La Couronne de Cuivre

" Haldreithen. Rien ne justifie ce que tu as fait. La vengeance... ne résout rien. N'apaise personne. Ne ramènera pas notre peuple en ces lieux. Ni tes enfants, ni ton épouse."
Le simulacre d'homme se pencha vers le bassin, y plongea un instant la main, qu'il ressortit écarlate.
" Je ne peux pas te convaincre, alors ?
— Non. Tu ne peux pas."
L'homme soupira, refit face au vieil elfe.
" Vas-tu rendre cet endroit aux humains, lorsque je ne serai plus ?
— En partie, sans doute. Mais pas complètement."
L'étranger parut pensif, à nouveau, lorgnant son reflet dans le bassin.

Évidemment, il ne pouvait s'empêcher d'écouter la conversation.
Et d'en tirer des réflexions.
Ainsi était-il navré des malheurs ayant frappé le dénommé Haldreithen, tout en pensant qu'ils ne justifiaient pas, que rien ne justifiait jamais le fait de devenir soi-même un monstre sanguinaire.
Mais tout cela ne captait qu'une petite partie de son attention.
L'essentiel était concentré sur l'homme, guettant le moment où il allait s'en prendre à Wilmarin.
Guettant le moment où il faudrait lui lancer une boule de feu si les deux autres s'étaient éloignés, un rayon ardent s'ils étaient demeurés à ses côtés.

Mais les deux elfes agenouillés ne bougeaient pas et ne manifestaient aucun signe de conscience. Ils paraissaient endormis ou paralysés, leurs visages fermés, leur position en miroir exact. Et le mort-vivant sous apparence humaine ne faisait pas davantage mine d'attaquer le vieux sage. Il regardait son bassin, immobile lui aussi.
" J'en aurai tué plus de deux mille. Je suis satisfait." murmura-t-il à moitié pour lui-même.
Wilmarin pinça les lèvres puis jeta un regard circulaire autour de lui et hocha légèrement la tête.

Même sans le signe, il n'aurait pas tardé à frapper...
Et il frappa donc, rejetant de ses pensées le nombre astronomique de victimes évoqué par la créature.

Taliesin --> Fléchette enflammée --> Haldreithen

Si ce sortilège - le plus important qui ne soit pas de zone à sa disposition - produisait l'effet escompté, il tirerait flèche sur flèche. Autant que ce serait nécessaire.
Et s'il était inefficace... Pipeau.

Taliesin redevint visible au moment où sa flèche fit mouche. Elle toucha l'homme dans l'épaule gauche, s'enfonçant sans difficulté au travers de la toile de sa robe. L'illusion vacilla puis céda, révélant l'apparence réelle de celui qui les avait menés jusque là. Il avait la peau blême, presque transparente, en lambeaux à certains endroits, révélant des tendons, des os, sur ses bras, une de ses joues, sa poitrine. Ses vêtements étaient des loques, grises et poussiéreuses, mais son port demeurait altier et il ne vacilla pas sous l'impact. Les flammes rougirent un moment, comme à l'intérieur d'un réceptacle creux, puis s'éteignirent. Ses yeux étaient deux points rougeoyants à l'intérieur de ses orbites, ses cheveux épars pendaient, certains lui frôlant les reins, comme de la toile d'araignée. Il regarda Taliesin sans bouger, son regard de feu plongé dans celui du barde, tandis que Taliesin lui décochait une seconde flèche, dans la poitrine cette fois, où elle demeura fichée, s'éteignant sans un bruit. Du sang se mit à couler des blessures, d'abord suintant, puis en flots serrés, puis en torrents. La créature ne bougeait toujours pas. Wilmarin se mit à incanter et Taliesin vit, à ses côtés, que la lame de son épée s'était mise à rayonner de lumière bleue, traversant le cuir de son fourreau, comme si elle allait le consumer.
Aux côtés de la créature, Braen et Aegon se redressèrent et levèrent leurs épées.

Taliesin n'était pas sûr de comprendre ce qui se passait.
Devait-il se débarrasser de son épée ?
Blessait-il la créature ou celle-ci, parfaitement insensible, se préparait-elle à une dévastatrice riposte ?
Il n'aurait su dire. Il trouvait juste que la situation sentait mauvais. Très mauvais. Très très mauvais, même.
Mais faute de mieux dans l'immédiat... Il continua sur sa lancée, décochant flèche sur flèche... et se tenant prêt à réviser sa stratégie en cas de nouveauté.

Braen et Aegon venaient désormais dans sa direction, lames brandies, l'un à gauche, l'autre à droite. La quatrième flèche du barde avait touché le mort-vivant, qui saignait de plus en plus, répandant le liquide écarlate en marais sur le sol, comme s'il allait entièrement se vider. Les flammes ne prenaient pas, cependant. Wilmarin paralysa Aegon d'un sortilège, le bloquant dans sa trajectoire, mais Braen, le regard complètement éteint, continuait à s'approcher du barde. Il allait falloir que celui-ci décide de son prochain mouvement : une flèche de plus ou bloquer son adversaire.

-N'aurais-tu pas pu t'en tenir aux consignes ? fit-il à l'intention de son ancien camarade d'expédition - tout en sachant très bien qu'il n'obtiendrait aucune réponse.
Il n'allait pas perdre de temps à croiser le fer avec lui : il allait se replier promptement, espérant prendre assez d'avance pour pouvoir gratifier la créature d'un nouveau sortilège. Peut-être bien d'une boule de feu, d'ailleurs, puisqu'elle était désormais seule...

Mais la pièce n'était pas très grande, et Aegon était paralysé à quelques pas du centre, seulement. Une boule de feu atteindrait la créature mais le capitaine elfe aussi. Braen le prit en chasse sans attendre, courant comme un lièvre sur les pavés de la petite salle. Taliesin n'avait aucune marge de manoeuvre : il devait fuir ou se battre.
" Je me charge de lui, dit alors Wilmarin en s'interposant, un bâton de lumière à la main. Occupe-toi de l'autre. Décapite-le !"

-Je le ferais volontiers s'il n'y avait son aura. Quoique, attendez...
Il tira le pipeau de sa poche et s'empressa d'en jouer De jouer, plus précisément, "Semeur d’Aube, Semeur d’Espoir". Si le soleil était levé à l'extérieur, quelques notes suffiraient à l'emplir de courage. Assez pour pouvoir s'approcher de la créature, épée à la main ?
On allait voir ça dans quelques instants ! De toute façon, il fallait bien essayer...

HRP : a priori, c'est toujours la journée à l'extérieur...

Taliesin se sentit subitement fort, courageux, brave, invulnérable, presque téméraire, et il put aisément contourner Wilmarin qui contenait Braen et dégainer son épée. La lame bleue pulsait, magnifique, imbue d'une énergie nouvelle, que le barde sentait formidable et peut-être divine. Le mort-vivant le regarda approcher sans bouger, une expression de résignation sur son visage décharné. Le barde mit les pieds dans la mare écarlate qui s'était répandue au bas du promontoire et continuait à enfler, comme si le sang de toutes les victimes de la créature se déversait en même temps.

Et sans doute était-ce le cas.
Mais il ne voulait pas y penser.
Il voulait rester concentré sur sa tâche, l'acomplir au mieux et le plus rapidement possible, avant que d'autres mauvaises surprises ne surviennent, avant que Wilmarin ne soit en plus fâcheuse posture.
Il continua donc à avancer et commença à lever sa lame, prêt à s'en servir pour trancher la tête du mort-vivant.
Mais il demeurait vigilant, doutant que celui-ci se laisse vraiment abattre sans opposer de résistance.

Il avait tort.
Le mort-vivant le regarda progresser sans esquisser le moindre geste, la lueur flamboyante dans ses prunelles ne quittant pas le visage du barde, puis, au moment où Taliesin leva sa lame, il eut un léger sourire et il inclina la tête, comme pour lui dégager le meilleur angle pour frapper. L'épée chargée d'énergie lui trancha le cou sans la moindre difficulté et sa tête roula sur le sol. Au moment où son corps s'effondra, le flot de sang qui en jaillit renversa le barde qui tomba en arrière, assis dans la mare poisseuse.
Il fit sombre, très sombre, puis complètement rouge. Une lumière rouge, pulsatile, s'échappait du sang répandu, comme si celui-ci s'était fait lumière. Un bébé se mit à pleurer. Puis un second. Un troisième. Un autre encore. Dix, cent. mille. Des sanglots de nourrisson, tout autour de lui, emplissant la pièce jusqu'à la faire résonner de larmes. Le sang pulsait au rythme de ces pleurs, comme un coeur battant, et pendant un instant, Taliesin eut la vision trouble d'un endroit qu'il avait déjà arpenté, autrefois.
Puis le sang s'éteignit et les pleurs se turent. Quelque part, sur la gauche, une lumière bleue se fit et le visage de Wilmarin apparut.
" Vite. Il faut que nous lui rendions les derniers rites, sans quoi il pourrait revenir. Aegon ?
— Maître Wilmarin ? C'est bien vous ?
— Vous allez aider Braendoril à porter le corps. Taliesin, vous en avez assez fait. Je m'occupe de la tête."

-Merci, lâcha-t-il d'une voix blanche.
Des pleurs de nourrissons.
Cette abomination avait assassiné des nourrissons.
Deux mille nourrissons.
Deux mille petits martyrs dont il avait absorbé le sang pour prolonger son existence et l'innommable massacre.
Dire qu'il avait presque eu pitié de lui, sur la fin...
Il en eut la nausée.
Il en fut malade, à vrai dire.
Il finit par se relever et, titubant, tenta tant bien que mal de se diriger vers la sortie.
Sans doute était-il nécessaire de rendre les derniers rites à ce monstres. Il voulait bien le croire.
Mais il n'avait pas la force d'y assister.

Wilmarin s'approcha de lui et glissa le bras sous son coude pour l'aider à marcher. Derrière lui, dans la pénombre, il entendit des pas humides, comme Braen et Aegon se déplaçaient pour récupérer le corps de leur adversaire.
" Je suis désolé que vous ayez eu à faire le sale boulot, dit le mage elfe avec douceur. Mais je n'aurais pas pu le toucher, et les autres n'étaient plus en état de lui faire face."
Il le guida vers la porte qu'ils avaient franchie plus tôt.
" Je viendrai apaiser ces lieux plus tard, ce n'est pas le plus urgent, malheureusement."

Taliesin acquiesça mais, dans un premier temps, demeura silencieux.
Il était toujours ébranlé par ce qui s'était passé, par ce qu'il avait compris et... par ce à quoi cela le renvoyait.
Car il avait connu un autre esprit d'outre-tombe dont la fureur vengeresse n'était pas très éloignées de celle de Haldreithen.
Et dont le sang qu'elle avait fait couler l'avait également maculé.
Il frissonna, s'efforça de reprendre pied dans le présent.
-Ne soyez pas désolé : il fallait bien que quelqu'un s'en charge. Et sans doute est-ce mieux que cela ait été fait par un étranger n'appartenant ni à la vallée, ni à la forêt...
Courte pause.
-Mais vous avez eu raison d'écarter Maric : les gens de Champsdor ne doivent jamais connaître le fin mot de l'histoire.
En revanche, si les elfes venaient à en apprendre au moins une partie... Peut-être se diraient-ils que ces hommes avaient payé le prix fort pour les actes de leurs ancêtres et qu'ils méritaient bien un peu de mansuétude.

" Je suis heureux que vous voyiez les choses de cette manière, vous aussi." dit sobrement le vieil elfe, tandis qu'ils reprenaient les escaliers.
Braen et Aegon arrivèrent juste derrière eux. Il y eut un court conciliabule entre les deux elfes, puis Braen jeta la dépouille sur son épaule.
" Maître Wilmarin... Je n'aurais jamais imaginé vous rencontrer en pareil endroit... murmura le capitaine de la garde d'Elwyn.
— Nous parlerons plus tard. Nous devons trouver un arbre quelque part... et il y a encore un dragon dans notre passage... Nous allons bientôt retrouver Maric, le prêtre humain qui nous accompagnait. Il ne doit pas connaître la nature de celui que nous avons vaincu, est-ce clair ?"
Les deux autres elfes acquiescèrent.
" Champsdor est à la fois très proche et très lointain, la Lorien encore davantage."

Le barde fronça les sourcils.
A quoi Wilmarin faisait-il référence ? Aux embûches qui parsèmeraient encore leur chemin ? Aux perturbations dans la Toile ?
Mais il n'avait vraiment pas la tête à se poser de grandes questions : il verrait bien comment les choses tournaient.
-Si nous repassons par la case dragons, je propose d'employer la même technique que tout à l'heure : les paroles que j'ai prononcées alors auront peut-être plus de poids, vu ce qui s'est passé. Et puis... Il m'a parut vraiment particulier, pour un dragon vert. Pas aussi foncièrement mauvais qu'on ne le dit ordinairement des membres de son espèce. Alors s'il y a moyen d'éviter qu'encore plus de sang ne coule...

" C'est un dragon de cuivre. Nous l'avons vu en passant derrière lui, dit Wilmarin avec un maigre sourire. Je comptais vous en parler à la remontée... Vous avez eu l'air de savoir vous y prendre, et je ne plaisantais pas lorsque je disais que vous auriez une autre occasion de le convaincre. Je ne pense pas que cela sera aisé, et vu votre... accoutrement... il risque de se montrer peu coopératif."

-Oh...
Il réfléchit quelques instants.
-J'aurais dû m'en douter : les dragons verts attaquent avec du gaz corrosif, pas directement avec de l'acide. Et ils ne sont pas réputés pour aimer les blagues, contrairement aux dragons de cuivre.
Nouveau silence.
-S'il y en a la possibilité, optons pour un autre itinéraire. Négocier avec lui ne sera pas aisé, surtout dans de telles conditions. Or, il faut pouvoir le sauver : un tel être doit être rendu à la lumière.

" Il y a sans doute une possibilité... hasardeuse mais si Maric a encore de l'énergie, nous pouvons lui demander de nous creuser un tunnel. En examinant votre carte, nous devrions pouvoir localiser l'endroit où nous nous trouvons, même s'il n'y figure pas, et trouver un itinéraire pour regagner la surface sans repasser par le Temple."
Chemin faisant, ils avaient regagné l'escalier qui surplombait l'endroit où attendait le prêtre.
" Vous voilà enfin ! Je n'ai vu pers..."
Il s'interrompit, stupéfait.
" Mildiou ! Que vous est-il arrivé ?"
Wilmarin prit tout le groupe de vitesse.
" Nous avons triomphé du monstre qui se terrait dans l'abbaye. Taliesin lui a porté le coup fatal et... il a souffert de certains désagréments."
Le mage avait rejoint le prêtre, gardant la tête du mort-vivant dans un sac qu'il avait confectionné à l'aide de son manteau. Il était probable, de toute façon, que Maric n'ait pas été capable d'y reconnaître un elfe, même s'il l'avait vu.
" Qu'était-ce ?
— Une sorte de vampire. Et c'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas traîner. Vous savez qu'ils ne restent pas morts très longtemps."
La mine de Maric indiqua que tout clerc qu'il était, sa spécialité était probablement davantage le blé, les abeilles et la confection de la bière que les morts-vivants.

Surtout, ne pas songer à ce qui le recouvrait de la tête aux pieds. Parce que s'il venait à penser à qui avait appartenu ce sang avant d'être absorbé par le mort-vivant... il allait se trouver mal, encore une fois.
-Il faut pratiquer une manière de rite pour s'assurer qu'il ne reviendra jamais, confirma-t-il à l'intention du clerc. Et il faut le pratiquer à l'air libre. Alors, hâtons-nous : sortir de cet endroit nous fera grand bien à tous, de surcroit.
Ceci dit, s'il venait à croiser une salle de bain...

Wilmarin reprit la carte du barde.
" Nous allons passer par là... Vous devriez pouvoir nous creuser un tunnel, ça ne sera long que d'une dizaine de mètres... et nous arriverons juste de l'autre côté du mur... A flanc de colline. Ce n'est pas l'idéal et je ne sais pas si nous pourrons ensuite nous déplacer aisément sur la butte mais c'est ça ou le dragon."
Maric opina du chef et ils reprirent leur marche dans le tunnel, retrouvant bientôt la boue qu'ils avaient traversée plus tôt, puis entamèrent leur remontée vers la salle circulaire du Temple. Wilmarin les interrompit à mi-parcours et désigna le mur. Maric incanta et sous ses mains, la pierre s'effaça, laissant place à un tunnel grossier mais néanmoins praticable. Ils s'y engagèrent à la queue leu leu, sur les traces du prêtre, dans une direction indistincte.

Dans l'absolu, il aurait bien aimé pouvoir achever de fouiller l'abbaye : ils devaient encore retrouver la princesse, sans compter que Victor avait très bien pu se frayer un passage jusque-là en quête de Cordélia.
Mais au vu des circonstances, la solution imaginée par Wilmarin était la meilleure.
Restait juste à espérer que le tunnel débouche sur une pente praticable, qu'ils ne soient pas contraints à une longue et périlleuse séance d'alpinisme...

Le tunnel creusé par Maric ne déboucha pas à flanc de falaise — il aurait dû être beaucoup plus long, car il leur aurait fallu passer sous l'enceinte des femmes et sous celle des prêtres ordinaires, mais bien dans une grotte naturelle, plus large, et baignée de lumière. Ils la remontèrent un moment jusqu'à gagner la sortie. Il s'y trouvait, à l'abri des intempéries, du matériel de bûcheronnage, entreposé soigneusement dans des coffres et sur des râteliers.
" Je sais où nous sommes, murmura Maric. Il y a un chemin qui remonte vers la gauche, jusqu'à l'entrée principale."
Wilmarin se tourna vers le barde.
" Accompagnez Maric jusque là... Vous pouvez peut-être descendre en ville, si vous voulez un peu de repos ou rassurer vos enfants. Braendoril et Aegon vont rester avec moi pour la cérémonie. Ensuite, nous irons libérer votre amie et Amrod, puis je scellerai les portes vers le sanctuaire intérieur. Cela nous permettra d'explorer l'abbaye tous ensemble, une fois que chacun sera prêt."

-Très bien, faisons ainsi.
Il sourit. Le grand air l'avait quelque peu ragaillardi.
-Je vous dis donc à tout à l'heure.
Se laver, se changer, passer une heure en rêverie... C'était un programme qui lui convenait. Après, il devrait être d'attaque pour la suite des opérations.

Maric mena Taliesin le long d'une sente étroite, mais tout à fait praticable. L'elfe nota cependant que son compagnon accusait des signes de fatigue. Il n'était pas de prime jeunesse et, vu la couleur, ils étaient debout depuis de nombreuses heures : le crépuscule tombait déjà sur la Vallée. Pour la première fois depuis un certain temps, Champsdor ne serait pas martelée de boules de feu et de monstres, et c'était grâce à eux.
Le chemin progressa à flanc de colline, entre les arbres, jusqu'à ce qu'ils atteignent un espace dégagé et, devant eux, la large piste qui menait à Champdor.
" Voulez-vous que nous passions rapidement dans la première enceinte ? Je pourrais vous y trouver des vêtements de rechange, dit le Chauntéen. Vous avez vraiment... une mine épouvantable. Et traverser toute la ville dans cet état... Vous ne passerez pas inaperçu. Sans parler de la tête de vos proches, lorsqu'ils vous verront."

Il acquiesça.
-Merci : c'est une bonne idée.
Une bonne idée qu'il était ravi d'accepter.
Quant à ses frusques actuelles... Il demanderait peut-être à ce qu'on les mette de côté. Vu à qui avait appartenu le sang qui les trempait, peut-être serait-il préférable de les incinérer ou de les enterrer. Qui sait si cela n'aurait pas une influence sur le repos des âmes des malheureux martyrs ?

Ils remontèrent donc vers l'enceinte plutôt que de descendre vers Champsdor. Les grandes portes de bois qui avaient protégé le cercle extérieur de l'abbaye, où vivaient les Chauntéens, béaient, et l'une d'entre ne tenait plus que par un seul gond. A l'intérieur, ils découvrirent une zone de guerre : de nombreux bâtiments avaient brûlé, des animaux gisaient, éventrés, et des objets épars, vêtements, outils, nourriture, jonchaient le sol.
" Quel gâchis." murmura le prêtre, d'une voix altérée.
Il ne s'arrêta pas pour autant, et guida Taliesin vers un des bâtiments qui tenait encore debout, sur la droite. C'était un dortoir, désert, qui semblait avoir été ravagé par une tornade ou une meute d'animaux sauvages. Leur arrivée dérangea un chat qui sauta du matelas où il s'était installé, et alla se cacher sous un lit. Maric ouvrit un coffre, en sortit une paire de chausses, une chemise, une tunique, le tout d'étoffe modeste mais néanmoins de bonne qualité.
" Le puits est un peu plus loin, si vous voulez vous rafraîchir. Ensuite, nous redescendrons."
Il laissa ensuite Taliesin se changer tranquillement et retourna à l'extérieur.

Le barde, qui n'avait pas manqué de remercier Maric, prit la direction du puits sitôt le clerc parti. Puisqu'il était décidé à ne pas trop le faire attendre - compte tenu de sa fatigue -, comme les conditions étaient loin d'être idéales, il se livrerait à un simple débarbouillage, quoiqu'en essayant de se débarrasser du plus de sang possible. Une fois que ce serait fait, une fois enfilés les vêtements qu'on lui avait remis, il mettrait ses anciennes frusques quelque part où il serait sûr de pouvoir les retrouver, au cas où il faille leur réserver un traitement spécial, puis s'en irait retrouver le Chauntéen.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Vallée Fertile