La Couronne de Cuivre

Chandara inclina gracieusement la tête et tendit sa main pour saluer le clerc :

- Je suis enchantée, Petrus. C'est toujours un plaisir de rencontrer des amis d'Arthur.

Puis, d'humeur taquine et joueuse, elle ajouta d'un ton guilleret :

- Mais dîtes-moi : quelle est la cote pour une libération d'Arthur par une jeune et jolie étrangère venue spécialement de Manost dans ce but ?

Le jeune lathandrite eut un sourire rusé.
" Pour l'heure, personne n'a parié ce genre de choses... mais... je crois que je vais avoir une subite intuition... et nier vous avoir jamais croisés dans la rue."
Il jeta un coup d'oeil derrière son épaule.
" Je ferais d'ailleurs mieux de filer ! Je vous souhaite la bienvenue en notre cite lumineuse, damoiselle..."
Il se tourna vers Arthur.
" Surveille-la, à mon avis, on va essayer de te la chauffer. Evite le temple de Sunie, elle a le profil." souffla-t-il à mi-voix avant de s'éloigner d'un pas rapide, en sifflotant.

Chandara le regarda s'éloigner avec un sourire amusé puis se tourna à son tour vers Arthur :

- Il est amusant, votre ami. Alors, allons-nous essayer d'éviter les Sunites : il me semble que c'est un jeu Lathandrite très en vogue d'après mes observations récentes ! Et difficile aussi : ils semblent pousser comme des champignons dans les beaux quartiers ! Sinon, j'ai une technique secrète à te proposer : il suffit de se fondre dans le décor en jouant les amoureux !

" Chose qui attirera les Sunites davantage que le miel l'ours." dit le jeune paladin.
Il pinça les lèvres.
" D'autant qu'ils ne sont pas connus pour s'arrêter à ce genre de détails..."
Il soupira.
" Bah, de toute façon, il faudra bien que tu les affrontes. Sinon ils viendront te chercher."

Il décocha un sourire charmant et attrapa sa main avant de répondre d'un ton sérieux :

- Oui, j'irai leur parler à un moment où tu seras trop pris à la Commanderie mais tu n'as absolument rien à craindre d'eux. Ce n'est pas pour passer du temps avec un Sunite que j'ai fait le traversé la mer. Tout au plus je suis curieuse de leur religion.

Arthur lui sourit, chagrin un instant, puis radieux le suivant.
" Vous avez raison. Et la curiosité est une bonne qualité, contrairement à ce que disent certains."
Ils dépassèrent le temple de Lathandre et sa masse de fidèles qui entraient et sortaient de sa grande entrée.
" Juste, pour la commanderie... Je n'ai... pas vraiment parlé de vous... à personne... Ce serait sans doute mieux si nous restions... discrets, je suppose. Même les paladins mariés ne s'affichent pas dans les couloirs."

Chandara marqua une pause, estima qu'ils étaient encore assez loin de la commanderie pour se le permettre et l'embrassa sur la joue un peu plus longuement que de coutume avant de répondre d'un ton assuré :

- Très bien Arthur, je ne voudrais pas que tu sois gêné devant tes camarades. Alors je serai ta cousine tant que nous serons entre les murs de la commanderie. Ce n'est pas vraiment un mensonge puisque la moitié des paladins le croient déjà !

" Je ne crois pas que ce soit une bonne idée... Je dirai que je vous ai rencontrée en Dorrandin. Mes supérieurs ne veulent pas que j'en parle trop, mais je resterai évasif. Et les gens sont trop bien élevés que pour oser me harceler de questions, de toute façon."
Il sourit.
" Mais je me mets sans doute trop martel en tête... Recevoir un ami d'ailleurs, ce n'est quand même pas si incroyable..."
Ils étaient pratiquement revenu à leur case départ : la commanderie.

Chandara lui rendit un sourire beaucoup plus large et répondit d'un ton à demi sérieux :

- Je préfère aussi ne pas mentir ! Mais je tâcherai de ne pas te forcer à d'embarrassantes révélations en évitant de te sauter dessus dans les couloirs ! Promesse de paladine !

Elle posa une main sur son cœur et lui adressa un clin d’œil pour bien montrer qu'elle plaisantait avant d'ajouter sur le même mode :

- Enfin... Si tu fais toi aussi un effort pour me tutoyer comme tu le suggérais tout à l'heure.

Arthur rougit.
" Ma langue fourche, j'en suis désolé. Je vais m'habituer."
Il se dirigea ensuite d'un pas plus décidé vers l'arche gardée qui marquait l'entrée de son foyer.

Quête : Mission

Il devait être le milieu d'après-midi lorsque Kasumi et Sylvia quittèrent le marché. Ils coupèrent à travers le parc -échapper quelques temps aux murs, au bruit, et à la foule semblait vital pour Sylvia- et se dirigèrent vers le sud de la ville, déambulant au hasard des rues. Sylvia jetait des regards vaguement curieux et intéressés aux édifices et aux belles maison qu'ils longeaient, mais l'architecture n'était décidément pas sa tasse de thé. Elle se demandait plutôt comment les habitants de ce quartier faisaient pour entretenir une telle surface de jardins et de pelouse, et à quoi servait d'avoir une si grande demeure. En même temps, elle comprenait bien qu'en pleine ville, il était salutaire d'être protégé du bruit permanent par une large bande de pelouse arborée et de hauts murs. Mais ça restait des murs, pour elle, et ça n'était pas la nature...

Kasumi lui expliqua que la plupart des habitants du quartier étaient de riches négociants et que la taille de leur propriété était une façon d’étaler leur réussite sociale à leurs concurrents. Une pratique qu’il jugeait lui-même assez frivole. Quant aux jardins, aucun des habitants ne s’aviserait de les entretenir lui-même car ils préféraient de loin les mondanités et payaient leurs propres jardiniers pour le faire à leur place. Conscient que Sylvia devait se sentir un peu mal à l’aise en ces lieux, il pressa légèrement le pas en direction du secteur où se dressaient les temples et lui confia qu’il ne connaissait en fait qu’une seule personne dans ce quartier qui trouve grâce à ses yeux. Une personne qui avait mis sa fortune à contribution pour accueillir bon nombre d’orphelins : c’était d’ailleurs et sans nul doute possible la maison la plus animée et la plus vivante de cette partie de la ville.

Le premier temple qu'ils aperçurent fut le temple de Sunie, sur leur droite. Celui de Lathandre était juste un peu plus loin, sur la gauche. Le premier, bien sûr, était un peu tape à l'oeil, fastueux, et ses magnifiques jardins attirèrent la curiosité de Sylvia. Là aussi, elle fit remarquer que ça n'était pas vraiment un coin de nature, mais les labyrinthe de haies valaient tout de même le coup d'oeil.
" Puis-je vous renseigner, gente dame ?"
C'était la voix d'un jeune homme blond avec de grands yeux bleus, vêtu d'une chemise rouge entrouverte sur un torse musclé, qui décocha à Sylvia un regard ravageur, ignorant ostensiblement Kasumi.
" Je suis absolument certain, à voir votre chevelure flamboyante, que vous venez visiter notre temple ! Et si ce n'est pas ce que vous aviez prévu, je ne peux que vous encourager vivement à l'ajouter à votre programme ! Puis-je vous servir de guide ?"
Sylvia, apparemment fascinée par son regard, s'empourpra et se mit à bafouiller.

Piqué au vif par un sentiment de jalousie - certes malséant dans ce temple - Kasumi s'empressa de s'approcher de Sylvia et de passer un bras protecteur autour de sa taille avant de jeter un regard peu amène au clerc à la tenue légèrement indécente.

- Désolé mais je pense que nous pouvons visiter les jardins sans avoir besoin de guide. Mais nous vous remercions de votre proposition !

Il ne chercha pour autant pas à entraîner Sylvia loin de ce godelureau au regard et aux manière ravageurs.

Le jeune homme se mit à rire.
" Oh là là, quel instinct de propriété ! Méfiez-vous, Dame, de ne pas vous laisser emprisonner, votre liberté est ce que vous avez de plus précieux au monde : l'amour ne doit jamais être une prison, c'est ce que professe notre déesse ! Et puisqu'elle vous a indéniablement bénie, je me dois je vous encourager à suivre ses préceptes : rester belle, aimer et être aimée. Voie que vous suivez déjà tout naturellement, si je ne me trompe ?
- Heu... non... enfin oui...
- La visite d'une femme d'une telle beauté en notre temple serait un immense honneur pour nous, le savez-vous ? Vous êtes la personnification de Sunie ! Et je pourrais vous faire visiter des salles du temple où on laisse pas entrer n'importe qui, où seuls les sunites et leurs invités sont acceptés...
- Heu... oui... mais... Je n'ai pas prévu...
- Allons, je suis sûr que votre compagnon peut se débrouiller une heure ou deux sans vous, vous ne croyez pas ?
- Je... oui, bien sûr mais... Non, finit-elle par s'exclamer en secouant la tête. Je ne veux pas passer une heure ou deux dans votre temple !
- Alors juste un petit tour, peut-être ? Mais vous avez tort, vous ne verrez pas grand-chose en si peu de temps..."

