La Couronne de Cuivre

-J'en suis bien conscient. Et quand tout sera fini, je serai content... et fier de l'avoir fait.
Il esquissa une manière de sourire.
-Et de ton côté, quel bilan tires-tu de ta journée ? Pas trop déçu de ne rien avoir découvert d'extraordinaire ? ceci dit, en venant ici, j'ai fait un crochet par la salle du trésor et il faut admettre que les armures sont très belles. Tu en imposeras, revêtu de l'une d'entre elles !

" Je ne sais pas... C'est vrai que j'ai besoin d'une armure... mais bon... On verra bien. Ce n'est vraiment pas la protection la plus fonctionnelle dans ce genre d'environnement... et nous sommes vraiment loin de tout champ de bataille... De surcroît... Les meilleures protections devraient peut-être aller à ceux qui se défendent le moins bien, si on y réfléchit bien."

-Sauf que savoir se battre avec des tonnes d'acier sur le dos, ça ne s'improvise pas, non ? Hormis toi et Gaspard, je ne sais pas si beaucoup de nos combattants sont formés à cela. Bon, tu me diras, il est toujours possible de s'exercer...
Il haussa les épaules.
-Enfin, c'est toi notre expert militaire : moi, je n'y connais goutte et ma spécialité ne nous es pas vraiment utile, en ces circonstances. Heureusement que je ne sais pas faire que ça, sinon... Je serais un véritable poids mort.

" Les clercs sont formés au port de ce genre d'armure..." dit Hubert d'un ton distrait, avant de revenir dans l'instant.
Il regarda Giovanni avec irritation.
" Mais qu'est-ce que... Giovanni. Arrête, tu veux. Tu es reparti dans cette espèce... d'angoisse existentielle ? Tu nous es indispensable. Et tu le serais même si tu étais incapable de te rendre invisible. La valeur d'un homme ne se mesure pas au nombre de personnes qu'il a tuées ou aux trésors qu'il a découverts."

Le barde sourit plus franchement.
-Admets quand même que c'est plus flamboyant de trouver des trésors que de n'en point trouver ! Non, mais plus sérieusement, tu t'es mépris : je voulais juste dire que si mes compétences se limitaient à peindre, je ne servirais vraiment pas à grand chose. Objectivement. Je suis donc heureux d'avoir bénéficié d'une formation de barde en bonne et due forme, parce que je peux me rendre utile... de manière concrète.

" Cela dit, si tu reprenais tes séances de pose, ce serait un signe fort de notre confiance en une victoire prochaine." dit le paladin, songeur.
Il haussa les épaules.
" Mais je pourrais aussi comprendre que tu n'aies pas la tête à ça..."

-Oh, ça me changerait les idées, au contraire. Mais je doute de trouver beaucoup de volontaires : j'ai l'impression que nos compagnons, eux, n'aurons pas la tête à ça. Et puis...
Il grimaça.
-Et puis, nos réserves de papier et d'encre sont limitées. Sans doute vaudra-t-il mieux attendre que Frida et la colonne nous aient rejoints avec toutes les fournitures qu'ils rapportent.

" Oui... Misère, cette colonne, je l'avais presque oubliée... Nous allons devoir les faire entrer dans les jours à venir... Il faudra sans doute que les gens qui restent ici commencent à imaginer la disposition des lieux... La promiscuité rassure, mais à moyen terme, elle va finir par nous taper sur le système."
Il lâcha un bref soupir.
" Je ne devrais pas anticiper sur le conseil. Il viendra bien assez tôt."
Il sourit.
" On parlait d'armure et de fière allure, mais... tu as essayé la robe de mage ? Ou ça t'a paru trop risqué ?"

-Je ne l'ai pas encore fait mais seulement parce que je me suis concentré sur les sceptres et les bâtons. Sur celui que nous avons découvert au sanctuaire, en particulier... Quoique je commence à me demander s'il faudra compter sur lui dans notre lutte contre les Ithiliens : peut-être son usage est-il... différent. Il faudra que je vérifie certains textes que j'ai survolés quand je faisais des recherches pour toi.
Il se fit pensif.
-Mais je passerai la robe : je ne crois pas que ce soit risqué. Simplement, je le ferai loin des regards indiscrets, sans quoi j'en connais qui se payeront ma fiole.

" Pourquoi ? C'est une tenue plutôt standard, pour un praticien des arcanes, non ? Enfin, je ne parle pas de cette robe en particulier, mais... dans l'absolu. Elle a l'air particulièrement... bizarre ? Bon, c'est vrai que les bardes portent rarement ce genre de choses... Mais quand elles sont bien coupées... On se demande toujours ce qu'il y a en dessous... Je suis sûr que cela aurait un effet très positif sur ton... pouvoir de séduction." dit le paladin d'un air facétieux.

Giovanni, pour sa part, arbora une mine outrée.
-Hubert de Maleval, vous me choquez ! souffla-t-il.
Puis il sourit largement.
-Tu n'as pas tort, dans le fond. Et je voulais juste dire que... L'on a pas l'habitude de me voir ainsi vêtu. Quel gouffre entre une robe, aussi splendide et bien taillée soit-elle, et mes habituelles tenues à la dernière mode d'Antelucas ! Bon, d'accord, celle-ci doit être de l'avant-avant-dernière mode, car les choses vont vite, en ce domaine... Mais voilà.

" A trop traîner dans les ruines, on est vite dépassé, que veux-tu..." dit le paladin en contemplant sa dernière et unique chemise.
C'était une chance qu'il ne soit pas sensible au froid, vu les circonstances. Il n'avait plus ni manteau, ni tunique, et sans les sortilèges d'Albérich, il n'aurait plus rien du tout. Sans compter que ceux-ci ne pouvait probablement rien contre l'usure... comme les sorts de soin ne pouvaient endiguer les effets de l'âge.
" Dommage que j'ai les épaules trop larges. Une fois en robe, tu aurais pu me donner ton pourpoint. Bien que... Je ne suis pas sûr que cette avant-dernière mode d'Antelucas m'irait bien. Un peu trop... raffiné."

-Je suis sûr, au contraire, que cela renforcerait encore ton charme ébouriffant...
Il baissa les yeux sur son pourpoint et grimaça.
-En fait... Tu devrais l'essayer, pour que tes épaules plus larges le malmènent. Je ne peux pas m'empêcher de demander à Thibault de réparer ma mise mais c'est stupide et presque indécent, quand on pense à nos compagnons... Les couturières ont beau s'activer sans trève, cela ralentit à peine le processus de dégradation vestimentaire dont souffre la Communauté. Pour te dire, alors que ma tenue paraît comme neuve, celle de mes apprentis tombe en morceaux. Celles de leurs camarades aussi, mais cela touche tout ceux qui s'activent au moins un peu...
Il soupira puis eut un sourire en coin.
-En fait, c'est presque dommage que Frida arrive bientôt. Sans cela, mon grand rêve d'une Communauté vivant nue et libre se serait concrétisé !

" Crois-moi, si nous vivions tous nus... Misère... Je pense que quand on n'y est pas habitué, c'est rudement dangereux... Il est des parties de mon anatomie que je ne contrôle pas assez bien pour ce genre de choses."
Il s'empourpra.
" Oublie ça. Hum."
Il jeta un coup d'oeil autour d'eux. "
" Mais Frida sera bientôt là et tout ira bien."

-Et mon rêve sera brisé, tu veux dire. En plus, quand tout le monde est nu, ce n'est pas la même chose, crois m'en.
Triste soupir.
-Mais tu devras donc te contenter de me croire sur parole car, oui, Frida sera bientôt là. Sauf si je trouve le moyen d'user de nos artefacts pour créer, je ne sais pas, une tempête lui bloquant le passage... Ah, voilà une perspective qui me motive sacrément et je vais redoubler d'efforts.

" Puise ta motivation où tu le peux, Giovanni ! Tout est bon à prendre." s'exclama Hubert, hilare.
Quoi qu'en dise le barde, et même s'ils étaient tous dans le plus simple appareil, il n'imaginait pas pouvoir contempler l'objet de son désir nu sans avoir une certaine réaction embarrassante. Rien que d'y penser, il se sentit rougir. Il chercha d'ailleurs le Luménien du regard, le vit et lui sourit. Quelque chose se contracta dans son ventre et il refit face au barde.
" Que disais-tu sur le sceptre que tu as trouvé au sanctuaire ? Que son usage pourrait être particulier ?"

-Le bâton, tu veux dire... Et bien...
Il hésita.
-Non, j'ai trop peur de dire des bêtises. Après tout, j'ai vraiment survolé ces passages et j'ai pu tout interpréter de travers. Alors je préfère ne pas t'en parler pour le moment : mieux vaut que j'aie des certitude. Néanmoins...
Il se fit très grave.
-Néanmoins, je veillerai à mettre mes notes au propre ce soir. Pour que, quoiqu'il advienne, cette piste puisse être suivie.

Hubert pâlit.
" Je ne disais pas ça pour ça... Et je pense que cette fois, tu devrais te faire accompagner. Varamyr ferait un bon acolyte. Il est silencieux et létal. Il pourrait aller dans les souterrains et les passages secrets avec toi, puis rester en retrait dans les moments où une invisibilité magique est nécessaire..."

-A deux, on est forcément moins discrets. Sans compter qu'il faut sacrément bien se coordonner pour éviter les pépins, ce qui implique de convenir à l'avance de codes ou de réactions dans telle ou telle situation.
Il fit la moue.
-Et puis, si les choses devaient mal tourner, ça ferait deux morts au lieu d'un seul. Ou deux prisonniers. Donc deux personnes susceptibles d'être torutrées et de leur livrer tout ce qu'elles savent. Même si, je n'en doute pas, Varamyr risque moins de cracher le morceau que moi...

" Mais à deux, on peut s'entraider, se soutenir et se protéger, Giovanni. Et deux esprits valent mieux qu'un. Deux regards, aussi. Honnêtement, j'en parlerai en conseil. J'ai l'impression que... ce serait plus prudent. Varamyr est extrêmement fiable. Il a un compagnon animal létal. Avec lui à tes côtés, au moins jusqu'à la forteresse... Je serais plus rassuré. Si tu crains pour les couloirs secrets, il peut rester dehors."

-Mais Hubert, je suis allergique aux poils de chat ! s'exclama le barde. S'il m'accompagne, je vais éternuer tout du long et les Ithiliens me choperont à coup sûr !
Il eut un piètre sourire.
-Mais blague à part... C'est de toute façon au Conseil de décider. Je me plierai à votre décision. Bon, Varamyr risque de me voir... assez secoué, disons. Mais qu'importe l'amour propre, dans notre situation...

" Tu vas t'en sortir très bien, dit Hubert. Mais je voudrais surtout que tu nous reviennes en un seul morceau."
Connaissant Varamyr, il risquait de brusquer le barde. Mais Hubert pouvait prendre le temps de lui parler et de l'adoucir. Et il serait là pour accueillir Giovanni en douceur à leur retour.

-Je compte bien revenir en un seul et même morceau. Je suis très attaché à ma personne et tant qu'à faire, j'aimerais la conserver en intégralité. Mais voilà, être prévoyant, c'est aussi envisager le pire...
Il soupira.
-J'ai préparé des documents, au cas où. Et ne proteste pas : c'est plus prudent. De surcroit... Vois ça comme le geste grandiloquent d'un barde sunite qui est toujours dans l'extrême, pas comme la preuve que le pire va se produire.

" Le Lathandrite en moi sait que tout ira bien." dit le paladin en posant la main sur le bras de son interlocuteur.
Il lâcha ensuite un léger soupir et repoussa son assiette.
" Je vais aller voir si les autres sont prêts. Je te tiens au courant pour la suite..."

-D'accord.
Il s'arracha l'un de ses sourires peu convaincants.
-Je vais passer un peu de temps avec les petits. Quand j'ai demandé à Albérich, à midi, s'ils ne le tourmentaient pas trop, il m'a répondu qu'ils se fondaient dans la masse. Il y a donc du boulot pour en faire de vrais bardes... Mais quoi qu'il en soit, je ne serai pas loin. Cherche moi dans la salle du trésor ou dans les environs immédiats.
D'où il se trouvait, Hubert pouvait voir les trois autres membres du Conseil : les réunir ne prendrait donc que quelques instants.

Hubert alla rejoindre Albérich qui lui sourit et se leva. Le Luménien avait discuté avec les instituteurs, sans doute avait-il glané des informations sur leurs recherches du jour. Ils se dirigèrent ensemble vers la salle des cartes, sans arracher Ezéchiel et Marthe à leur repas, cependant. Ils les verraient bien sortir et sauraient eu les trouver.
" Je suis heureux que votre expédition se soit bien déroulée, dit Albérich tandis qu'ils remontaient le couloir, à une distance saine l'un de l'autre.
— Oui, pas de mauvaise surprise, aujourd'hui.
— Il parait qu'il y a des armures ?
— Intéressé ?
— Hubert...
— Pardon, pardon !" s'exclama le paladin en poussant la porte de leur salle de réunion.
Une fois à l'intérieur, ils s'embrassèrent furtivement et se détachèrent tout aussi vite.
" De ton côté ?
— Ah... Une journée particulière... J'ai parlé avec Marthe, avec Freya, la Paludière... Mais j'en parlerai au conseil."

Leurs collègues les rejoignirent seulement quelques minutes plus tard et le conseil fut aussitôt lancé. Il débuta par le rapport, fait conjointement par Ézéchiel et Hubert, quant à leur expédition du jour. Ce fut précis et concis : il n'y avait de totue façon pas grand chose à dire. Ils auraient pu, ensuite, poursuivre sur les missions à envisager pour le lendemain, mais Marthe jeta un regard appuyé à Albérich : puisqu'on en était aux bilans, autant qu'il présente aux autres les discussions qu'il avait eues, lesquels pouvaient déterminer bien des choses...

" Il y a quelques jours, dit Albérich, sensible au regard de Marthe, avant de lancer ces expéditions, nous avions parlé d'une intervention plus radicale... et nous l'avons... comme perdue de vue... Je ne veux pas forcer quelque chose qui vous déplait, mais nous devons a minima en reparler. Avant de nous lancer là-dedans, cependant, je voudrais vous exposer brièvement les échanges que j'ai eus aujourd'hui. J'ai, comme prévu, contacté Frida. Elle estime leur arrivée à dans trois jours. Je l'ai envoyée vers les portes est. Je pense que nous devons commencer à réfléchir précisément aux modalités de leur accueil ici... surtout de la manière dont nous allons acheminer trois cents personnes et des tonnes de matériel jusqu'ici... C'était mon premier point."
Il les balaya du regard.
" J'ai communiqué avec Alaric, l'aubemestre de Luménis. Les Anteluciens ont pris contact avec le Prince d'Ithilion qui a dit ne rien savoir de ce qui se trame ici. Il refuse évidemment toute ingérence extérieure dans cette affaire."
Il pinça les lèvres.
" Enfin... Freya, la Paludière, est venue me parler. Je pense que nous aurons aisément leur aide... Ils se sentent... embarqués dans notre galère, d'une certaine manière. Mais elle m'a parlé d'un pressentiment qu'elle a... un pressentiment très sombre... d'une catastrophe sur le point de se produire... Je pense, malheureusement, que nous devons... en tenir compte."

S'ensuivit un silence pesant qu’Ézéchiel fut le premier à rompre.
-Je propose que nous débutions par ce dernier point. Si le pressentiment de Freya est fondé, il détermine un peu tout le reste.
A son tour, il observa ses compagnons.
-Mais la seule solution que je vois pour en tenir compte, c'est de monter au plus vite une opération pour libérer les prisonniers, comme tu le suggérais, Albérich. Si une catastrophe est imminente, nous devons les ramener ici. Nous pourrions aussi tenter d'empêcher la catastrophe mais comme nous n'en connaissons pas la nature...

Hubert paraissait stupéfait... peut-être scandalisé... qu'il ne lui en ait pas parlé d'emblée et avant les autres. Mais à quoi cela aurait-il donc servi ?
" Je suis assez d'accord mais... nous n'avons aucune idée de ce qu'est cette catastrophe... Freya a dit... que peut-être cet endroit... était un refuge, justement, prévu pour abriter les gens en cas de grosse tempête, au sens large. Mais nous n'en avons aucune certitude. Peut-être les gens sont-ils en réalité plus en sécurité à la forteresse... ou auprès de Frida, à l'extérieur. C'est pour cela que demain, j'avais l'intention d'interroger Lathandre. Je ne sais pas s'il me répondra et ce qu'il me répondra, le cas échéant, mais j'ai le sentiment que nous devons essayer d'en savoir davantage. Freya a parlé de réaliser un rituel pour faire sens de son pressentiment, aussi."
Il pinça les lèvres.
" Je me dis aussi que si nous parvenions à avoir des informations plus tangibles le concernant... nous pourrions nous en servir pour faire pression sur les Ithiliens... Peut-être même les faire fuir. Mais si nous ne pouvons nous-mêmes nous en prémunir, ma foi... Je ne sais qu'en penser."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue