La Couronne de Cuivre

-Et c'est là que tu te trompes.
Giovanni but une gorgée de sa flasque.
-Louis a grandi à Antelucas, Étienne y a vécu longtemps : là-bas, les homosexuels n'ont pas à se cacher, n'ont pas a avoir honte. L'initiateur de notre grand projet a donc à cœur qu'il en soit de même ici, tu peux m'en croire. Simplement, il sait que les esprits sont longs à changer, qu'agir avec brusquerie est souvent contreproductif... Alors pour commencer, il l'a dit à certaines personnes. A pas mal de personnes, en réalité. Pour le reste, lui et Louis ne s'affichent pas, pour ne pas brusquer... Quant au fait que tu aies dormi sous la même tente... Hubert, il y avait leurs écuyers, il y avait Robert, il y avait Alban : ils n'allaient pas...
Il sourit.
-J'aurais peut-être dû t'en parler plus tôt. Je voyais bien que tu souffrais de plus en plus à cause de ce que tu tais. De tout ce que tu tais. Simplement, en ce genre de matière, c'est aux intéressés de le dire. Mais bref, maintenant, tu sais. Comme tu sais qu'ils ne sont pas les seuls. Et que pas mal de gens sont au courant sans en avoir pour autant été traumatisés, sans que cela les ait poussés à les rejeter.

Il acquiesça, songeant néanmoins au fait qu'Etienne ne s'en était pas ouvert à lui. Etait-il possible qu'il en ait parlé à Albérich ? Ce serait le summum.
" Je ne sais plus quoi penser. Je ne peux pas croire que quoi que ce soit de bon puisse sortir de ce qui s'est passé ce soir..."
Il soupira à nouveau.
" Mais je suis content que tu m'aies dit... pour Etienne... Je me sens effectivement moins seul, même si... je ne pourrais pas revendiquer quoi que ce soit... Si Albérich devait apprendre de quel bord je suis, il prendrait certainement ses distances... ne fut-ce que pour épargner mes sentiments. Or je préfère de loin être près de lui, heureux mais frustré, que le perdre complètement."

Giovanni le fixa longuement.
-Hubert, vivre au quotidien à côté de celui qu'on aime sans jamais oser lui avouer sa flamme, c'est destructeur. On pense pouvoir se contenter de sa présence, de l'espoir qu'un jour, ce que l'on souhaite finira par arriver... Mais c'est un leurre, car la frustration prend peu à peu le dessus et l'on s'étiole sans même en avoir conscience... Ne te rends-tu pas compte d'à quel point cela pèse déjà sur tees épaules ? As-tu songé à ce que tu éprouverais si d'aventure Albérich se mettait avec quelqu'un d'autre ? Parce que c'est tout ce que tu vas gagner, à sans cesse temporiser : qu'une personne prenne ta place. Ça et la souffrance que tu éprouves déjà au quotidien.

" Je l'ai déjà vu courtiser quelqu'un d'autre. Et je sais que quand Marthe reviendra, s'ils parviennent à dépasser la tension qui a entouré son départ, le risque deviendra à nouveau élevé que les choses évoluent entre eux... lentement, vu la mort récente de Robert... et ce sera douloureux, je le sais bien... très douloureux... mais j'ai bon espoir que les bénéfices que j'en retire continuent à dépasser la souffrance..."
Il secoua la tête.
" Ne dis rien. Ils pourraient avoir des enfants, s'installer à l'autre bout de la ville... Je sais."
Il passa une main sur son visage, il se sentait absolument vidé.
" Mais je sais aussi ce qui s'est passé quand son ami Thibault, le Sunite d'Eredhun, tu dois le connaître, s'est montré un peu trop amical... Il l'a planté sur le bord de la route un mois plus tard. Je ne veux pas que ça m'arrive."

-Quoi ? Thibault s'est... Oh, le cachotier !
Le barde rit de bon cœur.
-Je suis au courant de l'histoire, en réalité, sauf que cette andouille s'est bien gardé de me révéler l'identité de son aimé... Enfin, au moins cela te donne-t-il la preuve qu'on peut se fier à la discrétion d'un Sunite... Et cela me permet aussi de te dire que, du point de vue de Thibault du moins, leur séparation n'a rien à voir avec ça, d'autant qu'il n'a pas tout à fait osé franchir le pas...
Il serra le bras du paladin.
-Vois ça comme quelque chose de positif, Hubert : il a aplani le terrain, il a fait comprendre à notre Lathandrite qu'un autre homme pouvait l'aimer... Bref, il a semé des graines que tu peux récolter, si tu le souhaites. Sinon, je crains que ce ne soit lui qui les récolte. Parce qu'il viendra ici tôt ou tard, tu sais. Et je pense... Non, je suis certain que tu ne supporteras pas qu'un autre homme te prenne la place.

Sur cette question, Giovanni ne se trompait pas car Hubert sentit une bouffée de colère l'envahir à la seule idée que cet homme, qu'il ne connaissait même pas, puisse soudain apparaître sous le porche de la forteresse pour revendiquer l'affection du clerc. Il ferma les yeux.
" Tu me conseilles de voler la priorité à ton ami ? Vous êtes étranges, vous autres Sunites. Si Thibault arrive ici et qu'il réalise que je me suis installé là où il espérait trouver sa place..."
Il secoua la tête.
" Enfin... Il connait Albérich depuis plus de vingt ans... On peut considérer qu'il a eu sa chance..."
Il sourit.
" Et voilà que je raconte n'importe quoi. Giovanni, franchement... Qu'est-ce qu'il y a dans cet encens ?"

-Il n'y a rien. Absolument rien. Cette porte n'est pas hermétique, et je ne suis pas du genre à droguer mes voisins à leur insue... En réalité, c'est juste que tu commences à penser de manière raisonnable.
Il eut une moue attristée.
-J'aime beaucoup Thibault. Vraiment. Mais oui, il a eu sa chance et n'a pas su la saisir. Cette histoire est un exemple flagrant de ce qu'il arrive quand on temporise trop, quand on n'ose pas assez. Maintenant, c'est à toi de te lancer. Sous peine de voir les rôles s'inversent. Très bientôt.

Hubert le dévisagea, lèvres pincées.
" Je sais qu'il est parti à la recherche d'Albérich à Solarcis... qu'ils se sont stupidement manqués..."
Son regard courut sur la pièce nue, il observa les fresques que s'était choisies Giovanni, puis revint au barde.
" Merci pour ton aide, Giovanni. Le jour où tu m'as... parlé... J'en ai été malade... Je réalise maintenant que c'était une bénédiction."
Il soupira.
" Je vais faire comme tu as dit... Je vais prendre le risque... que le jeune barbare m'accuse... et je parlerai à Albérich... J'espère. Que je trouverai la force au moment venu. Je ne crains pas les diables et les dragons, mais ça... je dois dire que ça me fait drôlement peur."

-Il n'y a pas de honte à cela, Hubert, répondit-il, très sérieux. S'ouvrir à l'être aimé est l'une des choses les plus effrayantes qui soient. L'une des choses qui demandent le plus de courage.
Il lui sourit.
-Mais je sais que tu as ce courage en toi et que tu parviendras à le mobiliser. En tout cas, je l'espère de tout cœur, parce que quand je dis que les rôles pourraient s'inverser très bientôt, je ne mens pas : c'est vraiment très bientôt.

Le paladin dévisagea le barde avec une grimace.
" Il est déjà en route, alors, murmura-t-il. Misère. J'espère qu'il ne t'en voudra pas de l'avoir trahi pour mon salut."
Il se leva. Albérich était sûrement couché désormais, et il se voyait mal le réveiller pour lui faire un aveu pareil. Mais qu'est-ce que Giovanni entendait par "vraiment" ? Est-ce que Thibault était le genre d'homme à traverser les Landes seul pour retrouver son aimé ? Quelque chose lui disait que oui. Thibault était sunite et les Sunites étaient des êtres enflammés. Et même lui, qui ne l'était pas, aurait certainement tenté le diable pour les mêmes raisons. Surtout s'il avait su qu'un autre prétendant était sur le point de passer à l'action...
" Est-ce que... tu lui as parlé de moi ?"

-Non, bien sûr que non... Pourauoi l'aurais-je fait ? Je ne savais même pas que c'était pour Albérich qu'il revenait, je pensais juste qu'il s'en voulait énormément d'avoir dû nous lâcher au dernier moment... Et puis, tu sais comment sont les sorts de contact à distance : il n'y a pas moyen d'avoir une vraie conversation...
Il grimaça.
-Mais s'il a atteint Solarcis puis suivi votre piste, il sait forcément qu'Albérich est accompagné... Et qui l'accompagne.

" Mais il ne sait pas pourquoi je l'accompagne." dit le paladin avec un sourire embarrassé.
Il gagna la porte.
" Je suis désolé de t'avoir dérangé en pleine nuit, Giovanni. Ou en réalité, je ne suis pas vraiment désolé. Je suis heureux d'avoir trouvé ta porte ouverte et je te suis reconnaissant... pour toute cette conversation. Je ne suis pas certain d'y voir vraiment plus clair, et je crains demain plus que jamais... Mais c'est l'effet de la nuit chez un Lathandrite... De toute façon, ça m'a fait du bien."
Il sourit.
" Si jamais... je veux que tu saches que ma porte à moi t'est ouverte, elle aussi. Même si je ne suis pas aussi sage que toi."

-Je n'ai pas la prétention d'être sage. Simplement, je suis Sunite, et les choses de l'amour sont le domaine de prédilection de ma déesse. Alors j'ai un peu appris, même si je n'ai assurément pas la sagesse d'un clerc...
Il eut un sourire modeste.
-Mais si j'ai pu t'aider ne serait-ce qu'un tout petit peu, ou au moins t'apaiser, j'en suis heureux, vraiment. Alors ne te sens redevable de rien du tout, et sache que tu peux revenir quand tu le souhaites.
Son sourire s'élargit, perdit de sa gravité.
-Et je viendrai te trouver lorsqu'il s'agira de convaincre la Communauté de souscrire à mon grand projet.

" C'est bien peu de choses, dit Hubert avec un sourire fatigué. Bonne nuit."
Il se glissa ensuite dans le couloir, qu'il remonta à pas de loup, passant devant les salles où reposaient nombre de ses nouveaux amis. Que diraient-ils, s'ils savaient ? Comment réagiraient-ils quand le gosse cannibale ferait un scandale ?
Il repoussa ces pensées. Demain serait un autre jour, à présent, il voulait juste se calfeutrer sous ses couvertures et sombrer.
Arrivé à bon port, il ouvrit précautionneusement sa porte, soucieux de ne réveiller personne, et se dirigea vers sa couche. Avant de s'allonger, cependant, il obliqua vers la chambre des enfants pour y jeter un oeil et s'assurer qu'ils dormaient bien.

Il n'avait pas encore atteint le seuil lorsqu'il entendit le son léger de pieds nus sur le sol. Un instant plus tard, Alban s'encadrait dans l'ouverture.
-Messire Hubert ? murmura-t-il.
Il avait dû le guetter, car le paladin avait été des plus silencieux.
-Est-ce que... Est-ce que tout va bien ?

Il lui sourit et posa une main amicale sur sa tête.
" Tout va bien, oui. J'ai eu un peu d'insomnie et je suis allé bavarder avec un ami... Je vais me coucher maintenant, et tu devrais en faire de même... Je suis désolé si tu t'es inquiété..."
Pendant une seconde, il se demanda s'il aurait dû jouer franc jeu, lui raconter ce qu'il était allé faire au sous-sol, ce qui circulerait sans doute assez rapidement... sauf si Gabriel avait l'intelligence de venir lui en parler sans laisser le bruit courir... Mais Hubert ne voulait pas parler de son espoir irraisonné de ramener Robert... Si jamais il devait progresser sur cette voie... Il n'en parlerait à Alban que quand la chose serait certaine.

-C'est moi qui suis désolé, messire, parce que je me doute que c'est à cause de moi.
Il soupira.
-Je n'aurais pas dû vous remettre la gravure ce soir. Je sais pourtant bien que les Lathandrites n'aiment pas trop la nuit, qu'ils y ont des idées noires... Normal, pour des gens qui servent le dieu du soleil... J'aurais dû vous la donner à l'aube, après votre prière... Mais voilà, je m'en voulais tellement d'avoir oublié...
Il grimaça.
-Je vous demande pardon d'avoir gâché votre nuit.

" Oh, Alban, mon garçon, je t'en prie... Ne te charge pas de ce genre de choses... C'était une belle attention, et... Si mes pensées m'ont entraîné, ensuite, sur des chemins obscurs... Ce n'est pas de ta faute. De surcroît... J'ai eu une conversation importante et je ne regrette rien... Pour le reste, je suis un homme sanguin... Ce n'est pas facile à vivre tous les jours, j'en suis bien conscient. Pour moi, pour toi, pour tout le monde. Ne te blâme pas. Tu as bien fait. Tu ne pouvais pas deviner ce que j'en retirerais... Surtout... Ne t'en fais pas. Je suis là, je vais bien, et à présent nous devons nous reposer, tous les deux..."

L'écuyer acquiesça imperceptiblement.
-Je ne vous faisais aucun reproche, messire... Mais merci beaucoup de m'avoir rassuré.
Il le dévisagea un instant puis, sans crier gare, l'étreignit brièvement avant de reculer d'un pas, embarrassé.
-Et bien... je vous souhaite une bonne nuit et vous dis à demain...

Le paladin salua l'enfant, lui rendant sa brève étreinte, et retourna vers son propre lit. Il se demanda si la complicité entre ses écuyers perdurerait avec l'adolescence puis l'âge adulte, si quelque chose d'autre bourgeonnerait avec le temps, ou si la vie les séparerait. Il se sentait sentimental, un effet de la conversation, de l'alcool, de la fatigue. Il pria à voix basse pour que son faux pas de la soirée n'ait pas de retombées néfastes sur son lien avec les deux gosses. Il ne voulait pas les perdre stupidement.
Au moment de se glisser sous les couvertures, il se ravisa et gagna la pièce voisine, pour observer, un instant, l'objet de son désir.
Albérich s'était endormi sur un livre, comme il le faisait de temps en temps. Autre signe que le sommeil l'avait surpris sans qu'il l'anticipe, il avait laissé mourir la bougie, qui gisait à présent dans une mare de cire figée. Hubert se pencha pour refermer le volume, le déposa près du sac du Luménien, puis s'assit un moment pour le regarder. C'était une attitude sans doute un peu contestable, il se faisait voyeur, et son ventre se contracta sous l'effet de l'émotion qu'il ressentit alors. Il eut envie de se pencher, de le secouer doucement, et de tout lui dire, absolument tout. Mais il n'en fit rien. Il était tard, Alban ne dormait pas encore, et lui-même avait une grosse journée le lendemain. Il se demanda si c'était de la lâcheté. Peut-être. Le spectre de Thibault flottait, cependant. Un Sunite. Il devait être beau et charmeur, il franchirait les portes de la forteresse et tout serait gâché. Comment était-il possible de tant craindre un homme qu'il ne connaissait même pas ? Il ne pouvait le détester, cependant. Car il avait bon goût, et c'était un ami d'Albérich.
Il tendit la main, manqua la poser sur le visage du Luménien, mais se retint in extremis. Demain. Demain était un autre jour, le jour de l'aveu. A l'aube... peut-être.
Etouffant un soupir, il se releva et gagna rapidement sa couche. Mais il avait mal au corps et le sommeil se fit prier avant de l'emporter.

Il se fit prier, oui, mais au moins fut-il profond et dénué de tout cauchemar, ce qui n'aurait sans doute pas été le cas s'il était allé se coucher immédiatement après l'incident, s'il n'était pas allé s'entretenir avec Giovanni, si si la discussion ne l'avait pas entraîné vers des pensées moins sombres...
Son sommeil fut donc profond et, comme la veille, il n'en émergea que parce qu'Albérich l'en tira précautionneusement.
Par la fenêtre, on percevait déjà la prime grisaille annonciatrice du jour à venir.
Dans la pièce voisine, les enfants s'agitaient doucement, signe qu'ils ne tarderaient pas à émerger et ce, sans aide extérieure.

Hubert suivit Albérich dans un état second. Il avait un vague mal de crâne et la nuit lui apparaissait un peu brouillée. Il se souvenait de ce qu'avait dit Giovanni, de l'arrivée prochaine de Thibault, de tout ce qui pouvait se jouer, là, maintenant, dans les heures à venir. Il ne se sentait pas plus vaillant que la veille, nettement moins convaincu du bien fondé des déclarations, et surtout, il se demandait pourquoi il n'avait pas insisté pour que le barde efface la mémoire du jeune barbare. Même s'il devait avouer ses sentiments au Luménien... le scandale de ses promenades nocturnes n'était pas nécessaire. Mais il était trop tôt et c'était l'heure de prier. Les choses s'éclaireraient avec le lever du soleil et il trouverait l'énergie pour relever tous les défis.
Ils gagnèrent ensemble les remparts, mais avant de s'installer, Albérich se tourna vers lui.
" Ça va ? demanda-t-il simplement, un léger sourire aux lèvres.
— Ça va, oui.
— Tu as l'air crevé.
— Oui, j'ai...
— ... tardé à te mettre au lit, je sais."
Hubert pinça les lèvres.
" Tu m'as attendu.
— Un moment. Puis j'ai réalisé que ce que tu fais de tes soirées ne me regarde en réalité pas du tout."
Il eut un sourire contrit, le paladin le dévisagea, embarrassé.
" Je te raconterai après...
— Vraiment, Hubert, il ne faut pas. Tu ne me dois rien."
Puis le clerc se détourna et ferma les yeux. Hubert étouffa un soupir. Prier, donc.

Et la prière, la communion avec Lathandre lui apporta les mêmes bienfaits que d'ordinaire, la même énergie, la même lumière intérieure. Malgré le temps gris et neigeux, identique à celui de la veille.
Quand le paladin et son ami en eurent terminé, ils reçurent le joyeux salut d'un Gabriel fringant qui, comme le jour précédent, mena leur trio jusqu'à la cantine. Là se trouvaient les habituels lèves-tôt : Étienne, les officiers, les instituteurs, les enfants devant aller sous peu en classe... De giovanni, en revanche, nulle trace. Sans doute ne tarderait-il pas à reprendre goût à ses grasses matinées...

Hubert quitta Albérich pour rejoindre Etienne et les autres officiers. Heureusement que Giovanni était absent : il en aurait déduit que le paladin abandonnait ses bonnes résolutions. Ce n'était pas tout à fait ça, pourtant... Il y viendrait... Simplement, il fallait que les choses se mettent, et une cantine bientôt bondée n'était pas exactement le lieu idéal pour les grandes déclarations.
Il sourit en s'installant près du chevalier. Ce qu'il avait appris le lui rendait plus sympathique, même s'il n'était toujours pas certain de trouver Louis formidable.
" Hier, je nous ai déniché une petite salle pour organiser nos réunions d'état-major, annonça-t-il. Que diriez-vous de l'étrenner dans la journée ? Je ne crois pas que nous en ayons forcément pour très longtemps, mais... il est sans doute temps de reprendre de bonnes habitudes."

-Ce n'est pas la pièce dont m'a parlé Rebecca, j'espère... fit Edgar, faussement effrayé. Non, parce qu'un réduit obscur au sous sol, franchement...
Étienne rit.
-Allons, ne t'inquiète pas : je vois mal Hubert avaliser pareil scandale !
Il se tourna vers le paladin.
-Comme nos mineurs n'ont pas vraiment besoin de moi, je pensais partir en expédition dans la cité. Mais cela peut être bref, prendre place ce matin ou au contraire cet après-midi... Comme ça t'arrange, en fait. D'autant que je dois m'attarder ici pour m'occupe de la résurrection...
S'ils n'avaient pas réuni le Conseil, la veille, cela ne les avait pas empêché de discuter brièvement du sujet, et le jeune chevalier s'était engagé à procéder au tirage au sort et à aller trouver la veuve dont le défunt compagnon avait été choisi par le destin pour être ramené en premier.

Le paladin sourit.
" J'aurais proposé que nous nous réunissions juste après le petit déjeuner, comme ça, c'est chose faite, et nous pouvons tous passer à autre chose pour le restant de la journée."
Il se tourna vers Edgar.
" Pour le reste, la salle que j'ai choisie à une allure... plutôt appropriée. Je pense qu'elle servait déjà à ce genre de choses du temps des Anciens."
Il revint à Etienne.
" Et j'ai bien l'intention d'accompagner une équipe à l'extérieur, moi aussi. J'ai besoin de bouger et je ne serais pas contre me dérouiller sur un mort-vivant ou l'autre..."

Étienne réfléchit.
-Écoute... Comme je me suis bien dépensé dans mes expéditions souterraines, comme j'ai des tâches à accomplir ici ce matin, tu n'as qu'à mener le premier groupe à l'extérieur, tandis que je mènerai le second cet après-midi...
Il grimaça.
-Bon, une demi-journée au-dehors, ça risque d'être un peu court, un peu frustrant... Mais j'imagine qu'il vaut mieux commencer petit pour prendre nos marques, pour trouver de bonnes méthodes d'exploration et de... nettoyage.

" Je crois que nous devrons procéder de proche en proche, de manière systématique, bâtiment par bâtiment, en reportant le fruit de nos investigations sur un plan. Il est sans doute tentant de courir directement vers les édifices les plus impressionnants, mais ce n'est pas une manière rationnelle d'avancer. Plus vite un quartier voisin de la forteresse est nettoyé, plus vite les gens pourront sortir... Nous irons donc d'abord vers les portes. Il faudra voir dans quelle mesure on peut plus ou moins sécuriser un périmètre... Si les morts-vivants reviennent dès qu'on a tué leurs cousins, nous n'en sortirons jamais... Je crois qu'en une matinée, nous n'irons pas très loin... mais ce sera un début. Il faut être patient. Et quand tu seras libre, tu pourras encadrer un second groupe... et l'un d'entre vous un troisième. Tant qu'un conseiller reste à la forteresse, tant que les activités quotidiennes tournent... Explorer est notre tâche principale."

-Je suis bien d'accord. Et nous procéderons évidemment avec méthode... J'avoue ne pas être un expert en mort-vivant, mais j'imagine que quelques-uns au moins se choisissent un antre... Pour les autres, ceux qui errent sans cesse, j'ai dans l'idée que dès qu’Ézéchiel et ses hommes seront de retour, et après qu'ils aient bien sûr profité d'un repos bien mérité, ils pourront constituer d'excellents traqueurs.
Il sourit.
-Tout ça va prendre du temps mais nous y arriverons. Et pour nous assurer qu'aucune créature hostile ne s'infiltre depuis l'extérieur jusque dans la cité, il suffira de réparer les brèches des remparts, de fermer les portes où d'en reconstruire là où il n'y a plus...

Etienne voyait grand, mais jusqu'ici, cela lui avait plutôt bien réussi : il aurait eu tort d'en changer.
" Bon. Mais déjeunons tranquillement... Comme tu l'as si bien dit hier : un temps pour le travail, un temps pour la détente."
Il sourit doucement mais sentit la nervosité l'envahir à nouveau, si bien qu'il pria pour quelqu'un lance un sujet de conversation qui lui changerait les idées. Sans pouvoir s'en empêcher, il lorgna vers les portes. Et si ce satané Sunite débarquait dans l'heure ? Non. Il n'aurait pas galopé de nuit, seul, dans les Landes. Le plus probable était qu'il se joigne à Frida et Louis, quand ils quitteraient Grand Estuaire.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue