La Couronne de Cuivre

[Interlude : Ailleurs]

Celui-ci, tout en imitant sa révérence, lança d'une voix intimidée une phrase que l'elfe ne comprit absolument pas. Et pour cause : elle était prononcée dans une langue totalement inconnue de lui.
-Voilà qui est aussi charmant que courtois, commenta la Dame d'un ton doux.
Son sourire s'élargit, plus bienveillant que jamais.
-Silmandel, Alexandre, c'est un plaisir que de vous revoir. Un plaisir que j'attendais depuis fort longtemps : le hasard qui vous a conduits ici à permis de hâter ces retrouvailles, ce dont je suis ravie, même si je ne pourrais malheureusement pas rester avec vous autant que je le souhaiterais.

[Interlude : ailleurs]

Entre la langue parlée par Alexandre et les propos de la dame, il y avait largement de quoi s’étonner. Si Silmandel pouvait supposer que le garçon avait appris quelques formules de politesses grâces aux fées avec qui il avait longuement parlé, il ne pouvait pas en revanche s’expliquer que la dame les connaisse déjà. Eux deux en plus, eux qui s’était rencontré voilà encore relativement peu de temps.
« Excusez-moi, mais comment pouvez-vous nous connaître ? » demanda-t-il directement.

[Interlude : Ailleurs]

-Quoique discrets, il existe bien des liens entre ce monde et le vôtre, expliqua la Dame. Ainsi arrive-t-il que des résidents du plan matériel fassent appel, pour différentes raisons, aux habitants de Féérie, tandis que ces derniers, pour des motifs tout aussi variés, sont parfois amenés à s'intéressés aux affaires de votre plan... En l'occurrence, pour reprendre l'expression consacrée, je me suis penchée sur vos berceaux respectifs : voilà pourquoi je vous connais, voilà pourquoi je n'ai cessé, depuis, de garder un œil sur vous.

[Interlude : ailleurs]

« Ha, vraiment ? C’est stupéfiant. »
Oui, pour le moins. Silmandel ne sut que ajouter. Cette situation était encore plus inattendue que prévue et elle faisait naître bien des questions. Il se demandait, par exemple, si son extraordinaire chance qui l’avait accompagné au cours de ses aventures ne provenait pas, au moins en partie, de cette dame féérique. Il se demandait aussi si sa rencontre improbable avec le chat-garou était bien le fruit du hasard. Et forcément, il se questionnait sur cette force du destin qui l’avait conduit à Melandis pour sauver Alexandre. Quoi qu’il en soit, leur venue à Féérie ne pouvait pas qu’être un coup de chance.

[Interlude : Ailleurs]

-Je le conçois, d'autant que rien ne vous avait préparé à pareille révélation. Mais au moins connaissez-vous à présent l'origine de vos pouvoirs, sur laquelle, j'imagine, vous n'avez pas manqué de vous interroger : il existe entre nous une sorte d'alliance et la magie qui vous habite en est l'une des contreparties. Toutefois, vous n'avez pas eu votre mot à dire concernant ladite alliance : l'heure est donc venue, au moins pour vous Silmandel, de la confirmer, de la transformer en véritable pacte. En tout cas, si tel est votre souhait.

[Interlude : ailleurs]

« Attendez... Vous, vous êtes l’origine de mes pouvoirs ? De nos pouvoirs ? Nous ne sommes pas des ensorceleurs ? »
Il peinait à en croire ses oreilles ! Et lui qui donnait des leçons de magie alors qu’il se trompait depuis le début sur sa nature. Pour autant, il ne remettait pas en cause la parole de cette dame féérique. L’idée même qu’elle puisse le mystifier lui semblait absurde. Après un instant de réflexion, il demanda :
« Parlez-moi de ce pacte. Quel en sont les termes ? »

[Interlude : Ailleurs]

-Pour commencer, vous n'êtes point des ensorceleurs, non, mais ce que l'on nomme des sorciers, des individus ayant conclu un pacte avec un patron, un être d'outre-monde. Quant à la nature de ce pacte... Le sorcier reçoit de son patron des pouvoirs qui, au fil du temps, peuvent devenir considérable. En échange, il s'engage à le servir, à accomplir ses volontés. Ainsi, si vous acceptez de renforcer l'alliance qui nous unit, il arrivera que je vous contacte pour vous demander d'accomplir certaines choses. Des choses qui, je pense pouvoir l'affirmer, n'iront jamais à l'encontre de votre nature, de vos valeurs : nous sommes plutôt bien accordés.