La façon dont ce clerc l'ignorait purement et simplement commençait à agacer Kasumi qui plissa dangereusement ses yeux perçants.

- Je ne suis pas certain que nous ayons le temps d'honorer votre temple de notre présence cette fois, répondit-il d'un ton un peu trop acide peut-être.

- Mais je dois bien reconnaître que la réputation de bon goût des Sunites n'est pas usurpée. Sylvia, il y a d'autres temples que je voulais te montrer mais on peut passer un peu de temps ici si tu préfères.

" Heu... Non, pas spécialement, c'est toi le guide... Je suis désolée, ajouta-t-elle d'un ton presque d'excuse au jeune homme.
- Ne le soyez pas ! je comprends bien que votre ami avait prévu un tout autre programme. L'amour prime sur tout le reste... Mais qui sait, ce n'est peut-être que partie remise ? J'escompte bien qu'un jour nous aurons l'honneur de vous accueillir parmi nous, et je me ferai une joie de vous faire les honneurs du temple, soyez-en sûre !
- Heu... nous partons demain...
- Ah, quel dommage ! En ce cas, puisse votre beauté illuminer tous les lieux que vous traverserez. Je vous souhaite une bonne fin de journée... et une nuit magique !", ajouta-t-il d'un ton espiègle avant de s'esquiver.

Le rôdeur marmonna aussi un au revoir bien moins enthousiaste avant d'entraîner sa belle vers la rue et de déclarer avec un soupçon de jalousie :

- Quand je disais que nous aurions maille à partir avec les prêtres, je ne croyais pas si bien dire ! Mais il faut bien reconnaître qu'une femme telle que toi ne peut que captiver leur attention : je devrais me méfier ! Cette ville est pleine de sunite...

" Je n'ai pas l'habitude, marmonna Sylvia. C'est vrai que je ressemble à leur déesse, donc je suppose que je devrais m'y attendre... Et qui sait, si je n'avais pas le coeur déjà comblé, peut-être que ça m'aurait tenté... Mais là, je crois qu'il vaut mieux qu'on s'éloigne un peu. Regarde, il y en a un autre par là-bas, qui va sortir du temple... Aussi beau que l'autre d'ailleurs, c'est incroyable ! Tu crois qu'ils sont tous sur ce modèle ? Hum... pardon... Je crois qu'on devrais quitter le quartier, ce serait plus prudent...

Kasumi esquissa une grimace et hâta un peu le pas - désireux de ne pas faire d'autre mauvaise rencontre du même type - même s'il pensait pouvoir affirmer que sa fiancée était au-delà du charme de ces maudits vaniteux de sunites.

- Je dois reconnaître n'avoir jamais fréquenté leur temple et je ne le regrette pas mais j'imagine qu'être beau fait partie des pré requis pour servir une déesse comme Sunie. Viens, je voudrais te montrer le temple de Lathandre : un endroit bien plus convenable heureusement !

Le Temple de Lathandre n'était pas très loin, et ils ne firent pas d'autre rencontre importune. Sylvia admira le magnifique dôme doré qui resplendissait sous le soleil. Les jardins, moins tape à l'oeil et moins originaux que ceux du temple de Sunie, étaient particulièrement luxuriant en cette saison, et ils l'attiraient davantage que l'architecture, pourtant magnifique, du temple. Elle donnait presque l'impression d'éviter de trop le regarder.
"Il est très beau, dit-elle néanmoins. Bien plus beau que ceux que j'ai pu voir dans la campagne où je vivais. Il y a d'autres temples que tu voulais me montrer ? Tu as l'air d'être très attiré par ce genre d'architecture... ou peut-être par les temples eux-mêmes, par leur spiritualité ?"

Le rôdeur se tourna vers l'imposant et lumineux temple du dieu de l'Aube avant de répondre à Sylvia :

- Je les trouve beaux mais je crois qu'effectivement c'est ce qu'ils représentent qui me plait assez : la liberté d'afficher et de partager sa foi, quelle qu'elle soit. Mais rien ne vaut une forêt touchée par la grâce de Mielikki, évidemment...

Il marqua une pause et sourit franchement avant d'ajouter en réponse à son autre question :

- Il y a d'autres temples en ville mais ils sont un peu moins intéressants et je me doute bien que ce n'est pas franchement ta tasse de thé !

" Oh, je les trouve très beaux... mais ils me font penser à ma mère, donc ce ne sont pas des lieux que j'aime fréquenter. je préfère généralement les admirer de l'extérieur. Mais si toi, tu souhaites y entrer, je te suivrai bien sûr ! Tu as bien le droit d'être plus porté sur la religion que moi !"
Elle sourit.
" Moi, je préfère largement un petit sanctuaire forestier, moi aussi. Ton drôle de petit bosquet, sur les quais, m'attirait plus..."

Il lui adressa un sourire chaleureux et lui vola un baiser avant de répondre d'un ton chaleureux :

- Je suis tout de même content d'avoir pu te montrer un petit bout du patrimoine luménien avant que ce ne soit plus que campagne, nature et forêts pendant des veilles et des veilles ! Et ça me plairait que nous nous cherchions un endroit où poser nos affaires de manière durable, qu'est-ce que tu en penses ?

" Bien sûr !, acquiesça la rôdeuse. Je n'ai pas l'intention de passer le restant de ma vie dans des auberges ou à la belle étoile ! Mais je ne veux pas habiter dans cette ville. Ni dans aucune ville, d'ailleurs. Un petit village ou un hameau, peut-être, pourquoi pas, s'il est proche d'une grande forêt. Ou alors une cabane en pleine forêt... mais pardon, je n'ai pas à imposer mes goûts. Qu'est-ce que tu aimerais, toi ?"

Il lui sourit et l’enlaça tendrement dans ses bras avant de répondre avec sincérité et enthousiasme :

- Tes goûts sont au moins aussi importants que les miens. Et d’ailleurs ils ne me semblent pas du tout incompatibles. En fait, je n’y ai pas encore beaucoup réfléchi mais je crois que j’aimerais une maison isolée en bordure de forêt. Le tout serait que ce ne soit tout de même pas éloigné de plus de quelques jours de Luménis à cheval. Qui sait si nous ne trouverons pas un emplacement près de ce bosquet dont nous a parlé Celd ?

" Vivre près d'un bosquet sacré, ce serait magnifique... Pas trop près bien sûr, il faut lui laisser sa sérénité ! Mais je serai heureuse de pouvoir m'y ressourcer régulièrement."
Elle se blottit contre lui, et ferma un instant les yeux en souriant.
Une vieille dame passant près d'eux leur décocha un regard assez peu amène, leur reprochant sans doute leurs démonstrations publiques de tendresse, mais la plupart des passants s'en moquaient apparemment.
" Et... Où est-ce qu'on va maintenant ?"

Kasumi ignora superbement le regard de la vieille dame et serra sa compagne dans une douce étreinte avant de répondre d’un ton joyeux :

- La suite du programme dépend de tes envies : nous pouvons encore assister à une représentation au théâtre, retourner nous promener dans le parc ou au bosquet. Et j’imagine que tu n’as pas particulièrement envie de voir les bateaux dans le port ? Personnellement, je n’ai pas vraiment de préférences donc c’est à toi de décider !

Sylvia réfléchit un instant.
" Et bien... J'irais bien au théâtre. C'est quelque chose que je n'ai quasiment jamais fait. Mais je ne sais pas quels sont les horaires des représentations. L'après-midi est déjà bien avancé, peut-être qu'il faudra attendre ce soir après dîner ? En espérant que ça ne finisse pas trop tard, si on veut être en forme demain matin... On a nos sacs à faire, aussi. Et je retournerais bien dans le parc traîner un peu nos guêtres avant le dîner, si jamais la représentation n'est que ce soir. Est-ce que ça te convient ?

Kasumi afficha un sourire plus qu'enthousiaste à ces idées et proposa de se rendre immédiatement au théâtre pour connaître les horaires des représentations. Ils adapteraient en fonction le reste de leur programme avec la possibilité de dîner dans les environs du théâtre ou du parc. Après, le risque de se coucher tard lui semblait tout relatif : ils seraient rentrés bien avant la minuit dans le pire des cas et ils n'étaient pas tenu de partir très tôt le lendemain matin.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Les villas des beaux quartiers