moment. Elle s'attendait à ce que le bâton passe au travers du corps sans le toucher, mais il fallait quand même qu'elle essaie, au cas où...

RP : Rendez-vous

Comme elle s’y était attendue, le bâton traversa sa cible sans la toucher mais la créature recula tout de même. Que ce fut le fait du hasard ou que la créature perçut la réaction instinctive de son adversaire, Kasumi obtint un court répit immédiatement annulé lorsqu’un autre monstre bouscula le premier en prenant sa place. Les coups pleuvaient sans précision mes les lames du rôdeur ne parvenaient pas à repousser les assaillants supérieurs en nombre…

Elanda posa une main sur l’épaule d’Astrée et lui parla d’une voix désolée :

- Vous ne pouvez pas l’aider. Pas ainsi. Même si votre lien est suffisamment fort pour qu’il vous perçoive, vous risquez de le gêner plutôt que de l’aider. Il y a un autre moyen peut être. Vous devez trouver Zerlin et ramener la Coupe si c’est possible. Cela me permettra d’agir et fera peut être fuir les fantômes de nos tourmenteurs.

Comme pour inciter Astrée à se presser, Kasumi glissa sur une flaque de liquide visqueux et faillit finir embroché pour sa peine. Il ne dut son salut qu’à l’arrivée opportune de Première Neige qui mordit l’assaillant à ce qui lui tenait lieu de jambes. Le rôdeur put se rétablir mais fut obligé de reculer encore, de plus en plus acculé.

RP : rendez-vous

- D'accord !
La réponse d'Astrée avait fusé, immédiate. Elle devait faire vite, n'importe quoi mais agir, avant qu'il ne soit trop tard et que Kasumi soit débordé par ses adversaires... Elle sentit une peur soudaine l'envahir. Et si elle échouait, et si elle ne pouvait rien pour sauver son compagnon ? Elle dut faire un effort sur elle-même pour ne pas hurler sa terreur lorsque Kasumi faillit être embroché. Ce n'était pas le moment de paniquer, pas le moment d'hésiter. Elle n'avait qu'un seul espoir : trouver la coupe. Et vite.

- Vous savez où il est ? Je crois l'avoir entendu sur la droite... Il va pouvoir me voir, lui ? Et il va accepter de me remettre la coupe ?
Mais la situation était trop urgente pour qu'elle ait vraiment le temps d'attendre les réponses à ces questions pourtant essentielles. Déjà, elle se dirigeait vers la droite, là où elle avait cru entendre d'autres bruits de combat et la voix de Zerlin.

RP : Rendez-vous

Elanda se plaça devant Astrée avant qu’elle ne quitte le parvis du Temple. Elle arracha un médaillon en forme de dauphin qu’elle portait au cou et le tendit à la rôdeuse.

- Je ne peux pas quitter le temple mais vous le pouvez. Mettez ceci, vous pourrez vous faire entendre grâce à son pouvoir mais n’essayez pas d’agir directement, je ne mesure pas les conséquences qu’auraient un tel acte si toutefois il marchait. Les Sahuagins vous entendront aussi, soyez prudente !

Elle ne chercha pas à retenir davantage la jeune femme désireuse de voler au secours de son compagnon en danger de mort. Kasumi avait réussi à mutiler un autre opposant et tenait tant bien que mal sa position en partie grâce à sa louve qui couvrait son flanc. Mais tôt ou tard il commettrait une erreur dont profiteraient ses adversaires, presque toujours aussi nombreux.

En contournant le temple, Astrée aperçut le vieil elfe nommé Zerlin, combattant auprès de deux congénères plus jeunes face à une troupe d’assaillants. Les elfes protégeaient un petit sentier escarpé de la horde qui se dressait entre eux et la rôdeuse. Plusieurs défenseurs avaient déjà payé le prix de leur barrage et gisaient sur le sol, piétinés par les monstres. Au loin, Astrée sembla apercevoir un autre elfe qui s’enfuyait sur le chemin bordant la falaise…

RP : rendez-vous

Ne pas agir directement... On pouvait l'entendre, ce qui signifiait qu'elle acquérait une certaine réalité dans ce monde parallèle, mais elle ne devait pas agir... Elle sentait la révolte monter en elle. A quelques pas, Kasumi luttait désespérément pour sauver sa vie, mais elle n'avait pas le droit d'intervenir... Et pourquoi ça ? Pourquoi ne pouvait-elle pas au moins essayer ? Un instant, elle fut tentée de faire fi de toute prudence et de voler au secours de son compagnon. Un instant seulement. Mais la vanité de cette idée lui apparaissait clairement. Même à deux, ils seraient submergés. Et Elanda semblait craindre des conséquences imprévisibles... Non, la seule chose qu'elle pouvait tenter, c'était de ramener la coupe...
Tiens bon Kasumi...

Après un dernier regard vers Kasumi qui s'épuisait dans une défense désespérée, elle se précipita droit vers les combats de l'autre côté du temple, le médaillon de l'elfe serré dans une main, un bâton dans l'autre. Au dernier moment, se souvenant des paroles d'Elanda, elle s'appliqua à étouffer le bruit de ses pas, s'efforçant d'être le plus discrète possible. Zerlin avait-il encore la coupe ? Ou l'avait-il confiée au jeune elfe qu'elle avait aperçu s'enfuyant sur la falaise ? Cette dernière hypothèse était la plus probable. Il lui fallait de toute façon contourner les sahuagins pour s'approcher de Zerlin et voir s'il avait la coupe, puis accéder au sentier par lequel s'était enfui le jeune elfe. Précautionneusement, mais le plus rapidement possible, elle s'avança, cherchant à contourner les assaillants.

RP : Rendez-vous

En approchant des défenseurs elfes, Astrée put constater qu’ils ne détenaient plus la coupe qui devait être l’objet que convoitaient leurs ennemis. Elle vit même ses soupçons confirmés lorsque leur chef invectiva ses troupes à se défendre jusqu’à la mort pour laisser le temps au fuyard de s’échapper avec le bien si précieux.

La rôdeuse parvint à se glisser entre les opposants, aidée par le chaos de la bataille et portée par le sentiment d’urgence quant au sort de son compagnon. Elle laissa derrière elle le fracas des combats et les cris des blessés et des mourants pour s’engager sur le sentier rocailleux qui longeait la falaise.

Malgré son habileté et sa volonté, elle était ralentie par la pénombre et les rochers coupant qui écorchaient ses pieds à chaque enjambée. Elle parvint néanmoins à rattraper l’elfe qu’elle avait aperçu plus tôt. Il avait du laisser son arme derrière lui pour porter la Coupe tant convoitée. Au bref élan d’espoir que suscita chez Astrée cette découverte succéda l’horreur. Trois monstres de taille imposante surgirent devant le jeune guerrier, lui barrant le chemin. Dans un geste de désespoir, celui-ci brandit l’objet pour en menacer l’assaillant le plus proche. Celui-ci se contenta de se fendre presque négligemment d’une puissante attaque qui propulsa l’elfe dans les airs. Malgré la distance, la rôdeuse entendit le bruit que firent les os du dos se brisant contre le roc. Les monstres dédaignèrent un instant la coupe tombée non loin, prête à tomber dans l’eau quelques mètres plus bas. Ils se battirent entre eux avant que le plus fort ne s’impose et soit le premier à dévorer les chairs de leur adversaire vaincu. Avec effroi, Astrée constata que la tête de l’elfe bougeait encore des spasmes de l’agonie alors même que les dents du monstre fouillaient dans les chairs tendres de son ventre…

RP : rendez-vous

Astrée était partagée entre l'horreur, le dégoût, et la colère. Elle eut une envie folle de bondir sur les shahuagins pour les empêcher de... de faire ce qu'ils étaient en train de faire... dévorer leur victime.
Mais ce fut l'horreur et le dégoût qui l'emportèrent. Elle se précipita soudain sur le côté pour vomir toute la bile qu'elle avait dans l'estomac. Puis elle se redressa, inspirant profondément, espérant que les shahuagins ne l'avaient pas entendue. La coupe. Elle devait récupérer la coupe. ne surtout pas regarder le cadavre qu'ils étaient en train de dévorer. Elle ne pouvait plus rien pour lui, de toute façon, et chercher à le venger en attaquant stupidement les créatures était la pire chose à faire.

Doucement, sans le moindre bruit, elle contourna les shahuagins pour s'approcher de la coupe par l'arrière. Celle-ci se trouvait tout au bord de la falaise, mais aussi tout près des dangereuses créatures. Si celles-ci reculaient, pour une raison ou une autre, il la heurteraient et la rôdeuse serait probablement propulsée dans le vide. Mais heureusement pour elle, ils étaient trop occupés à leur macabre festin.
Elle n'était plus qu'à quelques centimètres de la coupe. Elle tendit les mains pour la saisir, parfaitement consciente que dès qu'elle l'aurait en main, le regard des shahuagins serait immanquablement attiré vers l'objet en mouvement. Il allait lui falloir courir vite et profiter de l'effet de surprise.
Un.... Deux....
Elle saisit la coupe de ses deux mains.
Trois.

Elle se mit à courir droit devant elle sur le sentier, ses pieds nus ne faisant aucun bruit sur le sol. Elle ne se retourna pas, ne chercha même pas à entendre si ses adversaires réagissaient. Elle courait aussi vite que ses jambes le lui permettaient, oubliant les pierres qui lui entaillaient les pieds, les racines sur lesquelles elle risquait de s'entraver. Elle était concentrée sur une seule chose, son objectif : ramener la coupe et la remettre à sa place. Rien d'autre ne comptait, rien n'avait la moindre importance.

RP : Rendez-vous

Les monstres étaient soit trop accaparés par leurs ripailles, soit trop lents pour suivre la rôdeuse. Toujours est-il qu’elle put remonter tout le sentier sans encombre et arriva en vue du temple situé en contrehaut. Elle n’eut pas l’occasion de se réjouir de ce succès, toujours ignorante du sort de Kasumi. En s’approchant encore, elle fut horrifiée de constater que tous les monstres avaient convergé vers les marches du temple, lui barrant la route. Du rôdeur ou des autres défenseurs, nulle trace, même si le bruit des combats faisait encore rage aux portes. Elle ne pouvait qu’espérer que le demi-elfe faisait encore partie des survivants désespérés.

Elle passa à côté du corps sans vie de Zerlin. Son regard glissa malgré elle sur la morsure affreuse qu’avait laissée la mâchoire d’un monstre marin sur sa gorge, lui arrachant presque la tête des épaules tant elle était profonde. Un cri désespéré de son compagnon la détourna du massacre et elle contourna les corps et la mêlée pour entrer dans le Temple par l’arrière.
Elanda, aux prises avec un monstre lui lança un regard implorant. A son expression, il était évident qu’elle n’était pas taillée pour affronter physiquement les monstres et qu’elle était prête à céder. Kasumi quant à lui repoussait fébrilement les assauts conjugués de trois monstres. Ses épaules et ses flancs portaient les marques des multiples attaques qu’il n’avait pas pu esquiver. Lui aussi était très mal en point. Première Neige avait du rompre le combat, manifestement blessée à une patte. Elle restait néanmoins vaillamment dans le dos du rôdeur pour dissuader les assaillants de le contourner et le prendre à revers.

Le chemin de l’autel et de la statue semblait dégagé mais le regard de plusieurs monstres se porta sur Astrée et la coupe dès qu'elle fit mine de s'en approcher. Kasumi les imita par réflexe. Ses yeux s’écarquillèrent alors qu’il voyait la rôdeuse mais il n’eut pas le temps de l’appeler. Un monstre profita de sa déconcentration pour l’atteindre d’un revers de son trident. L’arme le toucha de biais ce qui lui évita d’être décapité mais il tomba néanmoins à terre, glissant sur les pavés du temple, inconscient, ou pire, et à la merci de ses assaillants. Première Neige gronda pour empêcher la curée mais elle ne tiendrait pas longtemps non plus…

RP : rendez-vous

Le premier réflexe d'Astrée fut de se précipiter vers son compagnon pour le défendre, se placer entre lui et ses assaillants, faire rempart de son corps, comme la louve. Mais elle n'avait aucune chance, elle le savait. Elle était repérée. Tous semblaient la voir maintenant. Sa seule chance, leur seule chance, c'était la coupe... Si Elanda avait vu juste.
Le chemin jusqu'à la statue était dégagé... ou presque puisque déjà deux des créatures se détournaient de Kasumi pour se porter à sa rencontre. Elle n'avait pas le temps de réfléchir, pas le temps d'hésiter, pas même le temps de se demander si son compagnon était toujours en vie ou si elle arrivait trop tard. Surtout ne pas se poser cette question où elle serait incapable de faire un geste. Il était vivant, il le fallait, ce n'était pas possible autrement.

Elle fonça, droit vers la statue, évitant par réflexe un trident qui lui effleura l'épaule, esquivant une autre attaque. En quelques bonds, elle était auprès de la statue, et, sans plus se préoccuper de ce qui se passait derrière elle, elle positionna l'amphore dans les mains ouvertes. Derrière elle un shahuagin approchait, elle sentait sa présence mais l'ignora totalement. De toute façon, si la coupe de vie ne les sauvait pas, elle serait morte dans quelques instants. A quoi bon s'en préoccuper...
Un clic : l'amphore était en place.

