La Couronne de Cuivre

« Ce n’est pas tout à fait exact. Les miens ne sont pas des... imposteurs ou des manipulateurs. La tromperie au sens premier du terme est bien plus pratiquée par d’autres races, ou même par nos cousins de la surface. Non, nous sommes des gens... discrets. C’est différent. Fort ou pas, personne ne peut frapper ce qu’il n’a pas repéré. Lorsqu’il faut tuer, on tue. Ceux qui meurent sous nos dagues, bien souvent, n’ont jamais l’occasion de s’en rendre compte. A l’instar des Drow, nous sommes des lames dans le noir. Sauf que nous, on ne les abats pas par plaisir. L’Outreterre a ses lois, il faut s’y plier ou disparaitre. Les idéalistes ne le comprendront jamais. »

La liche semblait l'écouter avec une grande attention malgré la façon dont elle avait de le mépriser depuis sa capture. Cherchait-elle à en apprendre un maximum sur son peuple dans un but de conquête ? Ou alors Alchem avait vu juste et la solitude pesait sur le Despote. Dans les deux cas, il pouvait certainement le mettre à profit pour rester en vie le temps qu'une opportunité de s'échapper ou de riposter ne se présente.

- Les cimetières sont plein d'idéalistes, c'est bien vrai et je suis bien placé pour le savoir ! Et donc, pour en revenir à ce que tu disais, vous préférez vous dissimuler plutôt que d'apparaître plus puissant que vous n'êtes : c'est une stratégie habile quoiqu'un peu ennuyeuse, non ?

Ennuyeuse ? Lorsque tu cherches à atteindre tes objectifs, est-ce que l’amusement ou l’ennui à de l’importance ? »
Alchem fixa la liche, cherchant à se faire une idée globale d’elle.
« Hum... Venant de toi, peut-être que oui. Tu n’as pas l’air du genre à ne t’intéresser qu’au but. La manière de l’atteindre t’importe également, n’est-ce pas ? Parce que tu veux tuer le temps, ce temps dont tu disposes sans limite. Et puis, tu fais attention à ton image. C’est important pour un futur dieu d’en imposer. Tes méthodes se doivent d’être distrayantes pour toi et donc terribles pour les autres. Oui, je pense que tu aimes jouer avec les autres, comme tu as tenté, et tente peut-être encore, de jouer avec moi. »
Brève pause.
« Et bien sache que pour nous autres, svirfnebelins, on fait ce qui doit être fait. On le fait au mieux de nos moyens et peu importe si c’est ennuyeux. »
Malgré cette généralité, il y avait de notables exceptions. La Grande Mystificatrice était l’une de ces exceptions.

La liche manifesta sa désapprobation d'une grimace mais répondit sur le ton de la conversation :

- Brr, on croirait entendre un de ces nains ! Mêmes les gnomes de la surface ont le goût du génie et de l'invention... Sache que faire les choses avec panache n'est pas uniquement de l'esbrouffe : c'est nécessaire à tout progrès de mon point de vue. Comment envisager des solutions paraisses parfois farfelues si on n'a pas de goût pour l'originalité ? Comment s'adapter à ses adversaires et prendre l'avantage si on se contente d'appliquer toujours méthodiquement ce qui est censé marcher ? Non, de mon point de vue, c'est une erreur fondamentale : ton peuple ne pourra jamais croître et prospérer comme les hommes, les halfelins ou les gnomes de la surface dans ces conditions. Il ne fera que ralentir sa chute inexorable, comme les nains et les elfes.

« Je n’ai pas dis qu’on innovait pas. J’ai juste dit que l’amusement n’entrait pas en ligne de compte. Seule compte l’efficacité. Quelque chose de très innovant et très efficace peut être aussi, crois-moi, très ennuyeux dans sa mise en œuvre. Faire les choses avec panache implique presque toujours une prise de risque inutile. Combien d’escrimeur talentueux sont morts juste pour avoir voulu en mettre plein la vue ? »
C’était assez ironique qu’Alchem défende cette position. Sa propre façon de se battre était assez spectaculaire. Car il n’avait aucune armure, aucun bouclier. Tout se faisait à l’habilité. Mais il parlait pour la généralité, pas pour lui, pas même pour Ornegemme qui, sous l’impulsion de sa mère, était sortis des sentiers battus.

A nouveau, la liche répondit sans transition à l'argumentaire du svirfneblin par une autre question :

- Voilà qui nous amène à un autre sujet qui a bien plus d'importance que ne lui prête la masse des quidams : quel est le but des svirfneblin : est-ce uniquement de survivre ? Ne cherchez-vous pas à léguer un héritage, à laisser une trace de votre bref passage dans l'existence ? Avez-vous des artistes ?

Alchem fut un peu surpris de cet intérêt soutenu du Despote au sujet des gnomes des profondeurs. Quelques questions par ci, par là, pourquoi pas. Le monstre semblait vouloir tuer le temps. Mais à la longue, cela devenait curieux. Curieuse était d’ailleurs toute cette discussion qui n’en finissait plus. Trois raisons pouvaient expliquer cette loquacité remarquable. Soit la liche cherchait à obtenir des informations précises, comme c’était le cas d’Alchem, soit elle avait un soupçon d’estime pour le svirfnebelin qu’elle projetait du coup à sa race, soit elle souffrait vraiment de la solitude et du manque d’interlocuteur. En tout cas, Alchem prit le temps de la réflexion avant de répondre.
« Lorsqu’on est cerné par les dangers, survivre est un but imposé. Après, chacun à ses propres buts. On a des artistes, des musiciens, des bardes... personne ne le sait car personne ne les voit. On a aussi nos archimages qui consacrent leur vie à l’étude des arcanes. Nous avons juste la vocation du secret. Car le secret protège. Et toi, mis à part ta soif de pouvoir et de destruction, tu t’intéresse à quelque chose ? Un passetemps insoupçonné ? Une petite passion ? Avoir l’éternité doit permettre d’atteindre un niveau d’excellence en musique, en littérature ou que sais-je. »

La liche le regarda intensément un bon moment avant de livrer la réponse de ses réflexions :

- Eternité n'est pas à confondre avec infinies possibilités : d'une part, même si j'ai vécu plus de temps que la plupart des êtres, le temps ne passe pas plus vite pour moi que pour un autre. Et la somme des connaissances qu'un esprit non divin peut maîtriser a aussi ses limites. Donc, même si je m'intéresse à beaucoup de domaines, c'est celui de la maîtrise du vivant, de la mort et de toutes ses combinaisons qui m'occupe le plus.

« Bien... je vois, je vois. »
Alchem marqua une pause. Parler des heures, c’était très loin d’être dans ses habitudes. Depuis déjà un moment il se forçait à poursuivre. Toute information glanée pouvait être utile et il n’estimait pas avoir en retour divulgué de chose importante. Juste des généralités pas trop difficile à obtenir par d’autres moyens. Quoi qu’il en soit, il se demandait un peu sur quel sujet embrayer. Il pouvait toujours causer magie. Les débats sur les arcanes étaient de nature à occuper des vies entières.

Et ils embrayèrent sur ce sujet où tous deux avaient tant de choses à dire sans pour autant dévoiler de nouveaux secrets vraiment utiles. Alchem ressentit la fatigue et la faim de son corps et dut s'alimenter, dormir, avant que la conversation ne reprenne là où elle avait cessé. Peut-être y en aurait-il effectivement pour une vie entière...

***

Et pendant ce temps, les recherches d'Alchem ou d'un moyen de contrer le Despote se poursuivaient. Le groupe de Dotha et Aleka avait créé une tête de pont régulièrement mise à l'épreuve par des hordes de gobelins mort-vivants. Leurs recherches sur les cristaux avaient donné des résultats intéressants lors des premières heures mais cela faisait maintenant un jour qu'ils tâtonnaient. Un jour qui permit à un renfort de poids de se joindre au groupe : une illustre personne parmi son peuple, une pratiquante des arcanes avertie.

HRP : On va mettre l'action d'Alchem en pause pour les besoins du scénario mais je te laisse t'occuper d'un certain PNJ alors à toi de jouer !

Ce fut tout un groupe qui arriva sans presque un bruit. Une dizaine de forme grise. Cape de voyage, capuchon rabattue, pour les étrangers, les patrouilleurs d’Ornegemme se ressemblaient tous. Ce n’était pourtant pas des patrouilleurs, mais des gardes du corps. Quelques rares reflets trahissaient une épée ou une cotte de maille, des équipements de guerriers. Une fois à proximité, le groupe fit halte. Les regards étaient méfiants, suspicieux. Finalement, une svirfnebeline s’extirpa de l’austère escorte. Le contraste entre elle et eux était saisissant. Elle portait une robe de mage blanche peu discrète. Des habits raffinés, mais pas opulents, qui auraient très bien convenus à une gnome de la surface. Son visage, que rien ne masquait, paraissait aimable. Son regard, quant à lui, était d’une vivacité peu commune. Certains de ses traits illustraient sa parenté avec Alchem. Sa chevelure noire, était nouée en plusieurs longues nattes qui tombaient sur ses épaules et dans son dos. A son cou, un collier de perles. A ses poignets, quelques bracelets. A sa main, un bâton ouvragé qui, à l’instar de sa robe, témoignait de sa profession. Il était orné d’un globe argenté. Elle prit la parole. Elle s’exprimait, d’un ton direct et énergique.
« Ha, vous êtes là. Parfait ! Je suis Théâya Murmure. Mon fils, Alchem, m’a demandé de l’aide. Le caractère alarmiste de sa lettre n’était à priori pas exagéré. J’ai eu droit aux dernières nouvelles en passant à Lameroy. Enfin, les dernières, non, pas tout à fait. On ne m’avait pas parlé d’une barrière magique à franchir et de galerie en cristaux lumineux. Passons... Où est Alchem ? »

L'arrivée du groupe svirfneblin n'avait pas manqué d'attirer l'attention de celui en place depuis des dizaines d'heures dans les cavernes. Les chercheurs interrompirent aussitôt leur travail et demeurèrent un moment stupéfaits devant l'incongruité de l'escorte et surtout de l'allure de la personne qu'elle escortait. Mais Dotha se reprit la première en s'avançant vers la mage dès qu'elle eut donné son nom :

- J'aimerais pouvoir vous souhaiter la bienvenue mais l'heure est grave : nous recherchons votre fils mais je crains devoir vous annoncer qu'il a été enlevé par une liche millénaire connue sous le nom de Despote.

Une moue contrariée se peignit sur le visage de Théâya.
« Alchem a toujours eu le chic pour se faire des amis, répondit-elle avec une pointe d’humour. Bon, pas de temps à perdre. Dans sa lettre, Alchem mentionnait le Despote. Il parlait aussi d’un plan relié à des cristaux. Où sont ces cristaux. Qu’avez-vous fait jusqu’à présent ? Plus j’en saurai, mieux ce sera. »
Disant cela, elle considérait Dotha. Les autres svirfnebelins, eux, demeuraient sur leur garde, prêt à toute éventualité.

Dotha soutint son regard et ne se laissa pas démonter mais elle était sans aucun doute favorablement impressionnée par la réaction énergique de la mère d'Alchem. Elle ne perdit donc pas de temps à la mener vers une formation de cristaux remarquable en expliquant qu'ils se trouvaient au centre d'un vaste réseau et que c'est à cet endroit que se concentrait le plus d'énergie magique.

- Nous avons découvert que ces cristaux captent une énergie qui nous est inconnue mais qui vient de ce côté et qu'ils les transfèrent notamment dans la barrière magique qui nous a longtemps bloqués. Mais nous ne sommes pas d'accord sur les quantités de puissance absorbée par celle-ci : il se pourrait que ce ne soit qu'un leurre et que la majorité de l'énergie aille ailleurs. Oh, et nous sommes parvenu à entrer en contact avec votre fils mais plus depuis hier...

Et de lui conter leurs conversations et ce qu'ils en avaient appris.

« Voilà qui n’est pas banal », admit Théâya à la vue des cristaux désignés.
Elle laissa parler Dotha tout en fixant la formation luminescente. Plus expressive que ne l’était son fils, elle sut toutefois cacher son inquiétude. Elle avait déjà perdu un enfant. Elle ne tenait pas à revivre cela. Une fois que la clerc de mystra eut achevé, la magicienne fit signe à l’un des svirfnebelins.
« Mes livres. »
La forme grise s’approcha et tendit un sac de toile bien rempli.
« Joignez-vous au nain, sécuriser le coin, je ne veux pas être dérangée.
- Le danger pourrait venir d’ici, Grande Mystificatrice.
- Il y aura danger si je suis dérangé ! »
Le svirfnebelin exécuta un salut un peu raide puis alla distribuer ses ordres. Les gardes du corps se déployèrent. Lui, têtu, demeura non loin. Pour lui, même Dotha pouvait être une menace.
« Bon, au travail. Si vous avez peu communiquer avec Alchem, c’est qu’un lien demeure. »
Théâya sortit de son sac plusieurs gros ouvrages aux pages jaunies. Elle allait étudier le phénomène magique avec les outils appropriés. Les plans, elle connaissait très bien. Peut-être pas autant que les illusions, mais n’en demeurait pas moins qu’elle faisait partie de cette petite partie des gens de Toril à avoir voyagé dans d’autres mondes. Elle avait vue les contrées de l’ombre, royaume de Shar. Elle avait vue les portes de l’Enfer. Que de choses qu’elle n’avait jamais raconté à Alchem...

Dotha s'était un peu éloignée elle-même mais ne pouvait s'empêcher d'admirer cette femme qui savait si bien imposer le respect et l'obéissance. Une image vivante et énergique de ce qu'elle rêvait peut-être de devenir elle-même un jour...

Les travaux de la svirfnebline mirent du temps à donner de premiers résultats mais elle n'avait plus rien à apprendre de la patience après ses longues décennies d'études et de résolution de problèmes probablement plus épineux. Elle parvint enfin à découvrir un détail qui l'interpela : le flux d'énergie alimentant les cristaux n'avait aucun schéma précis et semblait en tout point aléatoire mais les cristaux en stockait une partie comme s'il fallait que le flux qu'ils alimentaient soit continu. Peut-être était-il possible d'interrompre le processus ou d'étudier plus précisément l'énergie piégée dans une formation pour tenter d'en comprendre les propriétés, l'usage et les origines.

Théâya travaillait dans un complet silence. N’ayant pas de table où s’installer, elle lisait ses ouvrages à même le sol, se servant juste du sac comme d’une nappe. A côté d’elle, une scène un peu cocasse se joua. Dalius s’était approché. Le pauvre rat paraissait passablement désorienté. Il trouva réconfort auprès du familier de la magicienne, une souris blanche qui semblait à peu près aussi intelligente que sa maîtresse. La souris inspirait aussi la sagesse, la quiétude. Le seul moment où Théâya s’exprima, se fut pour parler à cette souris qui lui traduisit les impressions du rat. Tous les éléments étaient bon à étudier. La svirfnebeline finit par se lever et par s’approcher des cristaux, afin de poursuivre plus avant ses expérience. Ce qui l’intéressait surtout, c’était de déceler l’origine de l’énergie. S’il lui fallait pour cela décortiquer tout le phénomène, ainsi soit-il. Cependant, elle n’oubliait pas que dans le plan qu’elle cherchait à atteindre, il y avait une liche, une liche très puissante. Dès qu’elle sentirait être proche du but, une préparation allait s’imposer.

Il lui restait cependant bien du chemin à parcourir d'ici là et on vint lui amener à manger au milieu de ses investigations, signe que plusieurs heures étaient déjà passées. Elle avait heureusement pu faire des progrès et éliminé des hypothèses pour se concentrer sur quelques pistes seulement : que l'énergie provienne d'un élément vivant dans les environs par exemple. En creusant cette piste, elle fit des découvertes qui l'amenèrent vers des hypothèses bien plus sombres et en accorda avec la nature de leur ennemi : elle n'avait encore que peu d'éléments pour étayer cette hypothèse mais elle l'énergie vitale qu'elle avait détecté semblait être interceptée au moment de rejoindre un autre plan. Et ce genre de transfert était bien trop rare pour qu'il s'agisse d'autre chose que d'une faille entre les plans ou du passage des âmes de la vie au trépas.

Ayant à faire à une liche, l’hypothèse du passage de la vie au trépas n’était pas à exclure. Théâya avait également connaissance de l’Eclat. La gemme était mentionnée dans la lettre d’Alchem. Elle regrettait de ne pas pouvoir l’examiner. Un tel objet avait forcément de l’importance dans l’équation. Quoi qu’il en soit, arrivé à ce stade des investigations, elle put commencer à se lancer dans les premières expérimentations. Elle ne tenta pas tout de suite d’élargir la faille dimensionnelle. Non, elle chercha à faire exactement l’inverse : bloquer le passage. La barrière magique devrait se dissiper et les cristaux, perdre leur lumière. Si elle y parvenait, elle aurait normalement acquis assez de connaissance sur le processus pour ouvrir un portail lorsqu’elle le désirerait.

Malheureusement, elle découvrit bien vite que le flux d'énergie quasi continu l'empêchait de mener à bien la fermeture de la faille dont les cristaux n'étaient que le point d'entrée. Tenter de briser ces derniers pouvait être une solution mais elle n'était pas sans risque d'autant que l'opération n'était peut-être pas même possible. Théâya découvrit que la seule façon de parvenir à ses fins était de trouver un moyen d'interrompre ou peut-être de détourner temporairement le flux. Mais pour cela, il restait encore à percer les mystères de son origine. Peut-être en tâchant de remonter à sa source ?

En somme, pour fermer cette faille, il fallait d’abord l’ouvrir, y pénétrer et éliminer la source. Théâya n’avait pas d’élément pour le lui prouver, mais elle avait sa petite idée sur ce que pouvait être cette source. Elle cessa là ses expérimentations. La suite pouvait devenir dangereuse et potentiellement échapper à son contrôle. Il fallait donc être prêt.
« Bien, il va falloir causer. On se rassemble et on m’écoute ! » déclara-t-elle de sa voix ferme.
Une fois le maximum de personnes prêtes à l’écouter, les autres devant toujours assurer la sécurité du périmètre, elle exposa tout d’abord brièvement ses découvertes. Contrairement à beaucoup de mage expérimenté, elle savait expliquer les choses simplement. C’était un gage d’efficacité.
« ...donc on en est là. Une fois que j’aurai débuté l’élargissement de la faille, à supposer que j’y arrive, il ne me sera peut-être pas possible de faire marche arrière. Un portail dimensionnel s’ouvrira, nous exposant à ce qu’il y a de l’autre côté. Or nous savons qui il y a de l’autre côté. Alchem, oui, mais surtout le Despote. Je ne suis certainement pas de taille à livrer un duel contre lui. J’ai certainement de quoi le ralentirr, mais pas plus. De combien de clercs nous disposons ? Allez-y, manifestez-vous et donnez-moi une idée de votre puissance. On va être confronté à une liche, un archimage de la nécromancie, on a intérêt à avoir du répondant. »
Si la Grande Mystificatrice se rendait compte que le groupe n’était pas de taille, alors elle n’hésiterait pas à prendre les mesurs qui s’imposaient. Oui, elle voulait secourir son fils, mais pas n’importe comment.

Son autorité ne souffrit aucune contestation et, Aleka en tête, les prêtres se manifestèrent et donnèrent, en plus des informations demandées, leurs spécialités : il y a avait donc un prêtre nain de niveau intermédiaire dont la divinité était Clangeddin, seigneur de la guerre, deux autres nains de niveau équivalent mais dédiés à Lathandre, un prêtre humain de rang supérieur et Aleka elle-même qui pouvait lancer des sorts du niveau de la résurrection. Ils disposaient en outre d'une force de protection importante avec des combattants expérimentés. De quoi tenter l'opération mais pas sans risque étant donné la puissance supposée de leur adversaire.

Théâya afficha une moue perplexe. Si le Despote avait été une liche plus conventionnelle, ils auraient assurément eu de quoi l’éliminer avec les moyens du bord. Mais ce n’était pas le cas et il était très difficile d’évaluer la puissance d’un ennemi qu’elle n’avait jamais vue directement à l’œuvre. D’un autre côté, désirant secourir son fils, elle se sentait pressé d’agir. Elle devait concilier la nécessité de prudence avec une certaine urgence.
« Bon. Je ne pense pas qu’on soit à une ou deux heures près. Si on ouvre se portail et qu’on se fait massacrer, on aura l’air fin. Il nous faut un minimum de renfort. Sans vouloir vous vexer, chers collègues nains, votre grand conseil est lent à la détente. C’est donc à Ornegemme que je vais me rendre. »
Juste le temps de franchir la barrière magique, puis de se téléporter chez elle, d’avoir une brève discussion avec le temple de Callarduran Doucemain et celui de Segojan Hanteterre et elle obtiendrait ce qu’elle voulait. La cité gnome était déjà sur le qui-vive avec les récentes nouvelles. Une menace direct contre Lameroy pouvait très vite les concerner, ils n’allaient pas hésiter. Les menaces devaient être étouffées dans l’œuf avant qu’elle ne se développe.
« Je serais rapide. »
Déjà deux, trois svirfnebelins s’avançaient pour l’escorter. Elle ne les repoussa pas mais fit un signe au autres.
« Restez ici, gardez cet endroit sûr. »
Si tout allait bien, d’ici une heure, au grand maximum, elle serait de retour avec deux grands-prêtres et une dizaine de subalternes. Avec une telle force, elle était à peu près certaine que même une liche surpuissante ne pourrait les balayer. Et si elle ne pouvait pas, il y avait fort à parier qu’elle n’allait pas essayer. Non, il faudrait aller la chercher chez elle, dans son repaire. Il faudrait donc surveiller la sortie, donc se séparer, d’où l’absolu nécessité d’avoir plus de moyens.

HRP : je te propose d’éluder la scène du recrutement qui ne présente guère d’intérêt puisque je t’accorde ce que veut Théâya.

Une heure plus tard environ, la grande mystificatrice refaisait son apparition avec les renforts qu’elle était partie chercher à Ornegemme. Au passage, elle avait reçu des nouvelles provenant de rapports d’éclaireurs ayant noté un accroissement significatif des gobelinoïdes dans les tunnels menant à la surface : il semblait donc que les problèmes de Lameroy s’étendaient déjà bien plus en profondeur que lors de son départ.

Il y avait au moins une bonne nouvelle : la situation du côté de l’expédition ne s’était pas dégradée à son retour.

La dégradation de la situation justifiait d’autant plus l’investissement de la cité gnomes. Ce problème devenait de leurs tout autant que celui des nains. Les clercs svirfnebelins qui accompagnaient Théâya avaient des tenues qui laissaient deviner leurs fonctions religieuses. Mais c’était des tenues grises. Quelques gemmes précieuses décoraient celles des grands prêtres.
« Bien. Parfait. Je ne crois pas que nous puissions mieux nous préparer, surtout que Lameroy va avoir besoin de ses forces pour défendre ses murs. Il est tant d’agir. Soyez prêt à intervenir rapidement. J’ignore combien de temps je vais mettre pour ouvrir le portail. J’ignore également si je parviendrai à garder le contrôle sur le phénomène. Ne vous laissez pas surprendre. »
La magicienne se remit à l’ouvrage. Les clercs, eux, se présentèrent aux autres sobrement. Ils étaient plus sociables que les gardes du corps, c’était certain. Ils se mirent ensuite à préparer l’endroit. L’un d’eux entama notamment un rituel de sanctification.

Le rituel des clercs fut rondement mené et les svirfneblin firent une nouvelle fois preuve de leur grande discipline et de leur faculté à fonctionner en osmose. L'expérience de la grande mystificatrice progressa plus lentement mais tous purent bientôt voir une faille s'ouvrir et atteindre progressivement la taille d'un œuf puis d'une orange, d'une pastèque et enfin un diamètre suffisant pour laisser le passage à un svirfneblin, un nain, un humain. Il faisait sombre, très sombre de l'autre côté, plus sombre que la simple absence de lumière, comme si l'obscurité avait une existence propre. Pas de doute, un flux de magie passait par la nouvelle ouverture comme si l'entrée était plus directe que par les cristaux. Un nouveau plan s'ouvrait devant eux...

Théâya scruta le portail nouvellement ouvert de son regard expert. Le phénomène ne lui avait pas échappé. Pas d’emballement d’énergie, pas de déchirure béante dans l’espace-temps. Et, comme elle s’y attendait, pas de déferlante de monstres, pas de liche non plus. Elle s’éloigna de quelques pas, puis fit face au groupe.
« Il va falloir entrer. Je suis intimement convaincu que secourir mon fils et combattre le Despote ne se fera pas l’un sans l’autre. Il va aussi falloir surveiller ce passage. Aucune entité impie ne doit pouvoir s’échapper. Bref. Qui vient avec moi ? Qui reste ici ? »
« Notre tâche est de vous protéger, Grande Mystificatrice, nous venons », déclara le chef des gardes du corps sur l’instant.

Nains, humains, clercs et guerriers, tous firent un pas en avant pour se porter volontaires pour explorer la faille. Une façon de lui montrer qu'ils étaient tous prêt à prendre les risques qu'imposaient la situation, qu'aucun n'avait peur. En somme, la svirfnebline pouvait librement déterminer quelle force l'accompagnerait et quelle force elle souhaitait laisser en arrière pour garder la faille de ce côté-ci.

« Halala, vous ne me facilitez pas la vie », déclara Théâya en croisant les bras.
Elle se doutait un peu que tout le monde, ici présent, avait le cran d’explorer avec elle le plan ténébreux. Lameroy et Ornegemme n’étaient pas des cités de villégiatures. Leurs habitants côtoyaient souvent le danger. Et puis, bien sûr, il y avait la fierté. Non, ce que la magicienne aurait espéré, c’était que chacun exprime sa préférence objective.
« Vous savez, je ne sais absolument pas qui des deux groupes va prendre le plus de risque. Mais les deux sont nécessaires et doivent être à peu près de répartition égale. »
Elle considéra l’assemblée.
« Bon, cela va être simple, je prends avec moi tous les gnomes. »
Cela concernait donc sa dizaine de gardes du corps, des guerriers pour la plupart, des roublards pour les autres, les deux grands prêtres et leurs subalternes respectifs, ainsi que Dotha. Demeurait ici les guerriers nains, leurs prêtres et les humains dont Aleka. Dalius était désormais en possession de la Grande Mystificatrice.

Il n'y eut pas la moindre contestation. Pas même la plus petite récrimination et aucun ronchonnement. Tous prirent aussitôt la place qui leur avait été assigné par la personne qui dégageait naturellement une aura de commandement de par sa position mais aussi par son attitude de chaque instant. Les nains et les humains se rallièrent aussitôt à Aleka tandis que les gnomes, surfaciens ou non, se rangeaient aux côté de Théâya, Dotha venant même se placer directement à ses côtés. Quelques guerriers de son escorte s'apprêtèrent à passer le portail les premiers, fidèles à leur rôle de garde du corps consistant à toujours précéder celles qu'ils protégeaient dans les lieux qu'ils jugeaient dangereux. Si la grande mystificatrice ne donnait pas de consigne contraire - et peut être aussi si elle le faisait - les éclaireurs de son escorte franchiraient ce pas vers l'inconnu.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Lameroy - cité naine ouverte