La Couronne de Cuivre

Puisque Quentin ne tenait pas à prendre cette initiative et que cela ne semblait vraiment pas le gêner de quitter Bordeleau, la paladine finit par trancher : ils pourraient se mettre en route le lendemain matin, après le petit déjeuner. D'ici là, elle aurait largement le temps de profiter d'un dernier aperçu de la ville qui l'inciterait peut-être à revenirà l'occasion.

Ainsi fut fait.
Et voilà comment, par une matinée radieuse, Chandara et son nouvel acolyte quittèrent Bordeleau en empruntant, vers le sud, la route côtière.
La paladine comprit vite que sa progression alait être ralentie, à cause de l'âne du garçon, forcément moins fringant que son destrier. Toutefois, Quentin l'assura qu'elle pouvait très bien prendre les devants et visiter le village qui serait leur étape du soir : lui-même la rejoindrait à son rythme tranquille en fin de journée.

Chandara décida de profiter de la compagnie de Quentin et de ses compagnons animaux pendant les deux premières heures de trajet avant d’accepter sa proposition : ainsi pourrait-elle s’enquérir des rumeurs et leur réserver une chambre et des stalles pendant que le musicien poursuivrait à son rythme. Elle se rassurait également – sans le reconnaître ouvertement - de partir en éclaireur pour écarter tout problème qui pourrait se présenter sur le chemin du garçon.

Le trajet s'avéra sans danger et le village auquel il aboutit... sans grand intérêt, car fort semblable à tous ceux qu'elle avait déjà vus. Quant aux rumeurs, elle n'en glana pas de nouvelles, retrouvant seulement celles qu'elle avait préalablement entendues à plusieurs reprises.
Quentin la rejoignit en fin d'après-midi, l'air pas particulièrement fatigué. Certes, il était allé au rythme tranquille de son âne, mais cela n'en témoignait pas moins d'une grande habitude des voyages à pieds...

Chandara s'était mise en devoir de s'assurer que Lune de Miel était bien installée et aussi, tâche nouvelle et réjouissante, qu'une chambre et un bain attendrait son petit protégé à son arrivée. Comme l'auberge était petite, ils devraient partager une chambre pour cette nuit mais elle ne pensait pas que cela dérangerait trop l'enfant.

Cela le dérangea quelque peu, mais surtout pour elle : il n'était pas du genre à s'imposer. Mais puisqu'elle l'assura que cela ne lui posait aucun problème, il en prit son parti.
Toutefois, avant de monter dans la chambre et d'y profiter du bain, il se consacra en premier lieu à son âne, le déchargeant puis veillant à ce qu'il soit bien installé. Quant au gros chat tigré, qui avait trottiné à sa suite tout au long de la journée, il s'était déjà volatilisé. Parti en exploration, sans doute.

Chandara approuva silencieusement la démarche : s'occuper du bien-être de sa monture était un devoir important et l'affection que Quentin portait à l'animal semblait fort et sincère, deux éléments fondamentaux pour une paladine sunite. Elle laissa le jeune garçon prendre ses dispositions et retourna prévenir l'aubergiste de l'arrivée de son comparse pour qu'il puisse prévoir de monter l'eau chaude jusqu'à sa chambre. Cela aussi lui tenait à coeur : le garçon l'avait bien mérité !

La perspective parut plutôt plaire à Quentin qui devait être autrement plus habitués aux ablutions à l'eau froide qu'à des bains en bonne et due forme. Il remercia donc Chandara pour son attention puis grimpa à l'étage pour gagner la chambre. Nul doute qu'il ne fallut guère de temps avant qu'il ne se prélasse confortablement dans son baquet.

Et Chandara avait décidé de le laisser savourer ce menu plaisir tout son saoul en l'attendant dans la salle commune pour se joindre aux éventuelles conversations ou, à défaut, de profiter des boissons locales en attendant l'heure du dîner et le retour de son jeune ami. Elle n'irait le déranger que s'il s'attardait vraiment indiquant qu'il ait pu s'assoupir, ce qui n'était pas du tout improbable après une longue journée de marche.

Toutefois, Quentin ne s'endormit pas dans son bain et fut même rapidement de retour dans la salle commune, marquant ainsi le début d'une soirée qui, si elle ne fut guère productive, notamment pour ce qui était de la collecte de rumeurs, s'avéra néanmoins fort agréable.
A l'issue d'une nuit paisible, Chandara et lui étaient parés au départ. A nouveau, ils allaient suivre la route côtière qui, cette fois, ne tarderait plus à tourner vers l'est. Plus important encore, le prochain village était à une journée et demi de route : ils devaient donc bivouaquer.

HRP : Lance un dé 100 !

Chandara se sentait à nouveau pousser des ailes : c'était la toute première fois qu'elle quittait réellement la côte ouest d'Helonna et la bifurcation vers l'est était donc toute symbolique. Antelucas et sa commanderie s'éloignaient un peu plus mais elle se trouvait en bonne compagnie et sa quête l'amemait à découvrir des mystères. Elle n'avait donc eu aucun mal à se lever après une bonne nuit réparatrice puis à se préparer - ainsi que sa monture - pour le chemin qui les attendaient. Rien ne pressait vraiment aujourd'hui puisqu'ils allaient devoir marquer une halte aussi avait-elle l'intention de profiter au maximum des paysages.

HRP : 3 !

Or, il y avait de quoi admirer, du moins pour qui aimait ce genre de panorama.
Comme toujours depuis que Chandara suivait le chemin côtier, pour l'heure seule trace de présence humaine dans le paysage, les vastes étendues marines, bordées de plages dont beaucoup étaient fort attrayantes, faisaient face à des étendues vallonnées et verdoyantes, ponctuées de quelques bois et dominées, dans le lointain, par la silhouette des montagnes.
Leur marche aurait donc pu être des plus plaisantes, s'il n'y avait eu la chaleur.
Le soleil régnait sans partage dans un ciel dépourvu de nuages, dardant les voyageurs de ses impitoyables rayons qui surchauffaient une atmosphère caniculaire. Et il ne fallait pas compter sur la brise marine pour les soulager : l'air, lourd, était parfaitement immobile.

Malgré l’inconfort, c’était une raison suffisante pour progresser au pas afin de ne pas trop solliciter son destrier par cette chaleur. Cependant, la tentation d’une baignade était de plus en plus forte et la paladine le proposa à son jeune acolyte pour le début d’après-midi, pendant leur pause pour prendre un repas. Ils n’avaient que l’embarras du choix pour trouver une plage agréable où se poser une heure ou deux.

Quentin ne fut pas contraire - mais aurait-il osé l'avouer, s'il l'avait été ? - et une bonne heure et demi plus tard, alors que leurs estomacs commençaient à se manifester avec insistance et que le besoin d'une pause se faisait de plus en plus pressant, ils repérèrent une charmante petite crique encaissée, cernée d'un talus herbeux qui, sur l'un des côtés, offrait un peu d'ombre au moins aussi tentante que ne l'étaient les vagues. Surtout que la chaleur s'était encore accrue, pour peu que semblable chose soit possible.

Chandara vit la découvert de cette crique comme un signe et n'hésita pas à y conduire Lune de Miel et le jeune Quentin. La jument n'y aurait pas de quoi brouter mais l'ombre était une bénédiction y compris pour elle. Fouillant dans ses fontes, la paladine déploya une nappe à même le sable pour improviser un endroit où pique-niquer. Mais si le jeune musicien préférait d'ores et déjà profiter de l'eau pour se rafraîchir un tant soit peu, elle ne saurait que l'encourager.

Mais le garçon, qui parcourait les routes depuis bien longtemps, était habitué aux caprices du climat et semblait bien supporter la chaleur, quoiqu'il appréciât visiblement de s'installer à l'ombre. C'est donc sa faim qu'il choisit d'apaiser en premier, mangeant avec appétit. Toutefois, de temps à autres, il jetait des regards circonspects vers le ciel, comme s'il guettait quelque chose.
De son côté, le chat tigré qui les avait suivis toute la matinée s'était subitement volatilisé. Peut-être s'était-il mis en chasse, peut-être souhait-il faire, comme à son habitude, un peu d'exploration.

Chandara n'était nullement inquiète du comportement du chat dont elle avait compris la soif d'indépendance : il saurait sans nul doute remarquer leur départ - quand il aurait lieu - et les suivre. Elle mangea avec un appétit quelque peu amoindri par la chaleur étouffante mais apprécia de voir le bel entrain du garçon qui l'accompagnait. Elle songea aussi qu'il leur faudrait trouver un lieu plus abrité pour la nuit mais rien ne pressait pour le moment : finir un repas et se rafraîchir devrait lui éclaircir sous peu les idées.

Sitôt la nappe et les reliefs du pique-nique remis dans les fontes de Lune de Miel, Quentin se tourna vers l'océan, dont les vagues étaient plus tentantes que jamais.
-Ne pensez-vous pas que nous devrions en profiter pour mouiller nos vêtements ? lança-t-il à la paladine avec le plus grand des sérieux. Avoir quelque chose d'humide sur le dos pourrait nous aider à supporter la chaleur pour la prochaine étape de notre périple.

Chandara secoua la tête comme si elle n'en revenait pas de la capacité de Quentin à chercher des excuses pour toujours se dérober et éviter de se dévêtir en sa présence. Mais elle soupçonna le jeune garçon d'essayer d'instaurer un jeu entre eux deux à ce sujet. En tous cas, elle trouvait cette tentative amusante et elle joua donc le jeu en protestant pour la forme :

- On pourra toujours mouiller quelques serviettes pour le trajet mais on ne va pas abîmer nos vêtements avec de l'eau de mer, tout de même !

Quentin haussa les épaules.
-Pensez-vous vraiment que l'eau de mer soit plus nocive pour le tissu que la transpiration ou la poussière des chemins ? Car nos mises ont déjà fort pâti de l'une comme de l'autre...
Et d'entreprendre nonchalamment d'ôter ses bottes.

Chandara arbora aussitôt un sourire comme si elle s'attendait à cette réponse et s'y été préparée. Elle annonça alors joyeusement :

- C'est que tu as parfaitement raison, Quentin : et c'est valable pour nos corps qui souffriront bien moins de cette eau de mer que de la sueur et de la poussière qu'ils ont accumulé en chemin. Il suffit donc de nous baigner nus et de mouiller nos vêtements avant ou après pour bénéficier de tous les bienfaits de cette eau. Tu as eu une très bonne idée, tu penses comme un Sunite !

-Hum, c'est une solution, en effet...
Il se gratta la tête, songeur.
-Mais pourquoi diviser les tâches là où on peut les regrouper ? Voilà pourquoi, au lieu de deux, j'en propose une seule : nous baigner habillés. En vérité, c'est plus que du deux en un : c'est du TROIS en un ! En effet, ainsi, nous nous décrasserons, nous décrasserons nos tenues et nous nous assurerons de la fraîcheur pour la suite de notre périple !
Il lui sourit largement.
-Non, ne me remerciez pas : j'ai toujours eu l'esprit pratique.

Chandara rit franchement cette fois devant la variété impensable d'excuses et d'arguments que Quentin savait déployer pour chercher à préserver sa pudeur. La jeune femme ne se laissa cependant pas démonter pour si peu et énuméra avec conviction une série de nouveaux arguments :

- C'est très ingénieux Quentin. Mais nous avons largement le temps de profiter de cette pause : plus elle sera longue et mieux ce sera pour nous rafraîchir. En plus, se laver avec des vêtements sur le dos est vraiment une mauvaise idée : d'une part, on n'expose pas convenablement sa peau ce qui ne permet pas d'en éliminer la sueur et la poussière et d'autre part, c'est aussi valable pour les vêtements qu'il vaut bien mieux mouiller des deux côtés. Non, j'ai bien peur que nous ne puissions pas faire le sacrifice d'une baignade en règle cette fois-ci : tu l'as dit toi-même, nos atours comme nous-mêmes avons bien trop souffert de cette matinée caniculaire pour en faire l'économie.

Quantin s'abîma dans ce qui semblait être d'intenses réflexions.
-Vos arguments sont pertinents. Du moins, ils le seraient si nous avions bel et bien tout notre temps. Cependant, cette température excessive, cet air lourd et presque électrique : cela augure d'un orage pouvant survenir à tout instant. Ma solution trois en un est donc la plus adaptée et, puisque l'eau se faufile de partout, son efficacité me paraît tout à fait acceptable !
Sur ce, il bondit sur ses pieds et, sifflotant allègrement, il s'approcha des vagues.

Chandara ne voulut pas lui laisser le dernier mot sans réagir et se précipta à sa suite en trouvant le moyen de se défaire élégamment de ses vêtements dans le même mouvement :

- Il n'y a pas un seul nuage et si orage il doit y avoir, nos vêtements seront bien assez trempés. A tel point qu'il nous sera impossible de les remettre avant longtemps s'il reçoivent à la fois l'eau de mer et l'eau du ciel. Non, c'est plus sage d'abandonner cette idée plutôt que de passer toute la nuit à greloter pour les laisser à sécher !

-Si nous nous baignons rapidement, le soleil aura le temps de tout sécher avant l'arrivée de l'orage. Ensuite, eh bien... Le soleil à nouveau ou un bon feu régleront le problème ! Ma technique infaillible est donc on ne peut plus appropriée.
Sans doute estima-t-il malgré tout que les plaisanteries les plus courtes étaient les meilleures car il se défit promptement de sa tunique et de ses chausses avant d'entrer dans l'eau. Quelques instants plus tard, il nageait paisiblement, profitant de la fraicheur bienvenue d'une onde à laquelle Chandara, elle aussi, put bientôt goûter.

Chandara n'avait pas cherché, elle non plus, à prolonger ce petit jeu et elle s'immergea rapidement dans l'onde agréablement fraîche avant d'effectuer quelques longueurs de brasse pour se dégourdir. Elle ne quittait jamais vraiment Quentin du regard mais il avait bien mérité de batifoler un peu en paix à moins qu'il décide de se rapprocher d'elle. L'endroit était en tous cas magique avec ses eaux turquoises qui permettait de voir le fond sablonneux même à bonne distance du rivage.

Quentin se contenta de nager tranquillement un bon quart d'heure durant. Toutefois, il continuait à surveiller régulièrement le ciel et, bientôt, sa vigilance fut légitimée : une barre de nuages sombres apparut en effet à l'horizon. Après l'avoir signalée à Chandara, il retourna sur la plage et entreprit de se sécher aux rayons d'un soleil toujours radieux.
Mais... Pour combien de temps ?

Chandara l'imita en venant prendre position sur la plage de sable chaud et le félicita pour l'exactitude de ses prévisions. Ils allaient attendre un peu de s'être séchés puis ils se remettraient en route avec pour objectif de trouver un abri au cas où l'orage devienne vraiment menaçant. Toutefois, la paladine espérait progresser encore un peu avant de faire une nouvelle halte, celle-ci risquant de s'étendre un peu étant donné le mauvais temps qui couvait.

Espoir qui ne se concrétiserait qu'en partie, constata-t-elle bientôt.
Certes, ils progressèrent d'un bon pas sur la route côtière. Mais les nuages, dans le ciel, progressaient autrement plus vite, l'azur estival étant avalé, englouti même par les voraces nuées orageuses. Bientôt, le soleil fut voilé et le paysage revêtit un tout autre aspect.
Paysage qui semblait toujours aussi dépourvu d'abri : la côte d'un côté, des bois de l'autre... Nulle habitation ou grotte en vue.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Ce que les vagues ne sauraient effacer