RP : Rendez-vous

L’étrange matière minérale de l’amphore et de la statue sembla se fondre pour donner l’illusion que les deux pièces n’en formaient qu’une. A l’instant où elles se joignirent, le temps sembla s’être arrêté, suspendant l’assaut des créatures pendant une seconde infinie. Tous les regards se portèrent vers l’autel et la prêtresse qui marchait désormais tête haute, comme auréolée d’un manteau de gloire, oublieuse de l’urgence de la situation. Une voix s’éleva de sa gorge, trop profonde pour émaner d’un être mortel, trop injonctive pour être ignorée, même des immondes profanateurs.

Astrée n’eut pas conscience du changement. Et pourtant, alors qu'elle se trouvait dans le temple, à côté de l’autel un instant plus tôt, elle se retrouva agenouillée aux côtés de son compagnon, dans l’environnement en ruines en tout point identique à celui de la veille. A l’exception de l’eau chantante provenant de la coupe de nouveaux en place. Les assaillants avaient disparus tout comme le corps des victimes. Tout cela n’aurait pu être qu’un cauchemar mais Kasumi gisait inconscient, portant les marques de son combat. De multiples ecchymoses et griffures lui marbraient les épaules, les bras et le torse. Trois blessures un peu plus profondes lui barraient parallèlement le haut de la cuisse gauche. La poitrine du demi-elfe se soulevait légèrement mais à un rythme irrégulier, signe qu’il était toujours en vie, mais mal en point. Première Neige s’approcha des rôdeurs en boitant légèrement de la patte avant droite, stigmate de son propre combat.

RP : rendez-vous

C'atait un cauchemar... Ce n'était pas réel, c'était impossible... Tout avait disparu...
Mais Kasumi était là, blessé. Et la coupe de vie avait repris sa place. Il y avait bien eu un combat, même si les seules traces étaient les blessures de son compagnon.

- Kasumi !
Il fallait qu'il se réveille, qu'il ouvre les yeux. Une deuxième fois, elle hurla son nom. Son coeur battait, mais si faiblement, si irrégulièrement. Il respirait. Elle tenta de secouer légèrement son épaule, de lui serrer la main.
- Je t'en prie, réveille-toi ! Ne me fais pas ça....
D'un coup d'oeil, elle tenta dévaluer la gravité de ses blessures. Avait-il perdu du sang ? Beaucoup ? Ses blessures ne semblaient pas très profondes. Mais peut-être avait-il été touché à un organe vital ?
- Je t'en prie... Kasumi... Réponds-moi ! Ouvre les yeux...

De ses deux mains, elle lui frictionnait la poitrine, sans trop savoir si elle cherchait à le réchauffer ou simplement à le sentir vivant sous ses mains. Pour combien de temps encore...
- Réveille-toi... Je t'en supplie...
La panique perçait dans le ton de sa voix. Et elle prit conscience des larmes qui coulaient, silencieuses, sur ses joues. Ce n'était pas possible... Il allait se réveiller, il le fallait...

RP : Rendez-vous

Kasumi ne reprit pas conscience malgré les frictions que lui prodigua Astrée. La main du rôdeur demeurait molle, sans force dans la sienne. Le demi-elfe ne réagit pas non plus aux appels angoissés de sa compagne, comme s’il ne pouvait pas entendre le désespoir qui perçait dans son ton et ses larmes. Pourtant, lorsque l’une d’elle coula de la joue de la rôdeuse et lui tomba sur le nez, le demi-elfe sembla enfin frémir légèrement.

Avant qu’Astrée ait pu se demander si elle n’avait pas imaginé ce mouvement, elle entendit un bruit de pas derrière elle. En levant la tête, inquiète, elle reconnut Elanda, un sourire se dessinant sur ses lèvres. Ce fut seulement à cet instant que la rôdeuse put mesurer la beauté de la prêtresse, masquée jusque là par la tristesse et la résignation.

- Merci Astrée. Vous nous avez tous sauvé. Rassurez-vous, votre compagnon vivra. Vous avez une grande force en vous, une force qui le raccroche à ce monde.

Elle s’accroupit à ses côtés, penchée au-dessus du corps du demi-elfe, ne s’offusquant manifestement pas de sa nudité. Elle passa une main sur la joue humide d’Astrée comme pour y recueillir une larme au creux de sa paume puis se releva, manifestement satisfaite.

- Aidez moi à le porter jusqu’à l’autel. Il a encore besoin de vous, de votre force de vie.

RP : Rendez-vous

Astrée leva vers la prêtresse des yeux remplis de larmes. L’elfe irradiait d’une beauté surnaturelle. Elle avait dit que Kasumi allait vivre… Peu importe comment elle le savait, ces simples mots étaient un baume sur son cœur angoissé. Et elle ne douta pas un seul instant de leur véracité. Même si elle ne comprenait pas trop pourquoi il fallait le conduire à l’autel, pourquoi la prétresse avait touché ses larmes. Quelque chose en rapport avec l’eau salée, puisque tel était le pouvoir de la déesse du temple ? Quoiqu’il en soit, elle devait obéir, elle sentait confusément que c’était le seul moyen de la sauver.

Sans chercher à en savoir davantage, elle s’efforça de porter son compagnon, se plaçant derrière lui et lui enserrant le torse de ses bras pour le soulever de terre. Elanda l’avait saisi aux genoux. Elle s’efforçèrent de le transporter le plus délicatement possible, sans rien heurter sur le passage. Qu’il était lourd….
Enfin, elles parvinrent à l’autel. Le plus difficile fut de hisser dessus le corps inanimé du rôdeur. Mais l’inquiétude et l’angoisse donnaient une force surhumaine à Astrée, et bientôt Kasumi fut allongé sur l’autel, juste devant la statue.

RP : Rendez-vous

Kasumi n’avait pas manifesté de signe de vie lorsque les deux femmes le portèrent à l’intérieur du Temple. Cependant, quelque chose sur son visage, dans son teint peut être, donnait à penser qu’il se remettrait, qu’il guérissait déjà.

Après qu’il fut allongé sur la tablette de pierre sous l’amphore, Elanda y trempa la main qui avait recueilli une larme sur la joue d’Astrée. Après quelques paroles rituelles, elle se tourna vers la rôdeuse, sans doute désireuse de dissiper son angoisse :

- Contrairement à la plupart des dieux, notre Dame des eaux ne nous fournit pas le pouvoir de guérir par nous-mêmes. Cependant, cette Coupe que vous avez ramenée au péril de votre vie contient le pouvoir guérison qui sauvera votre compagnon.

Elanda recueillit de l’eau au creux de ses mains avant de la verser sur le visage du demi-elfe, laissant un mince filer s’écouler à la commissure de ses lèvres. Il s’ébroua dans son sommeil lorsque le liquide pénétra dans sa bouche sans toutefois ouvrir les yeux. La prêtresse renouvela plusieurs fois l’opération en versant quelques gouttes sur chaque blessure.

- Cela ne guérira pas instantanément ses meurtrissures et d’autres moyens devront être employés pour les blessures les plus profondes. La Coupe n’a pas cet usage d’ordinaire. Elle transmet la force de vie au corps et à l’esprit. C’est lui qui fera le reste, avec votre aide. J’ai utilisé vos larmes pour lui transmettre une petite part de votre volonté, de votre amour. C’est l’ingrédient essentiel de sa guérison. Sans cela, la coupe n’aurait servi à rien. Voilà, j’en ai fini.

La prêtresse recula, regardant la jeune femme un moment encore jusqu’à ce qu’un sourire radieux illumine son visage.

- Vous avez une grande force en vous, Astrée. Vous auriez servi avec talent notre déesse si vous aviez été guidé sur cette voie. Malgré ce que certains se plaisent à penser, cela n’a rien à voir avec le fait d’avoir du sang elfique. Vous nous avez donné ce qu’aucun elfe ne nous a donné. Merci pour votre compassion, même si elle a été guidée par la sauvegarde de la vie votre amant. Nous nous reverrons, bientôt. Soyez heureuse d’ici là.

Derrière la prêtresse elfe, apparurent les défenseurs du temple, Zerlin en tête. Les stigmates que les combats avaient laissés sur leurs corps avaient disparu et ils affichaient tous une mine sereine. Ils étaient bien plus nombreux que ce à quoi s’attendaient Astrée, occupant tout l’espace du petit sanctuaire. Sur un dernier sourire, tous se détournèrent et franchirent la porte en procession, pour s’évanouir sous les rayons du soleil matinal.

Elanda fut la dernière à disparaître et surprit Astrée en déposant ses lèvres sur celles de Kasumi puis sur les siennes. Pour toute explication, l’elfe partit d’un rire musical face à l’expression d’incrédulité de la rôdeuse.

- Vous nous avez donné beaucoup, il est normal que vous receviez quelque chose en retour.

Puis, avant qu’Astrée ait pu l’interroger sur la signification de son geste, elle disparut à son tour. Le baiser avait été chaste, sans doute guidé par un rituel étrange. Toujours est-il qu’il laissé un goût salé, marin sur les lèvres de la jeune femme. Kasumi toussa et bougea dans son sommeil. Sans ouvrir les yeux, il l'appela d'une voix rauque :

- Astrée ?

RP : Rendez-vous

Astrée avait observé l’étrange rituel avec une curiosité teintée d’inquiétude. Elle avait du mal à détacher son regard du corps de son amant, blessé, peut-être mourant. Il allait vivre, la prêtresse l’avait dit… Et il le fallait. Elle ne s’imaginait pas continuer à vivre sans lui. Elle ne pourrait pas survivre à un nouveau deuil, elle le sentait.
Mais il vivrait. Elle en était certaine. La coupe de vie allait le sauver… Même si elle n'était pas sûre de comprendre le rôle de ses larmes dans le rituel. Un moyen de transmettre au rôdeur un peu de sa force vitale à travers le lien qui les unissait ?

Le moment le plus étrange fut le chaste baiser qu’Elanda déposa sur les lèvres de Kasumi. Elle resta interdite, trop surprise pour esquisser le moindre geste malgré la petite pointe de jalousie qu'elle ressentit fugacement. Et encore plus stupéfaite lorsque l’elfe l’embrassa à son tour. Elle n’eut même pas un mouvement de recul. Elle n’eut pas le temps d’interroger l’elfe sur la signification de ce geste : déjà, elle disparaissait. Ses dernières paroles l’intriguaient. Recevoir quelque chose ? Mais quoi ? Le baiser en lui-même, ou quelque chose qu’il véhiculait ? Et pourquoi avait-elle dit qu'elles se reverraient bientôt ? Après sa mort, sans doute ?

Elle n’eut pas le temps de s’interroger davantage. Le rôdeur bougeait. Elle se pencha aussitôt au-dessus de lui, le cœur battant.
- Oui !, répondit-elle lorsqu’il l’appela. Je suis là… Par tous les dieux, tu es vivant. C’est un miracle…
Et à nouveau les larmes jaillirent, sans qu’elle puisse contrôler le flot qui s'échappait de ses yeux. Elle avait eu peur, si peur de le perdre… Il lui sembla que toute la tension des dernières minutes se relâchait d’un coup.
Elle le saisit aux épaules, comme pour s'assurer qu'il était bien là, bien vivant. Qu'il ouvre les yeux, qu'elle puisse retrouver ses grands yeux verts...
- J’ai eu tellement peur. Je t’aime tant..., ajouta-t-elle d’un ton vibrant d’émotion en lui caressant doucement le visage. Et, impulsivement, elle déposa un léger baiser sur les lèvres du rôdeur. Peut-être pour faire disparaitre le goût du baiser d’Elanda ?

RP : Rendez-vous

Kasumi rouvrit les yeux. L’étrange cauchemar prenait fin. Astrée était de nouveau là, à l’embrasser tendrement. En un instant il oublia toutes ses questions, tous ses doutes et répondit au baiser, retenant Astrée par la main pour prolonger leur contact. Il se redressa finalement avec une grimace de douleur et passa une main derrière sa taille.

- Je t’aime aussi. J’ai eu si peur de t’avoir perdu. Quand je me suis réveillé, tu n’étais pas là mais je sentais ta présence. C’était si étrange, si effrayant… Je ne supporterais pas de te perdre.

Il la serra encore plus fort et entreprit de se relever, s’appuyant légèrement sur la jeune femme, s’approchant plus que nécessaire. La tête lui tourna légèrement malgré l’appui de sa bien aimée mais ce n’était pas totalement du à la faiblesse.

RP : Rendez-vous

Astrée serra son compagnon de toutes ses forces contre elle. Elle avait eu si peur... Elle lui caressa doucement les cheveux, attirant sa tête contre son épaule. Elle avait passé son bras autour de sa taille et ils restèrent quelques minutes ainsi, enlacés. Elle lui caressait la nuque, les épaules, le dos. Elle le sentit frémir alors qu’elle effleurait une de ses blessures.
- Tu as mal ? Laisse-moi voir ça…

Doucement, elle s’écarta de lui, non sans avoir déposé un dernier baiser sur ses lèvres. Elle l’entraîna par la main un peu plus loin, en direction de leur couche. Tout était redevenu normal, c’était comme si rien ne s’était passé… Sauf que Kasumi était blessé. Et avait bien failli se faire tuer…
- J’ai eu tellement peur, murmura-t-elle en l’invitant à s’asseoir. J’ai cru qu’ils allaient te tuer sans que je ne puisse rien faire. Laisse-moi te soigner.
Elle commença à fouiller dans la sacoche à herbes de Kasumi, à la recherche d’un onguent cicatrisant.

Doucement, tendrement, elle lui enduisit les épaules, le dos, le sentant tressaillir sous la brûlure du désinfectant. S’agenouillant derrière lui, elle se mit à le masser tout doucement, effleurant à peine les éraflures laissées par les tridents, si douloureuses. Elle déposa un léger baiser dans son cou avant de descendre le long de son torse, faisant pénétrer le produit par de douces caresses circulaires. Puis elle se plaça face à lui pour soigner les blessures de son torse. Elle ne put s’empêcher de lui lancer un sourire taquin avant d’enduire ensuite sa cuisse gauche d’onguent, par de légers massages, avec des gestes sans doute un peu plus lents que nécessaire alors qu'elle remontait vers l'entrejambe.
- Ca fait pas trop mal ? Je crains qu'il ne te faille supporter cette torture deux fois par jour pendant quelques temps pour bien cicatriser...
Le rôdeur pouvait deviner la taquinerie sous le ton faussement sérieux.

RP : Rendez-vous

Kasumi n’avait pas dit un mot depuis qu’Astrée s'atait mise à le soigner. En fait, il avait commencé à rougir furieusement dès qu’elle avait entamé les massages sur sa cuisse. Il ferma à demi les yeux en sentant les douces caresses des mains sur sa peau. Il s’efforça sans succès de se reprendre, se disant que ce n’étaient que des soins mais dès qu’il sentait Astrée si proche, il ses sentait immanquablement gagné par le trouble. La voir ainsi, à demi nu alors que lui-même se tenait exposé face à elle lui faisait bouillir les sangs malgré la douleur résiduelle de ses blessures. Plus il tentait de contrôler son corps, plus il y pensait, produisant l’effet inverse. En désespoir de cause, il chercha refuge dans une boutade :

- Si tu comptes me torturer ainsi plusieurs fois par jour, il te faut t’attendre à des représailles tout aussi fréquentes. Et si tu persistes à porter mes vêtements, je vais faire exprès d’acquérir des tuniques plus courtes encore.

Il tenta d’en profiter pour se dérober mais son corps refusait tout simplement d’obéir. Il posa alors une main sur celle d’Astrée, sans vraiment savoir s’il souhaitait qu’elle s’écarte ou persiste à se rapprocher…

RP : Rendez-vous

Astrée ne put s'empêcher de sourire en voyant le trouble qui gagnait son compagnon. C'était si facile de le mettre dans tous ses états... Sa boutade la fit rire.
- J'espère bien que tu me laisseras porter tes tuniques le plus souvent possible, alors, fit-elle d'un ton espiègle.
Mais son amusement se mua très vite en émoi lorsqu'il saisit sa main. Elle rougit violemment et leva les yeux, plongeant d'un coup dans son regard vert. Elle se sentit perdre pied. Sa main, mue par une volonté qui lui échappait, ou peut-être entraînée par Kasumi, remontait encore vers l'entrejambe, massant doucement la peau si douce.
Elle ne put résister à la vague de chaleur qui montait en elle, et posa tendrement ses lèvres sur celles de son compagnon.

Le baiser fut long, langoureux, passionné. Ses sens s'affolaient, en réclamant davantage. Et elle sentait la tension dans le corps de son compagnon. Il lui fallut faire un effort de volonté pour s'écarter de lui. C'était si bon...
- Je t'aime, mon amour.... Mais je crois qu'on ferait mieux de s'arrêter là, fit-elle dans un souffle. Tu es blessé, tu as besoin de repos, je ne voudrais pas rouvrir tes blessures. Et... je ne voudrais pas déclencher encore des événements étrange dans ce temple...

Elle était sérieuse. Ce qui s'était passé l'avait perturbée. Elle ne savait pas trop comment tout cela était possible, mais elle préférait éviter que ça recommence. Surtout si cela les mettait encore en danger. Et puis, depuis que le pouvoir de la coupe de vie avait sauvé Kasumi... elle ne se sentait pas tranquille. Elle n'était pas sûre qu'ils soient seuls ici.

RP : Rendez-vous

Le long baiser que lui accorda Astrée le laissa subjugué. Il avait senti le reflet de son propre désir gagner la jeune femme et pourtant, malgré toute la passion et l’amour, il perçut aussi une certaine réticence chez sa compagne. Ses paroles le rassurèrent sur ses causes et le ramenèrent, difficilement, à la réalité de leur situation. Il l’embrassa une nouvelle fois plus tendrement, sentant que le moment était passé, cette fois-ci.

- Tu as raison, ce temple est des plus étranges. J’ai une drôle d’impression. C’est comme si… Nous n’en avions pas fini avec ces évènements.

Il retira lentement la main qui s’était portée sur la peau si douce d’Astrée, au niveau de ses fesses. Il lui sourit et s’éloigna pour récupérer ses chausses, étrangement toujours suspendues à leur fil. Elles lui semblèrent encore humide alors qu’il faisait jour et que les heures écoulées depuis le soir auraient du parvenir à les sécher complètement. Un nouveau mystère de l’endroit, ou avait-il plu pendant la nuit en dépit des apparences ? Toujours est-il qu’il les renfila sans se presser, sans chercher à se dissimuler du regard de la jeune femme.

- Peut être faudra-t-il que je me soigne moi-même ? Car je ne répond de rien quand tu me touches ainsi.

Kasumi s’occupa ensuite de soigner la patte blessée de Première Neige. Heureusement, la lésion ne semblait pas profonde et se remettrait presque d’elle-même après quelques jours sans forcer. Il n’était cependant plus question qu’elle passe des heures à chasser et les rôdeurs devraient se débrouiller par eux-mêmes ces prochains jours.

Après cela, il ne fallut aux rôdeurs que quelques minutes pour réunir le reste de leurs affaires et de masquer les dernières traces de leur présence dans le temple abandonné. Avant de s’en aller, Kasumi se laissa aller à regarder la statue et la Coupe de laquelle semblait s’écouler un liquide ne provenant de nulle part. Il grava le maximum de détails de la construction dans sa mémoire mais aucune inscription ne révéla d’indices évidents sur le culte auquel il était dédié. Peut être Astrée en saurait-elle plus. Il se détourna enfin pour en revenir à elle et lui passa tendrement un bras autour de la taille alors qu’ils se mettaient en route. Il lui souffla amoureusement quelques mots avant qu’ils n’eurent quitté le périmètre de pierres :

- T’ai-je déjà dit combien je te trouvais belle ? Tu as un joli médaillon, tu l'as trouvé ici ?

Astrée sursauta, comme prise en faute, et baisa la tête vers l'objet qu'elle avait instinctivement pris dans ses mains. Le médaillon... Elle l'avait complètement oublié. Tout juste se souvenait-elle l'avoir passé à son cou juste avant d'empoigner la coupe.

Doucement, elle le détacha de son cou et l'observa attentivement à la lumière du jour. Il représentait un dauphin bondissant, sculpé dans l'argent, serti de quelques éclats de jade. Elle ne remarqua aucune inscription, rien qui puisse lui donner une quelconque information sur son rôle ou son pouvoir éventuel. Peut-être n'en avait-il aucun, d'ailleurs. Elle leva vers Kasumi un regard où se reflétait l'incompréhension.
- Je pensais qu'il aurait disparu, lui aussi... C'est étrange... C'est une jeune prêtresse elfe qui me l'a donné pendant les combats, en me demandant d'aller très vite chercher la coupe de vie et de la remettre à sa place. C'était le seul moyen pour que tout s'arrête. Et ça a marché... Et c'est l'eau de la coupe qui t'a ranimé. Mais je ne comprends pas pourquoi elle m'a laissé le médaillon...
Elle haussa les épaules. Encore un mystère qui s'ajoutait à la longue liste de ceux de la nuit écoulée.

- Elle a dit qu'on se reverrait bientôt, aussi, murmura-t-elle comme pour elle-même. Je ne sais pas ce qu'elle a voulu dire. Mais ce n'est pas vraiment important après tout. L'essentiel est que tu sois sain et sauf, et que ce cauchemar soit terminé.
Et, tendrement, elle le saisit par la main et l'entraîna loin de l'étrange temple.

La veille, ils avaient remonté vers le nord en longeant le bord de mer, et elle avait du mal à évaluer s'ils avaient beaucoup avancé. Elle craignait, s'ils continuaient à longer la mer, d'arriver trop au nord de Deux - Ponts. Elle ne connaissait pas du tout la région...
- Je ne sais pas ce que tu en penses mais... peut-être qu'on ferait mieux de rejoindre le fleuve, en partant vers le nord-ouest. Je ne voudrais pas louper Deux-Ponts.
Elle grimaça en prononçant le nom. Elle n'avait guère envie d'y retourner. Le village était synonyme de tant de souffrance et de peur pour elle. Mais il fallait bien récupérer leurs affaires...

RP : Rendez-vous

Le rôdeur avait examiné le médaillon avec curiosité avant de le repasser autour du cou d’Astrée en lui disant que ce médaillon lui avait été offert. D’après le récit succinct des évènements, la prêtresse n’avait jamais manifesté d’intentions hostiles mais le demi-elfe se promettait d’enquêter sur les éventuels enchantements liés au petit dauphin. Il semblait être plus qu’un simple objet décoratif dans tous les cas.

Les deux voyageurs se remirent en route. Suivant l’inspiration d’Astrée, ils rejoignirent les abords du fleuve sans toutefois s’en approcher suffisamment pour être visibles depuis un éventuel bateau. Avec le retour à Deux-Ponts, la circonspection s’imposait et n’était la nécessité de retrouver leurs affaires, Kasumi aurait préféré avoir affaire avec les autorités Luméniennes plutôt qu’avec cette garnison où se dissimulaient des traîtres.

Le couple progressa rapidement, suivi de près par une louve un peu moins fringante qu’à son habitude. Cette fois-ci, ce serait aux rôdeurs de pourvoir à ses besoins et l’heure de se mettre en quête de gibier arriva bientôt. Kasumi refusa tout simplement de laisser Astrée chasser seule, arguant qu’il pouvait l’aider à rabattre le gibier même si ses épées n’auraient pas l’efficacité d’un arc, sauf si un sanglier se présentait, ajouta-t-il gaiement, remémorant un épisode heureux.

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Astrée espérait bien ne pas avoir affaire à un sanglier. Bien sûr, le rôdeur avait prouvé être capable d'en tuer un à l'épée mais... il était blessé, et, même s'il ne paraissait pas trop se ressentir du combat, la rôdeuse demeurait inquiète.
Elle accepta donc qu'il joue le rôle de rabatteur, avec l'aide de Première-Neige, laquelle aurait incontestablement plus d'efficacité dans ce rôle. Mais elle n'en dit rien, elle ne voulait pas vexer son compagnon en minimisant sa tâche.

Un grand terrain vague plus ou moins abandonné, au milieu des champs cultivés, semblait rengorger de lapins, à en croire l'odorat de la louve. Mais les premiers qui furent débusqués s'enfuirent avant qu'elle n'ait eu le temps de les atteindre, non que ses réflexes se soient émoussés, mais elle connaissait encore mal son arc tout neuf. Il lui fallait le bander beaucoup plus pour atteindre une puissance de tir satisfaisante. Et ses flèches artisanales lui semblaient filer moins droit, fendre l'air moins vite, perdre de leur puissance beaucoup plus rapidement.
Elle avait bien tenté de tailler quelques pointes de silex pour ses flèches, mais le poids de la pierre déséquilibrait l'ensemble. Il lui fallut du temps pour acquérir le bon geste, la bonne tension de l'arc, et pour contre-viser efficacement en fonction de la distance de la cible.

Finalement, alors que son compagnon semblait sur le point d'abandonner, Première Neige débusqua une perdrix qui, surprise, tenta de s'envoler en battant lourdement des ailes. La flèche d'Astrée la cueillit au moment où elle quittait enfin le sol, et elle tomba comme une pierre. Puis, un deuxième volatile s'envola aux pieds du rôdeur, et connut le même sort.
Astrée sourit. Elle commençait à prendre son arme en main. Bien sûr, il n'aurait pas l'efficacité de son arc habituel, mais il saurait la dépanner. A condition peut-être de récupérer de vraies flèches dans les bagages de son compagnon... Il lui faudrait aussi un bâton, pour se défendre, on ne sait jamais. Les noisetiers abondaient dans les parages, il lui serait facile de s'en tailler un en quelques minutes. Ils approchaient d'un secteur qui pouvait s'avérer hostile...

Ses réflexions furent interrompues par un grognement outragé de son estomac, sans doute furieux d'être ainsi négligé pour des considérations de second ordre.
- Tu veux cuisiner, ou tu préfères que je m'en charge ?, demanda-t-elle à son compagnon. On pourrait s'installer là-bas, au bord de la rivière, à côté du bosquet pour se fournir en bois..., ajouta-t-elle en désignant un bouquet d'arbres non loin.

RP : Rendez-vous

Kasumi restait admiratif des prouesses de la rôdeuse et il d’approcha d’elle pour lui baiser la joue, profitant de l’occasion pour s’emparer des oiseaux. Il se justifia d’une voix mutine :

- Tu as déjà fait l’essentiel du travail, c’est à mon tour d’y mettre un peu du mien. Je ne vais pas commencer à te laisser toutes les corvées même si j’apprécie ta cuisine.

Le rôdeur se mit à plumer les oiseaux tandis qu’Astrée réunissait de quoi faire partir une petite flambée. Pour accompagner la viande, il s’éloigna un peu après avoir mis la chair des oiseaux à attendrir. Il avait repéré un petit espace ombragé prometteur et fut récompensé de son instinct en trouvant un parterre de champignons appétissants. A l’ombre d’un bosquet de châtaigner, il fit une rapide cueillette d’un bel assortiment de cèpes. Revenant vers le petit feu, triomphant, il découpa les champignons charnus en lamelles qu’il ferait dorer au fond du fait tout. Après avoir embroché les oiseaux pour les faire griller à la flamme, il prépara quelques pommes de terre pour rendre plus consistant leur repas improvisé. Une délicieuse odeur accompagné des bruits de cuissons eut tôt fait de mettre en appétit les rôdeurs affamés. Première Neige eut la chance de manger plus tôt, préférant dévorer sa part de viande crue.

Kasumi empêcha Astrée d’approcher des fourneaux arguant en plaisantant qu’une Dame n’avait rien à faire en cuisine et qu'il réussirait bien à tout faire carboniser sans aide. Contrairement à sa prédiction, il retira le tout cuit et mijoté à point.

Astrée avait observé d'un oail amusé - et affamé - les préparatifs de son compagnon. Son rôle étant réduit à la préparation du feu, elle s'y attela avec soin, et puisque Kasumi refusait son aide, elle occupa son temps à tailler un bâton bien droit, bien équilibré, qui lui servirait aussi bien pour la marche que pour le combat. Elle fit quelques moulinets d'entraînement, hiostoire de bien l'avoir en main et de ne pas être surprise si un combat avait lieu.
L’odeur qui s’échappait du fait-tout et des volatiles en train de griller lui mettait l’eau à la bouche. Elle s’aperçut qu’elle mourrait de faim, ce qui n’était guère étonnant étant donné les événements mouvementés de la nuit. Et ils n’avaient même pas pris le temps de déjeuner au matin. Elle avait une de ces faims…

Elle se jeta littéralement sur le bol de légumes et de viande que lui tendait son compagnon, et ne releva pas la tête avant de l’avoir vidé aux trois-quart.
- C’est délicieux ! Je propose que tu te charges de la cuisine tous les jours…. Moi ça m’irait parfaitement comme arrangement…
Elle se mit à rire et continua à déguster son repas, à un rythme un peu plus normal cette fois-ci.

Le dessert était constitué de leurs dernières pommes. Il était temps qu’ils arrivent enfin à Deux-Ponts, ne serait-ce que pour renouveler leurs provisions…
Elle se chargea de mettre un peu d’eau à bouillr pour une infusion, puis se rassit près de celui qu’elle aimait, glissant un bras autour de sa taille et posant la tête sur son épaule. Ils étaient si bien ainsi…

Son regard tomba sur le bâton qu’elle venait de se tailler. Elle sourit alors qu’une idée lui traversait soudain l’esprit, et l’attrapa pour le tendre à Kasumi.
- Dis…. Est-ce que tu pourrais me le dédicacer en gravant ton nom ? Je suis sûre que ça me porterait chance…
Elle rougit, consciente de la stupidité de sa demande, mais… elle avait tellement envie de ce petit geste. Ainsi, elle aurait l’impression que le bâton lui apporterait un peu de la force et de l’adresse de son compagnon. En fait... elle adorait l'idée de porter sa tunique, d'avoir une marque de lui sur son arme, un peu comme des preuves de sa volonté de tout partager. Des marques d'amour...

RP : Rendez-vous

Kasumi mangea lui aussi avec un bel appétit, à un rythme à peine moins élevé que sa compagne. En fait, il aurait certainement mangé aussi vite s’il ne s’attardait pas régulièrement à observer Astrée avec un sourire bienveillant. Il était tout simplement heureux de ces instants simples, quotidiens qu’il lui était donné de partager avec la femme qu’il aimait. Quelque part, il était aussi flatté qu’elle apprécie autant ses talents de cuisinier et il prenait d’autant plus de plaisir à cuisiner pour deux. Il avait répliqué avec malice que s’il était promu en tant que son cuisinier attitré, il tenait à ce qu’elle s’occupe exclusivement de la corvée qui consistait à le soigner.

La demande d’Astrée de dédicacer son bâton l’amusa un peu en même temps qu’elle le comblait étrangement de joie. Il tirait un sentiment de plénitude à la perspective de répondre à ce genre de requêtes, pourtant tout simple. Et il devait admettre que l’idée lui était tout à fait plaisante en elle-même. Il ne se priva pas pour autant de jouer au pitre, prenant un ton badin pour taquiner un peu sa compagne :

- Si je me mets à donner des dédicaces, ça fait de moi une sorte d’artiste, ou de célébrité, non ? Kasumi le Graveur de bâton. Ma réputation va vite prendre de l’ampleur avec un titre aussi impressionnant !

Ce faisant, il s’empara du bâton sur lequel il fit d’abord jouer ses doigts avant de le soupeser et de tester son équilibre. Il sortit son couteau qu’il fit courir doucement sur le bois, et se tourna à demi en refusant de révéler son travail avant qu’il n’en ait fini de son œuvre. Il menaça même de sculpter des bêtises si Astrée faisait mine de regarder sans son autorisation.

- On pourrait peut être en faire une sorte de totem, je ne sais pas, en plantant les plumes de ces perdrix. Je suis certain que l’effet terrifierait tes ennemis t’évitant ainsi d'avoir à leur taper sur la tête avec.

Au bout d’une petite dizaine de minutes, il souffla sur le bois pour en chasser les dernières chutes de coupe. Ses mains jointes sur le bâton cachaient toujours le résultat obtenu lorsqu’il se retourna vers la rôdeuse. Il la regarda dans les yeux, un petit sourire au bord des lèvres comme s’il se réjouissait de la mise en scène précédant la présentation. Ses mains glissèrent le long du manche, révélant une rose stylisée dont la tige s’enroulait autour du bois.

- Comme c’est un bâton de fille, il fallait évidemment une fleur. Il paraît que les femmes aiment qu’on leur offre.

Il haussa les épaules comme pour manifester son incompréhension de cette étrange coutume avant de retirer totalement sa première main. Il révéla ainsi une tête de loup gravée en relief, ponctuant une nouvelle fois la révélation d’une explication, cette fois-ci sur un ton plus sérieux :

- Ça, c’est un peu pour ne pas laisser Première Neige en reste. Je n’ai pas oublié le cadeau que tu m’as offert aux portes de Luménis. Et ma louve m’a aidé à te retrouver et à veiller sur toi.

Il prit la main d’Astrée pour la placer sur le bois avant de retirer celle qui cachait la suite, lui faisant parcourir la dernière sculpture avant qu’elle ne puisse la voir de ses yeux. Kasumi était parvenu en s’autorisant quelques circonvolutions, à mêler les lettres de leurs deux prénoms se rejoignant au niveau du « A » pour s’entremêler sans jamais s’éloigner ensuite.

- Et ceci, parce que j’ai envie que nous ne nous séparions plus jamais.

Son regard trouva celui de la jeune femme à ces derniers mots prononcés avec ferveur.

RP : Rendez-vous

Les yeux d'Astrée s'arrondirent de surprise devant la perfection des sculptures de son compagnon. La rose était... magnifique ! Aussi belle que celle qu'il lui avait offerte l'autre jour, et qu'elle gardait précieusement dans sa poche. Bien sûr, elle s'était attendue à ce qu'il sculpte un peu plus que son prénom, mais c'était tellement beau... Son talent l'émerveillait toujours.
Avant qu'elle n'ait eu le temps de lui dire son émotion, il dévoilait déjà le reste de la sculpture. La tête de loup était parfaite, les proportions harmonieusement respectées.

Puis elle découvrit à tâtons, avant de les voir de ses yeux, les lettres de leurs prénoms entremêlés, et rougit en entendant la déclaration d'amour de son compagnon.
- Moi non plus je ne veux plus jamais te quitter, souffla-t-elle, émue, en croisant son regard. Je t'aime trop.... Et puis, dès qu'on est séparés même de quelques mètres, l'un de nous a des ennuis ! Alors... Je veux que tu restes toujours près de moi.
Et, doucement, elle approcha ses lèvres des siennes pour un baiser passionné.

- Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau, ajouta-t-elle quand enfin leurs lèvres se séparèrent, baissant les yeux vers l'arme. Ta sculpture est magnifique.
Elle leva à nouveau la tête.
- Jamais je n'oserai m'en servir ! fit-elle avec un sourire taquin. Il faudra que tu me serves de garde du corps jour et nuit, rien que pour ne pas abîmer ce magnifique bâton.

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Kasumi fut presque gêné du compliment mais il ne bouda pas son plaisir lorsqu’Astrée lui offrit un baiser des plus passionnés auquel il s’empressa de répondre. Lorsque leurs lèvres se séparèrent, son cœur battait toujours trop vite et il ne put pas répondre tout de suite, peinant à retrouver son souffle et sous le coup de l’émotion. Astrée en avait profité pour se lover contre lui et il l’enserra dans ses bras. Ils étaient si proches qu’il était presque douloureux de ne pas l’embrasser encore. Il approcha doucement ses lèvres et les détourna au dernier moment pour les poser à la commissure de ses lèvres puis sur son menton, sa joue, son nez, tournant autour de ses lèvres. Il s’éloigna le temps de répondre à la remarque dont il avait perçu le côté taquin :

- Je promets solennellement de veiller nuit et jour sur ton corps. De très près.

Il lui plaqua ses lèvres sur sa bouche avec un regard pétillant, l’empêchant de répliquer.

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Astrée ferma les yeux, se laissant emporter par la passion du baiser, le corps tout entier à l'écoute de ses sens. C'était si agréable d'être dans ses bras... Elle sentait la vague de chaleur familière monter en elle, le désir s'emparer de son être. Ils avaient le temps, ils étaient seuls.... Ils pouvaient s'allonger côte à côte, et prolonger le baiser par une étreinte passionnée, s'ils le voulaient. Ils pouvaient s'aimer... Le voulait-elle ? Non, pas tout à fait, elle voulait juste être dans ses bras, se sentir aimée, protégée. Juste l'embrasser, le caresser. Et c'est ce qu'elle fit, mettant dans ses gestes tout son amour, toute sa tendresse.
Elle ne parvenait pas à s'abandonner vraiment. Quelque chose l'en empêchait, une vague sensation tapie au fond d'elle. Une inquiétude diffuse. Ils approchaient de Deux-Ponts, sans doute y arriveraient-ils dans la soirée, et le simple fait de le savoir l'empêchait de profiter pleinement du moment présent. Le village était trop proche. C'était bien ça qui l'avait poussé à se tailler un bâton...

Elle s'obligea à chasser cette préoccupation de son esprit. Mieux valait se concentrer sur les instants de bonheur présent plutôt que s'inquiéter de l'avenir, même si proche. Elle était dans les bras de celui qu'elle aimait, il lui suffisait d'ouvrir les yeux pour se noyer dans son regard vert, si plein d'amour. Il la couvrait sans cesse de cadeaux faits avec amour, tous plus beaux les uns que les autres. Elle était la femme la plus heureuse du monde...
Non, ça ne marchait pas. Elle n'arrivait pas à se détendre totalement. Alors, pour masquer de son mieux l'appréhension qui la minait, elle se leva et saisit l'infusion qui avait largement eu le temps de tiédir pendant que le rôdeur achevait son oeuvre. Elle était presque trop froide.... Elle tendit la tasse à son propriétaire et but son bol d'une seule lampée. Puis elle se rassit près de lui, les yeux dans le vague, se lovant le plus possible contre lui. Elle aurait voulu dire quelque chose, mais quoi ? Depuis qu'elle avait pris conscience de l'angoisse qu'elle éprouvait, il lui semblait que celle-ci ne faisait qu'augmenter.
Elle croisa le regard interrogatif du rôdeur. Avait-elle donc tellement laissé transparaitre ses sentiments ? Elle répondit à la question muette, tentant malgré tout de minimiser son angoisse.
- On ferait bien d'avancer un peu. J'ai hâte d'arriver et de récupérer nos bagages. Et surtout, de quitter ce maudit village.

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Kasumi gouttait ces instants, s’émerveillant à chaque seconde d’avoir la chance de vivre un amour si fort, si sincère. Pourtant, il sentait que quelque chose troublait Astrée. Il se demanda confusément s’il n’avait pas commis un impair ou si l’épisode du temple lui pesait toujours, si quelque chose d’autre la tracassait. Il voulut le lui demander puis faire de son mieux pour écarter ses inquiétudes. Plus que tout il voulait la rendre heureuse, effacer les heures sombres qu’elle avait vécue. Alors même qu’Astrée commençait à répondre à la question qu’il n’avait pas exprimée, il comprit que le fait de retourner au village où elle avait été enlevée l’angoissait. Lui aussi n’avait aucune envie de s’y rendre mais il faudrait y passer afin de clore définitivement cet épisode. Ils avaient été pris par surprise mais seraient vigilants cette fois-ci, n’accorderaient leur confiance qu’aux personnes dont ils étaient absolument sûrs. Il posa une main sur l’épaule de la rôdeuse et posa la seconde sur son avant-bras en un geste qui se voulait rassurant et protecteur.

- Nous veillerons l’un sur l’autre et ne nous attarderons pas une minute de plus que nécessaire. Ensuite, il n’y aura plus que nous. J’espère que tu me feras une petite place dans ton abri.

Il lui adressa un sourire encourageant en l’aidant à se lever, conscient qu’une longue route les attendait encore aujourd’hui et qu’il valait mieux arriver avant la nuit aux abords de Deux-Ponts. Il espérait aussi y trouver des traces d’Ombrage, se sentant soudain un peu coupable de ne pas avoir fait grand cas de sa disparition jusqu’ici.

La Couronne de Cuivre

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