La Couronne de Cuivre

Le rôdeur n'avait pas l'intention de faire un repas trop roboratif de toute façon et se contenta de faire chauffer une poêlée de légumes et de champignons : c'était simple et campagnard et cela ne tiendrait pas trop sur le ventre mais c'était chaud, rapide et cela leur redonnerait des forces à tous les deux. Mylène devrait se joindre à eux ou attendre un peu qu'ils aient fini avant d'entamer le programme de l'après-midi : au moins connaissait-elle désormais le chemin et il lui faisait confiance pour parvenir à les rejoindre sans difficulté pendant qu'ils mangeraient.

Mylène les rejoignit peu après, annonçant qu'elle avait laissé la brouette et les sacs de jute près du tas de cendre, tout prêts à servir pour le lendemain. Et elle ne se fit pas prier pour se joindre à eux pour le repas -en réalité, elle s'installa sans même demander la permission.
" J'ai vu que la résurgence était... changée. C'est incroyable comme c'est efficace !, lança-t-elle joyeusement à Thanaën, tout en se servant sans façon une portion de légumes, avant de se tourner vers Kasumi :
" De quel côté part-on chasser ? Et quoi comme gibier ?"

Bien loin de s'en émouvoir, Kasumi appréciait la spontanéité de la jeune-femme et préférait de loin qu'elle se sente à son aise parmi eux plutôt que circonspecte ou effrayée. Il faut dire qu'il avait toujours apprécié ce type de caractère dont Sylvia était incontestablement une digne représentante !

Fort heureusement, il y avait assez à manger pour trois et il complèterait avec du pain et des fruits si nécessaire. En attendant, il entreprit de répondre à la jeune-femme tout en mangeant tranquillement :

- Nous irons certainement en direction de la rivière : comme ça, je pourrai inspecter cette zone pendant que nous chassons : autant joindre l'utile à l'agréable ! Quant au gibier, ce sera une affaire d'opportunité en fonction des traces que nous repèrerons et de l'état des animaux que nous verrons.

Car il avait bien l'intention de s'en tenir aux recommandations de Thanaën en la matière. Du reste c'est toujours ce qu'il faisait sauf quand la nécessité faisait loi.

Le repas ne s'éternisa pas : la jeune femme ne tenait visiblement pas en place et avait hâte de pouvoir utiliser son arc pour montrer ses talents.
Ils se mirent donc en route en direction de la rivière, qui devait se trouver à deux heures de marche, peut-être, vers le sud-est. En route, elle expliqua que le vieux Marco lui avait appris à tirer à l'arc et que, plus jeune, elle les avait plusieurs fois accompagnés, son fils et lui, en forêt. Le fils en question avait quelques années de plus qu'elle et à sa façon d'en parler, on devinait qu'elle lui vouait à l'époque une grande admiration.
" Une fois, raconta-t-elle, on a même chassé le sanglier. Marco et moi, on jouait les rabatteurs, et c'est lui qui a abattu la bête tout seul ! Donc vous voyez, c'est pas la première fois que je chasse ! Enfin... moi j'ai surtout tiré des perdrix ou des canards... Et c'était avant que Marco arrête, à la mort de son fils. Après, ma mère ne voulait pas trop que j'y retourne... et chasser dans les champs ça fait moins envie."

Une nouvelle fois, le rôdeur s'interrogea sur l'opportunité de garder le secret sur ce qu'il avait appris : c'était un secret lourd à porter que de connaître le destin du fils de Marco mais l'honnêteté n'aurait fait que le soulager lui. S'il existait un moyen - même un infime espoir - de le faire revenir de son état, il n'aurait pas hésité un seul instant. Mais, en l'occurrence, le croire mort était un moindre mal pour ses proches. Mieux valait ça que de se reprocher éternellement de n'avoir pas su agir assez vite pour le sauver. C'était plus charitable d'enfouir ses hypothèses. De ne pas laisser les villageois courir après des chimères et des regrets.

Mieux valait donc en rester à la chasse et au moment présent. Le rôdeur fit remarquer joyeusement qu'il était plus facile d'abattre une perdrix ou un canard qu'un sanglier : la cible était bien plus petite et souvent plus éloignée ! Tout en écoutant la villageoise, il s'efforçait aussi de repérer des traces. De dangers éventuels mais surtout de pistes de gibier. L'honneur des rôdeurs devait être restauré sinon seuls les druides trouveraient grâce aux yeux de Mylène !

Le gibier par ici lui parut, à en juger par les traces, plutôt abondant. Bien plus qu'aux abords de la résurgence souillée ou que dans la zone incendiée, c'était une évidence. Mais la proximité de la rivière, la présence d'arbres d'essences variées, l'alternance entre sous-bois aérés et buissons impénétrables où se dissimuler créait de toute évidence un milieu favorable à la diversité naturelle. Il y avait là quelques ongulés, chevreuils sans doute, au moins un sanglier, mais aussi du plus petit gibier : à proximité de la rivière, la végétation moins dense était propice à l'accueil de renards ou même de lièvres. Sans compter, à proximité immédiate de la rivière, les canards et autres oiseaux de terres humides. Il leur fallait déterminer ce qu'ils voulaient chasser.
Mylène, clairement, montrait sa préférence pour une seule grosse prise plutôt que pour plusieurs petites. Et il nota qu'elle savait reconnaître parfaitement les traces de sanglier ou de lièvres, fréquents en lisière de forêt, mais beaucoup moins celles des animaux vivant habituellement plus profondément dans les bois.

Kasumi entreprit de les lui montrer en nommant à chaque fois l'animal auquel appartenait les traces et parfois son âge et son poids supposé. Il essayait toutefois de ne pas se montrer pédant ou ennuyeux en prenant garde aux réactions de Mylène et c'est vers un vieux cervidé que son choix se porta. Car selon les observations qu'il avait pu faire à la faveur des traces laissées aux abords d'une mare boueuse, l'animal semblait âgé et boitait fortement de l'antérieur droit. Il y aurait donc beaucoup de viande et ils ne risquaient pas de priver l'écosystème d'un reproducteur dans la force de l'âge.

Mylène parut fortement impressionné par ce qu'il parvenait à déduire de l'observation de quelques empreintes -Kasumi finirait peut-être même par prendre la place du fils de Marco et devenir la nouvelle idole de sa hiérarchie intérieure des grands chasseurs et connaisseurs de gibier...
Elle se fit tout expliquer, ce que l'empreinte avait de particulier et ce que le rôdeur en déduisait, ce qu'il supposait, ce dont il était plus ou moins certain, ce dont il était absolument certain. Elle avait compris d'elle-même le boitillement mais restait dubitative sur l'âge. Et bavarde comme elle l'était, il n'était guère surprenant, à la réflexion, qu'elle ait souvent joué les rabatteuses. Sa démarche était souple, discrète, mais il lui faudrait moins parler et moins bouger pour pouvoir s'embusquer et approcher suffisamment près de sa cible.
Pour l'heure, la piste les menait droit vers l'est, à peu près en direction de la rivière. Et Kasumi finit par apercevoir, non pas un cerf isolé, mais une petite harde d'une dizaine de bêtes de tous âges. Ils étaient encore à bonne distance.

Il lui avait expliqué que l'âge des bêtes étaient souvent proportionnelles à leur poids car il augmentait sans cesse pour ne décliner vraiment que sur leur fin de vie.et comme les traces étaient profondes, il en faisait la déduction que le cerf avait dû être chef de harde. Et probablement détrôné depuis un certain temps par un individu plus jeune et plus mobile. et le fait qu'il marche un peu en marge du groupe ne faisait qu'étayer cette hypothèse.

En arrivant en vue du groupe, Kasumi chercha à repérer l'emplacement de leur cible mais sans chercher à s'approcher : ils étaient dans le sens du vent et allaient devoir contourner la harde avant de s'approcher, ce qu'il expliqua à Mylène à voix basse. Puis, quand il aurait repéré le vieux cerf, il faudrait trouver un buisson où s'embusquer. Et peut-être élaborer une stratégie en profitant de la présence d'une bonne rabatteuse.

Mais la bonne rabatteuse en question n'avait pas forcément envie de jouer les rabatteuses. Elle voulait utiliser son arc et abattre elle-même le cerf, même si c'était un peu illusoire, peut-être, pour quelqu'un manquant d'expérience. Si Kasumi attendait d'elle qu'elle se contente de faire peur aux bêtes pour disperser la harde, il comprit vite qu'il allait se heurter à un mur. De son opinion à elle, il fallait juste s'approcher doucement, viser et tirer, et elle ne voyait pas pourquoi Kasumi employait le terme de stratégie...

Puisque que l'exercice n'avait rien de vital, le rôdeur se laissa facilement amadouer par les envies de la jeune archère et ferait en sorte de lui laisser le beau rôle ou en tous cas une chance de s'illustrer.

C'est tout de même lui qui choisit une haie d'où ils auraient un angle dégagé et qu'ils pouvaient atteindre tout en restant à couvert. Dans son idée - qu'il expliqua à la jeune-femme - il la laisserait tirer la première et achèverait la bête si elle n'était que blessée.

Ils parvinrent au poste de guet qu'il avait repéré, sans encombre. Ils avaient contourné légèrement la harde de façon à se trouver du bon côté par rapport au vent, et ils ne s'étaient pas faits repérés. Pas encore.
" On devrait s'approcher un peu plus, fit remarquer Mylène à voix très basse. C'est un peu trop loin pour que je tire d'ici, je vais le manquer..."
Mais pas assez loin, pourtant, pour qu'elle puisse parler sans risque. Kasumi devina une certaine nervosité chez les bêtes les plus proches. Lui-même, bien sûr, était à peu près certain de toucher sa cible à cette distance, si ce n'est de l'abattre, mais la jeune femme avait un arc plus léger, moins précis peut-être, et surtout moins de pratique.

Kasumi lui fit plusieurs signes facilement reconnaissables pour lui intimer le plus grand silence puis il lui demanda d'attendre un moment le temps que les cerfs se calment tout en lui désignant du doigt une autre position plus proche du vieux mâle. Si elle se sentait capable de l'atteindre sans attirer l'attention, cela lui offrirait une meilleure position de tir pendant que lui-même resterait à l'affût pour la protéger ou achever la bête comme il l'avait prévu.

Mylène comprit qu'elle devait se taire, mais ça allait tellement à l'encontre de sa nature qu'elle ne put s'empêcher de commencer à répondre à voix basse aux explications de Kasumi, avant de se résigner enfin à se taire.
Elle avait une démarche souple et silencieuse, et parvint à l'endroit que lui avait indiqué Kasumi sans encombre, et apparemment sans éveiller de méfiance, même si le rôdeur devinait que certaines bêtes étaient nerveuses. D'ailleurs, deux des mâles les plus excentrés se dirigeaient vers le gros de la troupe, comme pour les encourager à se regrouper à a se déplacer. Ce qu'ils firent d'un coup, enfants et biches au centre, mâles en périphérie. parmi eux se trouvait le vieux mâle, et la jeune rôdeuse en herbe dut comprendre qu'elle ne pouvait plus tergiverser davantage. Elle tira une flèche qui atteignit l'animal, le blessant au flanc. Il se cabra, prêt à fuir aussitôt. Mylène, trop lente, n'aurait pas le temps de reprendre une flèche.

La jeune-femme avait déjà de quoi s'enorgueillir quant à son déplacement silencieux et Kasumi avait pu repérer quelques imperfections dans son tir qu'il se ferait un plaisir de l'aider à résoudre si elle voulait bien écouter ses conseils. Aussi préféra-t-il ne pas tergiverser au risque de laisser l'animal blessé s'enfuir et surtout souffrir. Il n'avait pas quitté sa cible des yeux un seul instant et il n'eut donc pas besoin de prendre le temps de viser avant de décocher sa flèche, visant la zone fragile du crâne au niveau de la tempe de l'animal.

Il atteignit sa cible, bien sûr, et l'animal s'effondra, mortellement blessé.
" Ouah... Comment vous faites pour viser aussi bien de loin ? Ou alors c'est juste un coup de chance ?"
Mylène était admirative, et presque dubitative. Le reste de la harde avait fui au loin, tout comme, probablement, toutes les gibiers à poils ou à plumes des environs. Mais ils avaient leur prise, c'était l'essentiel.

Avant de répondre, le rôdeur s'approcha du cerf pour vérifier qu'il était bel et bien mort puis posa une main à plat sur son cou et murmura une prière à Mielikki pour l'inviter à accueillir l'animal dans son domaine céleste.

Il se releva ensuite en arborant un sourire à l'adresse de Mylène :

- Il faut toujours une part de chance, bien sûr ! Et en l'occurrence, je nous ai juste fait gagner un peu de temps à tous les trois : blessé comme il était, nous l'aurions très vite rattrapé.

" Oui... N'empêche que j'aimerais bien que vous m'appreniez à tirer aussi bien, si un jour vous avez le temps !"
Tout en parlant, elle s'était s'approchée à son tour du cerf, le jaugeant du regard.
" Il est énorme... et c'est vrai qu'il est vieux... mais du coup, la viande doit être moins tendre, non ? C'est ce que disait Marco..."

Le demi-elfe rit gaiement en remarquant qu'il allait avoir apparemment avoir de nombreux cours à donner.

- Je pourrai vous montrer les bases mais sans vouloir jouer les modestes, Sylvia est bien meilleure que moi : elle n'a pas besoin de chance en tous cas !

Tout en parlant, il chercha du regard s'il pouvait se procurer du bois dont il pourrait se servir comme d'une perche pour transporter le cerf à deux. Mais s'il était trop lourd, il faudrait peut-être le débiter sur place et effectuer plusieurs voyages pour l'amener à proximité de la clairière.

- Il faudra cuire un peu plus la viande mais c'était un animal sain : c'est une bonne prise. Hum, vous pensez pouvoir retrouver facilement le chemin jusqu'au campement ? Nous allons peut-être avoir l'usage de l'une des deux brouettes.

" Heu..."
Elle hésita, leva les yeux vers le ciel où le soleil perçait -enfin- timidement les nuages.
" Vous disiez qu'on s'approchait de la rivière, donc le camp doit être à l'ouest, un peu plus au nord... Par là, à peu près... - la direction qu'elle indiquait était un peu approximative, mais guère éloignée de celle que Kasumi aurait désignée. Même si je ne retrouve pas nos traces, je finirai tôt ou tard par retrouver la zone incendiée et là je me repérerai ! Ça pue le brûlé, je suis sûre de ne pas la manquer, ne vous en faites pas ! Enfin, sauf si si vous voulez y aller vous-mêmes, pour être sûr de ne pas perdre de temps"

Le rôdeur se sentait partagé : d'un côté il voulait permettre à Mylène de se mettre en valeur et il ne doutait pas qu'elle finirait par trouver la clairière mais d'un autre, revenir ici s'avèrerait sans doute bien plus compliqué.

- C'est bien par là mais je pense que j'irai effectivement plus vite que vous pour faire l'aller-retour. Et puis amener la brouette ici ne sera sans doute pas aussi passionnant que de monter la garde autour de notre prise !

Il espérait tout de même que Mylène se montrerai prudente : il faisait grand jour bien sûr mais la proximité de la rivière le rendait tout de même un peu nerveux.

" C'est comme vous voulez, vraiment, vous faites pas de bile ! Je ne suis pas susceptible, enfin je crois, je veux bien vous laisser le rôle que vous préférez, ça m'est franchement égal de rester là ou de faire l'aller-retour... mais vous serez plus rapide, c'est sûr. Et puis, c'est pas tout à côté, la clairière... Ah, au fait, j'ai laissé ma brouette plus loin, là où on a rassemblé les cendres. Mais je suis bête, vous allez prendre la vôtre..."
La jeune fille avait décidément une tendance au bavardage extrêmement poussée.
" Et donc je reste là... Et je commence à dépecer la viande si vous voulez ? Ca, je maîtrise !"

Kasumi réfléchit encore un instant à ses options avant de répondre d'un ton décidé :

- Je ne crois pas que la zone soit très sûre : je n’ai pas encore pu l’explorer. Je pense donc qu’il vaudrait mieux réserver l’équarrissage au moment où l’un de nous pourra monter la garde. D’autant que l’odeur du sang risque d’attirer des prédateurs. Ecoutez, je vais essayer de faire le plus vite possible l’aller-retour et je serais plus tranquille si vous demeurez vigilante pendant ce temps là.

" D'accord !, répliqua-t-elle joyeusement. je serai tranquille ! Enfin, autant que je peux", ajouta-t-elle malicieusement.

Kasumi revint sans encombre jusqu'à l'endroit où il avait laissé sa propre brouette. Il ne vit pas Thanaën, qui avait dû se trouver un coin tranquille pour se reposer. La résurgence, près de laquelle il passa, était calme, l'eau redevenue pure : nul n'aurait pu imaginer l'état dans lequel elle était la veille encore.

A son retour auprès de Mylène, il ne trouva pas la jeune femme. Il y avait en revanche, là où il l'avait laissée, une panthère en train de se repaître de leur gibier...

Kasumi se crispa aussitôt et abandonna aussitôt son chargement pour s'emparer de son arc. Angoissé, il fouilla les environs du regard, espérant repérer la trace de Mylène. il ne voulait surtout pas croire que le félin avait pu la surprendre, ce que son absence auprès de la carcasse semblait corroborer. Et tout en fouillant les environs du regard, il apprêta son arc et encocha une flèche, prêt à tirer si l'animal se montrait hostile.

La panthère ne se montrait pas hostile. Occupée à dévorée la carcasse, il y avait cependant fort à parier qu'elle le deviendrait si on interrompait son repas.
Elle ne semblait pas avoir aperçu le rôdeur.
Et celui-ci eut beau fouiller du regard les environs, il ne vit pas trace de la jeune femme. Mais les feuillages étaient fournis en cette saison, et elle pouvait très bien s'être dissimulée quelque part hors de vue. Ou avoir fui. L'animal, quoi qu'il en soit, ne semblait s'intéresser à rien d'autre qu'à la carcasse qu'il dévorait.

Mais ils avaient besoin de ce cerf. Ou en tous cas d'une partie. Et plus que tout, Kasumi voulait faire fuir l'animal pour pouvoir chercher Mylène à partir de ses traces ou lui permettre de sortir de sa cachette.

Il n'hésita donc pas, tira une flèche juste à côté de la gueule de la panthère et s'empara aussitôt d'une seconde flèche pour la dissuader d'approcher. Et s'il fallait se battre, il avait suffisamment de champ pour incanter et l'immobiliser avant qu'elle ne l'atteigne.

Mais la panthère n'attaqua pas. Il la vit sursauter de façon spectaculaire lorsque la flèche l'effleura et détaler sans demander son reste.
En s'approchant, Kasumi put constater qu'elle avait dévoré une bonne moitié de leur gibier. Cela dit, il leur en restait largement assez pour un ou deux repas !
Le bruit d'une branche qui se casse, celui du froissement des feullages, attirèrent son attention et il vit Mylène se laisser glisser souplement à terre depuis sa cachette -un orme de belle taille qui se trouvait à quelques dizaines de toises.
" Ouais, ça va, vous moquez pas !, lança-t-elle, revêche, en s'approchant. J'pouvais rien faire !"

Loin de vouloir se moquer, le rôdeur était immensément soulagé que la villageoise soit indemne. D'ailleurs, il répondit d'un ton tout sauf moqueur :

- Je n'ai aucune raison de me moquer, bien au contraire : vous avez eu exactement la bonne attitude en vous dissimulant pour éviter la confrontation. Et en plus la panthère vient de régler notre problème de logistique : les restes seront bien plus facile à emporter maintenant même si nous allons devoir nettoyer un peu la carcasse pour récupérer ce qu'elle n'a pas touché.

La jeune fille ne semblait pas convaincue.
" Vous dites ça pour me faire plaisir ! Vous, je suis sûr que vous ne vous seriez jamais laissé surprendre. Mais cette garce a profité de ce que j'allais chercher de l'eau pour piquer ma place ! Quand je suis revenue, elle était en train de boulotter la viande, comme ça... Et je suis une lâche, parce que j'ai pas osé tirer. Vous, vous avez osé, et ça l'a fait fuir ! Moi j'ai juste eu peur qu'elle ait envie de me dévorer si elle me voyait... J'aurais dû tirer pourtant, comme vous l'avez fait !"
Son ton était boudeur, mais on la sentait aussi sincèrement malheureuse de ne pas avoir été à la hauteur.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Aubépine