La Couronne de Cuivre

Brus avait pu s'approcher du groupe plus facilement qu'il ne l'aurait cru, du moins du point de vue de l'attention inexistante que lui portaient les prêtres. En revanche l'omniprésence du charnier lui soulevait le cœur. Il avait pu voir de plus près le corps qui gisait sur la table et d'où les râles s'échappaient, mais il était difficile d'imaginer torture aussi cruelle. Le jeune homme laissa glisser sa lame dans sa main. Le bourreau lui tournait le dos et il était aisé de franchir les deux prêtres en prière pour venir lui ficher sa lame dans les omoplates. Ce n'étaient pas les consignes du plan, mais il était seul à voir ce qui se tramait sous ses yeux. Lorsque le reste du groupe émergea du couloir, les prêtres ne semblèrent même pas réagir. Les bardes débutèrent leurs incantations, Brus se saisit de l'occasion tant qu'il en était encore temps. Il dépassa d'une foulée les deux premiers prêtres et planta sans hésiter sa lame entre les omoplates du bourreau. Il avait visé la colonne vertébrale, il imprima par le poignet une brusque torsion à la lame.

Le bourreau n'émit pas un cri. Il leva les yeux au ciel comme si la douleur apportée par la lame lui conférait un certain plaisir. Et c'était peut-être le cas. Un moment éphémère, le dernier sans doute car il s'affaissa. Ses deux confrères en transe se retournèrent au bruit de sa chute. Ils cherchèrent l'agresseur du regard. Brus tout près d'eux put les observer tout à loisir. Le premier était totalement have, comme exsangue. Chauve comme un oeuf, il avait le visage criblé d'une centaine d'aiguilles dont les extrémités ressortaient comme autant de piques. Le deuxième sourit, montrant au jeune roublard ses dents limées en une immonde rangée de crocs.

Il tomba soudain au sol, secoué d'un immense fou rire. Le second resta interdit quelques secondes avant de secouer la tête.

C’était le moment, enfin ! Le sort des bardes semblait avoir opéré et, plus important encore, Brus faisait face à leurs adversaires. Alors la paladine put enfin reléguer son impatience et foncer aussi vite que lui permettait son armure dont le poids semblait à peine la ralentir en cet instant. Elle décida de charger celui qui était resté debout, indubitablement le plus susceptible de riposter à leur assaut soudain. Elle fit tournoyer son marteau avec l’intention d’en frapper l’immonde clerc à la poitrine. De quoi le priver de tout souffle pour lancer des sorts à défaut de le parvenir à le tuer. Elle savait devoir privilégier la vitesse et la sûreté à la force dans cette situation d’autant que son bel Arthur ne tarderait pas à la rejoindre pour finir le travail si le besoin s’en faisait sentir. Elle remarqua le sourire cruel du Loviate en arrivant sur lui et tenta de porter son coup tout en l’invectivant d’un air dégoûté :

- Je vais te faire cracher la seconde moitié de tes dents, immonde suppôt dégénéré !

"Chandara ?"

La jeune femme entendit prononcer son nom d'une voix faible mais pleine d'espoir. Une voix faible qu'elle n'eut aucun mal à identifier. La dernière fois, elle l'avait entendue au terrain d'entraînement. Mais le splendide jeune homme qu'elle avait devant elle était méconnaissable. Blanc comme un linge sous son propre sang. Les Loviates l'avaient, pour ne pas qu'il s'enfuie cloué à une table. Ils avaient ensuite commencé à lui retirer uns à uns les ongles de la main droite.

En entendant son nom et tout ce qu’il représentait, Chandara faillit suspendre son geste et ainsi offrir une superbe opportunité au Loviate d’être récompensé des tortures qu’il avait infligées à Don. Mais savoir que son ami et condisciple avait été la victime de cet ignoble pervers et voir l’état pitoyable dans lequel ce superbe défenseur de la loi avait été mis fit exploser la fureur de la jeune femme.

S’ils avaient capturé Don, s’en étaient-ils aussi pris à ses autres amis ? Cette idée était atroce, choquante, presque incapacitante et la paladine sentit des larmes de détresse, de tristesse et de rage inonder ses joues tandis qu’elle frappait de toutes ses forces. Elle frapperait encore et encore cette engeance responsable de tant de souffrances ! Et alors qu’elle s’employait à détruire une vie viciée, elle s’accrochait au secret - et peut-être naïf - espoir d’en sauver une autre :

- Tenez bon, c’est bien moi. Je suis là !

Arthur avait suivi Chandara, mais la demoiselle était plus rapide, et elle arriva au contact avant lui. Brus avait occis le bourreau, le troisième était tombé, et le paladin se retrouva absolument désemparé quant à la marche à suivre. Il ne pouvait décemment pas frapper un adversaire à terre, et l'expression défaite, pour dire le moins, de Chandara le glaça immédiatement. Le jeune Luménien n'était pas l'être le plus futé de Toril, mais il ne pensait pas que la jeune femme soit berserker, prompte à déverser ses émotions au moindre assaut... Non, elle devait connaître le supplicié... Ce qui ne lui indiquait pas davantage quoi faire...

Une fois que le corps du bourreau s'était effondré au sol, Brus avait reculé, dague en main, comme s'il craignait encore que, même mort, le Loviate ne trouve par le biais de l'un de ses tours maléfiques le moyen de l'atteindre. Mais il semblait tout à fait mort, et du reste, le roublard n'avait pas le temps de s'en assurer, les deux autres clercs avaient remarqué sa présence, et quant à eux, il n'y avait pas le moindre doute à avoir sur leur hostilité. Et puis, ils furent soudain victime d'effets inattendus, que Brus associa rapidement aux sorts d'Eli et de Maelys. Cela lui laissait largement le temps de prendre ses distances, jusqu'à ce que les paladins n'interviennent dans le combat. Maintenant que les Loviates avaient d'autres chats à "fouetter", le roublard pouvait s'intéresser à la seconde tâche qu'on lui avait confiée : l'escalade de la pyramide. Le jeune homme prit un peu d'élan et débuta son ascension. Un regard en contrebas lui apprit que Chandara venait de faire une entrée fracassante, quant à Arthur, il semblait attendre on ne savait quoi.

Le loviate évita de justesse le coup de la paladine en sautant du coté droit. Le marteau de Chandara frappa l'air à quelques centimètres de son crâne. Il émit une sorte de sifflement strident, mélange de rire et de peur mêlées. D'un geste dextre et rapide il déplia son fouet et le lança à l'assaut de la jeune femme. Mais il dût lutter en même temps contre le sort de Maelys et il manqua de précision. Restait à savoir si Chandara parlant à Don avait suivi le mouvement.

"Il a résisté !", s'exclama Maelys furieuse, avant de recommencer à incanter.

L'autre loviate, à leurs pied indifférent à son comparse mort à quelques centimètres de lui continuait à se tordre de rire.

Arthur avait attendu une opportunité de s'immiscer dans le combat aussi, lorsqu'il vit le Loviate brandir son fouet en direction de Chandara, n'hésita-t-il pas une seconde. Il n'était pas question que la mèche cruelle de son arme frappe cette délicieuse créature. Protégé par son harnois, il ne risquait pas grand chose, et il s'élança donc entre les deux combattants, histoire de protéger la belle de son corps caparaçonné. Il avait ensuite l'intention de répliquer d'un coup latéral, espérant trancher le clerc en deux. On peut toujours rêver.
" Occupez-vous de votre ami !" lança-t-il à la paladine, ce faisant.
Qui était-il, d'ailleurs, celui-là ?

Chandara s’apprêtait à donner un nouveau coup au satané loviate qui s’était esquivé au dernier instant et n’avait pas même remarqué le fouet subitement brandi dans sa direction et qui claqua à un cheveu de son visage, emportant une mèche de ses cheveux qui virevolta dans le courant d'air consécutif. Le claquement laissa son oreille gauche étourdie et elle se demanda durant un bref instant si le cuir ne l’avait pas touchée tant la douleur avait été vive. Mais, alors qu’elle apprêtait sa riposte, Arthur s’interposait déjà entre elle et sa juste vengeance. Même au cœur de la tourmente, le paladin cherchait à la protéger ce qui éveillait des sentiments confus entre gratitude, tendresse et colère : la jugeait-il incapable de se défendre par elle-même ? C’était inacceptable ! Romantique et charmant certes mais inacceptable ! Il devait apprendre à la considérer avant tout comme une combattante, même diminuée comme elle l’était. C’était même d’autant plus important pour elle.

La paladine ne perdit cependant pas un instant à tenter d’aller à l’encontre de son initiative et elle abandonna le loviate au fouet avant de tourner son attention vers celui qui semblait beaucoup trop s’amuser de la situation. Son code d’honneur personnel lui interdisait tout autant de le frapper à terre que celui d’Arthur mais elle n’en oublia pas toute prudence et s’empara de son arme avant de la jeter au loin.

A Eli, Luna et Maelys de s’occuper de le ligoter ou de l’assommer : elle avait plus urgent à faire. La paladine se précipita donc vers le supplicié et s’empara de sa main intact. Tout en recherchant à rassurer Don de son regard, elle tenta de déterminer la gravité de ses blessures en faisant un gros effort pour ne pas le lui montrer. Etait-il possible de le libérer sans trop aggraver son sort ? En d’autres temps elle aurait pu le soulager d’une imposition des mains mais ce pouvoir lui faisait cruellement défaut en cet instant, comme tous les autres. Il ne lui restait que ses modestes talents en soin d’urgence et ses mots pour aider son ami avant que ses compagnons ne puissent venir l’aider.

- Tenez bon, Don ! On va vous sortir de là !

Elle aurait aimé pouvoir se convaincre elle-même…

Une ombre d'incompréhension passa fugitivement sur le visage du loviate quand il vit le jeune paladin s'interposer entre la belle et son fouet, avant d'être remplacé par un rictus malsain qui découvrit ses crocs. Contre un harnois, son arme ne lui servait effectivement à rien. Il esquiva sans difficulté apparente le coup du paladin en se penchant. Quand il se redressa, il tenait la serpe que son acolyte tenait encore dans sa main. Il se redressa, avec une expression de triomphe.

De son coté, Luna avait sorti une corde de son sac et se précipitant sur le rieur l'avait entravé. Don, visiblement en état de choc couvait Chandara du regard.

"Vous êtes venue pour moi, n'est-ce pas ? C'est vous qu'ils ont envoyée. Parce que vous êtes l'élite. Je l'ai toujours su."

Brus quant à lui perçut un cliquetis d'armure et devant lui surgit une haute silhouette en harnois, armée d'un morgenstern. Et, vu la façon dont il se ruait dans la mêlée, il n'était visiblement pas content d'avoir été dérangé.

Une serpe contre un harnois ? Ces Loviates n'avaient décidément pas les idées bien en place. Oui, ça allait peut-être laisser quelques griffes, mais les points faibles de l'armure étaient trop peu nombreux pour qu'Arthur s'en inquiète. Par contre, une épée à deux mains contre une aube, c'était nettement plus violent. D'ailleurs, était-ce vraiment loyal ? Le paladin n'en était pas sûr, mais le type avait vraiment un faciès trop épouvantable pour qu'il puisse s'empêcher d'essayer de le couper en rondelles. Ne prêtant attention ni à Chandara, ni à Luna, ni au mastodonte qui les chargeait, il se concentra sur son adversaire. L'homme avait l'air leste, mais il ne pourrait pas esquiver indéfiniment...

Chandara était trop absorbée par sa tâche consistant à rassurer Don manifestement au plus mal pour percevoir le danger qui menaçait Brus. Celui-ci ne s’était d’ailleurs pas encore manifesté pour appeler les renforts…

La paladine s’était penchée sur le paladin après avoir sorti quelques bandages à l’aspect bien futile pour traiter le résultat des tortures perverses qu’avait subi son confrère. Il fallait qu’elle retire ses clous mais elle préférait attendre qu’Arthur ait pu la rejoindre avec ses pouvoirs de guérison avant de prendre le risque de les retirer et de provoquer quelque hémorragie. Cela n’empêchait pas de commencer à passer un baume apaisant sur la main droite cruellement blessée et à dispenser quelques paroles d’encouragement et d’apaisement :

- Gardez vos forces, Don. Je suis avec quelques amis qui vont m’aider à vous tirer de ce mauvais pas. Et demain nous en rirons tous ensemble !

Là encore elle avait l’impression de lui mentir mais tous les mensonges étaient-ils un mal ? Le bien ne pouvait-il pas naître d’un espoir fou comme semblait le proférer la foi de son bienaimé ?

Le loviate semblait effectivement bien optimiste jusqu'à ce qu'un coup d'épée à deux mains ne l'atteigne au niveau de l'épaule. Le fer, plutôt que de rencontrer la tendre chair attendue ripa contre du fer et le choc se répercuta dans le bras du paladin. Si le coup avait blessé l'adversaire, il ne le montra pas. Au contraire, transparut sur son visage une moue de plaisir.

Don ferma les yeux au contact de la main de Chandara. L'infime soulagement au milieu des blessures était à peine perceptible mais il semblait heureux de la voir, là.

"Dites-moi que vous êtes venue pour moi. Et que vous me ramènerez à Manost.", implora-t-il.

Chandara se rendit soudain compte avec incrédulité et une petite pointe d’angoisse ce que Don aurait voulu lui entendre dire en cet instant. Si elle connaissait les paroles qui auraient eu le plus de chance de l’apaiser et le détourner de son atroce douleur, elle savait ne pas avoir le droit de les prononcer. Ce n’aurait été qu’un mensonge, une belle illusion sans fondement. Et quelque part une trahison aussi. Une trahison envers les sentiments un peu étranges du jeune homme : ils s’étaient à peine échangé quelques mots sur le terrain d’entraînement et en dehors. Comment pouvait-il penser que… Non, elle se méprenait sans doute. Et même si c’était le cas, elle réservait ces mots pour un autre. Même si elle n’avait pas encore osé et trouvé le courage de les lui dire. Mais Don avait aussi besoin d’un peu de réconfort, d’une amie simplement. Cela elle pouvait l’être pour lui, sans retenue ni culpabilité. Parce que c’était le fondement de l’Ordre qui l’avait exclu –certes – mais auquel elle avait aspiré durant tant d’années :

- Je suis ici maintenant, et je ne vous y abandonnerai pas, Don. Et je veillerai à ce que vous rentriez à Manost.

Un son métallique attira son attention dans son dos et elle avisa un instant Arthur en train d'en découdre avec l'affreux lascar. Mais elle ne pouvait pas venir à son aide, pas maintenant. Et d'ailleurs il ne le souhaiterait certainement pas. Elle devait lui faire confiance, avoir foi en lui. Même si c'était si difficile de le voir ainsi en danger. Elle continua donc à s'occuper du corps meurtri du supplicié, bandant qui un mollet, qui un poignet ayant subi des tourments dont elle ne souhaitait pas même connaître le nom.

Surpris dans son ascension de la pyramide, Brus n'avait articulé qu'un "oh-oh" anxieux avant d'effectuer la seule manœuvre efficace lors des rencontres de ce type-là : l'évitement. Profitant de son agilité, le roublard avait changer de direction pour sortir de la trajectoire du harnois en pleine charge. Il avertit ses compagnons en contrebas :

"'Tention! ça vient!"

Il n'y avait plus qu'un Loviate à maîtriser, plus le harnois, cela portait le nombre de leurs ennemis à deux. Brus reprit son escalade sans chercher à savoir comment une telle apparition était sortie de cette pyramide, il espérait seulement qu'il n'y en eût pas d'autres. L'épée, quant à elle, était encore à une petite distance. Une fois en main, il n'y aurait plus qu'à la donner à Arthur, qui ne manquerait pas de mettre tout le monde d'accord.

Arthur ne se laissa pas distraire par la moue répugnante de son adversaire. Il avait manifestement une armure sous son aube, mais il lui restait des points faibles non protégés, notamment son visage et ses mains, et au pire, Arthur pouvait simplement essayer de le renverser. Il entendit le cri de Brus mais espéra que quelqu'un d'autre pourrait se charger d'un éventuel problème. Il n'avait pas l'intention de laisser celui qu'il martelait pour l'heure s'en tirer à si bon compte. Peut-être pouvait-il tenter de s'en approcher suffisamment près pour lui asséner un bon coup de pommeau dans le nez... Cela suffirait probablement pour le mettre hors service.

Quand Brus cria, Chandara releva enfin la tête et perçut le danger qui menaçait. Et elle constata tout aussi vite qu’il n’y avait plus personne de disponible pour se mettre en travers du chemin de la brute qui chargeait et protéger les lanceurs de sorts. Plus personne en dehors d’elle-même… L’adversaire qui se lançait dans une contre-attaque sauvage avait l’air bien mieux équipé mais elle se devait de le ralentir, tant que son fier Arthur n’en aurait pas fini avec « dents pointues ». C’était son devoir. C’était aussi sa fierté qui était en jeu. Et, bien plus important, la sécurité de tous, Don y compris. Alors, même si elle ne se sentait pas du tout appartenir à une élite quelconque, même si cet adversaire semblait effrayant, même si elle devait délaisser quelques minutes le pauvre supplicié, elle *devait* faire face. Elle tapota la main valide du paladin, s’excusa avec un certain aplomb et quelques mots rassurants "Je vous laisse un instant mais je reviens vite", puis récupéra son marteau et se plaça sur la route du spadassin au fléau d’armes. Espérons qu’il ne frappe pas trop fort ou trop vite ! Et que ses amis lui fournissent rapidement de l’aide si c’était le cas.

- Par ici !

"Dents pointues" avait l'air en pleine forme et en pleine possession de ses moyens. Peut-être confiant en ses capacités, soit désireux de se prendre un coup. Mieux valait ne pas savoir. Évitant les coups d'estoc du jeune paladin, il lui montra de nouveau ses dents. C'est à ce moment là que le pommeau d'Arthur l'atteignit, lui brisant les chicots. Surpris, il poussa un cri rauque avant que du sang vienne empoisser sa bouche. Il se baissa en se tenant la bouche, soudain moins combatif. Arthur avait une occasion de l'empêcher définitivement de nuire.

De l'autre coté, l'homme en armure s'apprêtait à se jeter sur le paladin quand Chandara se jeta au travers de sa route. Il marqua un temps d'arrêt en regardant la jeune femme qui venait de crier. La seconde d'après, il brandissait de nouveau son fléau, le faisant tournoyer, près à l'abattre.

L’homme s’était préparé à frapper *son* Arthur dans le dos ! C’était tout bonnement intolérable. Pour cette raison, et cette raison uniquement, elle était ravi d’avoir capté son attention et suspendit son geste meurtrier. Mais elle avait maintenant toutes les raisons de ne pas se réjouir de l’avoir fait alors que le fléau s’apprêtait à la frapper durement. Par réflexe, et en dépit des gestes communément enseignés et admis dans les cours d’entraînements de chevalerie, la jeune femme chercha à esquiver l’attaque plutôt qu’à la parer, n’hésitant pas à exécuter une roulade très peu orthodoxe : son seul avantage consistait en effet dans sa mobilité supérieure à la brute en harnois. Et si elle parvenait à éviter une ou deux de ses attaques en force, peut-être se fatiguerait-il assez pour qu’elle riposte. On pouvait toujours rêver. Ou plutôt espérer ! Ah, si elle pouvait être lathandrite pour y croire vraiment !

Le Lathandrite, lui, n'avait jamais décapité un homme de toute sa vie, mais il trouvait le lieu et le moment bien choisis pour se lancer. Le Loviate s'était enfin incliné, le débarrassant de son affreuse bobine sanguinolente et lui présentant une nuque qui ne demandait qu'à se scinder bien gentiment. Arthur était un gentil garçon, très doux avec son cheval et potentiellement très doux avec les filles (sauf celles qui comptaient déjà fleurette au paladin suivant, même s'il ne voulait pas se fier aux apparences, qui sont souvent trompeuses, on le sait), mais avec les clercs maléfiques sadiques, il se sentait plutôt enclin à une bonne violence vertueuse. Aussi, sans trop se poser de questions, il décida de mettre un terme définitif à ce duel répugnant.
C'était d'autant plus urgent que Chandara semblait s'être jetée à terre, ce qui ne pouvait pas augurer de quelque chose de très positif. Enfin... Il ne comprenait pas assez bien les femmes pour en être complètement certain...

Brus gravit donc la pyramide et posa la main sur l'épée. Il la sentit vibrer doucement sous sa main et sa lueur se fit plus vive. Il la dégagea de son socle sans difficulté. En voyant l'intrus s'emparer de leur trésor, l'homme en armure rugit et se détournant provisoirement Chandara gravit les marches à sa suite.

De son coté, Arthur décapita le loviate dont la tête roula aux pieds de la paladine.

La paladine jeta un regard à l’horreur dégoûtante qui avait roulé presque jusqu’à ses bottes. Elle s’en désintéressa tout aussi vite : le loviate avait amplement mérité son sort et sa fin violente. Chandara chercha à croiser le regard d’Arthur et lui adressa un sourire un peu inquiet, mais un sourire tout de même :

- Vite, allons aider Brus face à cette brute. Je suis certaine que vous allez en faire de la purée comme avec ce monstre !

Et elle prit aussitôt les devants espérant progresser plus vite que le vilain et sombre spadassin en harnois et ainsi le rattraper avant qu’il ne mettre la main sur Brus. Malheureusement, ce désavantage était tout aussi pensant pour le beau et lumineux élu de son cœur. Elle songea un instant à Don et répugnait à le laisser mais le sens de l’urgence et des priorités lui imposait d’agir en faveur de celui de ses amis qu’elle estimait le plus en danger imminent. Et les autres jeunes femmes du groupe soulageraient certainement le pauvre paladin avec autant d’efficacité sinon plus qu’elle-même.

Arthur était un peu dégoûté par sa propre action et la gerbe de sang écarlate et répugnante qui en avait résulté. Mais le Loviate était mort, et c'était bien. Logiquement. Il était cependant encore un peu sonné quand Chandara cria, et ses jambes répondirent avant sa cervelle. Il s'élança derrière elle dans les escaliers, avant de réaliser que du coup, il était légèrement coincé par sa superbe silhouette et ne pouvait pas faire grand chose, sinon l'empêcher de tomber en arrière. Il espérait que Brus ne prendrait pas le risque de lancer l'épée n'importe comment, au risque de blesser quelqu'un par mégarde... Il espérait aussi que la paladine avait tort quant au programme : la purée devait être encore plus salissante que la décapitation.

Brus était finalement parvenu au sommet de la pyramide. Là, il se saisit de l'arme enchantée. Son contact était étrange, vrombissant, et le halo se fit plus intense. Le roublard était tellement absorbé par sa trouvaille qu'il ne remarqua pas immédiatement que le colosse de métal avait fait volte-face et venait dans sa direction. La clarté et la sensation de bien-être qui l'envahissait occultait sa perception du monde extérieur, jusqu'à ce que les cliquetis incessants du harnois se firent si proches que même l'épée sembla émettre une légère vibration qui avait l'air de dire "Tu te bouges, ou bien?". Brus n'eut pas à réfléchir longtemps, même avec une arme aussi formidable, dont, du reste, il ne savait pas se servir, il n'avait aucune chance contre l'apparition. Ni une ni deux, il sauta à bas de la pyramide en se laissant glisser contre le versant opposé. Il en fit le tour au pas de course pour remettre l'épée à Arthur, qui, assurément, vu la dépouille décapitée qui tomba sous les yeux de Brus, saurait quoi en faire.

Le colosse ne sauta pas au pied de la pyramide. Caparaçonné comme il était, cela s'apparentait au suicide. Aussi, furieux de le voir s'enfuir aussi facilement, il commença à incanter.

Prêtre ===> immobilisation des personnes ====> Brus

Le gamin immobilisé, il aurait tout le loisir de s'amuser avec lui après. Il commença à descendre les marches sans savoir si le sort avait eu son effet. Dans le même temps, Luna s'était approchée de Don et commença à enlever les clous. Le premier qui tenait sa main droite céda vite libérant une plaie vilaine et étendue qui se mit aussitôt à saigner. Le paladin perdit connaissance.

Voilà qu’à chercher à empêcher le prêtre immonde d’atteindre son ami, elle se retrouvait face à lui alors qu’il faisait volte-face dans sa direction. La paladine n’avait peut-être que quelques seconde pour agir avant d’encaisser la charge du colosse caparaçonné aussi devait-elle mettre de côté les questionnements quant à l’honorabilité de sa démarche. Se souvenant de quelques conseils dispensés par son maître d’armes, elle décida de profita de l’avantage très relatif de se trouver plus bas que son adversaire pour tenter de l’atteindre à un endroit où son arme serait quasiment impuissante à parer le coup. Elle l’espérait en tous cas. La jeune femme empoigna donc son arme à deux mains et tenta de porter un coup latéral visant les genoux de son adversaire. Si elle parvenait à frapper assez fort pour fausser son armure, les conséquences pourraient peut-être se révéler… intéressantes.

***

Heureusement pour Chandara, elle était trop occupée par le combat pour se rendre compte de la nouvelle torture qu’on avait décidé de faire subir à Don.

Arthur, de son côté, avait vu Brus sauter avec l'épée. Aussi, plutôt que de rester derrière Chandara, impuissant à l'aider sinon par des paroles d'encouragement qu'elle n'entendrait peut-être même pas, il fit volte-face et dévala les quelques marches qu'il avait déjà franchies pour se porter à la rencontre du roublard. Il vit que l'homme au harnois était en train d'incanter, mais il ne pouvait de toute façon rien y faire, aussi se contenta-t-il d'accélérer. Il n'était pas tout à fait certain de savoir en quoi l'épée scintillante pourrait lui permettre de venir en aide à Chandara, mais dans le doute...

Le marteau de la paladine atteignit le chevalier en plein sur la rotule droite. Le coup déforma sa genouillière et il fut quelques instants déséquilibré. Il parvint cependant à garder l'équilibre et riposta. Son fléau siffla aux oreilles de Chandara. Mal campé sur ses jambes compte tenu de son armure endommagé il manquait de précision et de force.

La paladine avait peut-être le temps de réagir pour éviter l'assaut. Pendant ce temps, Luna par un sort de soin léger parvint à mettre fin à l'hémorragie. Elle voulut s'attaquer à l'autre pied mais Don échaudé par la première tentative cria et se débattit.

Chandara avait cru prendre un avantage décisif mais le prêtre s’était empressé de la démentir et de prouver à quel point il restait mortellement dangereux. La jeune femme n’avait dû qu’à un réflexe salutaire de baisser la tête et de courber le dos juste à temps pour ne pas être frappée au visage par le fléau de son adversaire. Elle entendait à riposter en profitant de ce que son corps était chargé d’adrénaline et que son esprit n’avait pas encore réalisé à quel point elle était passée près de la mort. Mais alors qu’elle s’apprêtait à le faire, le cri de douleur de Don lui fit tourner la tête en direction du bas de la pyramide, fournissant une belle occasion à son adversaire de placer une nouvelle attaque. Maudite barde !

La Couronne de Cuivre

[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort