La Couronne de Cuivre

" C'est une belle histoire, même si elle fait de nous des êtres figés, murmura Galathée. Or je nous crois davantage en changement perpétuel, en ce qui me concerne."
Elle sourit, jeta un oeil sur Tristan.
" Il dort à son tour. Baptiste, irais-tu le remettre au lit ?"
L'enfant devint rouge écarlate.
" Je... heu... mais...
— Allons, Taliesin va te montrer comment le prendre, en soutenant bien sa grosse tête...
— Mais j'ai les mains...
— Il ne s'est pas lavé, lui non plus, tu sais... Tout ira bien."

Reconnaissant à la rôdeuse pour son initiative, il lui adressa un sourire complice puis, après avoir observé comment elle tenait leur fils - elle avait sans doute bénéficié des conseils d'Helen, ce qui n'était pas encore son cas -, il prit délicatement le bébé et s'assit aux côtés de Baptiste pour lui montrer la manœuvre.
-Tu sais, j'ose à peine les toucher, parce que j'ai une peur bleue de leur faire mal... avoua-t-il. Mais en réalité, si on s'y prend bien, il n'y a aucun danger. Et il vaut mieux qu'on s'y habitue rapidement, parce qu'on va devoir passer des heures à les bercer...

" Et à les changer." remarqua Baptiste.
Galathée gloussa doucement, mais la catastrophe avait eu lieu.
" Ce serait peut-être mieux de leur mettre des langes, en fait, continua Baptiste d'un ton parfaitement dégagé. Parce que c'est joli, les bébés tout nus, et il fait bon... mais c'est pas très fonctionnel...
— Peut-être qu'on devrait appeler Helen, dit la rôdeuse. Il va falloir changer les draps... et on va avoir besoin d'eau, aussi... Et tu vas devoir te trouver une autre chemise."

Taliesin grimaça.
-Je n'ai pas le moindre vêtement de rechange... Enfin, comme le disait baptiste, il fait bon : je pourrai donc me passer de chemise aujourd'hui.
Il se fendit alors d'un large sourire et tendit son fils au petit garçon.
-Et puisqu'il est hors de question que tu t'en tires sans l'avoir tenu dans tes bras, je te le confie le temps d'aller quérir notre salvatrice prêtresse.

" Je suis sûr qu'Alexandre pourra te prêter une chemise !" s'exclama Galathée en le laissant filer.
Baptiste hésita, de son côté, puis posa le bébé sur le lit. De toute façon, les draps étaient fichus.
Taliesin trouva aisément Helen et elle écarquilla les yeux puis explosa de rire en entendant le récit de leur mésaventure. Elle s'en attribua cependant la responsabilité, s'excusa de ne pas avoir langé les bébés plus tôt. Elle envoya le barde chercher une marmite d'eau à faire chauffer sur l'âtre de la chambre et partit quérir du linge de rechange, ainsi qu'une chemise.
Quand le barde retrouva sa compagne et leur progéniture, il apprit qu'Héloïse s'était soulagée dans le berceau, de son côté. Il put d'ailleurs s'en rendre compte car le bébé était furieux d'avoir les fesses maculées et commença à chouiner puis s'époumona.
Une fois la Lathandrite de retour, les choses s'organisèrent cependant rapidement. Elle invita Baptiste à lui apporter la petite fille sur la table d'appoint, la nettoya doucement, tout en lui parlant à mi-voix, puis donna un premier cours de nouage de langes aux trois novices en la matière. Une fois Héloïse propre, elle s'attaqua à Tristan, beaucoup plus stoïque, mais proposa à Taliesin de commencer tout de suite les travaux pratiques. Il avait bonne mémoire et un doigté certain, mais elle lui reprocha de ne pas serrer suffisamment la couche, comme s'il craignait de couper le nouveau-né en deux en terminant ses noeuds. Galathée était restée debout, Héloïse à nouveau au sein. Helen embaucha Baptiste pour changer les draps du berceau et du lit, puis Taliesin put confier le bébé au petit garçon pour mettre la chemise que, comme Galathée l'avait prévu, Alexandre lui cédait bien volontiers.

-Quelle est la suite du programme ? s'enquit-il une fois habillé. Si tu veux, Gal, tu peux aller te laver pendant que nous surveillons les jumeaux. Enfin, nous... Baptiste, si tu veux rester avec moi, tu es évidemment le bienvenu. Mais si tu préfères aller peindre le mobile, ou simplement aller t'amuser avec tes amis, tu ne dois surtout pas hésiter.
C'était tout un roulement que sa compagne et lui devraient sous peu mettre en place, l'un s'occupant des bébés tandis que l'autre vaquait à ses occupations quotidiennes... Autant prendre le pli le plus rapidement possible.

Helen trouvait l'idée bonne et elle poussa donc en ce sens, malgré la réticence manifeste de la rôdeuse à se séparer de ses nouveaux-nés. La prêtresse lui fit remarquer qu'elle portait encore les stigmates — et l'odeur — de l'accouchement et qu'à présent que le lit était propre et refait, il aurait été dommage de le maculer de ces vestiges. Galathée finit par céder et confia Héloïse à son père. Baptiste n'entendait pas abandonner le barde en solitaire, même s'il n'était pas certain de ce qu'il était censé faire. Tristan dormait tranquillement, Héloïse paraissait scandalisée qu'on lui ait retiré le sein nourricier, mais elle s'apaisa rapidement quand Taliesin la promena dans la pièce.
Le petit garçon finit par aller s'asseoir en tailleur sur le lit et, comme le barde, attendre le retour de la rôdeuse.

-Elle a l'air endormie, mais je n'ose ni m'assoir, ni la remettre au lit, dit-il au bout d'un moment. Il paraît que certains bébés ont tendance à pleurer sitôt qu'on arrête de les porter en se déplaçant... Or, tu as entendu ses capacités vocales, tout à l'heure ? Commet un si petit être peut-il faire tant de bruit ? Le barde que je suis en reste pantois.
Il jeta un regard à Baptiste.
-J'espère que tu n'es pas trop découragé à l'idée d'endurer leurs vagissements des mois durant...

" Non." dit le petit garçon.
Son sourire s'élargit.
" C'est vous les parents. Le boulot le plus rude, il est pour vous. Moi je tâcherai juste... de me faire discret. Mais je crois que vous ne devez pas hésiter à demander de l'aide. Il y a plein de gens dans la ferme qui ne demandent pas mieux que de vous donner un coup de main..."
Son regard fila vers la fenêtre.
" Je n'ai pas osé dire à Gurvan et à Hippo que j'allais aller vivre chez vous. Je ne sais pas comment ils vont le prendre. Même s'ils ont envie de rester à Luménis, je pense... que Gurvan a l'air bien décidé de regagner le Temple... Je sais que je devrais leur dire mais... Je ne sais pas bien comment faire."

-Je comprends, et je ne sais pas du tout quel est la meilleure solution... En revanche, je ne m'inquiète pas pour eux. Gurvan ira au temple, et les autres... Peut-être Hippolyte ira-t-il habiter dans les locaux des services secrets. Peut-être restera-t-il avec Perceval, en compagnie de Prudence... Je n'en ai aucune idée. Ce dont je suis certain, cependant, c'est qu'on ne les laissera pas tomber, qu'on ne se contentera pas de les envoyer à l'orphelinat puis de les oublier : nous formons un groupe, ça ne peut pas se terminer comme ça... Et si tu le souhaites, nous ferons en sorte que tu les revoies. Que nous nous revoyions tous. Personnellement, j'en ai envie...
Il se rapprocha lentement du berceau.
-Oh, et en ce qui te concerne... J'espère sincèrement que tu ne te feras pas discret ou tout petit, chez nous. J'aimerais que tu t'y sentes à l'aise, et que tu puisses y être toi-même.

" Il me faudra un peu de temps. Je ne sais plus très bien qui c'est, "moi-même". Il y avait un "moi-même" autrefois, et il y a un "moi-même" maintenant, et ce n'est pas vraiment la même personne, ça c'est sûr... Alors je ne sais pas bien ce qui va se passer. Est-ce que je vais redevenir l'ancien ou bien me transformer en autre chose ? Je ne sais pas dire. Sans doute qu'on ne peut jamais revenir en arrière, de toute façon. Vivre, c'est grandir, dit Lathandre. Même si je ne serai jamais paladin, je peux quand même y voir une certaine vérité."
Il sourit.
" Mais ne t'en fais pas, je ne vais pas me métamorphoser en méphyte poussiéreux, ou quelque chose du genre !"

-Oh, je ne m'en fais pas. Et je suis désolé, j'ai mal choisi mes mots... Tout ce que je voulais dire, c'est que nous espérons que tu te sentiras bien, chez nous, que tu ne te sentiras pas obligé de sans cesse t'effacer... Enfin, nous sommes conscients que ça n'est pas non plus simple pour toi... Mais comme Kerun m'a dit que mon procès ne serait sans doute pas pour tout de suite, que je passerai probablement des mois en résidence surveillée à la ferme... Je serai là pour veiller à ce que ton installation se passe bien.
Il se tut et, doucement, installa Héloïse aux côtés de son frère, prêt à la récupérer si elle faisait mine de pleurer.

" Je suis sûr que je me sentirai bien." murmura le petit garçon avant de se taire à son tour.
Il frissonna subitement puis demeura immobile. Quelques minutes plus tard, Galathée reparut, fraîche et propre, Helen sur les talons. Baptiste en profita pour s'éclipser, non sans saluer rapidement les adultes. Ni la Lathandrite, ni la rôdeuse ne firent de commentaires. Cette dernière retourna s'installer sur le lit, après un petit détour par le berceau.
" Ils ont l'air si sereins... Difficile de croire qu'ils vont se mettre à hurler.
— Et pourtant... N'espérez pas être les parents bénis dont les bébés ne pleurent jamais. C'est un leurre. Même s'ils s'avéraient calmes et de bonne composition, il leur faudra quelques semaines."
Elle retourna vers la porte.
" Galathée, je te suggère, très sincèrement, de dormir. Tu vas en avoir besoin."
Elle les laissa ensuite seuls dans la lumière tamisée.

L'elfe hésita : il se sentait bien reposé et prendre l'air était tentant. Néanmoins, il doutait que Galathée ose dormir s'il la laissait seule avec les jumeaux...
-Si tu veux, je vais rester pendant que tu fais une sieste, finit-il par proposer. Je lirai tout en gardant un oeil sur Héloïse et Tristan, et je te réveillerai s'ils semblent avoir faim.
Bon, évidemment, il était probable qu'ils la réveilleraient eux-mêmes...

" Va donc faire un tour... Je peux m'en tirer toute seule... un temps. Mais ne m'abandonne pas des heures. Je me sens... étrangement fébrile. Je sais que c'est normal, que ma carcasse est chamboulée, mais... Je vais dormir. Tout ira bien. Reviens quand tu as pris un peu l'air ? Nous ne pouvons pas nous replier... et tu ne seras pas loin."
Elle sourit, se glissa sous les couvertures, puis passa les mains sur son ventre désormais plat.
" Allez, file."

Il secoua la tête.
-Si je sors, je ne sais pas dans quoi je serai embarqué, et tu connais ma tendance à oublier le temps qui passe... Alors non, je vais rester. J'ai une occasion de lire un peu, ça ne se représentera plus avant... longtemps, et j'aimerais dire à Tim ce que je pense des premières pages du livre qu'il m'a offert. Donc, je reste. Et comme ça, tu pourras te reposer paisiblement.
L'instant suivant, il tirait le volume de son semblant de baluchon et cherchait un endorit où s'assoir.

" Je ne peux pas croire que ta tendance à oublier le temps qui passe survivrait à la naissance de tes enfants. Si c'est le cas... Je ne veux pas le savoir."
Elle se calfeutra dans ses draps, cherchant une position agréable parmi les nouvelles possibilités qui s'offraient à elle depuis la disparition de son ventre volumineux. Ensuite, elle soupira, ferma les yeux, et chercha le sommeil. Elle avait l'air vraiment épuisée et il ne lui fallut pas longtemps pour s'assoupir. Dans leur berceau, les jumeaux dormaient, les pieds de Tristan reposant contre la cuisse de sa soeur. Le renard avait été repoussé dans un coin, momentanément, mais la main de la petite fille n'était qu'à quelques millimètres de son museau.
Au dehors, les cris des enfants étaient lointains, sans doute les avait-on entraînés dans un coin distant, pour ne pas qu'ils puissent déranger les nouveaux-nés. Le soleil se déversait au travers des rideaux, souverain. Et Taliesin put ainsi attaquer sa lecture dans la plus parfaite tranquillité... pour l'heure.

Il reposa le livre à maintes reprises. D'abord parce qu'il ne pouvait s'empêcher de jeter de fréquents coups d’œil aux jumeaux, pour vérifier que tout allait bien et pour le simple plaisir de les observer. Ensuite parce que l'opus était fort compliqué. Intéressant, passionnant, même, par tous les mystères qu'il laissait entrevoir, mais terriblement compliqué. Depuis combien de temps n'avait-il pas lu traité si ardu ? En avait-il jamais lu, d'ailleurs ? Bref, il devait parfois relire des phrases sinon des paragraphes entiers pour en saisir le sens. Il lui faudrait un moment pour s'adapter au texte et pour mobiliser les connaissances enfouies dans sa mémoire que requerrait sa compréhension...

Ils profitèrent ainsi de plusieurs heures de quiétude. Galathée dormait paisiblement, détendue, les jumeaux de même, et Taliesin luttait avec son livre abscons. Il était en train de relire pour la troisième fois le même paragraphe, à la recherche de son sens profond, quand il entendit qu'on frappait à la porte. Helen s'encadra dans l'embrasure de la porte, fidèle au poste, et lui fit signe de la rejoindre.
" On se demandait un peu comment organiser les prochaines heures... et les prochains jours. On va bientôt passer à table, et donc on se demandait si tu voulais venir manger avec nous, si vous alliez manger ensemble ici, si Galathée voulait que quelqu'un surveille les bébés pour que vous alliez vous promener tous les deux... D'ici quelques jours, il faudra oser les laisser seuls, mais c'est encore un peu prématuré alors qu'ils ont moins d'un jour. Et puis il y a toujours une file de curieux qui aimeraient juste jeter un oeil, en silence et à pas de loups... Et puis il y a le groupe du Temple qui aimerait venir festoyer... Nous nous demandions aussi... si vous aviez prévu... imaginé... une petite cérémonie de bienvenue au monde, ou quelque chose comme ça..."
Elle pinça les lèvres embarrassées.

Il se gratta la tempe : cela faisait beaucoup de points auxquels réfléchir, et il avait l'impression que les rouages de son cerveau étaient quelque peu... grippés.
-Hum, à mon avis, le mieux serait de discuter de tout cela avec Galathée quand elle sera réveillée. Moi, je suis en forme, je ne demande qu'à satisfaire les curieux, la perspective d'un festin me réjouit beaucoup et j'aimerais pouroiv un peu quitter la chambre... Mais je sais qu'elle a besoin de calme, de repos... Alors peut-être peut-on la laisser dormir tout son saoul, quitte à ce qu'un courageux volontaire prenne la relève auprès des jumeaux pendant que je vais manger ?

" Elle s'éveillera s'ils bougent, tu ne dois pas t'en faire. Il n'est nul besoin d'un second veilleur. Mais je pense qu'il est préférable que tu ne t'éclipses pas trop longtemps. Les humeurs sont volatiles après un accouchement... Vous allez sûrement vous disputer un peu... mais il ne faut pas qu'elle puisse penser que tu l'abandonnes. Je sais que ce n'est pas ton intention, mais... il suffit d'un rien."
Elle sourit doucement.
" Viens manger, ça te fera du bien. Ensuite, reviens. Je vais rester un moment et je la rassurerai si elle s'éveille."

Il la dévisagea, incrédule.
-Nous disputer ? Grands dieux, je n'ai pas souvenir que ça nous soit déjà arrivé... Ah, je vais sacrément avoir la pression, maintenant... Hum, enfin, je veux dire, je vais l'avoir encore plus que précédemment...
Il soupira.
-Bon, le reviens dès que j'ai pu avaler quelques bouchées. Et vider quelques coupes, qui sait, histoire de me donner du courage...
Il plaisantait. A demi, du moins, car la prêtresse l'avait réellement inquiété.

Comme la veille, le repas avait été installé à l'extérieur, sur des tables au soleil, mais beaucoup plus loin de la maison, sous le célèbre pommier. Zora et Perceval étaient en train de disposer les plats, tandis qu'Alexandre surveillait les enfants d'un air distrait. Ces derniers se poursuivaient dans les buissons en riant. Il y avait apparemment deux équipes : Gurvan et Baptiste contre Hippolyte et Prudence. Aux bribes de leurs échanges, Taliesin comprit que les deux premiers étaient des chasseurs valeureux, tandis que les deux suivants étaient des loups retors. Il était question d'un massacre de moutons et le barde aperçut une demi-douzaine de toisons étalées sur le gazon. Deux chats s'étaient déjà installés sur les lieux de la curée.
On le salua amicalement lorsqu'il parut mais sans le presser de questions ou l'envahir de requêtes. Helen avait dû donner ses directives. Comme les gamins étaient au coeur de leur jeu, ils ne s'interrompirent d'ailleurs pas vraiment, car Prudence profita de la distraction des chasseurs pour leur voler un de leurs précieux agneaux de branchages, provoquant une réaction immédiate.
Alexandre servit un verre de vin au barde, sans réellement lui demander son avis.
" J'en ai eu quatre, expliqua-t-il. Je sais ce que c'est."

Taliesin ne protesta pas et but au contraire une bonne gorgée de vin.
-Oh... Alors je crois que je vais avoir besoin de vos lumières... fit-il, souriant. Helen m'a quelque peu effrayé en me parlant de l'humeur changeante des mères après un accouchement, des disputes quasi inévitables... Jusqu'ici, tout c'est bien passé, mais comme un homme averti en vaut deux... Auriez-vous quelques conseils à me donner pour éviter les conflits conjugaux en cette période particulière ?

" Mon conseil, c'est de se faire une raison, dit le vieil homme. Ces conflits sont inévitables. Galathée trouvera toujours bien quelque chose à te reprocher. Elle va avoir besoin d'une sorte de... solution pour relâcher sa tension. Et ce sera toi. Mais ne t'en fais pas. Ce n'est pas grave, ce n'est pas dangereux, c'est juste nécessaire."
Il sourit.
" Et ça ne va pas t'arriver souvent. Mais tu survivras aux cris et aux larmes. Ils découlent de la fatigue, simplement. Il faut être philosophe, laisser la tempête passer, se faire roseau plutôt que chêne. Tu feras ça très bien, si tu ne te mets pas à te poser trop de questions."

Il afficha une mine d'enterrement.
-Et quelle solution aurai-je, moi, pour relâcher la pression ? soupira-t-il. D'accord, je n'ai pas eu à porter les jumeaux neuf mois durant, je n'ai pas eu à accoucher mais... Ce n'est quand même pas rien, ce qui m'arrive !
Il se fendit d'un sourire résigné.
-Mais vous avez raison, je serai roseau... Cependant, si vous avez du travail en réserve, du genre fendre quelques buches, peut-être ferai-je acte de candidature. Ce peut être un bon exutoire !
En fait, c'était vraiment dommage que Guéric ne soit pas dans les parages : quio de mieux que l'oreille compatissante d'un ami quand soufflait la tempête ?

" Oh, mais tu t'énerveras sans doute aussi, dit le vieil homme. Simplement, pour elle, c'est surtout intérieur... Ce n'est pas vraiment qu'elle le veut, c'est que... le corps se réajuste... Ça prend un moment. Tu verras que ce sera moins difficile que tu ne l'anticipes. Tu l'aimes, cette fille. Donc tu feras ça bien. Et puis tu es un elfe. Les elfes ne sont-ils pas plus... patients ?"
Blanche vint les rejoindre avec les derniers plats et les adultes commencèrent à se servir sans se soucier des enfants. Tout était froid, ils viendraient sans doute picorer en fonction de leurs envies : interrompre une activité était toujours risqué.
" Tu devrais profiter de ta pause pour aller te laver, Taliesin, dit la Chauntéenne. Tu n'as pas accouché, mais tu... sembles éprouvé. Je suis sûre que tu te sentirais moins tendu ensuite."

-J'ai été élevé par des humains et j'ai passé l'essentiel de ma vie parmi eux, avait-il soufflé à Alexandre. Je crains donc d'être fort peu elfique sous bien des aspects...
Puis il sourit à la prêtresse.
[color=#FFFFF66]-Me refraichir me tente bien, mais j'ai promis à Helen que je reviendrai sitôt après avoir mangé un morceau. J'irai donc plus tard, sans doute dans l'après-midi...[/color]
Oui, il trouverait bien un moment où son absence ne poserait pas problème.

" Comme tu voudras." dit la vieille femme en lui passant une salade mélangée de mille couleurs.
Alexandre le resservit de vin. Les enfants finirent par s'approcher, discutant d'abord de leurs aventures récentes, puis s'intéressant à nouveau à Taliesin. Hippolyte trouvait extrêmement injuste que Baptiste et Prudence aient eu le droit de voir les bébés et pas lui, et voulait savoir quelles étaient les bonnes raisons derrière ce scandale. Gurvan était moins vocal, mais tout aussi curieux. Blanche détourna la conversation en mettant les choses sur les prérogatives de l'âge et Alexandre mit Hippolyte au défi de leur prouver qu'il pouvait rester calme et silencieux pendant tout le repas. Echec cuisant après quelques minutes, bien évidemment.

Le barde se garda bien d'intervenir dans le débat, et il avait une bonne excuse pour cela : la nécessité de manger rapidement afin de pouvoir regagner la chambre au plus vite. Néanmoins, il essaierai de faire en sorte que les deux garçons - mais aussi les adultes - puissent voir les jumeaux au cours de l'après-midi. L'idéal serait de les faire venir pendant que sa compagne dormait encore : même Hippolyte était capable de ne pas faire de bruit durant un court laps de temps... Bref, il devait aviser et, sitôt qu'il eut fini de se sustenter, il s'excusa et reprit la direction de la maison.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Le Domaine des Crocus