La Couronne de Cuivre

Je vais tout détruire, lui répondit une voix directement dans son crâne. L'envieux et le monde entier. Tous les elfes. Les arbres qui les abritent. Les animaux qui les nourrissent.
Astrée sentait son bras vibrer sous la volonté du marteau. Mais à la seconde présente, leurs intérêts convergeaient. Il n'avait qu'un seul désir, frapper Wethrin. Ensuite... ensuite, ce serait autre chose.

" Tu vas détruire le mage, rétorqua-t-elle. Et la malédiction prendra fin. Si tu tentes autre chose, je te jette par la fenêtre, dans la neige qu'il y a au-dehors."
Elle s'approcha de la statue et songea, brièvement, que c'était dommage de détruire une pierre aussi magnifique, qui de surcroît semblait magique, vivante, joyeuse. Elle fit face au visage du mage, figé dans le marbre.
" Je suis désolée, lui souffla-t-elle. Sincèrement. Mais c'est nécessaire."
Elle leva le marteau et l'abattit sur la tête de l'elfe pétrifié. C'était ce qu'il fallait détruire en premier lieu, le siège de sa magie, de ses pouvoirs.

Mais le marteau résista à son mouvement et elle manqua son coup, qui fila à côté de Wethrin et percuta une bibliothèque. Elle éclata en esquilles, bois et papier mélangés.
C'est stupide, remarqua la voix dans son crâne, avec un léger mépris. Si tu le frappes comme ça, il va s'éparpiller en mille morceaux. Comment tu vas faire pour être sûre de récupérer chaque fragment ? Je ne fais pas dans la dentelle, tu sais. Enfin, c'est toi qui décides, semble-t-il. La neige, blabla.

" Quoi que je fasse, il va se briser en mille morceaux, rétorqua-t-elle. Je ne vois pas comment je peux faire autrement, surtout vu le genre de pierre dont il est fait... Et comme tu dis, tu ne fais pas dans la dentelle."
La démonstration avec la bibliothèque était éloquente à ce sujet. Mais ce n'était peut-être pas si grave si un minuscule fragment lui échappait...
" Est-ce que tu peux te contenter de le briser proprement si je t'approche plus doucement ?"

Non, répondit le marteau. Mais tu peux peut-être le déplacer dans un espace moins confiné, histoire d'avoir une meilleure vue sur les endroits où il s'éparpille. Enfin... Je dis ça et moi ça m'arrange, si tu manques un morceau. Il suffira d'un rien pour qu'il reprenne vie à la nuit.
Astrée entendit très clairement un gloussement.
Mais si tu veux, on peut attendre et l'attaquer de plein front ! Ce serait épique ! Je lui briserais les rotules et le crâne ! Tu as fait les choses dans le mauvais ordre, en somme... ça aurait été plus simple de le fracasser d'abord et de le pétrifier ensuite. Mais je suppose qu'une petite nature comme toi... ça t'a semblé impossible.

" Et comment tu veux que je le déplace ? Il doit peser une tonne ! Comme tu l'as si bien dit, je suis une petite nature..."
Le plus simple, si elle pouvait le déplacer, était peut-être de le faire tomber tout entier dans le gouffre. A condition qu'il ne reste pas coincé, avaient-ils dit... Et elle ne pourrait pas approcher le marteau s'il était coincé.
Par acquis de conscience, elle s'approcha et essaya de le pousser, pour voir si réellement elle avait une chance de pouvoir le déplacer. Quant à trouver un espace plus adéquat pour le briser sans rien perdre, c'était une autre paire de manche dans tout ce fatras.

Il se déplaça légèrement en glissant sur le plancher, mais il pesait un poids certain. Seule, Astrée risquait de s'y briser les reins ou de le faire basculer sur le sol, et de toute façon, cela lui prendrait des heures. Il lui faudrait de toute façon dégager d'abord le chemin jusqu'au damier, ce qui prendrait également un certain temps. Sans le marteau à la main, elle ne pouvait plus entendre ses commentaires sarcastiques. Elle nota cependant que l'endroit où elle l'avait posé commençait à roussir. Il était sans doute imprudent de ne pas le replacer dans son réceptacle quand elle ne l'utilisait pas.

Assez embarrassée par la situation, Astrée reprit aussitôt le marteau en main, tout en réfléchissant à voix haute.
" Je ne peux pas le déplacer seule... Mais peut-être que le pétrifier a pu suffire à lever en partie la malédiction ? Est-ce que tu ressens que la magie des lieux est en train de disparaître ? Ou est-ce qu'il n'y a pas encore assez de changement pour que je puisse compter sur l'aide de mon ami transformé en glace dehors ?"
Si elle était contrainte de se débrouiller seule, elle pouvait tout simplement tenter de faire place nette autour de la statue.

Le marteau s'esclaffa.
La malédiction n'est certainement pas levée, qu'espères-tu ? Il faut détruire cette créature maudite... Là, tu as gagné un peu de temps... mais sa magie est telle qu'il reprendra tôt ou tard sa forme originelle. Sa fureur sera alors terrible. Ce sera formidable ! On peut se trouver un bouclier... Si tu suis le mur, là-bas, tu verras le miroitement d'un objet presqu'invisible. Il nous servira. Un combat à mort ! Je suis pour ! Frappons ! Frappons ! Mais les miettes de caillou... Ce serait un risque terrible. Pour toi, pour ton copain en glace, pour la cité tout entière !

" Je m'occuperai de ton histoire de bouclier si je ne trouve pas d'autre solution, promis."
Elle espérait avoir le temps de réagir, de se rendre compte qu'il reprenait vie. Peut-être ferait-elle mieux de rapprocher le bouclier, au cas où. Mais elle devait tout de même disposer de quelques heures, non ? Ou au moins de longues minutes.
" Il faut juste... que je fasse de la place tout autour de lui. Ou alors, que je dégage l'espace jusqu'au damier, mais c'est loin... Sauf si tu vois un autre endroit là-dedans où je peux le détruire sans risque? Parce que, sinon, il me faudra l'aide des elfes..."
Mais jamais ils ne se laisseraient convaincre d'entrer dans la cité. Sans compter qu'ils pouvaient décider de la tuer sans autre forme de procès compte tenu de la perte de leur congénère. Mauvaise idée. Elle secoua la tête.
" Ou alors, il faudrait que je puisse l'envelopper dans quelque chose avant de frapper..."

Tu peux toujours chercher, dit le marteau. A moins que tu n'aies envie de révéler ta charmante anatomie. Il n'y a personne pour regarder, cela dit. Mais si un morceau se coince dans une couture... Imagine... Quand tu te rhabilleras, tu auras le mage tout auprès de toi...
Il éclata de rire, manifestement ravi de la vision.
C'est quand même bête de n'avoir aucun allié. Ça doit être vachement triste. Toute seule, comme ça, face à une tâche incommensurable et vouée à l'échec.

Astrée lui lança un regard noir.
" Mon seul allié est transformé en statue de glace à cause de votre fichue magie élémentaire... et là, tu vois, je n'ai qu'une envie, c'est te balancer dans la neige pour te faire taire."
Elle ferma brièvement les yeux et résista à l'élan de colère qui menaçait de l'envahir. C'était une très mauvaise idée de se mettre en colère quand un marteau chargé du même sentiment pouvait soi-disant prendre le contrôle.
" Bon. Résumons. J'ai... un cheval, capable de tirer la statue si c'est nécessaire. Enfin, s'il ne passe pas à travers le plancher. J'ai aussi ces fauteuils que je peux sans doute déshabiller... et au pire je peux sacrifier mon manteau. Je ne sais pas si ça suffira. Et sinon, il y a un groupe d'elfes qui m'attendent à l'extérieur de la cité, et qui ont peut-être des couvertures, eux... Mais ce n'est pas sûr du tout."
Les elfes savaient-ils, par un moyen magique, par leur rêverie, par leur clerc, que l'elfe était perdue ?
" Le problème, tu vois, c'est que si je vais voir les elfes, alors que par ma faute indirecte, l'une des leurs a été victime de votre magie, ils risquent de me tirer dessus sans même m'écouter. Et s'ils me tuent, alors tout est fichu."
Elle se mit à marcher de long en large.
" Après, je peux sans doute utiliser le cheval pour qu'il leur apporte un message. Est-ce que tu crois que j'ai le temps de tenter ce genre de chose ? Le mage ne va pas reprendre vie avant plusieurs heures ?"

Le marteau resta silencieux une seconde, puis gloussa.
Tu as un cheval qui peut tirer la statue, et tu veux aller demander l'aide d'elfes qui vont te tuer ? T'es bizarre, tu sais. C'est un truc racial de vouloir tenter des trucs hyper compliqués quand on a des solutions toutes simples à portée de main ? Enfin... je ne dis rien. Je préfère que l'elfe reprenne connaissance, personnellement... Ce serait vachement plus noble de le battre à la loyale que de le fracasser alors qu'il est impuissant. Et puis exploser une cervelle, c'est bien plus drôle que de taper du caillou.

Elle haussa les épaules.
" Le cheval, je viens juste d'y penser, c'est pas vraiment habituel de voir ces bestioles dans une bibliothèque. Après, il y a le risque que la statue se coince à l'entrée du gouffre. Il parait que je ne dois pas t'en approcher, donc tu ne pourras pas la fracasser si jamais elle ne passe pas. C'est peut-être juste pour ça que les fantômes qui m'ont parlé hier semblaient vouloir que tu la réduises en miettes avant.... avec ce problème de morceaux."
Elle soupira.
" Est-ce que le gouffre suffira à le détruire ou est-ce que tu dois le fracasser avant ? Et pourquoi est-ce que tu ne dois pas t'approcher du gouffre ?"

Ils ont dit ça ? s'étonna le marteau. Quelle bande de vils menteurs ! Il n'y a aucun souci à m'approcher du gouffre. C'est d'ailleurs la meilleure solution. Ton cheval le tire jusque là —*tu penses bien que s'il était trop lourd pour le plancher, toutes ces bibliothèques seraient déjà passées à travers, elles aussi — tu ouvres le gouffre, et si ce mage reste coincé, on lui cassera les extrémités. Simple comme bonjour ! Mais à ta place, je ne traînerais pas... Ce serait dommage qu'il se réveille. Enfin, pour toi. Moi, je te l'ai dit : je compte dessus.

Elle ne devait pas approcher le marteau du gouffre, elle s'en souvenait clairement. Parce qu'ils étaient apparentés, avaient-ils dit. Ce que cela recouvrait, elle ne pouvait pas vraiment le savoir... Peut-être que le marteau devenait plus puissant, incontrôlable, à proximité du gouffre ?
" Je vais voir ce que je peux faire. Mais donc, tu m'excuseras de ne pas profiter davantage de ta conversation : je vais te reposer à ta place..."
Elle joignit aussitôt le geste à la parole et reposa le marteau dans son réceptacle.
Il lui restait deux choses à faire : invoquer Recha, ce qu'elle fit aussitôt. Puis redescendre pour aller récupérer la corde, qui devait être là où elle l'avait laissée la veille : accrochée à l'entrée du coeur. Car l'animal aurait besoin de la corde pour tirer la statue...

Recha parut surpris de se retrouver dans une bibliothèque et Astrée sentit qu'il cherchait son maître. Heureusement, il connaissait désormais suffisamment Astrée pour demeurer relativement calme. Il flaira la statue verte, les armures voisines puis poussa un léger hennissement en secouant la tête. Quand elle repartit vers les escaliers, il la suivit, mais réalisa rapidement qu'il ne pourrait s'engager dans l'étroit passage en colimaçon. Elle parvint à le rassurer, puis retourna chercher la corde. En journée, l'immense nef de l'édifice était nettement plus facile à traverser. En jetant un coup d'oeil au dehors, à la neige et aux maisons colorées, elle eut l'impression que tout avait terni. C'était peut-être une illusion, un reflet de la lumière sur la blancheur omniprésente, mais peut-être pas...

Elle avait tout intérêt à agir rapidement. Le mage n'était pas détruit, et donc la magie devait encore être présente, mais ce qu'elle voyait, associé au tremblement qu'elle avait ressenti, semblait indiquer qu'elle faiblissait. Elle résista à l'envie d'aller voir si Dimitri semblait commencer à reprendre vie : ce n'était vraiment pas le moment de perdre du temps. Et puis, Recha l'attendait. Elle l'avait invoqué avant d'aller chercher la corde, pour qu'il la prévienne si quoi que ce soit se passait là-haut... mais il devait s'inquiéter de son absence.
Elle s'escrima un moment sur son noeud trop serré, guettant un signal de Recha indiquant un quelconque phénomène inquiétant, puis se décida à sortir son couteau pour en sectionner l'extrémité. Encore fallait-il qu'une corde magique ne soit pas indestructible.
Elle était décidée à remonter aussitôt auprès du cheval et à y atteler la statue sans perdre une minute.

La corde n'était pas assez longue pour bricoler un harnais vraiment idéal mais Astrée parvint à attacher la statue au cheval. Celui-ci la laissa faire tout en renâclant, manifestement intéressé par le processus. Il fallait encore dégager un passage vers le damier, ou du moins déterminer une trajectoire sûre, avant que Recha puisse tracter le mage pétrifié jusqu'à l'endroit opportun. Même sans le toucher, la druidesse sentait les pulsations vengeresses du marteau qu'elle avait réveillé. Son impatience polluait l'air et rendait Recha nerveux. Mais elle avait une table à déplacer, des piles de livres à écarter, des parchemins à rassembler, des chaises à pousser, bref de quoi s'occuper un moment...

Elle dégagea le passage, méthodiquement, froidement, résistant de son mieux aux ondes d'impatience du marteau. Bien sûr, elle était impatiente, elle aussi. Elle avait hâte d'en finir, d'être débarrassée de ce mage et du danger qu'il représentait. Mais il lui fallait faire les choses dans l'ordre, posément, ne pas risquer de le briser en heurtant quelque chose, ne pas mettre Recha en danger en l'approchant trop près du damier. Et puis, il lui fallait comprendre le fonctionnement de ce gouffre, aussi...

Elle vérifia qu'il n'y avait aucun objet magique sur le chemin le plus direct, sans quoi il faudrait faire un crochet. Puis elle déplaça table, chaises, fauteuil, repoussa une étagère, puis une autre, dégageant à un large passage jusqu'au damier. Et enfin, lentement, elle fit avancer Recha, se plaçant elle-même à proximité de la statue pour la stabiliser. Elle le ferait arrêter juste avant la zone dangereuse, sauf s'il s'arrêtait de lui-même avant : elle devait se fier à son instinct. Elle devrait, de toute façon, terminer de pousser la statue à la main.

Ils cheminèrent pas à pas, lentement. Astrée devait sans cesse surveiller que la statue ne basculait pas, ce qui n'était pas simple car redressée, elle manquait d'équilibre, et chaque aspérité dans le plancher manquait la renverser. Il n'était pas certain qu'elle se brise en tombant, mais c'était impossible de le savoir sans tenter le diable. A force de prudence, Recha parvint en bordure du damier magique. L'énergie qui s'en diffusait l'alarma instantanément et il refusa d'avancer, les oreilles baissées. L'espace disponible était large, si Astrée poussait la statue suffisamment loin, et sans doute pourrait elle récupérer tous les éclats, pour autant qu'elle les distingue dans la pénombre.

Astrée détacha la statue et rendit Recha à sa forme de pierre. Elle n'avait pas besoin d'avoir un cheval anxieux dans les jambes pour la suite des événements. Le damier l'inquiétait, elle aussi. Il fallait, avant toute chose, qu'elle comprenne comment il fonctionnait. Peut-être que les cases, sur le tableau de bord, correspondaient aux cases du damier, et qu'elle pouvait faire ouvrir le gouffre à un endroit précis ? Dans ce cas, il suffisait de placer la statue sur les premières cases et d'ouvrir ensuite le gouffre sous ses pieds... et si tout se passait bien, elle n'aurait pas besoin du marteau.
Elle allas chercher quelques livres à brûler et s'approcha du tableau de bord, contournant le damier en rasant les murs. Elle allait commencer par l'examiner... et comprendre.

Il n'était pas très difficile de comprendre comment alimenter le tableau : il suffisait de faire un petit feu dans le compartiment inférieur, à l'aide du combustible qu'Astrée pouvait trouver. Avec son sortilège de flamme, le tour serait rapidement joué. Cependant, une fois le foyer alimenté, le reste était moins clair. Le damier qui figurait sur le tableau avait effectivement la même taille que celui sur le sol, et il y avait moyen d'enfoncer une touche ou l'autre, mais quant à savoir ce que cela produirait... Il fallait essayer pour le savoir.

Elle décida de procéder d'abord à un essai. Il fallait qu'elle comprenne comment ouvrir le gouffre à un endroit précis... et, accessoirement, qu'elle ait une idée de sa taille. S'il était trop étroit pour y faire basculer la statue, il faudrait positionner celle-ci de façon à ce qu'il s'ouvre sous ses pieds. Elle devait au maximum éviter d'avoir à utiliser le marteau dans ce secteur : c'était trop risqué, même si elle n'était pas certaine de la nature du risque en question.
Elle avait amené quelques livres et elle mit le feu à l'un d'eux, à l'aide d'un sortilège, avant de le glisser dans le réceptacle prévu à cet usage. Elle se retourna pour voir s'il se passait quelque chose, observa également les cases dessinées au mur, puis ajouta un second livre. S'il ne se passait rien d'inquiétant, elle commencerait par appuyer sur une touche du bas, tout à gauche. Elle devait logiquement correspondre soit à une case de la rangée qui se trouvait la plus proche d'elle, si le damier du mur était un miroir de celui du sol, soit à une des cases les plus éloignées, s'il était représenté dans l'autre sens.

La touche était froide au toucher et lorsqu'Astrée l'enfonça, elle perçut un léger grésillement. Il lui fallut quelques secondes pour repérer la case qui s'était activée sur le damier car la modification était subtile : il y avait un mouvement au-dessus d'une des cases les plus éloignées, comme un léger miroitement de l'air. Impossible d'en déterminer davantage sans se déplacer jusque là — c'était possible, car il fallait manifestement appuyer une seconde fois sur la case pour la désactiver —*mais ce n'était en tout cas pas un gouffre, ça, c'était certain.

Astrée songea que les êtres élémentaires auraient pu être un peu plus explicites sur la façon d'utiliser ce tableau de commande. Bien sûr, elle pouvait demander son avis au marteau, mais elle allait commencer par étudier le phénomène par elle-même.
Elle désactiva la première touche, puis décida de tester sur d'autres touches, les activant et les désactivant successivement. Elle allait commencer par un autre coin, puis une ou deux touches au hasard plus au centre. Elle voulait savoir si l'effet était le même partout ou s'il variait suivant les touches. Peut-être que le gouffre ne s'ouvrait que si elle appuyait sur la bonne touche... Ou peut-être que c'était une question de température ? Et si l'effet était le même partout, elle allait activer une case parmi les plus proches d'elle pour voir de plus près le phénomène.

Les touches n'avaient pas toutes la même texture : certaines étaient très froides, d'autres un peu rêches, ou humides, ou encore dégageant une certaine chaleur. Astrée se concentra logiquement sur ces dernières : il y en avait une douzaine. Mais elle eut beau les tester toutes, elle n'obtint que des flammeroles en surface et aucun gouffre. Elles semblaient disposées complètement au hasard sur le damier, sans que la druidesse ne puisse détecter de structure dans leur positionnement. Ce qui était certain, c'est que leur position était stable : chaque touche avait son type.
Il restait cependant le cadran, qu'elle n'avait pas encore testé. Il semblait possible de le faire tourner à droite ou à gauche, et son pourtour était marqué de graduations régulières.

Le cadran était à ses yeux un mystère complet. Mais puisque appuyer sur des touches ne suffisait pas à ouvrir le gouffre, il avait nécessairement un rôle à jouer.
Elle le tourna donc, d'abord vers la gauche, en ajoutant un livre dans le compartiment pour maintenir la chaleur. Elle appuya ensuite sur l'une des touches chaudes, pour voir si l'effet avait changé. Elle essayerait ensuite de le tourner d'un cran de plus, puis d'un autre. Puis vers la droite. A force de tester toutes les combinaisons possibles et imaginables, elle finirait bien par obtenir quelque chose d'intéressant...

L'intensité des flammeroles varia avec le cadran, plus fort sur la droite, moins sur la gauche, mais sans que le moindre gouffre ne s'ouvre. En jetant un coup d'oeil vers la bordure du damier, Astrée vit que le vert de la pierre de Wethrin s'était éclairci. C'était peut-être une illusion d'optique, liée à la magie qu'elle avait invoquée à plusieurs reprises dans la pièce, mais peut-être pas. Quelque chose changeait dans la structure de la statue.

Ça ne fonctionnait pas... et elle ne voyait absolument pas comment elle était censée s'y prendre. Peut-être était-ce une histoire de température... ou bien fallait-il appuyer sur plusieurs touches simultanément ? Y compris des touches d'une autre texture ? Ou alors, plus ennuyeux : elle devait envisager l'hypothèse qu'une simple humaine ne puisse pas le commander...

Un bref coup d'oeil à Wethrin l'alarma. Elle n'avait plus le temps de tergiverser. Elle devait trouver immédiatement comment ouvrir le gouffre... ou, à défaut, le fracasser avec le marteau. Elle n'était pas sûre d'avoir le temps de l'éloigner du damier pour cela. Pourtant, c'était préférable...
Mais peut-être que ce fichu marteau pourrait lui dire comment actionner le panneau de contrôle correctement.

Elle se précipita là où elle l'avait laissé -en prenant soin de contourner le damier-, songea in extremis à humidifier son gant pour se protéger, et le prit en main.
" Dis-moi... je n'arrive pas à faire fonctionner le damier. Est-ce que tu sais comment ça marche ?"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Traversée de la Lorien