La Couronne de Cuivre

Brus serra les dents lorsqu'il entendit les paroles du tavernier. Althéa ne semblait pas réagir. Le souvenir qu'il gardait de l'enfant était assez lointain et il ne connaissait pas la Asmeralda en question. Mais celle-ci devait connaître assez bien Althéa.

- 'La connaissez vous la Asmeralda? L'est partie 'vec le bébé y a combien d'temps? Par où?

Quête : là où meurent les neiges éternelles

Althéa était restée prostrée. Un poids énorme était tout d'un coup tombé sur ses épaules. Non, elle ne connaissait pas d'Asmaralda, ni personne de ce nom. Et cette personne, qui qu'elle soit se promenait quelque part dans Manost avec Leodacya. Sa fille. Tout ce à quoi elle tenait. Elle se tourna vers Brus sans pouvoir parler. Elle eut à peine la force de secouer la tête.

Elle sentait un carcan étroit la serrer de plus en plus. Elle se sentit tomber. Mais était-elle vraiment sur le point de s'évanouïr ? Peu importait ...

Ce n'était pas exactement une crise. Plutôt un abandon, une absence. Comme si son corps ne lui avait soudain plus appartenu. Plus de ficelles pour tenir le pantin, plus de Leodacya. Ce ne pouvait être qu'un enlèvement. Elle ne voyait pas d'autres solutions. Le tout Manost savait qui était le père de l'enfant, et beaucoup ne voyaient pas l'accession au pouvoir d'un semi-drow d'un très bon œil. Souvent, elle avait entendu parler de vengeance.

Elle reprit conscience d'un coup, brutalement, comme frappée par la foudre. Mais totalement hagarde. Incapable de savoir comment elle devait agir. Perdue. Toute autre personne se serait battue, aurait tenté de trouver la piste des ravisseurs. Mais l'épreuve du manoir hanté l'avait affaiblie tant physiquement que moralement.

Elle n'entendit pas Titoeil dire.

"Si ça se trouve, elle est revenue dans sa chambre. Si vous voulez, je peux vous montrer où elle loge."

Brus voyant ses tentatives infructueuses avait reposé le broc à moitié vide (j'insiste) sur la table de chevet. Il était à présent en discussion avec Titoeil et il tournait le dos au lit, aussi ne vit-il pas que la bretteuse reprenait ses esprits. Il songeait plutôt à la proposition de l'aubergiste. Que la Asmeralda soit revenue d'elle-même était peu probable. En effet, à moins de posséder des pouvoirs occultes la femme n'avait pu savoir la date de leur retour à Manost comme elle l'avait affirmé, Brus pensait plus à un enlèvement. D'autant plus que ce prétexte pour prendre l'enfant lui semblait singulièrement bidon et il s'étonnait que l'aubergiste se soit laissé berner si facilement.

- 'llons-y voir m'sieur Titoeil. 'Trouv'ra p't-et' le paquet!

Brus avait plutôt dans l'idée d'y trouver des indices, et dans le meilleur des cas un message. En somme quelque chose qu'il pourrait donner à Althéa à son réveil, quelque chose qui puisse lui redonner courage. Il emboîta le pas à l'aubergiste, les mains dans les poches.

Peu de choses dans le carnet. Beaucoup de pages blanches. Mais des dessins, des croquis, quelques prières à Baine. D'autres prières où il était question de sables du temps. Des fables semi délirantes écrites sûrement par un fou, mais d'une main ferme et posée.

Encore des pages blanches. Peut-être trop pour un ouvrage d'un tel volume ...

Une fois le carnet exposé à la lumière, il crut distinguer quelques caractères finement tracés mais encore illisibles. Peut-être existait-il un autre moyen de les faire apparaître ?

Mais c'était indéniable, il y avait bien des mots tracés là. Des mots prêts à révéler leurs secrets. Et qui sait peut-être indiqueraient-ils l'endroit où se trouvait la ravisseuse.

Brus resta un moment à regarder les traits presque invisibles sur la feuille du livre. Il demeurait perplexe. Puis il se souvint d'un moyen que son oncle utilisait pour lire certaines de ses correspondances les plus secrètes. Il demanda à Titoeil d'aller chercher quelques bougies ainsi que de quoi les allumer tandis que lui retournait dans la chambre où Althéa reposait. Il posa le grimoire sur la table de nuit en marquant la page avec sa dague et s'approcha du lit. Il s'arrêta lorsqu'il vit que la bretteuse semblait à nouveau consciente:

- Ca... c'va aller? Pour sûr hein, m'faites pas d'blagues, y a d'l'espoir pour vot' fille, ç'va aller... M'sieur Titoeil arrive bientôt.

Sa tentative de révélation n'eut pas le résultat qu'il avait escompté et lorsqu'il vit le papier s'enflammer il écarta aussitôt la flamme d'un geste brusque, ce qui eut pour effet d'éteindre la bougie mais non la feuille. Brus regarda ce qui se produisait sans lâcher le livre. Lorsque la réaction prit fin il le rapprocha et inspecta les nouvelles écritures qui venaient d'être dévoilées. Comme à l'accoutumée il ne saisit pas un traître mot. Il leva les yeux vers l'aubergiste:

- Dites, z'arrivez à lire? Pouvez m'faire la lecture?

Contre toute attente, c'est Althéa qui se saisit de l'ouvrage. La mention des "sables du temps", lui rappelait vaguement quelque chose, mais elle avait du mal à se rappeler de quoi il s'agissait précisèment. Mais dans le contexte actuel, ces mots prenaient une importance presque cruciale. Elle tourna fébrilement les pages dans l'espoir d'y trouver autre chose.

Elle tomba sur une page où l'on avait écrit simplement. "Un temple au dessus des montagnes. Là où meurent les neiges éternelles.". Son coeur fit une embardée. Quel temple, quelles montagnes ? Non, ce n'étaient que des détails. Pour elle, il pouvait n'y en avoir qu'une. La cordillière du faucon. Et si ce n'était pas celles-là, elle les escaladerait toutes. Et pour cela, il lui faudrait du matériel.

Elle se leva lentement et, se tournant vers Brus, elle dit doucement, le regard absent.

"Il faut escalader la cordillière. Elle est sûrement là-bas."

Mais n'était-ce pas de la folie pure et simple ?

Brus ne savait comment accueillir la nouvelle. Althéa avait repris connaissance et c'était une bonne chose, cependant il ne savait s'il devait prendre au sérieux les propos de celle-ci. Ne pouvant pas lire le livre il décida qu'il n'avait pas d'autres choix, bien que le lieu lui parût incongru pour détenir un enfant en bas âge. Il tendit le broc d'eau à la bretteuse en lui demandant si elle avait soif puis récupéra le vieux livre. Il rendit les bougies à Titoeil tout en s'excusant pour le désordre qu'ils avaient occasionné et enfin il se tourna à nouveau vers Althéa.

- Si ç'va mieux on peut y aller. Faudrait p't-êtr' passer par la vierge d'argent avant d'partir, j'jamais escaladé d'montagnes mais doit faire froid en haut.

Lui qui avait espéré un retour calme à Manost il se demandait à présent dans quelle aventure ils se lançaient.

Quête : là où meurent les neiges éternelles

Titoeil les regarda un à un tour à tour avant de s'exclamer.

"Mais vous êtes fous ! Vous ne savez même pas où se trouve le temple ni même si le temple existe. Et je parie que vous n'avez jamais escaladé une montagne."
Il se tourna vers Brus.

"Allez, dis-lui toi que c'est de la folie."

hrp : je me sauve ! pas taper

Sa nuit fut brutalement interrompue par un bruit sourd et répété à sa porte. Il était en plein rêve absurde, mêlant visages de son triste passé à ceux qu'il avait rencontré cette nuit même, à l'Ordre du Cœur Radieux. Tous tournaient la tête vers lui, l'air grave et accusateur. Que lui voulait-on ? Il les interrogeait du regard, et l'un d'entre eux pointa le doigt vers une forme, sur le sol. Il s'en approcha, et découvrit avec horreur son compagnon, Lothringen, gisant dans son propre sang, assassiné par sa main... il allait hurler, mais les frappements à la porte le précédèrent. Il se redressa, tremblant et en sueur, puis alla ouvrir directement, ayant passé la nuit tout habillé.

"M... merci. Je ne m'imaginais pas qu'il fût aussi tôt..." dit-il à Dryade. Cette dernière remarqua le teint pâle du guerrier, mais ne fit aucun commentaire. Après tout, c'étaient ses oignons.

Mornagest descendit rapidement dans la salle, mais ne parvint pas à se faire à l'idée d'avaler quoi que ce fût ; son estomac était encore retourné par son cauchemar. Un frisson parcourut son échine, et il sortit, estimant qu'en marchant, il évacuerait sa tension.

En route vers le temple de Helm

Brus haussa les épaules, il se sentait impuissant. D'une part il souhaitait de tout son être venir en aide à Althéa qui semblait transformée depuis la disparition de son enfant, d'autre part, il n'avait aucune idée de ce qu'Althéa avait lu et il se trouvait dans l'obligation de lui faire confiance. Enfin il devait bien reconnaître que Titoeil avait raison. Escalader la cordillère seuls tous les deux était pure folie, d'autant plus qu'ils étaient inexpérimentés, du moins en ce qui le concernait. Il se tourna vers Althéa:

- Dites, z'êtes sûre qu'c'est bien là qu'faut aller? Pourquoi vous m'dites pas c'qu'y a écrit? Pourquoi qu'c'est à la cordillère qu'faut aller? M'sieur Titoeil a raison, moi j'connais rien 'la montagne.

*tape la Fosse*

Titoeil secoua la tête effrayé, presque impuissant. Althéa non plus n'y connaissait rien à la montagne. ça, il en était sûr. Mais une nouvelle fois, elle semblait déterminée. Et quand la jeune femme prit la parole, c'était pour énoncer ce qu'il craignait.

"Je sais que c'est peut-être fou. Que nous ne savons rien. Mais si elle est là-bas, nous devons y aller. Chaque minute compte, vous comprenez ? Nous devons aller voir Elissa ... Non ... il ne faut pas qu'elle sache. Elle va m'empêcher de partir. Et si cela se trouve, les ravisseurs de Leodacya n'ont pas pu aller bien loin. "

La dernière hypothèse proposée par Althéa était de beaucoup la préférée de Brus. Pour le reste, Brus serait bien allé voir Elissa, s'il s'avérait nécessaire d'escalader la montagne ou même de combattre les ravisseurs, un peu d'aide serait la bienvenue.

- M'dame Elissa vous empêch'ra pas d'partir, non, peut comprend', c'pendant j'suis bien d'accord 'vec vous, faut s'dépêcher. Si connaissez personne pour nous aider, n'a plus qu'à y aller, on les rattrape avant la montagne, hein?

Althéa avait hoché la tête. Bien sûr, ils pouvaient tenter de rattraper les ravisseurs. Mais quelque chose lui disait qu'il était trop tard. Mais pourquoi pas ? Après tout, il subsistait peut-être une chance ...

"Alors, nous devrions aller aux portes de la ville pour demander s'ils ont vu une femme avec un bébé passer dans la journée ..."

Ce qu'elle avait du mal à croire.

- Bon bah faut y aller alors!

Brus sauta du lit et il tendit la main à Althéa afin qu'elle se redresse. Les chauds rayons de soleil qui passaient par la fenêtre indiquaient que la moitié de la journée était déjà passée. Brus prit le broc d'eau et le verre et après s'être assuré qu'Althéa était aussi debout il franchit le pas de la porte en lâchant à l'aubergiste:

- Faites pas d'bile, j'vous descends ça m'sieur Titoeil, passez une bonne journée!

Quête : le poing levé

Il se dirait plus tard qu'il n'aurait pas dû aborder le sujet. Ou peut-être d'un certain coté aurait-il dû aborder le sujet beaucoup plus tôt, avant que celui-ci ne devienne purement et simplement explosif.

Pourtant, la soirée, la nuit et la matinée qui avaient suivi s'étaient déroulées sous les meilleures hospices. Il espérait même la demander en mariage pour le repas de midi.

Mais ils avaient abordé le sujet. Cela avait commencé par une simple phrase à l'encontre des paladins helmites qui avaient à présent l'air de n'être que des coquilles vides. La rumeur disait qu'ils n'avaient plus de pouvoir mais pourtant, ils se pavanaient encore, drapés dans leur vertu. Il avait ensuite avoué qu'il avait envoyé un chou-fleur sur l'un d'entre eux.

Il aurait sûrement dû se rappeler avant que l'oncle et le cousin de sa dulcinée étaient justement de l'ordre ...

Là, sa promise s'était brusquement changée en tarasque. Elle l'avait traité de jaloux et d'imbécile. Il s'était crû obligé de répliquer ce qu'il pouvait bien envier à une boîte en fer et que si elle les aimait tant que ça, elle n'avait qu'à en épouser un.

Là, contre toute attente, elle s'était tue avant de décréter que pour une fois, il avait une excellente idée. Et elle l'avait planté là, tout seul, au milieu des restes de leur petit-déjeuner et des miettes de leur couple ...

Après avoir découvert le coeur de Manost, le nain arriva au Loyal Paladin.

Vers la fin de l'après-midi,
Pile poil à l'heure du rôti,
Avec une bonne bière servie.


Le nain se ravisa avant d'entrer,
Et vérifia l'état de de ses godasses,
Pour peu qu'elles soient salasses,
Il devrait le sol astiquer...

- Bonsoir l'assemblée,
Vous reste une chambrée ?
Pour un touriste nain,
Et d'quoi apaiser sa faim ?

Titoeil avait écarquillé les yeux. Déjà, à l'inverse de son habituelle clientèle, le nouveau venu ne lui demandait pas : "c'est pour bientôt ?", en lorgnant son embonpoint d'un air entendu. Aussi, le visiteur lui arrivait presque au dessus de son dit embonpoint (peut-être était-ce pour cela qu'il ne lui avait rien dit, d'ailleurs). En plus de cela, il n'avait jamais vu autant de barbe pour une si petite surface de corps. Ah, mais oui, c'était un nain ! Mais alors, les nains ne rimaient pas, ou alors, c'était avec des "or". Il essaya d'avoir l'air naturel et en même temps ne pas rester en reste.

"Bonjour ami nain
Qui êtes venu en ... vous lavant les mains
Bière, chambrée, repas nous avons de tout
Pour vous contenter et ..."

Il chercha désespérément une rime en ou et finalement la trouva ...

"Troulalaitou"