La Couronne de Cuivre

" Bon. Nous devons aviser. Les cannibales reculent pour se mettre hors de portée de nos engins de siège. Il n'est pas impossible qu'ils décident de battre en retraite vers Clairétoile... S'ils se perdent dans les rues, nous aurons toutes les peines du monde à les déloger..."
Il jeta un oeil vers le campement paludier.
" Une possibilité serait de demander à Etienne de les attendre aux portes et de les massacrer au passage. A priori, les cannibales n'ont aucun moyen de savoir que nous les avons précédés dans la cité, l'effet de surprise serait total... Mais Etienne n'a que vingt soldats, dont tous ne sont pas cavaliers... ainsi qu'une vingtaine de civils combattants..."

-C'est un effectif un peu juste... commenta Guillermo.
Gaspard acquiesça.
-On peut les harceler pendant qu'ils se replient, proposa Edgar. Ou...
Il hésita.
-Ou leur tendre une embuscade. Si j'ai bien compris, dans le souterrain qui part vers la cité, à mi-chemin, il y a une sorte de salle pour les haltes et un accès à la surface. Si nous en surgissions pile au moment où les barbares passent à proximité... Ça pourrait faire mal.
Il grimaça.
-Hum, mais c'est peut-être idiot, hein... Je ne suis pas un expert en ce genre de choses...

Hubert jeta un regard en coin à Guillermo.
" Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée... mais cela signifie leur révéler l'existence de ces passages : si nous ne les vainquons pas, la communauté sera beaucoup plus exposée..."
Il demeura songeur.
" Une solution serait d'entamer le repli immédiatement. Une fois la communauté passée, nous la suivrions à cheval, puis déboucherions pour notre embuscade. En ne laissant qu'un groupe restreint dans les forts, juste de quoi actionner les catapultes et les balistes... Quelque chose comme ça ?"

Le silence s'installa comme ils méditaient la proposition.
-C'est une bonne idée, dit Guillermo. Néanmoins, je suis tout à fait d'accord avec l'objection que vous souleviez précédemment : les cannibales ne doivent jamais apprendre l'existence des souterrains. Cela impliquerait donc que, lors de l'assaut, nous disposions d'un maximum de cavaliers. Tous ne devraient pas mener la charge, non : il faudrait simplement beaucoup de rabatteurs, pour rattraper les ennemis qui tenteraient de nous échapper. En un tel terrain, plan et découvert, ils risquent de se débander en une multitude de petits groupes, pour offrir non plus une, mais plusieurs cibles... Et si quelques-unes s'en tirent, nous serions en danger, car c'est une manière de guérilla que nous aurions à craindre.

" Oui, je comprends bien le problème... Mais est-ce que vous imaginiez mettre des colons en selle pour jouer les rabatteurs ? Ces cannibales ne m'ont pas semblé très impressionnés par les chevaux... Peut-êre, davantage que des rabatteurs, devrions-nous envisager de nous servir de nos tireurs... Ils seront moins exposés, si nous les gardons à bonne distance, et pourront éliminer les cannibales qui quittent le groupe principal. Eventuellement à cheval, si nous avons assez d'animaux."
Ils étaient en train d'organiser un massacre, Hubert en eut une brusque nausée.

-Cela pourrait aussi fonctionner, effectivement. De toute façon, si nous sortons par le souterrain et quelle que soit la méthode employée pour empêcher des ennemis de prendre la fuite, le point fondamental est qu'absolument aucun d'entre eux ne passe entre les mailles de notre filet.
Gaspard et Edgar échangèrent un regard : eux non plus ne semblaient pas trop à leur aise.
Sur ces entrefaites, un guetteur survint. Apparemment, les Paludiers étaient en train d'atteler des gens - leurs prisonniers, probablement - aux chariots pris quelque jours plus tôt à la Communauté.

" Nous ne pouvons plus tergiverser. Faisons ce qu'Edgar propose."
Il se trouva deux messagers parmi les hommes oisifs qui contemplaient le pilonnage de la plaine.
" Repli immédiat de la communauté vers Clairétoile. Barthélémy doit avertir Etienne de notre arrivée prochaine. Tous les soldats et archers qui savent monter doivent avoir un cheval. Ezéchiel sera responsable des équipes restreintes qui restent dans les forts. Dès que les Paludiers sont hors d'atteinte, qu'ils se replient à leur tour. Qu'on leur laisse des chevaux. Nous sortirons par le souterrain intermédiaire. Les hommes qui ont l'habitude de la charge chargeront, les autres serviront de rabatteurs, les tireurs auront pour mission de juguler toute tentative de fuite. Je vous rappelle que ceci n'équivaut pas à une permission de massacrer tout ce qui bouge. Si des Paludiers se rendent, si nous finissons par encercler une petite poche désarmée, il n'est pas question de laisser s'exprimer de bas instincts. Et nous allons avoir leurs prisonniers sur les bras, en sus... Misère."
C'était dit, c'était lancé. Il fallait qu'il mette son harnois, à présent.

L'homme s'en fut au pas de course. Il fallait espérer qu'il saurait bien s'expliquer et penserait à préciser que le fort n'était nullement victime d'un nouvel assaut. Car ce subit ordre de repli ne manquerait pas de prendre les colons au dépourvu, même si des préparatifs avaient sans doute déjà été lancés.
Ses écuyers l'attendaient près des chevaux. Alban avait revêtu la cotte de mailles offerte par son défunt maître, tandis que Ruth s'en était procurée une auprès... d'un nain. Probablement la même que celle qu'elle avait revêtue cette fameuse nuit où la Communauté avait forcé l'allure pour échapper aux cannibales...

Hubert leur sourit brièvement.
" Changement de programme. Nous allons attaquer par le souterrain. Vous allez m'aider à mettre mon harnois, ensuite, vous chevaucherez derrière moi. A priori, le plan ne change pas : vous resterez en arrière et userez de vos artefacts à bonne distance. Ta bestiole, Ruth, chargera avec nous. Alban... Nous aviserons en fonction de ce que nous offre ton sceptre. Mais maintenant, dépêchons-nous."

Ruth, qui n'était pas habituée à ce genre de tâche, parut d'abord fort embarrassée. Mais Alban, qui connaissait bien son affaire, lui donna des consignes claires, si bien que, grâce à leurs efforts conjoints, le paladin fut équipé en un temps record. Comme quoi, avoir des écuyers avait parfois du bon.
-Hubert !
Giovanni s'approchait à grandes enjambées.
-J'ai été informé du changement de programme... Qu'en est-il des lanceurs de sort ? Doivent-ils participer ? Accompagner les civils ? Demeurer ici ?

Hubert renvoya ses écuyers vers leur propre monture en les remerciant pour leur excellent travail et leur demanda de descendre dans la nef. Il se tourna pour accueillir Giovanni.
" Bonne question, dit le paladin avec une grimace. Je pense toujours embarquer les plus offensifs, oui... Mais je n'ai aucune idée de la distance entre la sortie du souterrain et la colonne de cannibales. Tout va dépendre du nombre de chevaux, aussi. Si nous savons les mettre en selle, et donc organiser un repli rapide, oui, les lanceurs de sorts seront de la partie, au moins au début. Sauf Barthélémy."

Le barde se gratta la tempe.
-Étienne et son équipe ont pris un paquet de chevaux, mais je pense qu'il en reste assez pour que les lanceurs de sorts en aient. Bon, il en restera moins pour transporter le matériel, c'est vrai. Cependant, les gens peuvent transporter des ballots... Et au pire, il est possible de laisser ce qui n'est pas indispensable ici, de revenir le prendre plus tard...

" Je pense aussi. L'idée est que les cannibales ne découvrent pas l'existence des souterrains."
Ce changement de programme imprévu commençait à légèrement l'inquiéter. Ils se retrouvaient à organiser un nouvel exode une journée après le premier. Cette fois, ils ne pourraient revenir en arrière que pour récupérer leur matériel, effectivement.
" Peux-tu aller prévenir Barthélémy qu'il doit, si possible, prévenir Etienne de l'arrivée du groupe ? Je dois organiser le transport des corps de nos hommes tombés hier, qu'ils soient a minima conservés dans la nef, si nous ne pouvons pas les embarquer maintenant... Ensuite, rassemble Ariel et les mages, ainsi que tous tes archers. Vois qui peut être à cheval. Les autres continuent avec les civils. Cela leur fera une escorte. Et je dois trouver un chef civil, si tu nous restes avec nous. Misère. Tu as une suggestion ? "

-J'en aurais bien mais ce sont des gens qui ne s'attendront pas à une telle proposition et qui pourraient refuser... Le mieux, puisqu'il restera avec la colonne, c'est de confier cette tâche à Barthélemy, non ?
Il jeta un regard autour de lui, revint à Hubert.
-Et dernière question... Veux-tu que les civils partent avant ou après nous ? S'ils nous devancent, il leur faudra s'écarter quand la cavalerie arrivera, et cela risque d'être un peu dur... Ils pourraient tous se rassembler dans la nef, préparer le matériel, puis nous emboîter le pas.

" J'avais espéré que nous pourrions partir après eux... mais tu as raison : à pied, ils n'iront jamais assez vite. Ah... Tant pis."
Il se passa les mains sur le visage.
" J'ai un mauvais pressentiment. Espérons qu'il se dissipe. D'accord. Barthélémy prendra la direction des colons. Bon, il faut qu'on bouge. Je vais aller attraper Albérich, passer le relais à Barthélémy... Je te laisse tes mages et tes archers."

Giovanni hocha la tête.
-Pas de souci, je me charge de ça. Oh, et je m'occupe aussi de donner les consignes pour que nos compagnons tombés soient déplacés dans la nef. Cela te fera toujours ça de moins à gérer !
Il lui sourit, lui tapa sur l'épaule et s'éloigna.
Quant à Albérich, le plus probable était qu'il soit encore à l'intendance.

Albérich était en train de discuter avec l'équipe d'intendants quand Hubert débarqua. Le Luménien, apparemment satisfait des informations échangées, les renvoya à leurs tâches.
" C'est l'heure ?
— On dirait. Tu t'es trouvé une couverture ?
— Est-ce que je ne peux pas faire ça au dernier moment ?
— Tu t'es déjà déshabillé sur une selle ?
— Non, ce n'est pas dans mes habitudes. Mais j'aurai bien deux minutes pendant que vous bavarderez de stratégie, non ?
— Sans doute, oui. Mais trouve-toi une couverture."
Le Luménien déploya alors un superbe carré de laine bleue.
" Qu'est-ce que tu en penses ?
— Ravissant, Albérich. On y va."
L'ancien clerc quitta donc son intendance, le paladin sur les talons. Il lui restait Barthélémy à voir.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans l'infirmerie - d'où Giovanni venait de sortir -, le vieux Chauntéen leva les yeux au ciel.
-N'ayez aucune crainte : j'ai bien compris les consignes, que notre ami barde m'a exposées on ne peut plus clairement. Je sais donc que sitôt la cavalerie partie, il faut que j'ouvre les portes du fort, que je demande à tous les colons de gagner le plateau et de faire diversion. Lorsqu'ils auront monopolisé l'attention des cannibales, vous surgirez dans leur dos et les anéantirez.

Albérich parut incrédule.
" Il fait des petites blagues comme ça depuis ce matin, remarqua le paladin avec un haussement d'épaules. Ça arrive, avec les petits vieux...
— Quand ça arrive, chez... une personne âgée, il faut sérieusement s'en inquiéter, Hubert, crois-en mon expérience." dit Albérich, sceptique.
Hubert sourit.
" Bon, puisque les consignes sont passées... Nous allons monter en selle. Barthélémy... S'il te reste un sortilège de communication : Etienne doit être averti de l'arrivée de la communauté.
— S'il fait des petites blagues, tu dois peut-être aussi lui noter les consignes. C'est parfois la mémoire..."

Barthélemy leva les yeux au ciel, encore plus ostensiblement que la fois précédente.
-Vous savez, Hubert s'étant ouvert devant Giovanni de la nécessité de contacter notre mission d'exploration, ce dernier s'est également fait un devoir de me transmettre cette consigne. Et même s'il s'était abstenu, je pense que j'aurais eu assez... de sagesse, disons, pour en prendre moi-même l'initiative. N'est-il pas logique de prévoir un comité d'accueil bienveillant, quand on déplace plus de quatre cent âmes ?
Il croisa les bras.
-Bon, et si vous faisiez un peu confiance à vos collaborateurs et vous en alliez vous occuper de cet assaut ? Si vous êtes encore là dans trente seconde, je vous préviens : en tant que chef de ce fort, je vous ordonnerai d'y demeurer pendant que je mènerai moi-même la charge.

" Giovanni n'était pas censé te transm..."
Albérich le poussa vers la sortie du dispensaire.
" Merci Barthélémy. Bonne chance, dit le Luménien, avant de précéder le paladin dans les couloirs.
— C'était moi qui devais prévenir Barthélémy ! A cause de Giovanni, j'ai l'air méfiant !
— Les bardes aiment parler. S'ils peuvent le faire plus que requis, ils le font.
— Oh, je sais, ça. Je le sais très bien."
Ils atteignirent la nef et Hubert chercha immédiatement les enfants et Grand Vent du regard.

Autant les caves débordaient d'activité - on y préparait le grand départ -, autant le niveau inférieur était d'un calme surprenant. Pourtant, il n'était pas désert : se trouvaient là la vingtaine de mercenaires survivants, les soldats rescapés, les archers et les lanceurs de sorts, tous à cheval - et parfois deux par monture. Mais la cohorte se tenait presque immobile, quasiment silencieuse... C'était le cas des deux petits écuyers d'Hubert, juchés sur le dos de douce. Ruth tenait dans ses mains les rennes du destrier, tout prêt à être monté.

" Misère, je suis le dernier." souffla Hubert en hâtant le pas.
Il descendit plus rapidement et prit les rênes des mains de Ruth. Ensuite, il indiqua la selle à Albérich. Celui-ci parut hésitant, mais s'abstint de faire tout commentaire. Agrippant le pommeau, il se hissa sur le dos du cheval. Hubert le suivit aussitôt et le poussa légèrement vers l'avant, le bloquant dans la selle.
" Je croyais que je devais monter en croupe, murmura-t-il.
— C'est moins dangereux comme ça."
Hubert rejoignit ses officiers.
" Sommes-nous parés ?"

Acquiescements.
-Oui, mon capitaine. Nous avons même pris de quoi boire et de quoi manger, puisque le trajet sera assez long et puisque nous serons sûrement au lieu de l'embuscade bien avant que les barbares ne l'atteignent. Bref, nous sommes parés au départ.
-Hé, attendez-moi !
Giovanni dévalait la rampe à fond de train.
-Ah, me confier toutes ces tâches, c'était une manœuvre pour que j'arrive trop tard et que je doive rester avec les civils... grommela-t-il en se mettant en quête d'une monture. Ah, ça se paiera !

Hubert faillit lui rappeler qu'il ne lui avait jamais demandé de prévenir Barthélémy, mais seulement de s'occuper des archers et des mages. Or ceux-ci étaient déjà présents. D'où Giovanni revenait-il donc ? Peut-être des bras de sa maîtresse, tout bien considéré... Puis Hubert se souvint que le barde devait se charger des cadavres, et il s'empourpra. A moins que ce ne soit un effet de la proximité d'Albérich, dont il avait la nuque à hauteur de l'épaule. C'était une chance qu'il ait un harnois. Une chance et une immense et lamentable malchance.
Il s'arracha à ces pensées indignes et attendit que Giovanni trouve une monture à son goût. Dès qu'il serait en selle, ils prendraient le petit galop pour rejoindre leur position.

Sitôt juché sur un cheval - une splendide monture, évidemment -, Giovanni prit les devants dans le tunnel sud, pour désactiver le glyphe de garde et le sortilège d'alarme qui y avaient été placés peu de temps après que la nef ait été découverte. Une fois l'obstacle franchi, il réintégra cependant la colonne, laissant Hubert - à tout seigneur, tout honneur - prendre la tête de la colonne.
Quelques minutes plus tard, ils dépassaient l'endroit où le souterrain en provenance du fort ouest rejoignait la voie qu'ils empruntaient, l'élargissant quelque peu. Puis ce fut la monotonie d'un voyage dans l'obscurité, sous une voûte et entre des murs qui, pour austères et solides qu'ils soient, n'en étaient pas pour autant dépourvus de majesté, comme toutes les réalisations des Anciens.

Pour Hubert, la chevauchée eut tout d'une torture. Il faisait noir, il sentait le poids du Luménien appuyé contre lui, ses cheveux lui chatouillaient par moments la joue ou le nez, et il devait se contenir pour ne pas déclarer quelque chose de spontané, inapproprié, dangereux, obligatoire. Quelle idée stupide il avait eue. Aucun regret, cependant. Mais c'était quand même une idée stupide. Il devait brider ses pensées, les focaliser sur l'assaut à venir, assaut auquel il redoutait de plus en plus de faire participer Albérich — il suffirait d'un sort de dissipation de la magie pour qu'il se retrouve complètement démuni dans la mêlée — mais il n'imaginait pas parvenir à le convaincre.
Ce trajet était interminable, interminable, interminable, et il fallait qu'il s'arrête.
Il conjura des images de cannibales, une multitude de monstres sanguinaires, pour tenter de tempérer le feu dans son ventre, et cela ne fit que renforcer son angoisse.
" Albérich ?
— Hum ?
— Non... Rien."
Il reporta son regard plus loin dans la tunnel, guettant la flaque de lumière qui annoncerait la sortie.

Mais elle ne semblait pas décidée à apparaître : il allait donc devoir se contenter encore un moment de la lueur mouvante des torches... et supporter sa pénible situation.
Le paladin n'était pas le seul à ne pas en mener large. Si, derrière lui, Ruth paraissait trouver la chevauchée à son goût, il en allait autrement d'Alban qui s'efforçait sans grand succès de dissimuler ses grimaces. Lesquelles ne passèrent pas inaperçues auprès de son amie qui, à mi-voix, lui glissait de temps à autres des conseils pour améliorer sa posture.
C'était le seul son de voix, les autres cavaliers demeurant silencieux au milieu des échos que projetaient les sabots martelant les antiques dalles de pierre.

Albérich, de son côté, se sentait étrangement détaché. Serein. Presque bien, en vérité. Cette cavalcade dans le noir avait quelque chose d'hypnotique. On n'y voyait quasiment rien, le galop de Grand Vent était régulier, confortable, les bras d'Hubert l'encadraient et paraissaient, en cette seconde, capables de le protéger de n'importe quoi. Il pouvait complètement se relâcher, oublier les soucis des dernières heures et ceux des heures à venir, et profiter un moment du silence et du vide. Il aurait pu s'endormir mais curieusement, tous ses sens étaient en éveil. Il avait l'impression d'entendre, outre le martèlement des sabots sur la pierre, le souffle du paladin, les battements d'un coeur, peut-être deux, et puis la résonance du monde autour d'eux, le chant ancien de la lande et d'un peuple disparu. Le murmure de l'énergie de Lathandre, qu'Hubert déployait autour de lui, et qui était peut-être plus concentrée que jamais au creux de son étreinte. Peu importait la source. Il n'était pas pressé d'arriver, de troquer cette tranquillité intense contre le fracas des combats.
Devenir une hydre.
Pas pressé, non.
Il cessa d'y songer et se laissa porter, doucement, profitant de ce moment de grâce tant qu'il durerait, sans arrière-pensée.

Les lieues défilaient, sans qu'ils puissent en mesurer le nombre.
Le temps s'écoulait, sans qu'ils parviennent à le quantifier.
Des heures, à n'en pas douter.
Enfin, Hubert vit une arche, devant lui.
Peu après, la colonne débouchait dans une salle aussi immense que dépouillée.
D'un côté, la margelle d'un puits. De l'autre, une rampe s'élevant dans les hauteurs enténébrées.
En face, une autre arche, et le souterrain qui reprenait son cours en direction de la cité oubliée.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée