La Couronne de Cuivre

Kerun parut complètement pris au dépourvu par l'apparition de la créature et demeura un moment paralysé, le visage figé reflétant une indéniable tristesse. Puis il se reprit et tendit la main vers l'animal. La martre demeura un instant entre les paumes de Taliesin puis renifla les doigts qui s'étaient approchés et, précautionneusement, elle passa des mains du barde à celle de Kerun. L'elfe et la créature s'observèrent un moment, puis Kerun s'éclaircit la gorge. La martre lui escalada vivement le bras puis se percha sur son épaule, où elle entreprit de procéder à sa toilette, de l'air le plus innocent du monde. Elle était encore minuscule, à peine plus grosse qu'un lapereau, mais elle ressemblait à la fouine que le Luménien avait perdu sur la route de Mélandis.
" Je ne sais pas quoi dire, murmura-t-il finalement. Je ne peux rien promettre, mais... Je suis très touché."

Le barde lui sourit. Bien sûr, il ne fallait pas crier victoire trop vite mais... Il avait bon espoir.
-Ne t'inquiète pas : Galathée m'a prévenu que ça ne se faisait pas comme ça, que c'était compliqué. Alors si ça devait ne pas marcher, je ne serais nullement vexé.
Il recula d'un pas.
-Je file prévenir Judicaël de sa nouvelle mission. Le pauvre, il devait penser pouvoir souffler... Allez, à plus tard !
Et de s'éclipser d'un pas léger en quête du clerc.

Kerun ne le retint pas et il put regagner les couloirs tranquilles du sous-sol. Il semblait être parvenu à l'une des extrémités du dédale, aussi fut-il forcé de repartir en arrière. Il devina des voix féminines derrière une porte, perçut les effluves de la cuisine d'où lui parvinrent les voix des trois enfants et d'Ismène, puis il aperçut Nominoé dans l'embrasure d'une porte, qui le dirigea vers l'endroit où il pourrait trouver Judicaël. Celui-ci se trouvait dans un laboratoire bien équipé, à l'autre bout du complexe. Il leva les yeux sur le barde et lui sourit, tout en refermant l'épais grimoire qu'il compulsait.
" Bienvenue." dit le clerc.
Il lui désigna la chaise en face de lui, réalisa qu'elle était chargée d'une caisse pleine d'objets disparates et se leva pour la déplacer.
" Tu devais être désespéré de me voir, si on t'a envoyé aussi loin..."

Le barde eut un sourire embarrassé.
-Je suis vraiment désolé de te déranger en plein travail mais... J'aurais besoin de ton aide. Enfin, si tu es d'accord, bien sûr.
Puisqu'il valait sans doute mieux aller droit au but, il lui expliqua donc la situation sans plus tarder, essayant de le faire de manière aussi concise que précise, pour que le clerc ait à sa disposition tous les tenants et aboutissants du problème. Et, évidemment, il ne manqua pas de préciser que c'était Kerun qui lui avait suggéré le plan. ce qui était la pure vérité.

Le clerc demeura songeur.
" L'invisibilité est une solution, mais il faudra que tu t'assures qu'il n'y a pas de protection de type dissipation de la magie à l'entrée du domaine. J'imagine que tu peux te renseigner auprès de Galathée, elle doit le savoir. Une fois à l'intérieur, ce sera facile pour moi de la téléporter jusqu'au Temple et cette méthode devrait brouiller les méthodes divinatoires de l'Ecole. Pour ce qui est de la marque, par contre, je ne peux rien en dire avant de l'avoir vue... Mais nous disposons de parchemins qui pourraient faire l'affaire... Cependant... Il est fort probable que le marquage soit spécifique. Ce qui signifie que si l'Ecole le perçoit, ta famille mélandienne sera immédiatement incriminée. Penses-tu qu'ils prendront le risque, juste pour votre salut ? Une possibilité serait de leur faire croire que la marque a été ôtée... en usant d'illusion. C'est retors, je te l'accorde, mais ce sont des Mélandiens."

Il secoua la tête.
-Ce ne sera pas nécessaire. C'est le maître des lieux en personne qui m'a demandé de partir au plus vite. Et il sait que je ne prendrais jamais le risque que la marque soit repérée, parce que cela ferait courir un terrible danger à Galathée.
Morvan, d'accord. Mais qu'en était-il de Gregor ?
-On peut cependant garder cette possibilité à l'esprit, conclut-il. Néanmoins, je pense vraiment que nous pourrons nous en dispenser.

Judicaël acquiesça.
" Très bien. Dans ce cas, mon heure est la tienne. Je pense avoir le nécessaire en mémoire pour agir encore aujourd'hui, si tu le désires. A toi de me dire. Peut-être que ton aimée a besoin d'un peu de temps pour faire ses adieux, cependant... Une fois que tu sauras pour cette dissipation de la magie, et que vous avez pris votre décision, préviens-moi. Je peux m'en prémunir, mais je dois le savoir. Je ne compte de toute façon pas user de sortilèges aujourd'hui, je ne risque donc pas de m'épuiser avant le moment opportun."

-Écoute, je vais aller la prévenir de ce pas. Elle me dira de combien de temps elle pense avoir besoin... A mon avis, quelques heures suffiront, mais je préfère quand même lui en parler. Ensuite, dès que je saurai cela, dès que je serai fixé sur les éventuelles protections installées près du portail, je reviendrai te chercher.
Il fronça un sourcil, acquiesça pour lui-même.
-Je devrais avoir assez de sortilèges d'invisibilité pour faire ces allers-retours. Et au pire, une fois n'est pas coutume, je ressortirai moins discrètement du domaine.

" Très bien, dans ce cas. Je vais voir avec Nominoé et Helen pour qu'une chambre vous attende. Et s'il y a des bébés à venir, nous allons devoir disposer d'un matériel un peu particulier, je suppose. Mais rien d'impossible à des clercs, cette fois-ci. Autant nous sommes démunis dans certains registres, autant nous sommes plutôt équipés dans d'autres."
Il sourit.
" Si on m'avait dit que cette enclave verrait un jour la naissance d'enfants de la lumière, j'aurais ri... mais c'est une distraction bienvenue pour le moral des troupes, en vérité"
Il s'empourpra légèrement.
" Pour vous, ce sera davantage qu'une distraction, bien sûr. Vous devriez songer à profiter des derniers instants de liberté qu'il vous reste... Enfin... Si ce sont vos premiers enfants, bien sûr. Sinon, vous savez probablement déjà ce qui vous attend."

-Nous avons déjà un petit garçon, mais il avait huit ans quand il nous a rejoints. Alors les nouveaux-nés... Nous n'avons aucune expérience. Enfin, il faut bien apprendre un jour !
Il sourit.
-Je suis heureux qu'ils puissent venir au monde parmi des gens aussi bienveillants. Je ne vous remercierai jamais assez, toi et les autres, de leur offrir cette chance.
Il jeta un regard par dessus son épaule.
-Bon, je vais me mettre en route. Désormais, je ne serai tranquille que quand le déménagement sera terminé...
Cependant, il n'allait pas partir sans prévenir au moins Baptiste et Guéric. Il ne voulait certainement pas les inquiéter...

Judicaël le salua et retourna à sa lecture, au milieu de son capharnaüm de magicien. Taliesin repartit donc pour une longue marche au travers des couloirs du temple souterrain. Il passa d'abord devant la chambre de Guéric, où il trouva le halfelin dans son fauteuil, en compagnie de Perceval. Le barde remarqua tout de suite que son ami était dépourvu de sa jambe vermoulue.
" Me voici consigné dans ma chambre, comme un gosse puni ! s'exclama le jeune marin, faussement scandalisé. On m'a volé ma jambe, tu t'imagines !"
Mais Taliesin n'eut pas l'opportunité de répondre car Perceval s'était levé et lui tendait la main.
" Je ne t'ai pas remercié d'être venu à mon aide. Merci, Taliesin. Je ne sais pas comment je te revaudrai ça, mais je le ferai." déclara-t-il d'un ton solennel.

L'elfe serra chaleureusement la main tendue.
[color=#FFFFF66]-Sincèrement... Il n'y a pas de quoi, Perceval. Nous formons une équipe, nous nous serrons les coudes, nous nous aidons tous mutuellement... Alors voilà, je ne pouvais simplement pas rester les bras croisés en te sachant...[/color]
Il secoua la tête.
-Je suis heureux que tu sois parmi nous. En revanche...
Il baissa les yeux.
-Je suis vraiment désolé de la méthode que j'ai dû employer. Peut-être n'y avait-il pas d'autre solution, mais... Je sais que c'est un sortilège horrible pour qui le subit. Alors voilà, je te demande pardon pour te l'avoir infligé.

" Honnêtement, Taliesin, je n'avais plus aucune maîtrise sur moi-même, murmura Perceval. J'avais besoin de ton aide et tu me l'as donnée... Je n'ai pas vécu ça comme une intrusion... J'ai vécu ça..."
Il s'empourpra.
" J'ai vécu ça comme les bras solides d'un ami qui parviennent à contenir ma rage et à me protéger de moi-même... Sedanius et Sire Rodrigo l'ont fait mille fois, autrefois, de manière plus physique, et... je ne peux qu'éprouver de la reconnaissance. Envers eux, envers toi. Je suis désolé si me contraindre a été douloureux pour toi, mais... c'était nécessaire. Se livrer à une personne de confiance... Je l'ai fait sans arrière pensée. Tu ne dois surtout rien regretter. Tu m'as permis de ne pas commettre l'irréparable."

Il déglutit. Se demanda pourquoi diables ses yeux avaient une telle tendance à s'embuer, ces derniers temps. Eut la sensation que ça n'allait faire qu'empirer dans les jours à venir.
Mais... Ce ne seraient pas de mauvaises larmes.
-Je suis... soulagé de savoir que ça n'a pas été trop éprouvant. Et... Je te remercie de m'avoir fait à ce point confiange, Perceval.
Il se racla la gorge, jeta un regard à Guéric.
-J'étais venu vous prévenir que je repartais... très temporairement. Galathée va venir s'installer ici. Au mieux dans quelques heures, au pire demain, j'imagine. Je préférerais dans quelques heures, mais... Enfin bref, d'ici peu, c'en sera fini des allers-retours.

" Pas trop vite, Taliesin, je t'en prie, fit le halfelin. Il parait qu'ils ont une cave, ici ! Si tu ramènes ta bonne femme, elle va surveiller ce que tu prends, on ne pourra pas faire la fête... et puis je ne voudrais surtout surtout pas qu'elle me voit avec une jambe en moins ! L'horreur ! Je suis déjà pas grand, et pas costaud, si en plus je ne peux pas me lever... Elle ne croira jamais que je suis capable de changer une couche.
— Changer... une couche ?
— J'ai de l'expérience, mon gros. Comme en plus, ils seront deux, Taliesin aura à peine eu le temps de comprendre comment on défait le premier noeud que mon bébé à moi sera déjà propre et net."
Le jeune guerrier le regarda d'une toute autre manière.
" Mais je plaisante. Ramène-nous ta belle au plus vite, que nous puissions la dorloter comme elle le mérite. Enfin, je plaisantais pas pour les couches. Mais ça, tu t'en doutes. Il faudra survivre à l'humiliation."

Le barde rit.
-Ne t'inquiète donc pas comme ça : je lui ai dit tout le bien que je pense de toi, et ce n'est pas de te voir sans ta jambe de bois qui atténuera la très haute estime dans laquelle, j'en mettrai ma main à couper, elle te tient déjà. Pour ce qui est des langes, je ne vais pas non plus t'exploiter, mais... quelques leçons seront les bienvenues, je pense. Enfin, quant à la cave... Je ne me fais pas de souci, elle n'est pas du genre à nous empêcher de fêter les heureux événements.
Il dédia à ses deux interlocuteurs un sourire lumineux.
-Je m'en vais prévenir Baptiste... Puis je file. Je vous dis à très bientôt.
A son avis, c'était l'ELCVD dans son ensemble qu'il devrait informer. Mais ça n'était pas vraiment un problème.

Guéric et Perceval le saluèrent chaleureusement et il put reprendre sa route. Il ne s'était pas trompé, il trouva la bande de gamins luméniens là où il les avait localisés un peu plus tôt : dans la cuisine. Ismène était toujours avec eux et ils semblaient très concentrés... Ils faisaient, manifestement, des biscuits. Il y en avait des centaines, de toutes les formes possibles et imaginables, sur tous les espèces libres de la pièce, qui était pourtant vastes. La jeune prêtresse rousse semblait un peu débordée par leur créativité culinaire mais il y avait dans son regard une lueur attendrie qui ne trompait pas. Elle leva les yeux vers Taliesin lorsqu'il entra dans la pièce.
" Bienvenue dans notre fabrique de sablés, dit-elle. Il y en aura pour tout le monde... une fois qu'ils seront cuits.
— Non, Taliesin ! Tu dois les manger quand ils sont pas cuits ! C'est encore meilleur, la pâte pas cuite ! Tu en veux ? Tu peux prendre ceux de Gurvan, ils sont tous moches.
— Quoi ?! Ils sont pas moches ! Ils sont... abstraits, voilà ! Pas comme tes stupides étoiles et tes stupides ronds !
— C'est les meilleurs, les ronds !
— Puis c'est pas bon pour l'estomac, les sablés pas cuits, d'abord..."
Baptiste, de son côté, surveillait la chaleur du four et sourit au barde sans quitter son poste d'observation.

Ne désirant surtout pas compliquer la tâche de la prêtresse - qui s'en tirait à merveilles -, il se hâta de délivrer l'information dont il était porteur.
-Taliesin du Comptoir souhaitait prévenir les nobles membres de l'ELCVD qu'il s'absentait un temps indéterminé compris entre... hum... quelques heures et une journée, à l'issue duquel il aurait l'honneur de leur présenter sa compagne à laquelle, l'espère-t-il, ils réserveront bon accueil et laisseront quelques sablés.
Il s'approcha de la table.
-Et comme j'adore la pâte non encore cuite, je crois que je vais vous en chiper un ou deux. Allez, un rond, et un abstrait.

Les deux plus petits garçons se chamaillèrent pour choisir les sablés pas cuits qu'ils offrirent à Taliesin, avant de revenir à leurs oeuvres. La pâte était aussi bonne que prévu, et probablement aussi indigeste. Baptiste demeura à l'écart, se contentant de sourire au barde. Il paraissait un peu fatigué et peut-être un peu tendu, mais c'était difficile à savoir. Peut-être était-ce juste le reflet de la flamme dans le four, qui accusait ses traits.
Ismène quitta un moment les enfants, non sans leur recommander de ne toucher à rien en son absence, avant de suivre Taliesin dans le couloir.
" Je me suis dit que tu pourrais déjà donner ceci à ta compagne."
Elle lui fourra un petit sachet d'herbes dans les mains, ainsi qu'une fiole.
" Ce sont ses premiers enfants, si j'ai bien compris, et j'imagine qu'elle doit être très fatiguée. Si elle infuse ces plantes, cela lui permettra de mieux dormir, sans pour autant nuire à ses bébés. Il me tarde de la voir... Elle sera entre de bonnes mains, ici. Helen et moi avons une certaine expérience des accouchements et si les choses devaient mal s'engager... Nous avons toute l'énergie nécessaire pour que rien de fâcheux ne se produise. Deux bébés d'un coup, ce n'est pas rien, j'imagine que tu t'en doutes. La fiole contient une huile pour le ventre. Sa peau en aura besoin. Evidemment, si elle est parmi nous ce soir, ce ne sera pas très utile, mais... je suis certaine que cela ne doit pas être facile pour elle, d'être seule avec cette aventure. Tu es là, bien sûr, mais c'est un tel bouleversement, dans la vie d'une femme... Dans d'autres lieux, sa mère n'aurait probablement jamais quitté son chevet, ou presque..."
Elle sourit.
" A bientôt."
Puis elle le laissa regagner l'extérieur par ses propres moyens.

Il regretta qu'Ismène ne lui ait pas laissé le temps de la remercier. D'un autre côté, il était tellement touché par sa prévenance et par son geste qu'il n'aurait sans doute fait que bafouiller... Alors, sans plus tarder, il prit le chemin qu'il commençait à connaitre par cœur. Parvenu dans la petite pièce au sommet de l'escalier, il resta un instant à écouter puis, certain que le hall était désert, il y pénétra, se dirigea vers la porte du temple, l'entrebâilla... Au-delà, la rue était déserte. Il s'y faufila donc et, ne négligeant pas la prudence malgré toutes les pensées qui emplissaient son esprit, il prit la direction du domaine DouceChute.

Quête : Les Squelettes du Placard
Chapitre 12. Les pots cassés (suite).

Il ouvrit les yeux aussitôt dans une petite salle ronde, éclairée d'une lumière violacée. A son bras, Galathée eut un hoquet mais elle se raccrocha aussitôt à lui, nichant son visage dans la toile de sa tunique, comme si elle ne voulait pas voir ce qu'il y avait autour d'eux. Judicaël sourit, donna une tape amicale sur l'épaule du barde et se dirigea vers Helen qui, comme il l'avait annoncé, attendait, embusquée, près de la porte.
" Merci, merci, merci." souffla Galathée contre la poitrine du barde.

Il l'entoura de ses bras, ferma les yeux, poussa un long soupir tremblant.
Ils avaient réussi. Rien n'avait perturbé l'opération, rien n'était venu confirmer ses craintes.
Et à présent... la lumière.
Il adressa des prières silencieuses à Lathandre. A Tymora.
Remercia mentalement Judicaël... et tous les autres.
-Nous voilà dans le lieu le plus sûr de Melandis, murmura-t-il d'une voix légèrement rauque. Nous voilà dans un petit bout de Luménis ignoré de tous. Nous voilà parmi les nôtres.

Elle leva des yeux noyés vers lui et l'embrassa doucement, puis plus fort. Il sentait son corps frémir contre le sien, puis il devina qu'elle perdait son aplomb et le bras secourable d'Helen se porta à leur aide, avec un petit sourire désolé.
" Bonsoir, je suis Helen. Je suis prêtresse de Lathandre, murmura-t-elle. Je ne veux pas vous interrompre, mais... si vous êtes d'accord, je vais vous mener à votre chambre et... j'aimerais prendre le temps de jeter un oeil..."
Galathée acquiesça, les yeux un peu papillonnants.
" Beaucoup d'émotions, dit Helen. Venez, vous serez mieux dans un environnement plus chaleureux."
La rôdeuse se serra contre le barde et ils suivirent la prêtresse dans le couloir. La chambre qu'on leur avait attribuée n'était heureusement pas très loin de leur point d'arrivée, et Taliesin nota qu'on les avait en réalité installés au centre du complexe : il repéra la salle d'eau et la salle à manger, toutes à proximité. La Lathandrite suivit son regard tandis qu'elle poussait la porte.
" C'est sûr que ce n'est pas l'endroit le plus silencieux du Temple, mais c'est plus facile, il y aura moins de couloirs à remonter pour atteindre les lieux cruciaux."
La pièce comprenait un âtre crépitant, un grand lit à deux places, une commode et une bibliothèque, une table et des chaises, deux fauteuils accueillants. Helen invita Galathée à aller directement s'allonger sur le lit et celle-ci s'exécuta sans protester.
" Je peux vous laisser un peu tranquilles ou bien procéder rapidement à mon examen... Les autres vous attendent pour faire la fête, mais... ils comprendront si vous êtes trop fatigués.
— J'ai juste besoin de quelques minutes." murmura la rôdeuse.

Il s'assit à côté d'aile, gardant sa main serrée dans la sienne.
Il comprenait que sa compagne soit bouleversée. Bien sûr, elle lui faisait confiance, savait qu'elle ne courrait aucun danger, ici. Mais être ainsi arrachée au domaine des DouceChute, qui avait été pour elle un havre depuis de longs mois, être ainsi séparée de ses hôtes bienveillants qui l'avaient soustraite à l'horreur mélandienne et entourée de leur affection... Oui, il comprenait qu'elle soit bouleversée.
Et ne savait trop que faire pour la réconforter, hormis rester auprès d'elle.
-Prends tout ton temps, Gal, lui souffla-t-il, d'un ton doux.

Elle acquiesça et poussa un long soupir, comme pour relâcher une tension en son sein. Elle sourit ensuite à la Lathandrite qui s'était écartée.
" Si vous voulez...
— Non, ça n'est pas urgent, dit finalement Helen. Je vais vous laisser un peu. Rejoignez-nous quand vous êtes prêts..."
Un petit éclat de malice parut dans son regard.
" Mais faites quand même attention... Si vous tardez trop, votre arrivée risque de faire très royale... Ce n'est peut-être pas le genre d'attention que vous recherchez."
Elle alla vers la porte.
" Ismène a déposé une concoction sur la table de chevet, qui devrait vous détendre et apaiser vos courbatures. Bienvenue chez nous. Lathandre veille, tout ira bien."
Puis elle referma la porte et son pas décrut dans le couloir.

-Mince... Ismène m'avait confié, au cas où, de l'huile pour ton ventre et des plantes pour que tu dormes mieux... J'ai complètement oublié de t'en parler.
Il observa la chambre, autour de lui. Reporta son attention sur la rôdeuse.
Eut envie de rire.
Eut envie de pleurer.
-J'ai à nouveau l'impression d'être en plein rêve...murmura-t-il.
Et pourtant, c'était la réalité.
Galathée les avait rejoints.

" Après tant de cauchemars, ce n'est que justice." murmura la jeune femme en essayant de se redresser sur ses oreillers.
Une fois mieux installée, avec l'aide du barde, elle tendit la main vers la préparation de la Chauntéenne et la huma.
" Je suis désolée d'avoir le contrecoup. Ça ira mieux dans quelques instants. Je ne veux pas gâcher la fête que vous avez préparée, mais... tu leur as dit que j'étais... hum... un peu timide, non ? Je veux dire... Combien est-ce qu'il y a de personnes, ici ? Beaucoup ?"

Il essaya de rassemblée ses pensées. Ce n'était pas chose évidente.
-Entre les clercs qui vivent ici et mes amis... Nous serons une quinzaine, en tout.
Il lui dédia un sourire réconfortant.
-Mais tu ne dois pas t'en faire. Tout le monde est extrêmement bienveillant. Et puis... Notre groupe est encore... très éprouvé par ce qu'il a traversé. Aucun d'entre nous n'a vraiment pu souffler... Alors ne t'inquiète pas. Sois-toi même. Ici, on ne se juge pas. On se serre les coudes, on se soutient... Honnêtement, l'ambiance me rappelle un peu celle de la ferme.
Il posa une main légère sur son genou.
-Est-ce que tu te sentirais plus à l'aise si je te parle un peu d'eux ?

" Non, ça ira. Tu me donneras leurs noms... Guéric est un halfelin, si j'ai bien compris. Kerun, un elfe. Il y a trois enfants. Et puis des clercs à foison, dont Helen que nous avons vu, et celui qui nous a téléportés et dont je ne connais pas le nom... Ou alors c'est un mage ?"
Elle secoua la tête.
" Peu importe, vraiment. Je m'y ferai."
Prenant appui sur le lit, elle se rassit et but l'infusion à longues gorgées.
" Je suis prête. Autant prendre le taureau par les cornes ! Helen a raison : plus je traîne, et plus mon arrivée va paraître comme un événement."

-Très bien. En plus, avec un peu de chance, tout le monde ne sera pas encore dans la salle à manger, ce qui permettra d'étaler les présentations.
Il se releva, lui tendit la main pour l'aider à en faire de même.
-Mais quoiqu'il advienne, connaissant certains de mes amis, quelque chose me dit que tu ne seras pas forcément la plus intimidée.
Il prit une profonde inspiration.
-Bizarrement, je le suis, moi aussi. Ça me fait tout drôle que vous vous rencontriez enfin.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Temple de Moandre