[Interlude : ailleurs]

Silmandel tenta de jauger la féérique dame, de se faire une idée de ses objectifs. D’après ce qu’elle disait, il ne s’agissait pas de conclure un pacte, mais simplement de le confirmer, ce qui n’était pas tout à fait la même chose. Seulement, avant, il n’avait pas conscience de ce dernier. Il se frotta le menton, enfin plutôt la base du museau, avant de déclarer :
« Je vois. Il semble en effet qu’on soit plutôt bien accordé. Cependant, pouvez-vous me donner un exemple concret de ce que vous pourriez me demander ? »

[Interlude : Ailleurs]

-Je pourrais vous demander de récupérer un objet avant qu'il ne tombe entre de mauvaises mains, d'empêcher la profanation d'un sanctuaire, de sceller un passage pour que des gens malintentionnés ne l'empruntent pas... Ce genre de chose.
Son expression, sa voix étaient désormais empruntes de gravité.
-Je ne puis malheureusement vous en dire davantage : je ne sais ce que l'avenir nous réserve. Mais j'aurais besoin de vous en certaines occasions, cela ne fait aucun doute, car votre monde est le théâtre de conflits qui le dépassent... Ainsi m'avez vous rendu service en aidant la jeune Clémentine à sauver son frère et à disperser la secte de Malmoth qui l'avait enlevé.

[Interlude : ailleurs]

Silmandel n’hésita plus. Ce genre d’aventures, il en redemandait. Alors il s’inclina de nouveau et déclara :
« Servir ce genre de cause ne me pose nul problème. Ce pacte jadis contracté, je suis prêt à le poursuivre. »
Il parlait avec assurance, ravi de la tournure que prenait les événements. Tout allait bien se passer.

[Interlude : Ailleurs]

-Je suis sincèrement ravie de l'entendre.
Son sourire chaleureux avait reparu.
-Pour sceller notre pacte, je vais vous faire une faveur. J'aurais pu vous offrir un grimoire ou un familier, et je le ferai d'ailleurs si c'est vers l'un d'entre eux que va votre préférence. Néanmoins, vous connaissant, j'ai pensé que ceci vous conviendrait davantage.
Elle fit un geste presque imperceptible de la main. Une fraction de seconde plus tard, une rapière se matérialisait dans les airs, juste devant Silmandel. C'était une arme magnifique à la garde finement ouvragée.
-Cette lame est bien évidemment magique : outre pouvoir blesser des créatures insensibles à l'acier traditionnel, vous serez en mesure de la faire apparaître et disparaître à volonté. Dès lors, aucun risque que vous la perdiez ou que vous en soyiez privé.

[Interlude : ailleurs]

Silmandel admira la lame magique qui semblait faite sur mesure pour lui, et pas seulement pour le maniement, également pour son sens de l’esthétisme. Il imagina un instant remplacer cette arme par un grimoire ou un familier, mais tout ceci faisait trop magicien à son goût.
« Vous avez raison, madame, cette rapière ne peut que me ravir ! »
Il tendit la main, la prit, exécuta quelques manœuvres d’escrimes. Il trouva assez drôle de les exécuter en tant qu’hybride. Un chat avec une épée, si ça ce n’était pas féérique ! Décidément, ce jour était à marquer d’une pierre blanche !

[Interlude : Ailleurs]

Alexandre l'observait, l'air émerveilé et, peut-être, un tantinet envieux.
-Je ne puis te faire sur l'heure pareil présent, lui dit avec douceur la Dame qui n'avait pu manquer de remarquer son expression. Je trouverais en effet malhonnête de ma part de te faire confirmer notre alliance alors que tu es encore si jeune : ce n'est pas un mince engagement, c'est peu de le dire. Mais cela viendra en son temps, si tel est ton désir.
-Je comprends, répondit poliment le gamin, s'efforçant de dissimuler sa déception.
-Et il va de soi que tu ne repartiras pas bredouille de notre rencontre. Lorsque tu seras de retour dans ton monde, tu ne mettras pas longtemps à constater que tu maîtrises mieux tes pouvoir et que de nouvelles possibilités te sont désormais accessibles.

[Interlude : ailleurs]

Silmandel, après une dernière estoque, fixa son arme qui se volatilisa en une brume argentée. Il était ravi pou lui-même, ravi pour Alexandre également qui, il n’en doutait pas, n’aurait sous peu plus besoin de leçon de sa part. Se tournant vers la dame féérique, il dit :
« Madame, en parlant du retour, nous allons préparer une pièce de théâtre, celle de la dernière chance, pour redonner à un établissement voué à l’art ses lettres de noblesses. La pièce qui a retenu notre attention dépeint un monde qui pourrait rappeler celui-ci. Elle met aussi en avant ce qui ressemble fort à un chat-garou, ce qui est loin d’être une créature fréquente chez nous. Je ne peux que m’interroger sur l’origine de cette pièce. »

[Interlude : Ailleurs]

-S'il m'est arrivé d'influencer le hasard afin que les choses tournent bien pour vous, j'avoue n'être pour rien dans cette affaire. Force est de reconnaître qu'elle est curieuse, d'autant que les chats-garous ne sont pas plus courants en Féérie que dans votre monde... Pour le reste, peut-être l'auteur de la pièce a-t-il voyagé ici : cela n'aurait rien d'impossible, puisque des passages existent. A moins qu'il n'ait simplement eu une imagination particulièrement fertile ou un goût prononcé pour certaines plantes...

[Interlude : ailleurs]

Silmandel sourit à l’évocation des plantes. Il l’aimait bien cette dame. Ce serait avec plaisir qu’il lui rendrait service quand il le pourrait.
« Bien. Peut-être faudra-t-il élucider se mystère. Dois-je m’attendre à des changements relatifs à mes pouvoirs suite à cette rencontre ? Et nous sera-t-il possible de revenir en Féérie ? »
Il préférait poser les questions qui lui passaient à l’esprit tout de suite car il n’avait pas oublier que la dame ne pouvait trop s’attarder.

[Interlude : Ailleurs]

-Il y aura des changements quant à vos pouvoirs, oui, mais vous les connaîtrez intuitivement et ne mettrez donc guère de temps à vous habituer. Pour ce qui est de revenir en Féérie... Sans doute vous y inviterai-je, à l'occasion, auquel cas je vous aiderai à me rejoindre. Peut-être arrivera-t-il aussi que vous trouviez un portail, permanent ou non. Mais si cela devait advenir, je vous invite à la plus grande prudence : sous ses dehors enchanteurs, ce monde demeure périlleux.

[Interlude : ailleurs]

« Bien Madame, je crois ne plus avoir de question. »
Il y avait cependant fort à parier que des questions, il en aurait des milliers sitôt qu’il ne pourrait plus les poser. Pour l’instant, pris par le moment, pris par cette ambiance si spéciale, par le sentiment si étrange que de se savoir à un instant charnière de son existence, Silmandel n’avait effectivement plus rien à ajouter.

[Interlude : Ailleurs]

-J'aurais encore beaucoup à vous dire, en particulier sur les raisons qui ont motivé cette alliance, sur les liens qui existent entre vos familles respectives et moi-même. Malheureusement, il me faut à présent vous renvoyer chez vous et regagner mon domaine. Mais nous nous reverrons, soyez-en assurés.
Elle leur sourit, toujours affable.
-Prêts ?

[Interlude : ailleurs]

Silmandel faillit dire que oui, mais réalisa qu’il était peu recommandé de revenir dans le plan ordinaire sous son apparence actuel.
« Heu, attendez, juste une seconde. »
Il reprit forme première puis enfila ses affaires. Mine de rien, même s’il n’était pas sec, il n’était plus pour autant trempé. De toute façon, c’était très secondaire comme réflexion. Il pouvait sécher, où qu’il soit. Il se posta à côté d’Alexandre, puis dit :
« Prêt. »

[Interlude : Ailleurs]

Alexandre, qui avait renfilé ses bottes détrempées, prononça à nouveau une phrase dans cette langue inconnue dont il avait déjà usé.
-Merci, dit doucement la Dame. Et à bientôt.
Il y eut un tintement mélodieux, un flash lumineux, une sensation de chute...
L'instant suivant, papillonnant des yeux, Silmandel se découvrit aux côtés de son acolyte dans le petit salon de leurs appartements.
Par la fenêtre, il aperçut le ciel d'azur de la fin d'après-midi où brillaient encore quelques étranges lueurs...

[Interlude : ailleurs]

Il se leva et observa la fenêtre durant quelques instants. Deux constatations s’imposèrent à lui. La première, c’était que leur absence n’avait pu passer inaperçu. La seconde, c’était que les lueurs dans le ciel était encore là. Il ne les avait donc pas rêvé.
« Je vais aller trouver Maître Presteplume pour le rassurer. Attends-moi là. »
Et il s’en alla d’un pas pressé.

[Quête : Association de bienfaiteurs]

Il ne trouva pas le directeur du théâtre. En revanche, il découvrit Isolde : elle se tenait dans le hall, l'air inquiet.
-Ah, vous voilà ! s'exclama-t-elle en l'apercevant. Mais où étiez-vous passé ? Je vous ai cherché partout, avant de me dire que vous étiez sorti pour voir ce qui se passait, ce que j'ai jugé fort peu prudent... Et cela fait des heures que j'attends seule ici sans que vous où maître Presteplume ne donniez signe de vie !

[Quête : Association de Bienfaiteurs]

Silmandel eut un sourire rassurant.
« Il y a eu un petit incident magique et c’est plus que probablement dû à ce qui se passe en ce moment. Mais nous sommes de retour. Alexandre est là, également. Tout va bien. »
Il s’approcha de la porte d’entrée.
« Maître Presteplume est sorti ? Vous savez où il est allé ? »

[Quête : Association de bienfaiteurs]

-Il voulait faire la tournée de ses anciens collaborateurs pour leur parler de la pièce... J'espère qu'il était chez l'un d'entre eux quand tout cela s'est déclenché et qu'il y est demeuré depuis.
Elle soupira.
-Ces événements étranges ont semé pas mal de panique. Au début, du moins. Depuis, ça s'est un peu calmé.

[Quête : Association de Bienfaiteurs]

Silmandel mit la main sur la poignée de la porte. La tentation d’aller voir ce qu’il en était dans les rues était grande. Mais... il avait eu une double ration d’étrange pour la journée, il avait des pouvoirs à tester et il tenait à être là quand maître Presteplume reviendrait. À défaut, il était prêt à aller le chercher si cela s’avérait nécessaire. Il retira sa main.
« J’ai disparu une fois, autant éviter de réitérer dans la même journée. »
Il attendrait donc dans le théâtre. En plus, cela avait l’avantage de ne pas laisser seul Alexandre.
« Si ça se calme, c’est que ce n’est pas si terrible. Il n’y a pas de raison de s’inquiéter, pas encore. Les artistes, c’est bavards, ça je le sais. Je remonte. »

[Quête : Association de bienfaiteurs]

-Malgré tout, ce n'était pas rien : je n'ai jamais assisté à pareils phénomènes et je ne suis pas la seule. Mais je sais maître Presteplume prudent...
Elle s'arracha un sourire puis reporta son attention sur la porte. Nul doute qu'elle resterait à guetter jusqu'au retour du directeur.
Lorsque Silmandel regagna ses appartements, Alexandre avait ouvert la fenêtre et, penché à l'extérieur, il observait le ciel. Ou, plutôt, les lueurs qui s'y voyaient encore et qui n'étaient pas sans rappeler, par leurs teintes, certaines de celles aperçues en Féérie.

[Quête : Association de Bienfaiteurs]

« Une sacrée histoire, hein ? » dit Silmandel en s’approchant d’Alexandre et en fixant lui-aussi le ciel.
Il se demandait ce qui pouvait créer de telles lueurs. Il savait en tout cas le phénomène exceptionnel et se dit que, peut-être, il serait sage de reporter les exercices magiques à plus tard, le temps que tout se calme. Un changement de plan, c’était bien, deux, c’était trop. Quel dommage, il mourait d’envie d’expérimenter les changements dus au pacte. Ses yeux s’abaissèrent, son attention se portant sur la ville. Il dressa l’oreille, cherchant à se faire une idée de l’atmosphère.
« Maître Presteplume est sorti voir ses collaborateurs pour la pièce. Mis à part ça, et ce joli spectacle céleste dont je suis certain a joué un rôle dans notre voyage, rien à signaler. »

[Quête : Association de bienfaiteurs]

-Ben, c'est déjà pas mal...
La ville semblait étrangement calme : les rues n'étaient pas désertes, certes, mais l'on y voyait moins de monde qu'à l'accoutumée. Bien des habitants devaient préférer rester chez eux en attendant que le phénomène passe... Nul doute, toutefois, que la situation avait été différente lorsque tout cela avait débuté.

[Quête : Association de Bienfaiteurs]

Silmandel se demandait bien ce qu’il allait pouvoir faire à présent. Il était tenté de sortir, mais il avait des raisons de ne rien en faire. Il voulait faire un examen de ses pouvoirs, mais ce n’était pas indiqué pour l’instant. Faire étudier Alexandre était à éviter pour la même occasion. Il se résolut à attendre une heure, peut-être deux, après quoi il aviserait. D’ici là, il allait sans doute discuter avec Alexandre, il y avait de quoi dire.

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Le Bastion des Arts