La Couronne de Cuivre

Les petits boules de feu étaient plus nombreuses mais toujours aussi fragiles dès qu'elles survolaient les ruines. Astrée cherchait un endroit où se positionner quand elle entendit un cri étouffé. Il y eut un éboulis de terre et de pierre juste à droite de l'endroit où elle se trouvait, un bruit de lutte mêlé à un grésillement épouvantable, puis quelque chose de massif et flamboyant tomba du sommet de la falaise et s'écrasa dans la neige en contrebas avec un son mat. Les flammes étaient aveuglantes, Astrée était éblouie et n'y voyait pas grand chose, sinon une forme embrasée au sol.
" Couvre-le de neige ! Vite !" lança une voix en contrehaut et elle vit l'elfe descendre en glissant vers elle, le long des gravats.

C'était la chose à faire, de façon évidente, et Astrée se précipita vers la forme au sol avant même qu'on le lui dise, pour tenter d'éteindre les flammes. Elle ignorait s'il s'agissait de Dimitri, de l'élémentaire, ou des deux entremêlés, mais il fallait étouffer le feu en priorité avant de tenter quoi que ce soit d'autre.
Elle saisit de la neige et s'approcha pour la déverser sur les flammes, par larges brassées. Il fallait espérer que l'élémentaire, s'il était toujours en vie, lâche rapidement Dimitri pour ne pas aggraver ses brûlures.

Il était difficile de s'approcher suffisamment, mais avec l'aide de Valkalyn, qui envoyait de pleines brassées de neige, Astrée parvint peu à peu à étouffer les flammes. L'homme à terre était Dimitri. Il n'y avait aucune trace de la créature élémentaire. Mais il n'y avait plus de boules de feu non plus. L'elfe la rejoignit.
" Dépêche-toi de lui donner des soins. Il est gravement touché."
C'était peu de le dire. L'odeur était épouvantable et la vision des chairs brûlées promettait à Astrée de nombreux cauchemars à venir.

Le coeur serré, l'estomac au bord des lèvres, Astrée s'agenouilla à côté de Dimitri. Les flammes avaient laissé place à une vision d'horreur, et elle dut lutter contre la certitude qu'il allait mourir, que c'était trop tard pour le soigner, qu'il était trop gravement touché, que c'était fini...
Elle s'interdit d'imaginer le pire, de pleurer, de paniquer, et incanta aussitôt.
Astrée --> soins (niv 2) --> Dimitri.
Elle comptait relancer aussitôt un autre sortilège, puis un troisième si nécessaire, autant qu'il en faudrait, autant qu'elle le pourrait, en y mettant toute l'énergie magique qu'elle avait en elle. Elle devait le sauver. Il était fou d'avoir tenté une chose pareille...

Il lui fallut trois sortilèges de soins puissants avant que Dimitri ne retrouve une apparence normale. Ses vêtements avaient cependant intégralement brûlé et c'est dans le plus simple appareil qu'il reposait, inconscient, dans la neige. Sa respiration était tranquille, et la seule chose qui avait survécu à sa carbonisation était son épée. L'elfe se tourna vers Astrée, mais celle-ci avait déjà sacrifié son manteau plus tôt, aussi se délesta-t-elle de sa veste et la jeta-t-elle sur le mercenaire.
" C'est fait." dit-elle simplement.
Puis elle les abandonna pour rejoindre les siens, plus loin dans les ruines.

Dimitri semblait sauvé, mais Astrée ne serait pleinement rassurée que lorsqu'il aurait repris conscience. La tension était un peu retombée, cependant, et elle essuya une larme qui perlait à ses paupières. Puis elle ôta rapidement son pull et son écharpe pour l'en couvrir. Elle ne se préoccupait guère de pudeur -en l'occurrence nettement moins que d'habitude- mais il allait geler...
" Dimitri... est-ce que ça va ? fit-elle d'une voix rauque. Réveille-toi..."
Toujours agenouillée, elle posa une main un peu tremblante sur sa joue, lui caressant le visage avec douceur.

(Edit - HRP : en fait c'est l'épée qu'il avait prise à l'elfe, c'est ça, pas vraiment la sienne ?) (après, l'elfe pouvait avoir l'épée de Dimitri...)

HRP : tu as raison, c'est celle-là... Merci mon assistante

Le mercenaire ne tarda pas à reprendre conscience, mais il lui fallut quelques secondes pour reprendre pied. Il frissonna aussitôt, se redressa sur un coude, réalisa qu'il était nu et s'empourpra instantanément ce qui, vu son absence de vêtements, ne se limita pas complètement à son visage. Il se retourna, enfila le pull puis noua la veste de l'elfe autour de sa taille, avant de refaire face à la druidesse. Il claquait déjà des dents.
" Ça a l'air d'avoir marché. Je vais mourir dans la neige, mais au moins, cette chose a disparu."

Astrée, enfin rassurée, réprima un certain amusement en le voyant si pudique. Non, ce n'était pas vraiment le moment de le taquiner à ce sujet.
" Ne t'en fais pas, je te réchaufferai,..." fit-elle avec douceur.
Elle réalisa en prononçant ces mots qu'on pouvait y mettre bien des choses derrière, et se sentit rougir à son tour.
" Mais tu es complètement fou, tu sais ça ?, lança-t-elle brusquement pour détourner la conversation. Tu te rends compte que tu aurais pu..."
Elle secoua la tête, incapable de trouver les mots, puis elle le serra soudain dans ses bras, brièvement, de toutes ses forces. Elle le relâcha très vite, et lui adressa un sourire embarrassé.
" Tu m'as fait peur, bon sang..."

Il eut l'air vraiment penaud.
" Je ne m'attendais pas à... m'embraser à ce point, aussi rapidement... Les arbres, je comprends, mais... c'est comme s'il diffusait une sorte d'huile instantanée... Je n'ai pas eu le temps de m'interroger... La douleur était tellement intense que... je n'ai pas de souvenir au-delà du moment où nous avons basculé..."
Il haussa les épaules puis trembla de plus belle.
" Je ne serais pas contre retourner vers le feu. Je sais que ça ne m'aidera pas à sortir de cette forêt mais... ce serait déjà une première étape."

" Oui, bien sûr... Viens, on va les rejoindre."
Elle se redressa. Elle ne pouvait qu'imaginer sa souffrance lorsqu'il avait été brûlé ainsi. Il avait pris un risque énorme... Mais ils devaient se concentrer sur le présent. Et le présent, c'était le froid et la neige.
" Je vais te faire un thé, là-bas. Ça va te réchauffer de l'intérieur. Et enroule-toi dans mon écharpe..."
Elle l'entraîna en glissant un bras autour de sa taille, cherchant à lui apporter un peu de chaleur. Elle avait froid, elle aussi, dans sa tunique, mais elle avait la chance d'avoir encore des chausses, des bottes et des gants...

Lorsqu'ils arrivèrent au feu, accélérant imperceptiblement sur les derniers mètres face à la promesse d'une bonne flambée, les elfes étaient toujours présents. Ils ne dirent rien mais il était manifeste, à leur attitude, à leur regard, qu'ils n'en avaient pas terminé avec eux. Ils s'écartèrent néanmoins à leur approche, peut-être pour leur laisser un peu d'intimité, ou alors parce qu'ils ne voulaient pas s'imposer leur présence meurtrière. Le problème de la créature élémentaire était réglé, mais il avait tué quatre des leurs, sans compter l'elfe qui avait été réduite à rien au coeur du complexe en ruines.

Astrée devinait que la discussion allait être compliquée. Houleuse. Explosive, sans doute. Elle hésita à dire quelque chose, s'excuser, n'importe quoi... mais elle opta d'abord pour le pragmatisme : ils étaient tous gelés, Dimitri plus que les autres, et l'urgence était de se réchauffer.
Elle posa un récipient plein de neige sur le feu : elle n'avait dans sa sacoche qu'une timbale minuscule, mais ils pouvaient l'utiliser à tour de rôle pour faire du thé, et elle pouvait même en proposer aux elfes.
" Je peux nous conjurer des baies magiques, fit-elle à l'adresse de Dimitri. Et... je suppose qu'il faut que j'explique ce qu'il s'est passé... ", ajouta-t-elle d'une voix peu assurée.

Il jeta un oeil vers les elfes.
" Je ne sais pas si nous avons les moyens de rattraper la faute commise. Quelles que soient nos bonnes excuses. Nous avons pénétré sur leur territoire, nous sommes responsables de la mort de plusieurs d'entre eux..."
Il eut un sourire contrit.
" Nous ne sommes pas très bien embarqués."

Elle hocha la tête, sombrement.
" Je sais... "
Ils avaient beau ne pas l'avoir fait exprès, et avoir détruit l'élémentaire de feu pour éviter une catastrophe plus grande encore, ils n'en étaient pas moins responsables des morts.
" Je ne savais pas du tout ce qu'il allait se passer quand je lâcherai le marteau. Et... je ne pouvais pas faire autrement que le lâcher, sinon ils m'auraient tuée. Et puis, il pouvait prendre le contrôle de mon corps, de toute façon. Et pour l'elfe, dans les ruines... je n'ai vraiment rien pu faire. Elle s'est transformée en flammes d'un coup, et toi en glace... Et il était impossible d'annuler le sortilège pour elle."
Tout de même, elle aurait évité des morts si elle avait laissé le marteau en arrière. Elle ignorait le prix qu'elle l'aurait payé, cependant. Il avait dit qu'il la protégeait contre le sortilège lancé par le mage...
Elle soupira, et jeta quelques feuilles de thé dans l'eau.
" Heureusement que tu as pu éviter que ce soit pire encore. Ils en tiendront peut-être compte..."

Dimitri n'avait pas l'air convaincu mais il finit par acquiescer.
" Ils sont loin de chez eux... Je ne sais pas si c'est un avantage ou un inconvénient... Ils vont devoir statuer seuls... et leurs chefs ne sont plus là pour les aider à trancher... Il reste la question des deux humains et de Prince, également... Je ne crois pas que ton compagnon risque quoi que ce soit. En revanche, les deux autres..."
Il secoua la tête.
" Peut-être devons-nous nous résoudre à les leur abandonner. Ce n'est pas la solution que je souhaite, mais peut-être est-ce la seule envisageable, pour rétablir un semblant d'équilibre."

Elle grimaça.
" C'est cruel, de leur avoir donné de l'espoir pour les abandonner ensuite. Même si, de toute façon, ça m'étonnerait qu'ils nous laissent le choix."
Elle laissa échapper un profond soupir. ils auraient mieux fait de ne pas s'en mêler... Et surtout, elle aurait mieux fait de ne pas sortir ce marteau de la cité.

Elle remua machinalement la tasse de thé chaud, qui avait presque fini d'infuser, puis incanta brièvement.
Astrée --> baies magiques.
Ils n'avaient rien mangé depuis la veille à l'aube, après tout, et les elfes ne leur proposeraient certainement rien.
" Une pour aujourd'hui... et une pour demain matin si... si on est séparés," fit-elle en lui en tendant deux.
Elle détourna le regard.
" Le marteau, c'est ma faute. Toi, tu ne risques rien, tu viens de leur sauver la vie. Mais moi... ils peuvent décider de me tuer. Quoiqu'ils décident pour les deux hommes, c'est ma faute si leurs compagnons sont morts."
Elle réalisa au moment où elle prononçait ces mots qu'elle n'y croyait pas vraiment. C'était de l'ordre de l'inconcevable. Se faire tuer là, immédiatement, par des elfes... Elle savait que c'était de l'ordre du possible, peut-être du probable. Mais ça restait quelque chose d'abstrait, d'impossible à envisager. Elle se mit pourtant à trembler, et avala une baie magique pour retrouver un minimum de maitrise de ses nerfs.

" C'est la mienne. Si je n'avais pas décidé d'intervenir, tout ceci ne se serait pas produit. Nous aurions dû rester en dehors de tout ça, cela ne nous concernait pas."
Il soupira.
" On veut faire bien et on fait pire... C'est peut-être la morale de l'histoire."
Il prit la baie qu'elle lui tendait et la mangea.
" Mais je ne les laisserai pas te tuer, et je ne les laisserai pas nous séparer."

" Merci..."
Sa dernière phrase lui réchauffait le coeur bien au-delà de ce qu'il pouvait imaginer, et elle sourit en lui tendant sa tasse de thé, comptant sur le froid pour masquer le rosissement de ses joues.
" A mon avis, ils vont nous ramener au sanctuaire pour décider de notre sort. Et là-bas... bah, s'ils sont un peu superstitieux, ils pourraient estimer qu'ils ont eu tort de mécontenter un être féérique, fit-elle avec une légère grimace indiquant qu'elle n'y croyait guère. Et sinon, avec un peu de chance, ils vont au moins considérer qu'il faut que je reste vivante pour te nourrir et te réchauffer, ajouta-t-elle d'un ton plus léger. Ou bien qu'un prince fey peut avoir besoin d'une humaine à son service... Ça me laisse donc une chance !"
Mais ils allaient s'en prendre à leurs prisonniers en guise de représailles. Et ils n'y pouvaient pas grand-chose. Les elfes étaient les maitres en leur forêt.

" Je ne pense pas..."
Il n'eut pas l'opportunité de terminer sa phrase car l'elfe était revenue vers eux.
" Vous êtes entrés dans cette forêt sans autorisation. Vous avez foulé nos terres sacrées et êtes intervenus dans nos affaires internes. Vous avez tué cinq des nôtres pour venir en aide à des criminels. Je pourrais y voir la marque de l'arrogance usuelle des humains, qui pensent toujours savoir mieux, qui pensent toujours avoir le droit, qui s'estiment seuls dépositaires de la justice et de la raison. Mais vous êtes un être fée. Vous êtes fils de la Lorien. Vous êtes contaminé par ce peuple que vous avez fait vôtre, mais je ne peux ravir votre vie."
Elle jeta un regard mauvais à Astrée.
" Vous allez quitter cette forêt. Vous n'y êtes plus les bienvenus et vous ne le serez plus avant un certain temps. Les hommes que nous avons capturés seront châtiés, comme ils devaient l'être avant que vous ne veniez bouleverser les choses. Nous libérerons l'animal. Il n'a pas à pâtir des errements d'une humaine, même si sa loyauté est dévoyée."

Astrée baissa la tête, le coeur serré, mais révoltée par les derniers mots concernant Prince. Tout cela lui semblait injuste : elle n'avait absolument pas poussé Dimitri à avoir ce genre de comportement. Il avait décidé de lui-même qu'il voulait agir, alors qu'elle-même considérait intuitivement que les elfes étaient chez eux et qu'ils n'avaient pas à intervenir. Elle l'avait suivi avant tout pour veiller sur lui... et elle ne regrettait pas d'avoir été là lorsqu'il en avait eu besoin. De toute façon, elle n'aurait pas pu le convaincre de renoncer.
Mais elle ne voulait pas l'accabler, et puis, les elfes considéreraient de toute façon que son comportement était dû à l'influence des humains. Alors qu'il s'agissait simplement de son tempérament.

Cela ne l'empêchait pas de trouver injuste d'être bannie de Lorien après avoir, tout récemment, tellement voulu les aider. Mais Dimitri l'avait avertie de ce risque... Et puis, elle savait aussi que la mort des elfes était de sa faute, à elle. Et qu'ils auraient pu faire pire et décider de la tuer.
" Je suis désolée, sincèrement désolée, de ce qui s'est passé. Je n'ai jamais voulu causer le moindre mal à quiconque... et je n'ai aucun contentieux avec les elfes : l'été passé, j'ai aidé ceux de votre peuple, j'ai soigné les vôtres et sauvé des vies. Je sais que nous avons eu tort d'intervenir dans vos affaires... mais nous n'imaginions pas que ça tournerait ainsi. Nous n'avions aucune intention de nuire. Et je regrette profondément d'avoir causé un tel désastre. Ce n'est... pas dans mes habitudes, ni dans ma nature."

Au regard que lui jeta l'elfe, Astrée comprit que son interlocutrice, comme elle l'avait annoncé, se souciait peu des justifications et autres regrets. Sans attendre, elle fit signe à ses deux compagnons et, en quelques minutes seulement, ils disparurent, avalés par les ruines et l'hiver. Dimitri posa un bras consolateur autour des épaules de la jeune femme.
" Je suis désolé de t'avoir entraîné dans cette histoire... mais les regrets ne nous serviront à rien. Je pense que nous avons tout intérêt à invoquer Recha et à galoper, le plus vite possible, jusqu'à une auberge en bord de route. Prince nous rejoindra, son lien avec toi le guidera."

Elle se blottit contre lui, d'instinct, poussée par un besoin immense de réconfort et de chaleur.
" Prince... il va avoir froid... J'espère qu'il va s'en sortir."
Elle ferma les yeux, brièvement, et commenta, avec un peu d'amertume.
" C'est pas très brillant, pour une apprentie druidesse, de se faire mettre dehors de Lorien. Je ne suis pas sûre que mon mentor apprécie. Mais tu m'avais prévenue de ce qu'on risquait..."
Elle haussa les épaules et leva les yeux vers lui.
" Et je suis désolée qu'on n'ait pas pu aider ces deux hommes. Je sais que c'était important pour toi... et si tu veux encore tenter quelque chose, je te soutiendrai. Mais je pense aussi que le plus sage est d'essayer de rejoindre rapidement un abri... même si on devra probablement faire une ou deux pauses avec des feux pour se réchauffer. Et tu dois aller récupérer tes affaires dans leur sanctuaire, aussi. Ton épée..."

" Je ne pense pas sûr de retourner à leur sanctuaire. C'est un endroit hautement sacré et nous avons de la chance qu'ils aient décidé de nous épargner. Mon épée me reviendra, je ne m'en soucie guère."
Il serra Astrée contre lui, mais il était celui des deux qui avait le plus besoin de chaleur.
" Pour le reste... Les elfes décident d'une chose, mais ils pourraient en changer... Fais confiance à ton destin. S'il est écrit que tu dois revenir en Lorien, tu le feras. Mais tu rêvais de montagnes : ne force pas ta trajectoire parce que tu as des regrets."

" Les elfes ne sont pas une entité unique, surtout. J'ai rendu service à d'autres, et je le ferai encore si le destin m'y amène... Et puis, ils n'obéissent pas aveuglément à une décision d'autrui, je pense. Ce n'est pas parce qu'un petit groupe d'elfe a décidé que j'étais bannie que tous le respecteront... ou pas indéfiniment en tout cas. Bon, j'espère juste qu'ils me laisseront traverser par la route, dans l'immédiat... mais sinon, tant pis, je ne suis jamais pressée, je contournerai. "
Elle haussa les épaules. Le problème était surtout qu'elle avait voulu s'immiscer dans les affaires internes des elfes, pour une raison douteuse -pour rester avec Dimitri avant tout- et qu'elle n'était pas sûre du tout que Sohel approuve. Mais il ne servait à rien de s'en inquiéter tout de suite.

Elle sortit la pierre de Recha de sa poche pour la lui donner, tout en gardant l'autre bras passé fermement autour de sa taille pour tenter de lui apporter un peu de chaleur -ou peut-être surtout parce que c'était agréable d'être tout contre lui.
" Je me bois rapidement un thé, moi aussi, avant de partir. N'hésite pas à en reprendre. On a besoin de chaleur. Et les auberges sont loin... on aurait peut-être intérêt à récupérer ma couverture restée pas très loin du sanctuaire. Enfin, sauf si tu penses que ça fait un trop grand détour... "
Elle avait également, là-bas, une corde, potentiellement utile pour traverser la rivière, mais peut-être pas indispensable. Et ses armes.
La réaction tranquille de Dimitri concernant son épée l'avait stupéfaite. C'était pourtant une épée exceptionnelle... et surtout, le moyen de retourner chez lui. Mais ce devait être un objet plus ou moins sacré pour les elfes. Elle espérait que cela suffirait à ce qu'on la lui rende rapidement. Il en aurait besoin...

Dimitri la laissa terminer son thé avant d'invoquer Recha. Le cheval surgit du néant et posa sa grande tête chaude contre son maître, le serrant du côté où Astrée ne se trouvait pas.
" Je suis d'avis de foncer jusqu'à la route, sans nous arrêter. Kimik portait du matériel... Nous la retrouverons, si tout va bien, même si elle doit s'impatienter, désormais. J'espère qu'elle n'aura pas rongé sa longe pour s'enfuir. Ensuite, nous nous hâterons jusqu'à l'auberge."
Il se leva, frissonnant dans l'air glacé, puis monta en selle et tendit la main à Astrée.
" Viens. Nous avons assez traîné."

" Je monte derrière pour essayer de te réchauffer... Mais si on se trouve dans des passages où on peut avancer plus vite, n'hésite pas à me faire passer devant pour te protéger du vent de la course."
Elle joignit le geste à la parole et grimpa en croupe, l'enlaçant fermement et collant son torse contre son dos pour le réchauffer, la joue posée contre son épaule. Malgré tout, elle était consciente qu'il allait geler en restant immobile en selle. Chevaucher dans ces bois était si compliqué que le retour vers la route pourrait leur prendre plus que la journée... et il lui semblait fort peu probable que Kimik soit restée si longtemps à les attendre : elle avait volontairement fait un noeud lâche pour que le yack puisse facilement fuir en cas de danger. Mais elle veillerait attentivement sur Dimitri... et elle se débrouillerait pour le réchauffer s'il se refroidissait trop.

Dimitri parut surpris qu'Astrée veuille monter derrière — elle était nettement plus petite que lui, ce qui ne rendait pas la position très naturelle — mais il ne protesta guère. Cependant, avant de se mettre en mouvement, il lança deux sortilèges très courts. Une étrange brume argentée les entoura alors, scintillante, ne les protégeant pas du froid mais peut-être d'autre chose. Il prononça ensuite un mot et, comme une flèche, Recha se mit au galop. L'étalon fila sans ralentir, plus rapide qu'il ne l'avait été plus tôt, et peu gêné par la neige ou par les branchages. Il soulevait cependant de nombreux cristaux de glace sur son passage et Astrée dut garder le visage dans le dos du mercenaire pour ne pas être aveuglée.
Ils galopèrent une heure, une deuxième, sans que Recha ralentisse. Il faisait terriblement froid, la vitesse rendait les choses presque insupportables, mais Dimitri avait apparemment l'intention de serrer les dents et d'arriver à bon port. Il était encore tôt dans la journée, sans doute, mais le soleil ne réchauffait rien. Comme il ne neigeait pas, le gel était souverain.
Au bout d'une heure encore, peut-être, ils débouchèrent brusquement sur la route, sans qu'Astrée ait pu prendre le moindre point de repère. Sans ralentir, Dimitri envoya Recha vers le nord. Sans doute ne tarderaient-ils pas à atteindre un endroit plus reconnaissable... ou alors une auberge.

Si elle avait su qu'ils iraient aussi vite, Astrée se serait positionnée devant pour mieux le protéger du froid. Elle lui avait pourtant expliqué... Mais elle ne s'attendait pas à cela. Elle l'enlaça de son mieux, verrouillant ses bras et ses jambes autour de lui, essayant d'être au maximum au contact de sa peau.
Elle se souvenait de Féérie, où les distances et les temps de voyage changeaient selon la volonté des êtres féériques. Dimitri semblait pouvoir en faire autant ici... Et elle ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas utilisé ce genre de magie, l'avant-veille, pour semer efficacement les elfes.
Elle fut encore plus surprise d'atteindre la route sans jamais avoir franchi la Sylvestre, ce qui heurtait totalement son sens de la géographie.
" Ouah... comment tu as fait ça ?"
Mais elle réalisa en prononçant les mots que Dimitri devait être totalement gelé, bien davantage qu'elle-même qui avait eu la chance d'être protégée derrière son dos, et qu'il n'avait certainement pas envie de faire la conversation. Aussi ajouta-t-elle aussitôt:
" Tu me raconteras... Mais là, je crois que tu devrais me faire passer devant, pour te protéger du froid..."
Elle s'était redressée un peu plus pour parler tout près de son oreille. Outre le froid, elle avait les muscles presque douloureux à force de le serrer contre elle, immobile et peu confortablement installée.

HRP : Ah zut, y'avait une rivière à franchir

" Ce n'est pas nécessaire." répondit Dimitri, mais il arrêta cependant Recha pour qu'elle puisse agir à sa guise.
Le grande cheval crachait de la buée par les naseaux, secouant sa grande tête sombre. La peau du mercenaire était légèrement violacée, mais aussi scintillante de cette légère brume argentée.
" Dépêchons-nous. La magie dont j'ai usé est dangereuse en ces lieux. Nous devons atteindre rapidement la proximité des humains."
Dès qu'Astrée fut passée devant lui, il relança son destrier au galop. Entre ses bras, vu sa taille, et avec la tête de Recha devant eux, Astrée fut aussitôt protégée du froid... et bien mieux installée.

HRP : bah oui, je pensais même que tu les ferais tomber dedans

(c'est pratique la magie, on évite tout

)

Elle se demandait en quoi cette magie était dangereuse, et pourquoi atteindre les humains était nécessaire. Mais elle n'y connaissait rien et ne voulait pas perturber sa concentration en posant des questions stupides. Elle resta donc silencieuse, soulagée de voir qu'il survivait au froid intense malgré son absence quasi totale de vêtements... et profitant du plaisir incomparable de se trouver entre ses bras. Certes, elle n'était pas sûre de jouer suffisamment son rôle de bouillotte, mais être collés l'un à l'autre ne pouvait qu'être bénéfique aux deux.
Mais la vitesse de Recha l'inquiétait, cependant. Ils pouvaient tomber nez à nez avec Kimik ou avec d'autres voyageurs, le sol était glissant... Mais Dimitri savait ce qu'il faisait, certainement. Comme toujours. Ou du moins... presque toujours, songea-t-elle en se remémorant l'élémentaire de feu, l'elfe kidnappée, le refuge dans la cité maudite... Non, décidément, il se trompait parfois lui aussi.
Elle resta donc vigilante, les yeux grands ouverts sur leur environnement et ses dangers.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Traversée de la Lorien