La Couronne de Cuivre

Le comportement du fauve ne lui semblait pas du tout naturel : pourquoi avait-il laissé tant de carcasse à pourrir ? Sa hargne et sa persévérance à attaquer une cible comme lui malgré les difficultés et les risques n'étaient pas non plus tout à fait normal. Mais le rôdeur avait beaucoup trop à faire pour éviter les attaques de la bête. La panthère avait l'avantage de l'agilité et même de la force aussi ne pouvait-il pas rivaliser sur ce terrain : c'est par son intelligence qu'il pouvait chercher à s'en sortir : y avait-il un élément du décor à exploiter ? Une liane, un trou, de la boue, n'importe quoi. Si rien de tel ne se présentait, il chercherait à s'adosser à un arbre et esquiver une charge en espérant que l'animal se blesse par lui-même. Il lui fallait gagner du temps. Du temps pour lancer un sort ou contre-attaquer.

Il réalisa vite que la ténacité du fauve ne durerait pas très longtemps. Le terrain où ils se trouvaient, encombré de ronces, de branches basses et et de lianes, gênait ses attaques : il se faisait griffer les flancs à chacun de ses mouvements, et semblait trouver ça extrêmement désagréable -c'est du moins ainsi qu'on pouvait interpréter ses rugissements de colère.
Kasumi n'eut donc pas besoin de lancer le moindre sortilège : après deux ou trois attaques aussitôt esquivées, le fauve bondit à l'écart, et Kasumi le vit escalader l'un des grands arbres où il était nettement plus à son aise. Bien sûr, de cette position en hauteur, il pourrait certainement se rapprocher et bondir sur le rôdeur si celui-ci avait un moment de distraction.

Mais Kasumi était pleinement éveillé par l'adrénaline du combat et n'entendait pas perdre l'animal des yeux : il ne devait qu'à son instinct, ses réflexes et une bonne part de chance d'être encore en vie et il n'avait nullement l'intention de jouer avec le destin, surtout en un endroit aussi hostile. Par acquis de conscience, il leva la tête vers les autres arbres pour chercher à savoir s'il ne s'y trouvait pas d'autres dangers embusqués. Si ce n'était pas le cas et que la panthère ne donnait plus de signe de vouloir l'agresser, il reviendrait à son plan initial de verser quelques gouttes destinées à purifier les lieux et notamment la mare d'eau stagnante : c'était sans doute insuffisant car il aurait fallu dégager les carcasses et tout ce qui obstruait le cours naturel de l'eau mais c'était un geste symbolique. Ensuite, il lui faudrait continuer à progresser et rechercher où pouvait déboucher le ruisseau. Tout un programme qu'il devrait accomplir les sens aux aguets et la tête levée la plupart du temps.

Il ne vit aucun autre danger dans les arbres, rien de visible en tout cas. Et il put verser quelques gouttes d'eau bénite dans l'eau stagnante, comme il l'avait prévu. Il eut la sensation qu'elle devenait plus claire, l'odeur moins forte, et, étrangement, que le bruit de l'eau courante était plus cristallin. Peut-être n'étaient-ce que des impressions. Il se sentit, aussi, le cœur plus léger, comme si la sensation d'oppression et de malveillance diminuait.
Au-dessus de lui, le félin le guettait toujours, attendant une opportunité. Il ne le suivit pas, néanmoins, lorsque Kasumi avança un peu plus vers le nord en suivant le cours présumé du ruisseau. Mais il eut beau chercher, il ne trouva pas trace du ruisseau en amont. Les buis couverts de ronces s'éclaircissaient, laissant place aux grands arbres à nouveau, mais il n'y avait plus aucun cours d'eau visible.

Le rôdeur décida donc d'adopter une autre tactique : comme lors de l'épreuve du bosquet noir où il avait dû avancer parmi les ronces sans se soucier de la logique de son enseignement de pisteur, il décida d'oublier ce que lui dictaient sa raison sur le parcours supposé du ruisseau et revint à proximité du lieu de l'attaque, cherchant maintenant à se diriger là où il sentait que l'atmosphère lui était davantage hostile : le bosquet corrompu devait le repousser et c'est donc vers où il se sentirait le moins accueilli qu'il devait porter ses pas, aussi déstabilisant que cela puisse être.

Sa tactique l'obligeait à pénétrer à nouveau dans la zone de chasse du félin, et par conséquent à se montrer extrêmement prudent et concentré. Il retrouva la charogne, l'amoncellement d'ossements, l'eau croupie. Ce qui le repoussait le plus, ce qui lui donnait envie de fuir à toute jambe, c'était ces multiples ossements entassés, envahis par les ronces, recouvrant tellement le cours d'eau qu'il le pouvait pas savoir s'il se poursuivait au-delà. A bien y regarder, il devait y avoir les restes d'une vingtaine de bêtes de grande taille, et de multiples animaux plus petits. Certains de ces ossements étaient récents, d'autres bien plus anciens, et l'amoncellement lui semblait plutôt artificiel, comme fait de main d'homme.
Un mouvement dans les branchages, tout près, le ramena à la précarité de sa situation, juste au-dessous d'un fauve affamé. Mais il s'agissait d'un animal de petite taille cette fois-ci, qui finit par se dévoiler, l'espace d'un instant, à son regard. Un animal éthéré. Un fantôme...

Il y avait décidément quelque-chose de malsain et de surnaturel entourant cet amoncellement et le demi-elfe eut la conviction qu'il lui fallait chercher à y remédier sous peine de ne pas avancer dans sa recherche du bosquet. Et même si ce n'était peut-être pas lié directement à la corruption du bosquet, il ne pouvait pas simplement passer son chemin. Cependant, il devait se montrer d'une extrême prudence : la panthère qui était proche, sans doute à l'affût, la présence fantomatique, l'impression de malaise qui l'envahissait : tout cela le lui rappelait sans cesse. Pour autant, il voulait chercher un moyen de dégager les os et les carcasses du lit du ruisseau. Peut-être en commençant par les plus récents et les plus petits.

Dégager le lit du ruisseau serait un travail de longue haleine. Il commença, bien sûr, par les os les plus faciles à enlever, ceux qui se trouvaient au-dessus, les plus récents d'apparence -et les moins ragoûtants : des débris de chair y adhéraient encore, pour certains d'entre eux. Il ne se produisit rien de particulier, il ne nota aucun changement. Il repéra juste, au-dessus de lui, le mouvement de la panthère à l’affût, qui semblait se rapprocher de lui.
Il empilait les os non loin, à l'écart de l'eau. Un vautour vint se percher tout près, intéressé par la manoeuvre -et surtout par l'aspect des os les plus récents. Il vit à nouveau le petit animal fantôme, qui observait tous ses faits et gestes. A un moment, il le vit frémir, alors qu'il prenait la carcasse d'un petit animal, et le suivre pas à pas jusqu'à ce qu'il dépose le squelette avec les autres ossements. Et il resta planté là, hésitant, devant le tas d'os.
Kasumi avait déjà déblayé la moitié du tas d'ossements, mais il lui restait le plus difficiles : des os anciens, entremêlés de ronces et de lianes, de bêtes de toute taille, parmi lesquels il reconnut un squelette humain.

Mais, avant de s'intéresser à la suite du labeur, il s'interrompit car il suspectait que les ossements du petit animal n'étaient autres que ceux du fantôme de félin. Il entreprit donc de les mettre un peu à l'écart, de les asperger de quelques gouttes d'eau bénite et de recommencer l'essence de l'animal à sa déesse : il ne pouvait pas vraiment prendre le temps et le risque de les enterrer mais il trouverait bien quelques pierres pour former une sorte de cairn. Quant au squelette humain, il avait bien l'intention de lui octroyer les mêmes égards.

Le fantôme animal ne le quittait pas des yeux tandis qu'il ouvrait la fiole. Il se mit à trembloter comme la flamme d'une bougie au moment où les gouttes tombèrent sur les ossements, puis son corps parut plus translucide. il s'approcha de Kasumi, l'observant avec un regard doux, tandis que son corps perdait encore de la consistance, et, peu à peu, disparaissait. Le rôdeur eut l'impression qu'il lui adressait un dernier signe de la tête, comme pour la saluer, avant de s'évanouir pour de bon.
Ce fut le moment que choisit la panthère pour l'attaquer à nouveau. Et il faillit bien réagir trop tard pour esquiver, cette fois-ci.

Il avait par trop relâché sa vigilance - une fois de plus - et se morigéna même s'il avait indéniablement accompli une action dont il était fier. Ses armes dégainées, il tenta de paraître menaçant pour dissuader l'animal d'insister. Et cette fois, s'il pouvait trouver le moyen de le blesser tout en esquivant, il ne se priverait plus guère : le fauve était décidément trop dangereux et sans doute trop corrompu pour être laissé en vie. A condition toutefois qu'il parvienne déjà à préserver la sienne.

Mais le simple fait d'avoir manqué sa cible et de voir celle-ci dégainer ses épées fut suffisant pour dissuader le fauve de poursuivre ses attaques. Avec un feulement de colère, il bondit hors de portée du rôdeur et s'en retourna dans les hauteurs -pour y guetter, certainement, une autre opportunité.

Dégagé d'une partie des ossements, et désormais sans la présence du petit fantôme, le coin paraissait un petit peu moins repoussant. L'eau était moins verdâtre depuis qu'il y avait versé de l'eau bénite, et l'atmosphère semblait un peu moins nauséabonde. Il y avait encore du travail en perspective pour dégager entièrement le ruisseau : les ossements s'étendaient encore sur deux ou trois mètres en amont, mêlés désormais à une végétation épineuse, qui allait en se densifiant jusqu'à former, à deux mètres de lui, un véritable mur de ronces. Mais le temps filait, et il n'aurait sans doute pas le temps de terminer tout son ouvrage aujourd'hui. A moins d'y rester jusqu'à la tombée de la nuit...

Pour dissuader davantage le félin de chercher noise, le demi-elfe dégaina son arc : il n'avait pas l'intention de l'abattre de manière si peu honorable malgré le danger qu'elle représentait mais lui faire peur en tirant dans une branche juste à côté d'elle lui permettrait sans doute de poursuivre un peu son travail pendant une petite heure. Il ne voulait toutefois pas s'attarder ici jusqu'à la tombée de la nuit : l'endroit était déjà suffisamment sombre et dangereux en plein après-midi ! De plus, il comptait bien revenir le lendemain avec quelques outils plus adaptés : une hachette, des cordes et peut-être un pied de biche pour déloger les plus gros ossements sans doute coincé dans le lit du ruisseau.

Il put poursuivre sa tâche sans être importuné pendant un moment. La panthère, méfiante, gardait ses distances. Mais sa présence l'obligeait à rester sur le qui-vive.
Cependant, le jour avançait, et bientôt vint le moment où il lui fallut se décider à rentrer. Il avait débarrassé environ les deux tiers des ossements, avançant vers le nord. Le ruisseau, dégagé, gardait cependant un aspect un peu verdâtre d'eau stagnante, et les odeurs de charognes restaient présentes. Mais l'endroit était moins sinistre que lorsqu'il était arrivé.

Et l'endroit lui semblerait probablement encore moins sinistre à son retour le lendemain matin. Mais pour l'heure, il se hâta dans la direction du village - sans quitter le sommet des arbres du coin de l'œil. Il se sentait le cœur léger maintenant qu'il avait pu trouver un endroit où, même symboliquement, il pouvait faire un peu pencher la balance en faveur du bien. Il lui restait cependant encore beaucoup de pain sur la planche, à commencer par trouver à manger à Première Neige puis aller la retrouver pour lui remonter un peu le moral...

Le crépuscule approchait, et c'était l'heure où de nombreuses espèces animales se rendaient à des points d'eau. Il pourrait aisément se mettre en embuscade pour abattre un gibier quelconque. Et même s'il ne rapportait rien, Première Neige avait suffisamment mangé la veille pour pouvoir se passer de viande pendant deux ou trois jours. En revanche, il devinait qu'il était important de passer la voir pour la rassurer : elle n'était pas dans son élément et ne se sentait pas très à l'aise entre les murs.
Au fur et à mesure qu'il approchait de l'orée du bois, il ressentait sa présence par le lien qui les unissait. Sensation trop ténue encore pour qu'il en déduise quoi que ce soit de valable, mais tout lui semblait normal : il ne ressentait ni peur ni douleur dans ce qu'elle lui transmettait.

Kasumi prit donc le temps de choisir une proie modeste - un oiseau de belle taille - et qui ne risquait pas de manquer à l'écosystème mais qui donnerait certainement un peu de baume au cœur à sa louve en plus de la joie de le revoir. Le demi-elfe avait l'intention de vérifier son état de santé et de passer quelques minutes avec elle avant de lui promettre de revenir le lendemain matin : Première Neige n'était certainement pas la seule de ses compagnes à s'inquiéter et espérer son retour...

Première Neige était sagement couchée derrière la cabane, cachée aux regards par un bouquet d'herbes hautes. Elle ne vint pas à sa rencontre, ce qui témoignait de son état de faiblesse générale. Néanmoins, elle se redressa en l'apercevant, queue et oreilles dressées, et boitilla jusqu'à lui, lui transmettant mentalement sa joie et son soulagement de le revoir enfin. Le volatile qu'il rapportait fut également très apprécié, mais elle préféra l'emmener dans sa "tanière", sans doute pour le dévorer plus tard.
La nuit était tombée lorsqu'il rentra au village. Comme la veille, il ne croisa personne dans les champs alentours : il était l'heure de dîner. Mais cette fois-ci, deux hommes se trouvaient près de la palissade de bois qui cernait le village, et ils vinrent à sa rencontre dès qu'ils l'aperçurent.

Kasumi avait été lui aussi soulagé de revoir Première Neige même si ses nouvelles blessures lui fendaient le cœur : au moins sa louve était vaillante et courageuse et lui vouait toujours la même confiance.

Mais sa relative bon humeur fut douchée en voyant les deux hommes qui l'attendaient manifestement : allait-il apprendre que des nouveaux troubles avaient eu lieu ? Il s'inquiéta en tous cas immédiatement pour Sylvia et ne chercha pas à les éviter.

Les deux hommes s'entre-regardèrent, manifestement embarrassés, avant que l'un d'eux ne prenne la parole.
" Vous êtes le rôdeur qui logez chez Martha, c'est ça ? Peut-on savoir où vous étiez aujourd'hui ?"
Le ton était neutre, le visage fermé. Les deux inconnus semblaient mal à l'aise.

Mentir ou même chercher à dissimuler la vérité ne servirait qu'à envenimer la situation à moyen terme aussi le rôdeur choisit-il de répondre d'un ton assuré et honnête :

- J'étais dans les bois, pourquoi ? J'espère qu'il ne s'est pas produit une nouvelle attaque...

Afficher l'assurance de quelqu'un n'ayant rien à se reprocher sans pour autant que cela passe pour de l'arrogance était un difficile équilibre à trouver et il espérait y être parvenu. Tout en s'inquiétant tout de même de ce qu'il allait apprendre.

Ses interlocuteurs échangèrent un regard.
" Non, il n'y a pas eu de nouvelle attaque, finit par répondre le premier.
- Mais vous comprendrez, compte tenu des circonstances, qu'il vaut mieux éviter d'envenimer les choses. Aller vous promener ainsi dans les bois pourrait être vu comme une provocation par les forces maléfiques de la forêt...
- Oui, Yvan a raison, mais il n'y a pas que ça. Pour être tout à fait franc... Nous nous demandons même si ce n'est pas votre présence qui encourage les bêtes sauvages à errer si près de notre village ?"

Ainsi donc il ne s'agissait que de chercher à le dissuader de manière un peu plus insistante après l'échec manifeste du chef du conseil à le faire... Kasumi devait jouer la carte de la diplomatie s'il ne voulait pas que la situation ne puisse réellement s'envenimer et pour regagner un peu de crédit dans l'hypothèse terrible qu'une attaque puisse réellement toucher à nouveau les villageois.

- Les animaux qui ont attaqué les vôtres ont été blessés et je ne pense pas que ce soit à cause de ma présence. Et je crois que ce que je fais encouragera au contraire les animaux à rester au cœur des bois plutôt qu'à le fuir : il y a des zones chargées de magie noire que j'espère parvenir à purger.

" De la magie noire ? Vous êtes sûr ? questionna l'un des deux hommes, intéressés, tandis que l'autre secouait la tête.
- Non. Je ne sais pas s'il y a de la magie noire, mais ce qui est sûr c'est que les loups qui ont attaqué hier n'étaient pas blessés, contrairement à ce que vous dites. C'était une meute en chasse, c'est tout. Je ne sais pas s'ils voulaient une proie à dévorer ou simplement nous chasser de leur territoire, mais ils ont blessé deux des nôtres !
- Il parait que vous voulez restaurer un bosquet... un endroit qui les attirera... ce sera pire ! Ce qu'il faut, au contraire, c'est organiser une battue pour chasser cette meute. mais je parie que vous ne seriez pas prêt à y participer !"

Le rôdeur ne se laissa pas démonter par cet argument et expliqua calmement :

- Certains animaux sont certainement corrompus, sont devenus plus que sauvages, menaçants et cruels : j'en ai moi-même fait l'expérience. Mais certains prédateurs normaux peuvent aussi être poussés par la faim, par la corruption de leur habitat et le manque de petit gibier qui en résulte. S'il faut chasser ces loups, je pourrais décider de vous aider mais le plus important est avant tout de rétablir un équilibre pour que la plupart des prédateurs regagnent le cœur de la forêt et évitent les humains comme ils le font naturellement. Cet après-midi, j'ai découvert un ancien ruisseau obstrué de charognes que je compte nettoyer : m'aideriez-vous à le faire ?

Les deux hommes eurent tous les deux une grimace explicite.
" Aller au coeur de la forêt ? Très peu pour moi ! Je ne suis pas suicidaire... Mon métier, c'est paysan, et plus je suis loin des bois, mieux je me porte !
- Et pourquoi nettoyer des charognes ?, questionna son comparse avec davantage de curiosité. Elles servent de nourritures à d'autres bêtes, aux charognards justement. Y compris au loup, d'ailleurs, il me semble. Ça fait partie de l'équilibre de la nature... enfin, de ce que j'en comprends. Je comprends mal pourquoi vous devriez intervenir ?"

Le demi-elfe esquissa un sourire bienveillant à l'égard du second villageois, signe que la question ne le gênait absolument pas :

- En temps ordinaire, vous auriez parfaitement raison mais l'une des raisons est en fait que ce tas de charognes et d'ossement est anormal : les animaux ont été tués sans pour autant que leur viande ait été mangée. En tous cas pas en totalité. D'autre part, cela bloque le lit du ruisseau et l'eau est stagnante ce qui signifie qu'une zone boisée n'est plus alimentée comme elle pourrait l'être. Enfin, j'y ai trouvé aussi le squelette d'un homme auquel je compte bien octroyer une sépulture décente.

Il marqua une pause pour laisser aux villageois le temps de prendre la mesure de cette révélation avant d'ajouter sur une note plus optimiste :

- L'eau bénite que j'ai récupérée auprès d'Aïdan a semblé efficace mais la zone n'est pas encore pure et je voudrais y retourner dès demain.

" Un squelette humain, vous dites ?"
L'homme fronçait les sourcils, pensif.
" Est-il ancien ? Il n'y a pas eu de disparition par ici depuis plusieurs années... mais cela dit, ce peut être l'un de ces aventuriers qui passent parfois par ici avant de se perdre dans la forêt... Et avez-vous pu l'examiner, pour déterminer la cause de sa mort ?
- Pfff... Enfin, Auguste, il dit ça juste pour te convaincre qu'il a une bonne raison d'y retourner demain ! Et puis, des squelettes humains, c'est pas si rare par ces bois. Y'en a même qui se déplacent sur leurs jambes, tu sais bien !"

Kasumi n'avait pas vraiment pu enquêter de façon très poussée dans la situation sous pression où il s'était trouvé. D'autant plus qu'il n'avait rien d'un légiste. Pour autant, il n'évita pas la question :

- Les os devaient avoir au moins plusieurs années : ils étaient nus et j'ai trouvé le cadavre au milieu de certains des squelettes les plus anciens. J'ai préféré réaliser une sépulture de fortune sur place mais je peux ramener les os ici si vous le jugez préférable.

Une façon de pousser son avantage et de légitimer - au moins en partie - son intervention.

" Non, non... Enfin, je demanderai à Bertrand ce qu'il en pense, mais... Non, laissez-les là-bas...
- Des fois qu'ils s'animeraient, grinça son comparse.
- Une bonne sépulture suffira...
- Mais tout de même... vous ne devriez pas traîner dans ces bois. Votre idée de ressusciter le bosquet, elle va nous mettre dans la mouise. Que vous enterriez des restes, pourquoi pas, mais... ne faites rien qui pourrait attirer des bêtes par ici..."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde