La Couronne de Cuivre

Claris

Claris avait au moins raison sur un point : le minotaure était de loin leur adversaire le plus dangereux et il se fit un malin plaisir à le prouver en défonçant une partie de la barricade d'un revers de main avant de se saisir de l'un des infortunés gardes. Même à main nu, la bête était mortellement dangereuse : ce n'est pas cet homme qui pourrait encore le contester puisqu'il se fit tout bonnement broyer la tête dans le poing du taureau humanoïde. Voyant cela, ses collègues qui avaient déchargé leur seconde salve au petit bonheur la chance - un des carreaux blessant le minotaure, un autre manquant sa cible et le troisième blessant le demi-ogre cette fois - se précipitèrent lames au clair sur le bestiau furieux. Le demi-ogre semblait maintenant bien mal en point et il suffirait probablement d'un tir pour en venir à bout. Quant au minotaure, il aurait tout aussi sûrement le temps de faire encore du dégât dans ce laps de temps à moins peut-être qu'un tir détourne son attention.

À la fois, non, juste très rapidement les unes à la suite des autres

Humpf. Apparemment, l'aptitude de son père à entreprendre autant d'actions en aussi peu de temps n'était pas encore à sa portée. Il lui faudrait sans doute encore beaucoup d'entraînement pour pouvoir lancer les dagues aussi vite et avec autant de précision que lui… sans doute ne valait-il mieux pas l'oublier dans le feu de l'action. Mais, au moins, la chose était réglée pour l'instant.

« Merci. »

S'efforçant de reprendre contenance, malgré le tournis résultant encore du choc, Claris réajusta sa mise et se mit en devoir de récupérer son arbalète et ses munitions. Puisque les quatre autres prisonniers ne s'étaient pas encore montrés, fermer la porte n'était plus une urgence ; et l'étape suivante allait sans doute être de recharger et de partir à leur poursuite. Mais cela dépendait de l'état dans lequel se trouvaient les autres survivants.

Claris

HRP : je dois tenir compte du niveau de ton personnage pour ce qui est de sa capacité à enchaîner les actions et à les réussir.

Le bilan fut rapidement effectué : le minotaure avait eu le temps de tuer deux des gardes et d’en blesser un troisième. A première vue, ce dernier n’était pas en danger mais son bras cassé le rendait plus ou moins inutile pour la suite des opérations. Somme toute, si Claris décidait de prendre en chasse les fuyards ou de simplement tenter une sortie, c’est sur deux gardes valides qu’elle pourrait compter.

Rowan fut étonnée du plan proposé par son acolyte, celui se basait sur le fait que Bouliakov était seul mais était ce réellement le cas. Si cet homme était vraiment de son côté cela signifiait qu'il avait trouvé le moyen de court-circuiter les moyens de vision à distance du maître des lieux et d'en profiter à son propre avantage, fort. Elle voulut s'en assurer:

"êtes vous certain que Bouliakov est seul? Votre plan ne peut vraiment marcher que dans ce cas seul"

HRP : bien entendu Tenter beaucoup de choses et en rater un certain nombre, ça fait partie du perso.

« Bon, ça aurait pu être pire. »

Même si l'avantage numérique attendu semblait ne plus être au rendez-vous… au moins étaient-ils à nombre égal, mieux armés, et face à des adversaires qui, si entraînés qu'ils soient au combat, n'aurait sans doute pas la force surhumaine de ceux qu'ils venaient d'abattre.

« Préparez vos armes. Il faut mettre les trois qui restent hors d'état de nuire, si nous voulons sortir d'ici. »

Tout en prononçant ces mots, Claris se mit en devoir de recharger son arbalète. En espérant que la suite des opérations serait moins délicate, et que gagner l'escalier leur permette, cette fois, d'obtenir de l'aide.

Rowan

Son acolyte haussa les épaules et répondit d’un ton détaché :

- On ne peut jamais être sûr de rien dans ce métier, pas vrai ? Et s’il est seul, il ne le restera pas longtemps. Mais je connais les habitudes de cette vermine. J’ai eu l’occasion de l’étudier pendant des années et ses penchants n’ont fait que s’aggraver depuis qu’il a hérité des prérogatives de son père. M’est avis qu’il ne sera pas seul mais en bonne compagnie si vous voyez ce que je veux dire. Ce serait tout à notre avantage !

Claris

Les deux gardes rechargèrent également leur arme puis, ceux restés en arrière, refermèrent la porte dès qu'ils se furent engagé dans le couloir. En arrivant à l'escalier menant à l'étage supérieur, ils constatèrent trois choses : la barricade avait été forcée, il n'y avait plus de garde pour la défendre et le corps d'un humain en partie dénudé baignait dans son sang sur les marches. "Un des prisonniers" crut bon de souligner l'un des compagnons de Claris.

« Je n'aime pas ça. Restez sur vos gardes. »

Claris se pencha un instant sur le cadavre, tentant de déterminer quelle était la cause de la mort ; avant de jeter un œil également à la barricade. Elle lui avait semblé relativement solide, et qu'elle ait pu être forcée laissait assez perplexe. Le minotaure, assurément, aurait eu la force de le faire ; mais dans ce cas, pourquoi serait-il redescendu les affronter ?
Toutefois, il était possible que les gardes, s'ils ignoraient que les prisonniers avaient quitté leurs cellules, se soient simplement laissé surprendre… ce qui tendrait à indiquer que la libération venait de plus haut. Ce qui pouvait également expliquer qu'il n'y ait plus personne ici… d'autres cellules, dans les étages supérieurs, avaient-elles été ouvertes également ? Si oui, regagner la surface allait s'avérer particulièrement délicat…

Claris

Déterminer la cause de la mort ne fut pas bien difficile : le prisonnier avait une plaie béante au niveau de la poitrine, sans doute provoquée par une lance ou peut-être une épée. Au moins la magie ne semblait pas être en cause… Quant à la barricade, il semblait davantage que les objets qui la composaient avaient été déplacés plutôt que détruits ce qui ne plaidait pas en faveur du recours à la force brute. Malgré ces éléments, le mystère semblait toujours entier et les gardes semblaient tout aussi perplexes que l’adolescente. Est-ce que les gardiens de la barricade s’étaient contentés de décamper après avoir abattu un des prisonniers ? Dans ce cas, où étaient-ils allé ensuite, les uns comme les autres ?

Rowan voyait tout à fait où son collègue voulait en venir.

"On élimine tout ceux ou celles que nous trouverons dans cette pièce je présume?"

Il n'y avait, sans doute, qu'un seul moyen d'élucider ce mystère.

« Suivez-moi. Et restez attentifs. »

Inutile de le dire, ce qui n'aurait fait qu'augmenter les risques de panique, mais à partir de cet instant, l'ennemi pouvait potentiellement arriver des deux côtés : si les évadés s'étaient retranchés vers l'étage inférieur après la mort de leur congénère, ils pouvaient décider de sortir de nouveau à n'importe quel moment. Et, bien sûr, d'autres cages pouvaient avoir été ouvertes plus haut…
Ce fut donc l'arbalète au point et se préparant à en faire usage que Claris s'avança dans la salle surplombant l'escalier, à la recherche du moindre indice sur la situation à ce niveau.

HRP : le blessé est-il venu avec nous, ou est-il resté en bas ?

Rowan :

Le nouvel allié de Rowan esquissa une grimace avant de répondre laconiquement :

- Notre objectif premier est Bouliakov. Les autres ne sont que des laquais sans grande importance. Je ne connais pas vos méthodes mais moi j’évite toutefois de faire couler inutilement du sang tant que cela ne met pas en danger la réussite de la mission. Mon plan est d’entrer, de le tuer, puis de repartir par où nous sommes entrés. Nous ne craindrons donc pas qu’une alarme soit donnée, au contraire.

Claris :

HRP : non, seul deux soldats valides t’accompagnent : les autres survivants se sont retranchés dans la salle de garde.

L’adolescente et son escorte trouvèrent bien vite des signes anormaux : la plupart des portes étaient maintenant ouvertes, révélant de petits salons où on avait abandonné – sans doute à la hâte – de la nourriture, des boissons et parfois même quelques effets personnels luxueux. Visiblement, les invités de Bouliakov avaient brusquement pris la tangente. Enfin, presque tous : ils trouvèrent deux cadavres dans le couloir, celui d’un homme puis celui d’une femme, tous deux trop bien accoutrés pour être pris pour des gardes ou des mercenaires. En progressant plus avant dans le couloir, ils trouvèrent également deux hommes de Bouliakov. Mais contrairement aux deux bourgeois, ils avaient été tué à coup de lances et non à mains nues.

« Au moins, on ne risque plus de mourir de faim… »

Alors, c'était là que se terraient les « spectateurs ». Eh bien, ils devaient en avoir assez vu, désormais.

L'ordre apparent des événements laissait Claris perplexe. Ces deux-là semblent avoir été tués à mains nues, ce qui correspondait à l'armement des évadés de l'étage inférieur. Ce serait plausible s'ils étaient arrivés ici sans rencontrer de résistance – une attaque venue de l'extérieur aurait abattu les gardes en même temps qu'ouvert les cages. Mais si tel était le cas, qui avait tué celui qui se tenait près de l'escalier, et pourquoi les “invités” n'avaient-ils pas pris la fuite plus tôt ? Non, cela ne devait pas s'être passé ainsi…

« En tout cas, nous avons désormais affaire à des adversaires armés. Soyons d'autant plus prudents… »

Claris

Les hommes accompagnant Claris se gardèrent bien d’avancer une hypothèse pour expliquer les événements confus mais partageaient au moins son point de vue sur la nécessité de prudence devant une autre faction armée. Peut-être s’agissait-il d’une partie des mercenaires ayant participé à l’épreuve ?

Au détour du couloir, une partie de la réponse ne tarda tout de même pas à apparaître sous la forme de quatre soldats mais bien vivants cette fois. L’un d’eux les apostropha d’un ton peu amène :

- Nous prenons le contrôle du domaine : rendez-vous où vous subirez le même sort que les autres !

Rowan aurait préféré ne pas laisser de témoins éventuels en arrière susceptibles de la reconnaître plus tard mais elle devait se soumettre aux décisions de l'homme qui par son ancienneté était comme un supérieur hiérarchique pour elle.

"Faisons cela alors, que ceux qui en ont assez de vivre se mettent en travers de notre de chemin, quant aux autres libre à eux de tourner le regard ailleurs."

Ça aussi ? Eh bien, décidément, ça ne devait pas être le meilleur jour de Bouliakov… d'un autre côté, avec Sioban à ses trousses et au train où les choses étaient parties, ce serait sans nul doute son dernier.

En tout cas, affronter quatre hommes armés n'était guère raisonnable, dans la situation présente. Aussi son arbalète, quoique toujours ostensiblement prête à tirer si l'un des nouveaux venus faisait mine d'approcher, demeurait baissée, sans aucune marque d'agressivité.

« Excusez-moi, mais j'ai un peu de mal à suivre ce qui se passe… vous êtes au courant que le maître des lieux va être assassiné d'ici quelques instants, ou bien c'est un hasard que vous ayez choisi le même moment ? »

Si, comme il le lui semblait, Sioban n'avait rien à voir avec ses hommes, et si l'incident lui ayant permis de s'enfuir – et donc de mettre ses projets à bien – n'était qu'une conséquence accidentelle de leur intervention à laquelle ils ne s'étaient pas préparés, l'annonce de l'assassinat devrait alors les faire réagir, ce qui servirait au moins à gagner du temps.

Rowan

En quittant discrètement la penderie, ils se retrouvèrent dans une chambre richement meublée et repérer Bouliakov ne fut pas particulièrement compliqué. Malgré la situation critique, il était en effet en train d'évacuer le stress à sa façon aux dépens d'une pauvre jeune fille. Il n'était toutefois pas assez absorbé par la chose pour ne pas remarquer la présence des deux intrus et il porta aussitôt la main à un bracelet qu'il portait autour de son poignet droit. Le compagnon de Rowan l'apostropha alors, goguenard :

- Désolé mon vieux mais tu comprendras que je ne peux pas te laisser te téléporter cette fois : ta babiole ne fonctionne plus. Sioban... Si vous voulez bien verrouiller la porte pour que nous ne soyons pas dérangés.

Claris

Le chef de l'escouade fit mine d'être étonné mais son ton disait tout le contraire :

- Assassiné ? Quel vilain mot ! Nous, nous sommes là pour sécuriser le domaine pour son propriétaire légitime. Et si cet imposteur de Bouliakov est retrouvé mort, son suicide ne fera qu'éclaircir la situation et nous faciliter le travail. De même que ses anciens gardes qui lui seraient restés loyaux quelle tragédie vraiment ! Allez, déposez vos armes ou nous serons obligés de vous inclure dans cette catégorie.

Claris sourit.

« Catégorie garde ? Vous m'avez mal regardé. »

Une chose lui semblait sûre : si la personne qui avait déclenché tout ceci avait eu besoin de recourir à la mutinerie et à l'assassinat, elle ne pouvait disposer des appuis suffisants pour atteindre Bouliakov par des manières plus conventionnelles ; aussi sa position dans la hiérarchie sociale mélandienne devait être, au mieux, comparable à la sienne. Un rapide réajustement de sa tenue eût donc aussitôt pour effet de mettre en valeur le blason de la famille de Corvimande qui ornait ses vêtements.

« Je doute que votre commanditaire apprécie qu'une action inconsidérée de votre part l'expose au courroux de ma famille, à plus forte raison alors que la récupération de ce domaine risque déjà d'attirer l'attention sur sa personne. »

Mais la plus élémentaires des prudences, compte tenu du rapport de force, lui dictait de chercher l'apaisement plutôt que le conflit. Il était bon de rappeler à ses interlocuteurs que l'attaquer pourrait leur être problématique ; mais il était meilleur encore de leur montrer que n'en faire rien pourrait leur être bénéfique : compte tenu de sa situation présente, ledit commanditaire pourrait bien avoir besoin de quelque soutien haut placé, qu'il serait donc intéressant de lui faire miroiter.

« Néanmoins, aucune alliance ne me lie à Bouliakov ; et si je n'ai d'autre intérêt présent que celui de quitter cette demeure, il n'est pas impossible que je sois sensible à la légitimité de ses revendications sur ces terres. J'aimerais donc en apprendre davantage quant à ses prétentions, afin de déterminer si je m'en tiendrai à la stricte neutralité ou… si j'adopterai une position plus conciliante. »

Était-ce ainsi que son père s'y prenait ?

Claris

Probablement pas à en juger par la grimace du garde qui ne prit pas vraiment la peine de mettre les formes pour répondre :

- De Corvimande. Je reconnais votre blason. Puisque que la famille Bouliakov n'a aucun intérêt à vous chercher querelle, voyez comme un geste de bonne volonté que nous vous laissions le libre passage. Nous vous prêterons également un cheval et une escorte pour regagner la cité ainsi que la courtoisie entre nobles l'exige. Quant à la légitimité de ceux qui m'emploient, ne vous avisez pas de la remettre en cause : elle est parfaitement fondée et par le droit du sang. Nous ne sommes pas des pillards opportunistes, nous revenons sur nos terres.

Bon, au moins n'avait-il plus en tête de les traiter comme des prisonniers.

« Pardonnez-moi si mes propos vous ont semblé blessants ; devoir lutter contre des créatures en fuite n'est pas exactement le meilleur préambule pour entammer une conversation courtoise. »

Entendre ses menaces non plus.

« Je n'ai pas l'intention de mettre en doute votre légitimité à récupérer ces terres ; simplement, comprenez que je ne puis faire plus que rester neutre sans de plus amples informations. »

Le ton employé laissait cette fois clairement entendre que c'était à son regret, et que Claris avait de bonnes dispositions envers la cause qu'ils défendaient. La façon dont l'homme protestait de sa légimité lui semblait plutôt sincère, malgré la façon de faire.

« Aussi vais-je accepter votre proposition et quitter cette demeure au plus vite. »

C'était sans doute le plus raisonnable.

Un élément dans la dernière phrase prononcé par son complice alluma un signal d'alarme dans la tête de Rowan, se dirigeant vers la porte pour la verrouiller elle questionna ce dernier:

"Qu'est-ce qu'Elena a dit sur moi, pour que vous puissiez être certain que j'étais la bonne personne?"

En même temps sa main avait saisi la dague à sa ceinture, après toutes les difficultés affrontées jusqu'ici c'était décidément trop facile.

Rowan :

- Elena ? Oh, je vois. Détrompez-vous mais je ne connais pas votre Elena. Ne m'en veuillez pas de vous avoir laissé à penser autre chose mais ma maîtresse et moi avions juste besoin d'une petite diversion. Et aussi de ne pas nous impliquer directement dans ce qui va suivre. Mais si vous voulez bien procéder à présent. Tu n'y vois pas d'objection, sieur mon cousin, n'est-ce pas ?

Bouliakov avait sorti une dague mais elle ne semblait pas peser bien lourd face à deux assassins. Ou plutôt un assassin et son commanditaire à la profession indéterminée.

Claris :

Le garde parut presque déçu mais il se contenta de hausser les épaules et de s'adresser aux deux compagnons de la jeune fille :

- Et vous ? Vous préférez rendre les armes et jurer allégeance à Dame Ema Bouliakov ou prendre vos jambes à votre cou ? Les autres options impliquent également votre cou cela dit...

Leur réponse ne se fit pas attendre et prit la forme d'un fracas d'armes jetées au sol.

Eh bien voilà, ça, c'était une information supplémentaire. Ainsi donc, leur commenditaire était membre de la famille Bouliakov, et suffisamment proche de la lignée principale pour encore porter ce nom. Ce qui justifiait effectivement le droit du sang. Si ses souvenirs des informations généalogiques lues à la Mélandienne d'argent étaient exacts, Bouliakov était fils unique : il devait donc s'agir d'une rivalité entre cousins. Le genre de choses qui serait susceptible de lui arriver si son oncle se décidait à avoir des enfants… mais la famille de Corvimande n'en viendrait jamais à ce genre de règlements de compte.

« Ces hommes ont combattu à mes côtés, de même qu'un blessé se trouvant encore à l'étage inférieur. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, et si vous n'avez pas d'emploi plus utile à leur proposer, j'aimerais leur laisser la possibilité de m'accompagner. »

Des compagnons d'arme – qui, qui plus est, lui avaient sauvé la vie – méritaient bien un peu d'attention.

« Pour le reste, vous transmettrez mes salutations à Dame Ema Bouliakov ; ainsi bien sûr que mes condoléances pour la perte tragique dont elle est sur le point de prendre connaissance. »

Ces derniers mots s'accompagnèrent d'un regard entendu vers les étages supérieurs, où Sioban devait, à l'heure qu'il était, se rapprocher grandement de sa cible, si elle ne l'avait déjà atteinte.

« Vous lui indiquerez également que ce sera pour moi un plaisir de la rencontrer quand elle jugera le moment opportun. Il va de soi que les relations entre nos deux familles n'attendent que de se consolider. »

Et la curiosité de Claris à son sujet, et au sujet des raisons pour lesquelles les présents événements s'étaient déclenchés, ne faisait que croître.

Claris :

Les deux hommes semblaient soulagés à l'idée de ne pas perdre leur emploi en plus d'avoir la vie sauve et rester au domaine Bouliakov serait probablement dangereux jusqu'à ce que les choses ne se tassent. Ils acceptèrent la proposition de l'adolescente au moins pour la raccompagner saine et sauve jusqu'à Melandis.

La mention de la perte tragique arracha un sourire de connivence du chef des gardes intrus mais il allait de soi qu'il n'en savait pas assez sur les intentions de sa maîtresse ou - plus probablement - qu'il n'avait aucune envie de les révéler lui-même. Il répondit néanmoins avec civilité et courtoisie :

- Je transmettrai votre message à ma maîtresse, évidemment. Et j'ajoute qu'elle vous autorise à conserver les objets que son neveu vous aurez cédé indûment puisqu'ils lui appartiennent désormais.

Son neveu. Voilà qui aidait à se faire une idée du personnage. Claris imaginait à présent une dame aux cheveux blancs, pétrie de stricts principes comme l'étaient souvent les personnes d'un certain âge, et sachant faire ce qu'il fallait pour obtenir réparation lorsqu'on lui manquait de respect, comme l'opération actuelle semblait l'indiquer. Autant dire qu'elle semblait désormais à ses yeux un personnage éminemment plus sympathique que celui dont la vie était sur le point de s'achever.

« C'est fort aimable à elle. Il n'y avait qu'un seul objet : une toile, récompense de ma victoire à l'épreuve, que son neveu doit avoir fait envoyer à la demeure de ma famille. Un second avait retenu mon attention, mais je n'ai pas eu l'opportunité d'accomplir l'acte qu'il me demandait en échange. »

L'idée de tenter de profiter des bonnes dispositions de la dame pour s'emparer également de la précieuse fiole ne lui traversa même pas l'esprit : le changement de propriétaire de la collection aurait de toute façon rendu l'accord caduc, même si la condition avait été respectée. Dommage, car un tel objet aurait assurément été particulièrement utile.
Mais peut-être y aurait-il, plus tard, l'occasion d'en trouver un semblable, ou bien de négocier auprès de Dame Bouliakov un autre moyen de l'obtenir.

Ah, mais, en y repensant, il y avait également autre chose.

« Oh, et j'ai failli oublier ceci. »

Claris sortit l'épée trouvée au cours de l'épreuve, et que son premier geste avait été de laisser à leur défunt camarade. Les raisons qui l'y avaient poussé étaient toujours valables, et ce serait, au moins, un geste de bonne volonté.

« Je l'avais trouvée au cours de l'épreuve ; mais j'imagine que je peux vous la restituer. »

Et de tendre la garde de l'arme vers son interlocuteur.

Ainsi, il ne s'agit pas d'une aide envoyée par sa guilde. Rowan ne s'en formalisa pas plus d'une seconde, après tout leur objectif était commun: la mort du fils Bouliakov.

"Cet accord me va, nous y gagnons tous les deux. Enchanté Mister Bouliakov, j'ai eu le plaisir de rencontrer brièvement votre père avant de lui trancher la gorge."

Elle s'avança vers lui, la dague à la main.

Rowan :

L'odieux futur ex-maître de maison tenta d'échapper à son destin en prenant ses jambes à son cou mais Rowan bénéficia à nouveau d'une aide imprévue personnalisée par la victime du mélandien pervers qui plongea pour le bousculer, l'envoyant indignement s'affaler contre un meuble. Dès lors, la roublarde n'eut qu'à procéder promptement pour enfin honorer le contrat qui lui avait donné bien plus de fil à retordre que prévu.

Claris :

Le garde conserva une expression indéchiffrable en voyant l'arme que la jeune noble proposait de lui restituer :

- Ceci ne fait pas partie de la collection appartenant à Dame Bouliakov. Si vous l'avez pris sur un des mercenaires employés par feu son neveu, elle vous appartient de droit.

C'est cet instant que choisit une femme d'âge mûr - mais loin d'être aussi âgée que se le figurait Claris - pour faire son entrée. La noble était entourée par deux gardes mais on sentait immédiatement à son assurance et à son aura de commandement la puissance qu'elle dégageait intrinsèquement.

- Ser Dimitrius, j'ai ouï dire que la maison était maintenant sous contrôle. Félicitations à vos hommes ! Je vous laisse les réunir dans le hall où je m'exprimerai dans quelques instants. Quant à vous, Damoiselle de Corvimande, vous êtes mon invitée pour la soirée si cela vous sied.

« L'arme était dans un coffre, dans une salle vide. Elle est bien équilibrée, de bonne facture, et, pour autant que je puisse en juger, peut-être enchantée : disons qu'elle pourra rembourser une partie de la valeur de la toile que j'ai obtenue après cette épreuve, si vous le souhaitez. »

Claris se tourna vers Dame Bouliakov aussitôt que celle-ci fit son entrée dans la pièce. Une chose était certaine : elle semblait éminemment plus noble et plus méritante que celui qui l'avait précédée dans le rôle de maître des lieux. L'enfant de Reuel en était presque à lui pardonner de lui avoir servi du “Damoiselle”. Presque.

Exécutant sa plus grâcieuse révérence, et s'efforçant d'adopter des manières aussi courtoises que possible, de Corvimande s'empressa de répondre à l'invitation.

« Dame, vous m'en verriez honorée. »

Claris :

Sur un signe de tête de sa maîtresse, le chef des gardes balaya le sujet de l’épée comme s’il ne s’agissait que d’un détail sans importance ni valeur. La jeune mélandienne devait comprendre que la toile et l’épée lui seraient cédées. Après la courbette courtoise, la nouvelle maîtresse des lieux invita la jeune aventurière à la suivre :

- Vous pardonnerez certainement que je ne puisse actuellement vous accueillir avec tout le faste du à votre rang mais il va falloir quelques heures à mon personnel pour investir convenablement le domaine.

Etait-ce un aveu de faiblesse ? Probablement que non ou alors cela cachait une manœuvre plus subtile… Les deux nobles et leur escorte empruntèrent les escaliers menant vers le rez-de-chaussée. Son hôtesse menait un rythme volontairement lent alors que son chef des gardes partait au-devant et Claris en comprit la raison quand elles atteignirent le hall d’entrée du bâtiment. Là, trois douzaines de soldats en arme attendaient en rangs parfaits comme s’ils avaient toujours été là. A peine voyait-on sur quelques lances les signes du tout récent combat qui avait été livré pour reprendre le domaine. Il s'agissait - à n'en pas douter - d'une démonstration de force destinée à la noblesse mélandienne.