La Couronne de Cuivre

A peine avait-il fait un pas que le bruit s'intensifia brusquement. Il entendit un choc violent, une voix lançant une incantation, un autre choc, une exclamation. On se battait là-haut, c'était évident.
Anita, à nouveau, lui saisit le bras.
" Ils sont plusieurs... J'ai entendu au moins deux voix différentes. Peut-être qu'on devrait attendre ? On ne sait pas dans quoi on va débarquer..."
Elle parlait tout bas, mais compte tenu du bruit ambiant, il y avait peu de risques qu'ils soient entendus.

« Anita, tu as raison nous ne savons pas dans quoi nous nous embarquons, ….mais, peut-être que quelqu’un a besoin d’aide. Dans le doute j’y vais ».
Gabriel monta les escaliers.

" Et comment tu sauras dans quel camp tu dois être ? Enfin, je veux dire, si ce sont tous des humains..."
Il entendit à peine l'objection, occupé à grimper les marches. Il devina qu'Anita le suivait, plus prudemment toutefois. Mais le bruit des combats avait l'avantage de masquer son approche.
L'escalier continuait à contourner la pièce ronde au damier, en montant régulièrement, et il réalisa que la pénombre s'atténuait. Bientôt, il arriva en vue d'une ouverture, illuminée par la lumière du jour. Celle-ci provenait de la gauche, là où se déroulait le combat... qui prit subitement fin : il n'y avait plus le moindre bruit.
Lorsqu'il déboucha de l'escalier, il découvrit une terrasse à demi-couverte -le plafond s'était écroulé-, bordée, face à lui, par un mur de pierre. Le soleil de fin d'après-midi lui fit cligner des yeux après l'obscurité des sous-sol. L'endroit semblait déset mais il devina, sur le sol, ce qui ressemblait à une statue de pierre en morceaux, au visage hideux.
" Une gargouille", commenta Anita

« Que s’est-il passé ici ? Où sont passés les combattants ? ». Gabriel regarda la gargouille en morceaux. « Penses-tu que c’est l’œuvre d’un magicien… Que cette chimère a été transformée en statue ? » ... Le jeune guerrier se dirigea vers le mur de pierre pour inspecter l’autre côté.

" Il y avait des incantations, oui. Et cette statue... c'est peut-être une gargouille, une statue vivante qui gardait un trésor... dans ce coffre, là, sans doute."
Elle désignait un renfoncement sur le mur arrière, à quelques mètres de l'endroit où l'escalier débouchait.
Entre-temps, Gabriel avait atteint le petit muret de pierre qui bordait la terrasse. Celle-ci s'ouvrait sur un paysage rocailleux et austère, en lequel il reconnut l'île vers laquelle ils s'étaient dirigés. Ils se trouvaient sur une sorte de balcon, surplombant le sol à environ trois mètres de hauteur. En contrebas, il vit clairement deux silhouettes qui s'enfuyaient, courant vers une barque amarrée à quelques dizaines de toises. Ils seraient à bord en quelques secondes.

« Anita, les deux voleurs sont déjà en bas… Comment ont-ils fait ? Ils vont traverser le lac avec leur barque. Ils ont dû escalader la terrasse… Il doit y avoir un passage. Mais… »
Gabriel pensa très fortement à la créature de l’île et lui envoya le message en même temps qu’il cherchait l’éventuel accès : « Deux voleurs vont traverser le lac, deux voleurs… »

Il ne ressentit rien dans son esprit, aucune réponse d'aucune sorte. Il ne pouvait pas savoir si la créature à tentacule percevait ses pensées d'aussi loin... ni, d'ailleurs, si elle les percevait tout court. Jusqu'ici, il lui avait toujours parlé à voix haute.
" Un étage de hauteur, commenta Anita. S'ils sont souples et entraînés, ils ont pu sauter... Moi, en tout cas, je pourrais. Et le mur n'est pas lisse, il doit être possible d'y trouver des prises pour l'escalader."
Les deux inconnus avaient atteint le rivage et entraient dans l'eau. L'un d'eux transportait un sac de toile d'assez grandes dimensions.
" Dommage qu'on ne puisse pas les arrêter, leur barque nous aurait été bien utile... Mais on n'aura jamais le temps."

« Anita, il y a encore la possibilité de prévenir la créature. Descendons, nous l’appellerons du rivage et dans l’eau ! »

" Tu veux dire... par là, en sautant ? Si on le fait, on ne saura pas remonter, on n'a pas de corde... Ou sinon on repasse par les couloirs et le damier ? Mais c'est plus long..."
Les deux hommes avaient atteint la barque et s'y hissaient, leur butin sur l'épaule. Dans la lumière éblouissante du soleil couchant, il était difficile de les distinguer clairement. L'un d'eux portait une armure, l'autre non, le premier avait une carrure plus forte, le second était plus fluet... ou la seconde, peut-être, c'était difficile à juger à contre-jour. C'était tout ce qu'il pouvait en voir. Le sac semblait encombrant mais pas vraiment plein, comme s'il contenait juste quelques objets mais de dimension imposante.

Tout en enjambant la balustrade de la terrasse Gabriel répondit à Anita : « Par-là, le temps de descendre par les escaliers et traverser les multiples pièces, les voleurs auront atteint l’autre rive. Nous allons prévenir la créature par le lac. Elle doit-être à l’affut de tout mouvement sur son territoire… »

" Pars devant, acquiesça Anita. Moi, je retourne chercher les morceaux de tissu qu'on a trouvé à côté, je vais nous fabriquer une corde pour remonter. J'ai peur qu'on ne trouve pas d'accès pour rentrer à l'étage en-dessous..."
Et elle disparut aussitôt dans le couloir qu'ils avaient emprunté.

Le mur, bien qu'ancien, était en bon état de conservation, et Gabriel ne trouva guère de prise pour descendre. Il dut se résoudre à se suspendre par les bras et à se laisser tomber sur le sol. La hauteur, une fois pendu à bout de bras, n'était pas si grande, et il atterrit sans mal sur le rol rocailleux.
Devant lui, il entendit l'un des deux hommes incanter, et la barque commença à se mouvoir, lentement.

Gabriel courut pour rattraper les deux hommes. La barque était déjà à quelques mètres du rivage et continuait à avancer. Il entra dans l’eau en criant plusieurs fois « Votre sceptre a été dérobé par deux voleurs qui s’enfuient sur une embarcation… »

Il n'y eut pas de réaction. Le sol, à cet endroit, s'enfonçait sous le lac en pente particulièrement raide, ce qui n'avait rien d'étonnant vu la profondeur à laquelle se trouvait le petit bassin souterrain où ils avaient discuté avec le poulpe. Le lac semblait extrêmement profond, et la créature pouvait très bien se trouver à des dizaines de toises de Gabriel, sous l'eau, ou de l'autre côté de l'île.
L'embarcation, cependant, avançait à une vitesse étonnante, propulsée par un sortilège. Les deux hommes à bord l'avaient aperçu, mais le lac était beaucoup trop profond pour qu'il puisse les suivre : il devrait nager et serait rapidement semé.
Puis, soudain, alors qu'ils étaient à mi-chemin environ de la côte -dont Gabriel devinait la ligne sombre-, la barque bascula. Il était trop loin pour voir ce qu'il se passait dans l'eau, mais quelques petites minutes plus tard, un projectile atterrit sur la plage, à quelques pas de lui. Il s'agissait du sac contenant le butin des hommes.

Gabriel alla récupérer le volumineux sac. Il hésita à l’ouvrir malgré sa curiosité, il préférait en discuter avec Anita. Il prit le sac et le plaça sur son dos. Il se questionna tout en se dirigeant péniblement vers le mur.
« Que contient t’-il… Il doit contenir d’autres objets… Peut-être que de la magie protège son contenu ? ... Si le sceptre se trouve dans mon ballot, pourquoi la créature du lac me l’a renvoyé ? Ce n’est peut-être pas elle qui l’a renvoyé… ».

Le sac, contrairement à ce que laissait prévoir son imposant volume, n'était pas très lourd. Il semblait ne contenir que deux ou trois objets, qu'il entendait s'entrechoquer dans son dos. Cependant, il était à demi ouvert, et avait pu laisser échapper une partie de son contenu dans l'eau, s'il contenait de menus objets.
Il atteignit rapidement le mur, mais celui-ci était trop lisse pour être escaladé. Heureusement, Anita apparut au bout de quelques secondes.
" Je vais essayer de tresser une sorte de corde avec les morceaux de vêtements. Mais ils sont en mauvais état, je ne sais pas si elle supportera ton poids..."

En bas du mur, Gabriel raconta ce qu’il avait vu. « Anita, à ton avis, crois-tu que ce soit la créature qui me l’a renvoyé ? Je n’ai pas regardé ce que contient le sac. On regarde ? »

" Vas-y, pendant que je bricole la corde..."
Le sac ne contenait que trois objets : un instrument de musique, que Gabriel ne parvint pas à nommer mais qui semblait de la famille du luth ou de la viole ; une petite épée gravée de runes ; et un étui cylindrique contenant un rouleau de parchemins anciens. L'étui de cuir paraissait récent, mais les parchemins menaçaient de s'effriter s'il les en sortait sans précautions.
Il n'y avait rien là qui ressemble à un sceptre.

« Le sceptre ne s’y trouve pas ! Soit la créature l’a récupéré lors du chavirage de la barque ou alors… personne ne l’a trouvé… Il faut retourner dans la grotte, parler avec le Maître des lieux. Dès que tu as fini de fabriquer la corde, je te rejoins… à mes risques et périls ».

" Il y a un petit renfoncement, derrière moi, qui cache en fait une porte secrète. Elle a été ouverte... et il y a un coffre presque vide derrière, celui que devait garder la gargouille. C'est là qu'ils pris leur butin. Mais on n'a pas tout fouillé, le sceptre peut se trouver ailleurs. Ou bien, comme tu dis, il l'a récupéré..."
Anita se pencha enfin par-dessus la bordure de pierre et lui tendit un entremêlement de vêtements en loques vaguement tressés. La corde, très courte, n'atteignait pas le sol, mais il pouvait facilement en attraper l'extrémité et se hisser en prenant appui sur le mur avec ses pieds. Elle était, en tout cas, suffisamment solide pour supporter son poids : elle ne rompit pas lorsqu'il s'y suspendit.

HRP : Je n'avais pas vérifié si ma réponse avait été enregistrée hier matin...

.

Gabriel se hissa sans effort avec le sac sur le dos et rejoignit Anita avec empressement. « Regardons dans le coffre… »

Le coffre se trouvait dans un petit renfoncement, une sorte d’alcôve plutôt que de réelle pièce. Des marques au sol trahissaient la présence d'une porte, invisible pour l'heure, et certainement magique, qui aurait glissé sur le roc. L’alcôve était minuscule, et vide, à l'exception du coffre.
Comme l'avait dit Anita, celui-ci ne contenait pas grand-chose. Il y avait là un bouclier et une cotte de mailles à l'allure ordinaire, ainsi qu'un surcot de velours dévoré par les mites. Rien de magique en apparence. Les voleurs avaient pris les objets les plus intéressants de ce point de vue-là. Il n'y avait pas, non plus, de sceptre.
Quant à la petite pièce s'ouvrant en terrasse, elle était vide, et la pierre rugueuse qui en formait les murs et le sol était marquée par l'érosion, colonisée par les mousses. Seuls les débris de la gargouille semblaient en bon état.

Gabriel regarda la gargouille éclatée sur le sol. « Je pense que cette gargouille était animée et protégeait un trésor plus précieux que celui que nous avons trouvé… Il y a eu un combat ici, nous l’avons entendu. Les deux voleurs ne sont pas venus par hasard en prenant des risques pour rien. Si le sceptre est tombé dans l’eau lors du chavirage, la créature a dû le retrouver puisqu’elle est liée à lui. Nous devons retourner parler au Maitre des lieux… Qu’en penses-tu ? »

Anita avait jeté un coup d'oeil rapide au contenu du sac pendant qu'il fouillait le coffre. Elle acquiesça à sa proposition.
" Descendons, oui. Tu veux récupérer l'armure pour toi ? Elle a l'air d'être plus ou moins à ta taille... Et l'épée, tu veux la garder, ou je la prends ? Elle doit être magique, vu les runes... Peut-être que l'instrument de musique est magique aussi, d'ailleurs. Regarde, là, on dirait de minuscules signes gravés."
Elle désignait ce qui semblait simplement être une ligne irrégulière faisant le tour de la caisse de résonnance. Il leur était bien sûr impossible d'identifier le type de magie en question, si toutefois il y avait là un pouvoir quelconque. Quant à l'épée, la présence de magie était extrêmement probable : la lame était en parfait état malgré son ancienneté.
" Noah saura peut-être nous en dire quelque chose..."

HRP : tu peux les faire redescendre (mais précise ce que ton personnage garde avec lui)

« La cotte de mailles est à ma taille ! » dit Gabriel en l’enfilant. Il fit quelques moulinets avec ses bras pour apprécier le poids de la pièce d’armure puis il s’intéressa aux deux objets singuliers. Il prit alternativement la bâtarde dans sa main droite et sa main gauche. « C’est une belle épée… incroyablement bien équilibrée et maniable… Tu la prends, tu n’en trouveras pas d’aussi extraordinairement bien forgée et magique chez les fourbisseurs. Prenons le luth pour Noah et les parchemins anciens. Un conservateur ou un archiviste saura les traiter pour éviter qu’ils tombent en poussière… D’ailleurs leur étui est étonnamment récent… Descendons voir la créature. »

Anita prit l'épée avec une certaine défiance, l'observant sous tous les angles. La lame brillait de façon presque inquiétante.
" Je me demande quelle est la magie qui l'habite..."
Elle finit par hausser les épaules et par la glisser à sa ceinture.
" Mais redescendons..."

Ils firent donc le chemin en sens inverse, retraversant le labyrinthe en prenant soin de suivre le même itinéraire qu'à l'aller -peut-être que cela ne changeait rien, mais ils n'étaient sûrs de rien.
Lorsqu'ils parvinrent à la pièce souterraine où se trouvait le bassin, leur "hôte" s'y trouvait.
" Tiens, vous revoilà ? Je vous pensais reparti..."

Gabriel fut décontenancé par les paroles de la créature. Puis, il sourit intérieurement en pensant que leur « hôte » était d’un autre temps avec des codes sociaux singuliers.
« Nous sommes venus vous retrouver pour être certains que vous aviez récupéré votre sceptre ».

" Oui, je l'ai pris dans leur sac. J'ai vu qu'ils prenaient une ou deux choses eux aussi, avant de le lâcher pour mieux nager. Je me suis dit que ce qu'il restait pouvait peut-être vous intéresser, l'un ou l'autre... Mais je suis heureux d'avoir retrouvé ce sceptre. Merci de votre aide !"
Un tentacule sortit de l'eau, brandissant le sceptre en question. Gabriel n'en vit pas grand-chose, l'essentiel étant masqué par la créature, mais il semblait constitué d'une étrange pierre blanche et luisait d'une lueur bleutée. Un rayon en partit, subitement, et désintégra quelques pierres à l'extrémité de la pièce, manquant déclencher un éboulement.
" Heu... je crois qu'on ferait bien de partir", souffla Anita.

« Nous vous remercions aussi ! Nous partons ! »
Gabriel se détendit malgré les démonstrations dangereuses du Maitre des lieux et prit la main d’Anita en riant. « Oui, allons rejoindre Noah. »

La créature ne répondit rien, se contentant de brandir son sceptre, comme un enfant découvrant un nouveau jouet. Un nouvel éclair en jaillit, déclenchant une chute de pierre, fort heureusement dans la direction opposée à celle par laquelle ils devaient quitter les lieux.
Anita avait pris la tête et l'entraîna le long des couloirs qu'ils venaient de suivre, remontant l'interminable escalier en colimaçon, toujours aussi glissant. Ils parvinrent à la pièce ronde où ils avaient combattu le squelette en armure, la traversèrent, puis suivirent le couloir qui s'élevait en pente douce en contournant celle-ci, jusqu'à les mener à l'étage suivant.
" Le plus simple, c'est de rejoindre la terrasse, maintenant qu'on sait traverser le damier", décréta la rôdeuse.

A peine avait-elle prononcé ces paroles qu'une vibration se fit sentir dans le sol, se propageant sous leurs pieds. Puis il y eut un bruit sourd, comme l'écho d'un éboulement, quelque part, tout proche, peut-être dans la pièce qu'ils venaient de quitter.
Lorsqu'ils parvinrent au palier suivant, quelques minutes plus tard, ils eurent la mauvaise surprise de découvrir que le sol de la pièce ronde où se trouvait le damier s'était effondré : sur leur droite, au-delà de l'ouverture gravée de runes, il n'y avait plus qu'un trou béant. Ils ne leur restait le choix qu'entre poursuivre tout droit, montant en pente douce, ou bifurquer vers la gauche, là où Anita avait aperçu un nid de chauve-souris.

Gabriel reconnut l’entrée des deux tunnels. Il évalua les deux issues à haute voix. « Le tunnel de gauche… Anita, tu avais remarqué qu’il abritait des chauves-souris et dit qu’il indiquait une communication vers l’extérieur. Celui, devant nous, monte… Mais vers quoi ? Lequel prendrais-tu ? ».

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Quelque part au nord des Landes