La Couronne de Cuivre

" Vous demeurerez loin et hors de portée des cannibales. Je veux votre promesse que vous vous replierez exactement comme je vous le demande, quoi qu'il advienne. Votre promesse aussi que si vous assistiez à notre défaite, vous obéirez à Giovanni et à Ezéchiel. Si notre charge devait être brisée, la meilleure chance des cavaliers survivants sera de fuir à travers la lande... et votre meilleure chance sera de fermer les passages secrets et rejoindre Etienne à Clairétoile. Il a de nombreux hommes armés avec lui. Vous tiendrez le coup et les paludiers ne vous délogeront jamais. Si nous avons un accord, alors vous chevaucherez jusqu'à mi-plaine."
Il leur tendit la main pour sceller leur pacte.

Ruth la serra aussitôt, avec force.
-Je vous donne ma parole d'honneur, m'sire, dit-elle.
Elle semblait sincère. D'autant plus sincère qu'elle n'essaya pas de masquer à quel point ces mots lui coutaient, après avoir entendu ceux du paladin.
Alban, lui, hésita un instant, apparemment déconcerté par cette manière de sceller un accord qui n'avait pas grand chose en commun avec les habituels serments chevaleresques. Il finit cependant par s'exécuter, d'une poigne plus timide.
-Je jure solennellement de respecter vos consignes, articula-t-il avec soin.

" Dans ce cas, filez préparer votre cheval... et le mien, par la même occasion. Et au passage... Je suis certain que mon harnois a besoin d'être un peu nettoyé."
Il leur sourit.
" Et surtout, ayez confiance. Toutes ces grandes déclarations ne doivent pas vous faire oublier que nous triompherons et que ce soir, nous nous retrouverons pour célébrer notre victoire."

-Envisager le pire... Ça permet de s'y préparer. Au moins un peu, murmura Alban.
-Mais c'est le meilleur qui va arriver ! lança Ruth en le poussant du coude.
Elle refit face à Hubert.
-Est-ce qu'on aura le droit de boire du vin pour célébrer la victoire ?
-Heu, je ne suis pas sûr que je vais réessayer avant longtemps.
-Oh que si.
-La dernière fois, ça a été...
-Hilarant ! C'était trop bien de te voir faire l'idiot !

Hubert sourit.
" Alban aura le droit de boire du vin. Toi, tu devras voir ça avec ta mère. Je ne suis pas ton tuteur, que je sache, et je ne voudrais pas me substituer à celle qui a toute autorité sur toi. Je devrais d'ailleurs lui demander la permission de t'exposer comme je m'apprête à le faire, ce serait plus correct."
Il n'avait effectivement aucun droit d'agir de la sorte sans l'aval d'Ingrid.
" Je vais aller lui parler. Si tu n'entends pas parler de nous, c'est qu'elle est d'accord."
Il fallait qu'il se dépêche : il ne lui restait plus beaucoup de temps et il avait gardé le plus gros morceau pour la fin.

Tymora était avec lui, car la jeune couturière ne se trouvait pas très loin : elle attendait qu'une place se libère dans la cantine pour pouvoir manger.
-Vous avez ma bénédiction, dit-elle après l'avoir attentivement écouté. Bien sûr, je vais m'inquiéter, mais je sais que vous ne l'exposerez pas inutilement. D'autre part, je ne veux pas interférer dans sa formation, je vous fais entière confiance, là encore. Et enfin, si elle peut se rendre utile... C'est tant mieux. D'autant que ça lui fera du bien.

Hubert salua Ingrid, l'assurant qu'il n'exposerait pas les deux enfants, puis se mit en quête d'Albérich. Il le trouva bien sûr dans son intendance, où il compulsait des listes, l’air un peu absent.
« Comment ça s’est passé ?
— Bien pour la première. Mal pour la seconde. Au total, ni bien, ni mal. Peut-on parler d’autre chose ?
— Bien sûr. »
Le paladin s’assit sur un des coffres et soupira.
« Dieux, que nos petites soirées solarciennes me manquent. » lâcha-t-il soudain.
Albérich pinça les lèvres et vint s’asseoir à côté de lui. Le coffre grinça dangereusement et ils attendirent une seconde, circonspects, avant de se détendre.
« Toujours de l’avant, paladin. » murmura le Luménien.
Hubert acquiesça.
« Je sais. »
Il soupira.
« Mais tu voulais me parler, n’est-ce pas ?
— Tout à l’heure, nous avons parlé du repli des civils…
— Tu veux récupérer le phylactère.
— Tu me le prêterais ?
— Non. »
Le paladin hocha la tête : c'était sans surprises. Albérich l’observait, circonspect.
« Dans ce cas, nous devons organiser les choses. Je vais te prendre en croupe lors de la charge et je te larguerai au cœur de la mêlée.
— Tu ferais ça ?
— Pourquoi ? Oui.
— D’accord. Je ne dis rien. C'est très bien.
— Je te reprendrai à la sortie. Je conserverai des pouvoirs curatifs au cas où…
— Hubert, je ne veux pas être soigné avec l’énergie de Lathandre. »
Le paladin grimaça et lui retourna un regard dur.
« C’est à prendre ou à laisser, Albérich. »
Le Luménien parut sur le point de rétorquer quelque chose, mais ne dit finalement rien et son expression s'adoucit.
« Hier, des Paludiers se sont enfuis. Il est probable qu’ils aient relayé la présence de l’hydre à leurs alliés. Il faudra être très prudent.
— Je le serai. »
Quelque chose resta suspendu entre eux, comme un écho de la veille, de la témérité de l’un, de l’intervention de l’autre.
« Ta dette est remboursée, tu m’as sauvé la vie. » dit finalement Hubert, d'une voix un peu sourde.
Albérich grimaça.
« Je n’ai pas fait ça pour ça.
— Il n’empêche…
— Hubert, j’ai fait ça parce que nous avons besoin de toi. La communauté a besoin de toi, Alban et Ruth ont besoin de toi, j’ai besoin de toi. Je sais que tu es un paladin et les paladins risquent leur vie, mais… tu ne t’appartiens plus à toi-même. Je t’avais prévenu. Je suis heureux que ce phylactère me permette d’agir là où j’étais, hier, démuni. »
Manifestement surpris par sa propre bouffée belliqueuse, le Luménien rougit et se tut. Hubert avait baissé les yeux.
« Tu sais… le fait d’être un paladin… ce n’est même pas ce qui a présidé à ma décision… J’avais abandonné l’idée de tenir le fort jusqu’au trépas… Nous étions en train d’évacuer, j’allais fuir comme les autres, peut-être en risquant davantage, mais en tant que chef des troupes, il était honorable que je quitte notre position le dernier et… Mais c’est la rage qui m’a envahi. J’ai succombé à leur provocation. Cette armure… ce barbare paradant sous mes yeux, simulacre du Loup Blanc… C’était trop pour la maîtrise que j’ai de moi-même… Je ne pouvais pas laisser passer cet affront. Aussi stupide et vain et suicidaire était-ce… Je n’ai pas eu la force de me contrôler. »
Il eut un sourire difficile.
« Je suis sanguin. Autrefois, c’était sans danger. »
Albérich opina du chef et posa une main sur son épaule.
« Laisse-moi veiller sur toi comme tu veilles sur moi, alors. »
Hubert soupira.
« On fera comme ça. »
Il se leva.
« Les catapultes vont entrer en action très bientôt. Je ne sais pas combien de temps plus tard nous chargerons… Peut-être plusieurs heures. Je te ferai prévenir. Et… hum… »
Il sentit alors qu’il s’empourprait, tandis qu’Albérich le dévisageait avec curiosité.
« Il faudrait que tu songes à… te contenter d’une couverture. Je ne suis pas certain qu’il nous restera des vêtements si tu… heu… Enfin, tu vois.
— Une couverture ?!
— Certaines sont grandes.
— Et si tu la perds ?
— Qu’est-ce que ça change ? C’est ça ou rien du tout.
— C’est vrai aussi. »
Ils se sourirent.
« Bon. A tout à l’heure. »
Albérich acquiesça et Hubert sortit. Il n’était pas rassuré, pas du tout, même. Les Paludiers, s’ils ne les désorganisaient pas assez, auraient sûrement anticipé le retour de l’hydre. Mais il ne pouvait pas faire autrement, compte tenu des circonstances. Il décida d’aller rapidement voir Barthélémy avant de remonter sur les remparts.

L'avantage, avec le Chauntéen, c'est qu'il demeurait presque en permanence au dispensaire et qu'on ne perdait donc presque jamais de temps à le chercher. En l'occurrence, il raccompagnait vers la sortie l'un des blessés de la veille, lequel semblait complètement remis.
Après avoir salué son patient, Barthélemy se tourna vers Hubert et lui sourit.
-Allons, ne fais pas cette tête : bien sûr que je suis d'accord ! C'est avec grand plaisir que je participerai à la charge. Une faux de guerre s'avère particulièrement efficace quand on la manie depuis le dos d'un destrier, et lancer des incantations dans cette position ne m'a jamais posé problème. Bref, quand y va-t-on ?

" Quoi ?! dit Hubert, stupéfait. Il n'en est absolument pas question ! Absolument pas. Tu restes ici. Tu peux bénir tous les combattants que tu veux, et lancer les sortilèges de ton choix depuis les remparts, mais tu as mon interdiction formelle de charger ! Je sais que personne ne respecte mes ordres, dans cette fichue communauté de libertaires, mais j'ai besoin de croire que tu vas être l'exception qui confirme la règle !"
C'était sans doute mal parti vu que la veille, Barthélémy, comme Giovanni, était remonté combattre bien qu'Hubert leur ait expressément demandé de se replier.

Le sourire du clerc se fit amusé.
-Je plaisantais, voyons. Certes, toute cette action, cela me rappelle mes jeunes années et cela rend quelque peu frustrante ma condition de vieillard grabataire. Mais je ne suis pas irresponsable pour autant : j'ai en réserve de quoi bénir et fortifier nos troupes, et il se peut que je ne résiste pas à l'envie de lancer quelques sorts plus offensifs depuis les murs. Mais pour le reste, je ne bougerai pas du fort.

" Parfait, dit Hubert, rassuré. Bon, Giovanni sera en charge de ce fort, Ezéchiel de l'autre. L'idée est que vous vous repliiez si la charge tournait mal. Mais elle ne tournera pas mal, donc ce n'est pas un souci. Par contre, je n'ai pas de nouvelles d'Etienne, et cela m'inquiète. Je voulais te demander de la contacter maintenant, pour savoir s'ils peuvent accueillir la communauté sous Clairétoile. Mais ne lui parle peut-être pas de l'assaut..."
Ils cachaient tant de choses au pauvre chevalier... Lorsqu'il allait apprendre la trahison d'Ignace et d'Agnès, puis ce qui s'était produit la veille... Il faudrait s'assurer qu'il ait une chaise à disposition...

Le vieux clerc acquiesça, incanta puis ferma les yeux. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant qu'il ne les rouvre.
-C'est bon. Étienne comptait prendre contact avec nous dans la journée. Lui et ses homes ont sécurisé l'itinéraire menant jusqu'à la forteresse et ils explorent actuellement celle-ci, éliminant au passage les quelques morts-vivants qui s'y étaient installés. Les lieux semblent défendables, malgré leur taille imposante, et ils ont trouvé un certain nombre de coffres renfermant des armes, de l'équipement et divers objets... Enfin, pour l'heure, le plus important, c'est qu'ils sont prêts à accueillir la Communauté en cas de besoin.

" Parfait." dit Hubert, rasséréné.
Il regagna la porte.
" Une dernière chose... J'ai permis à Ruth et Alban de nous accompagner dans la plaine. Ils resteront en arrière, se serviront de leurs objets magiques, puis rentreront. Peux-tu juste surveiller qu'ils regagnent rapidement le couvert du fort ? Il faudra refermer les portes derrière eux. Les cavaliers reviendront victorieux ou ne reviendront pas."

Barthélemy fronça les sourcils, demeura silencieux quelques instants mais, finalement, n'émit aucune protestation.
-Très bien, je m'assurerai personnellement que tes écuyers rentrent au bercail. Quant au cavaliers qui survivraient à une éventuelle défaite, qu'ils prennent la direction de Cléirétoile. J'essaierai de faire en sorte qu'il y ait quelqu'un pour les réceptionner aux portes de la ville, puisque les tours qui les jouxtent ont été nettoyése. Mais s'il n'y a personne, qu'ils rallient la forteresse.

" Je ferai passer le message. Mais, si Lathandre le veut, il n'y aura pas de défaite."
Sur un sourire tranquille, il salua le clerc et mit le cap sur les hauteurs. Il devait avoir épuisé sa demi-heure et les catapultes étaient sans doute prêtes à passer à l'action. Il était étonné de se sentir très calme, encore. Il ne fallait pas qu'il oublie d'envoyer quelqu'un avertir Ezéchiel des directives pour la suite des opérations. Puis passer son harnois, compter les cavaliers, préparer la charge.
Il fallait y croire : peut-être pourrait-il, le soir même, enfin profiter d'une véritable nuit complète, sans crainte et sans tourments.

Dans la cour, les préparatifs de la charge avaient bien avancé : la quasi totalité de leur maigre cavalerie y était rassemblée, qui arnachant son cheval, qui s'équipant, qui, déjà paré, aidant les autres ou faisant les cent pas pour tromper son impatience. A son arivée, le paladin reçut des sourires, des saluts... et la visite de Guillermo.
-Tout est paré. Nous n'attendons plus que votre signal pour lancer le bombardement.

Prendre conscience de leur manque d'effectifs ne rasséréna pas le paladin. Bien sûr, il était crucial qu'il soit bien conscient de la force de frappe dont ils disposaient, mais il refusait de lancer une charge suicide : ils avaient les moyens de résister encore, si les choses s'annonçaient trop risquées, et d'attendre les renforts, voire de se replier tranquillement vers Clairétoile sans que leurs poursuivants n'en sachent rien.
Il fallait qu'il mesure leurs chances, comme il l'avait promis à Alban, et qu'ils ne chargent que s'ils étaient sûrs de réussir, avec des pertes minimes. Eliminer les cannibales n'était pas nécessaire, du moins pas dans l'immédiat.
" Allons-y." dit le paladin, en gagnant lui même le rempart sud, histoire de constater de ses yeux ce dont les catapultes étaient capables.

Même si une fine couverture de nuages blancs recouvrait l'azur du ciel matinal, le temps était clair et la visibilité bonne. Hubert put donc observer à loisir le camp ennemi, sur le plateau.
Une des sentinelles agita les bras en un signal prévu à l'avance. L'instant suivant retentit un fracas métallique, et une lourde pierre - un pan de maçonnerie provenant du sol effondré de la tour sud-est, probablement - décrivit une parabole avant d'aller s'écraser en bordure du retranchement cannibale. Un autre projectile, parti du fort ouest, tomba pour sa part au milieu des tentes, tandis que les traits de balistes, adroitement tirés, perforaient les lointains pans de toile... et ce qui se trouvait derrière.
Dès lors, la grêle mortelle ne cessa plus, et Hubert crut discerner de minuscules silhouettes s'agitant en tous sens au milieu de leur campement assailli.

Hubert assista au pilonnage de l'ennemi sans réelle émotion, un peu assommé par le spectacle et sa propre fatigue. Au bout d'une demi-heure, il commanda un arrêt des engins, histoire de pouvoir prendre le temps d'observer le camp ennemi et ce qui s'y tramait. C'était difficile de juger — il n'y connaissait pas grand chose, et il comptait sur les lumières de Guillermo pour le guider dans la marche à suivre. Comment les cannibales réagissaient-ils à la pluie meurtrière ? Certains tentaient-ils de s'enfuir ? Y avait-il un mouvement vers eux ou vers Clairétoile ? La moindre trace d'une activité magique ou d'une tentative d'ériger des défenses de fortune ?

Le mercenaire comme le paladin interrogèrent les quelques elfes et demi-elfes présents aux environs, dont la vue était bien plus perçante que la leur. Toutes les observations convergèrent : les barbares semblaient se déplacer vers la partie sud de leur campement, celle que les engins de siège avaient le plus de mal à atteindre.
-Dur de savoir ce qu'ils mijotent : je ne connais pas assez leurs meurs, avoua finalement Guillermo. Ils ne donnent pas l'impression de vouloir défendre leurs positions, et pour cause : cela leur serait difficile. J'aurais donc plutôt tendance à dire qu'ils préparent un repli... Sans doute vers la cité. Aller ailleurs, ce serait s'avouer vaincus, et Varamyr a clairement dit que ça n'était pas leur genre.

" Nous devrions peut-être suspendre nos opérations un moment. S'ils se replient vers la cité et s'y perdent, cela ne va pas arranger nos affaires... Bien sûr, nous devrions pouvoir les rattraper au galop et les harceler, surtout s'ils tentent de transporter du matériel et du ravitaillement... Mais j'imagine que leurs shamans pourront alors nous canarder aisément... Hum."
Il se retourna, cherchant Alban du regard. Si son sceptre était inépuisable, peut-être avait-il une portée suffisante pour mettre un peu de désordre supplémentaire dans le camp adverse.
" Il est probablement trop tard pour les convaincre d'abandonner leur projet de repli, cela dit."

-Je crains effectivement qu'on ne puisse les détourner de leur projet. Mais nous ne sommes pas encore certains de la nature de celui-ci : il n'est pas impossible qu'ils essaient de nous leurrer... Quoi qu'il en soit, et si nos supputations sont justes, il est certain qu'il ne faudra pas les laisser rejoindre tranquillement la cité.
Alban se trouvait dans la cour, aux côtés de Ruth. Ils avaient arnaché Grand Vent et Douce, terminé de préparer l'équipement du paladin... et semblaient s'occuper du leur, désormais.

Hubert fit signe à Alban depuis le rempart en lui demandant de grimper à sa rencontre. Sans doute Ruth suivrait-elle, mais ce n'était pas grave : ils n'en étaient pas à quelques minutes près. Le caractère incertain de la charge rendait Hubert nerveux. Il allait devoir prendre une décision difficile, en manquant d'éléments.
" Dommage que nous ne disposons pas d'une bestiole apte à aller jeter un oeil de plus près..." remarqua-t-il, tout en attendant l'arrivée de l'écuyer.
Dès qu'il serait là, il le ferait tester son artefact.

-Si l'artefact dont dispose le sieur Albérich lui permet de se métamorphoser en hydre, il doit bien être capable de le transformer en une créature plus discrète... fit Guillermo, tranquille.
En contrebas, les écuyers se livrèrent à un bref conciliabule. Et finalement, seul Alban vint. A croire qu'ils allaient désormais s'en tenir strictement à ses ordres.
-Messire ? fit le gosse sitôt qu'il l'eut rejoint.

" S'il se fait papillon, il ne pourra pas devenir hydre. Nous devons évaluer sous quelle forme il nous est le plus utile."
Sous forme humaine. Et vivant, songea Hubert malgré lui.
Il se tourna vers Alban.
" Nous nous demandions si ton sceptre pouvait atteindre les Paludiers d'ici. Je sais que son effet est incertain, mais... en restant à bonne distance de la catapulte... et de Guillermo... que dirais-tu si nous faisions une tentative ?"

L'écuyer esquissa un sourire.
-Très bien, messire.
Une fois prises toutes les précautions nécessaires, Alban pointa son sceptre en direction du campement et prononça le mot de pouvoir. Aussitôt, d'éclatantes et mouvantes lueurs apparurent juste devant lui, dans les airs. Elles occupaient un espace impressionnant mais leur seul effet apparent fut... d'aveugler quiconque posait les yeux sur elles.
-Pas très probant... souffla le petit garçon quand elles eurent disparu, deux bonnes minutes plus tard.

" J'imagine qu'au corps à corps, cela distrairait très efficacement ton adversaire... pour autant que tu ne les regardes pas toi-même." dit le paladin, réconfortant.
Il soupira, regarda vers le campement ennemi. Le sceptre ne résoudrait pas ses problèmes, il le savait. Il faudrait qu'il prenne sa décision en son âme et conscience.
" Faisons une seconde tentative. Ensuite, tu pourras aller mander mes officiers. Nous allons faire une petite réunion d'état-major sur le mur sud."

Alban prit son temps, la mine concentrée, priant peut-être pour que, cette fois, l'objet magique fasse quelque chose d'utile.
Ce ne fut pas le cas, malheureusement. Tout ce qui se produisit lorsqu'il passa à l'action, ce fut une brusque et impressionnante poussée d'herbe, dans la pente qu'ils surplombaient.
-Je suis désolé, messire, bafouilla le gamin, rubicond. J'espère que... Que je serai plus efficace tout à l'heure.
Il recula d'un pas, cacha le sceptre dans son dos comme s'il jugeait préférable de le soustraire aux regards.
-Je vais... prévenir vos officiers. Oh, et votre armure est prête, messire.
Sur une espèce de sourire embarrassé, il détala.

Hubert était désolé pour le gosse, même s'il espérait qu'Alban était conscient de son impuissance à contrôler le sceptre et ne le prenait donc pas personnellement. Contemplant l'herbe plus fournie de la pente, une vision étrange en plein hiver, il retourna vers Guillermo, prêt à discuter de leurs options avec Gaspard et Edgar. Ils ne pourraient pas tergiverser pendant des heures. Si la catapulte ne pouvait tirer plus loin, pour empêcher les cannibales d'avancer vers Clairétoile, il faudrait probablement tenter une sortie. Mais peut-être pouvaient-ils imaginer un raid meurtrier, un peu comme celui qu'ils avaient mené quand ils étaient poursuivis, plutôt qu'une véritable bataille à mort...

-Pratique, fit le mercenaire en désignant l'herbe haute soudainement apparue. Lors d'un hiver difficile, si le fourrage vient à manquer pour les animaux domestique, cet artefact leur évitera de mourir de faim.
Aucune ironie ou moquerie dans sa voix : il se montrait juste pragmatique, comme de coutume.
Peu après, Gaspard et Edgar les rejoignaient, mi-tendus, mi-impatients.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée