[Bâtiment] Les entrepôts

[Kmir Tailleroc]

Kmir avait son plan et il l’exécuta sans plus attendre. D’abord, il se concentra…

Kmir > Flou > Kmir

Sa forme devint flou et donc plus difficile à viser. Il venait là de faire appel à l’une de ses facultés innées. Il pouvait toujours rendre aveugle quelqu’un, puisqu’il ne l’avait pas fait plus tôt, c’était le dernier pouvoir à sa disposition, son dernier joker. Il sortit ensuite son arbalète de poing. Il se déplaça pour voir le meneur et lui tirer un carreau en pleine tête. À courte distance, il pouvait être aussi meurtrier ainsi qu’avec une lame.
Ensuite, qu’il réussisse ou non sa tentative d’assassina, il allait sauter sur l’unique lanterne allumée. Il ignorait si la fixation allait supporter son poids. Son but, la souffler, puis retourner au sol.

Si tout marchait bien, il aurait éliminé une personne et fait plonger l’endroit dans le noir.

[Voyageuse]

L'homme, bien que sur ses gardes, ne devait pas s'attendre à ce genre d'attaque : il avait le regard fixé sur la lanterne vers laquelle il tendait quelque chose, une torche peut-être, qu'il souhaitait allumer. Il était solidement bâti, et portait un gilet de cuir clouté. Mais sa tête n'était pas protégée.
" Gaffe, Jonas !"
L'un de ses acolytes avait aperçu Kmir, mais le trait partit moins d'une demi-seconde après, ne laissant pas à son adversaire le temps de réagir suffisamment : il plongea de côté mais le projectile l'atteignit à l'épaule, le blessant grièvement, peut-être mortellement. Il y eut un cri de douleur, auquel répondirent des exclamations de haine.
Kmir n'avait pas le temps d'analyser davantage la situation s'il voulait mener à bien la suite de son plan : il sauta sur la lanterne allumée, comme il l'avait prévue. La fixation céda presque immédiatement et il tomba au sol, soufflant au passage la flamme. Personne n'avait tiré sur lui -peut-être ne disposaient-ils pas d'arme de jet, peut-être n'en avaient-ils pas eu le temps. Il s'effondra sur le corps de celui qu'il venait de mutiler, une bonne toise plus bas.

Il faisait noir désormais, et il entendit une exclamation de dépit derrière lui, mais aussi un bruit de pas précipités. Il s'agissait d'un humain, a priori, qui n'était qu'à quelques toises et dont la carrure obstruait la moitié de l'allée - mais heureusement du côté opposé à la sortie. Un autre se trouvait de l'autre côté, mais au-delà de la bifurcation menant à la porte, et s'avançait à tâtons vers lui, plus lentement, les bras écartés. Il devait y en avoir au moins un autre, au moins, quelque part juste devant la porte, d'après ce qu'avait dit leur meneur. Un léger rai de lumière indiquait l'emplacement de l'accès à la porte, sur la droite, mais les yeux humains n'avaient pas eu le temps de s'habituer à l'obscurité.

[Kmir Tailleroc]

Les fous ! Des humains, dans le noir, tentant d’arrêter un gnome des profondeurs ! Kmir y voyait pour sa part bien assez pour trancher des gorges et percer des cœurs. Il se remit promptement sur pied. Tuer n’était pas quelque chose qu’il faisait gratuitement, cependant. Il ignora tout ceux qui n’était pas sur sa route et il évolua vers la porte. Là devait se trouver quelqu’un, le gnome le blesserait ou le tuerait s’il le fallait, supposant qu’il s’agissait là encore d’un humain. Puis il pourrait filer par les coursives.

[Voyageuse]

Rapide, et avantagé par sa capacité à voir dans l'obscurité, il parvint en un instant au passage menant vers la porte. L'homme qui lui faisait face, aveugle dans le noir, n'était encore qu'à mi-parcours. Mais sitôt qu'il arriva en face de la porte, la faible lumière venue de la coursive l'éclaira.
" Il est là !
- J'ai vu", répliqua l'homme qui avait été chargé de rester près de la porte.
Celui-ci était un colosse, barrant très efficacement le passage -et masquant en partie la lumière, heureusement pour Kmir. Il était armé d'une dague et affichait une expression résolue. Mais, entre la semi-obscurité qui régnait et le sortilège dont Kmir avait fait usage, il avait peu de chance de parvenir à toucher le gnome.

[Kmir Tailleroc]

Kmir ne perdit pas de temps. Il engagea le colosse après avoir dégainé son épée alors qu’il avançait vers lui. Il frappa direct aux parties génitales, un coup largement assez puissant pour tout emporter. Avec ça, le colosse devrait n’être plus qu’une formalité. Il prévoyait ensuite une esquive d’anticipation, de vérifier ses arrières, puis de finir le colosse. Bien sûr, ça, c’était la théorie.
Avec le gnome, tant qu’il pouvait éviter les vrais duels, tant qu’il pouvait exécuter ses adversaires les uns après les autres, tout allait bien.

[Voyageuse]

Le colosse, plus agile qu'il n'en avait l'air, parvint à esquisser en partie le coup en bondissant en arrière : le sang gicla de la cuisse et non des parties intimes, en une blessure visiblement grave, mais moins douloureuse. Il ne perdit donc pas tous ses moyens, pas autant que le gnome l'avait espéré : d'un brusque coup de dague, il contre-attaqua... et trancha l'air à bonne distance de la tête de Kmir. Esquiver ses coups ne posait guère de difficulté au jeune voleur, et vu le sang qui s'écoulait de la plaie, les coups en question ne dureraient plus très longtemps. Le colosse semblait d'ailleurs réaliser la gravité de la situation, et hésiter entre poursuivre le combat et comprimer la plaie pour arrêter le saignement.
Mais derrière lui, le plus proche de ses adversaires était maintenant tout proche. Certes, il voyait Kmir à contre-jour dans une lumière très faible et aurait du mal à porter des coups efficaces, mais Kmir était tout de même pris entre deux feux.

[Kmir Tailleroc]

Toujours prompte à la réaction, Kmir se détourna du colosse et fonça vers l’arrière, vers les ombres, à la rencontre de cet autre adversaire. Il allait l’engager, cette fois pas pour tenter de porter un coup précis, mais pour esquiver la prise en étaux qui s’annonçait. Bien sûr, s’il pouvait blesser, il ne s’en priverait pas, mais du moment qu’il parvenait à contourner cet humain, il pourrait replonger dans les ombres et redevenir mortel.

[Voyageuse]

Son adversaire n'était pas assez rapide, et trop aveuglé, pour réagir efficacement. Il plongea pour tenter de plaquer le gnome au sol, mais celui-ci esquiva et le blessa légèrement au passage -il sentit sa lame heurter quelque chose et entendit un cri de douleur.
" Il nous faut de la lumière ! Elvis !"
Kmir était en effet de nouveau invisible aux yeux des humains. En obliquant sur la droite après avoir dépassé son adversaire, il s'était retrouvé dans l'ombre des palettes et des caisses de bois, et, qui plus est, sans adversaire à proximité immédiate : les deux autres humains étaient de l'autre côté du rai de lumière, et l'un d'eux se précipitait à l'aveuglette pour aider les deux blessés.

[Kmir Tailleroc]

Déterminé, calculateur, Kmir rechargea son arbalète. Ça, c’était pour celui qui aurait le malheur de rallumer. Puis, il surgit des ombres pour frapper, pour tuer avec son épée. Temps qu’il avait l’avantage du terrain, il visait en priorité les menaces les plus grandes, les personnes pas ou peu blessées. Viendrait un moment où lumière ou pas, ils ne seraient plus en mesure de lui résister. Il trouvait d’ailleurs ces gens particulièrement courageux, ou téméraire, car mine de rien, leur groupe avait déjà reçu une sacrée claque. Le meneur était peut-être déjà mort, le colosse serait sous peu hors jeu, un blessé supposé léger de plus… sachant qu’on n’avait même pas encore réussi ne serait-ce qu’à le contraindre à parer un coup. La peur, sous peu, serait de son côté, supposait-il.

[Voyageuse]

Il ne se trompait pas en supposant que la peur devait gagner ses adversaires. Il ne voyait plus que deux hommes depuis sa position : l'un était le meneur du groupe, mourant ou peut-être mort, l'autre était indemne mais relativement éloigné, et aveugle dans l'obscurité. Il semblait avoir renoncé à se rapprocher. Son visage reflétait la peur, l'indécision. Il y avait une lanterne au plafond, pas très loin de lui, mais il ne semblait pas vouloir faire le moindre geste pour l'allumer -ou peut-être n'avait-il pas de briquet. Kmir pouvait aisément le tuer avec son arbalète s'il le décidait.
" A l'aide ! cria une voix depuis l'étroit passage menant à la porte. Tom, aide-moi", ajouta-t-il plus bas.
Le second homme valide venait de rejoindre les deux blessés, et même s'il était hors de vue de Kmir, caché par l'angle des palettes, il ne semblait pas vouloir attaquer.
Kmir devinait plutôt le bruit de corps qu'on déplace : peut-être tentait-il d'évacuer le plus grièvement blessé de ses camarades. C'était peut-être le bon moment pour l'attaquer à son tour, à moins qu'il ne préfère attendre quelques secondes supplémentaires que le passage soit -peut-être- dégagé.

[Kmir Tailleroc]

L’arbalète, c’était en cas de secours. Elle était longue à recharger. Kmir préféra courir. Son but premier : affoler ses adversaires et leur fausser compagnie. L’idée de devoir tous les tuer le répugnait. Ce n’était pas un sensible, loin s’en faut, mais il avait pris l’avantage. Encapuchonnée et flou, il était peu probable qu’aucun d’entre eux puisse l’identifier. Il n’avait même pas dit un mot, ils ignoraient à quoi ressemblaient sa voix. S’il parvenait à partir maintenant, il resterait dans leurs esprits sans doute comme une sorte de petit monstres des ombres et ça lui allait très bien.
Ainsi donc, il leur fonça dessus. Il ne voulait pas tuer, mais il n’allait pas se mettre en danger pour autant. S’il pouvait esquiver, il esquiverait. Au besoin, il pouvait passer sous des jambes ou sauter par-dessus un corps. S’il devait tailler son chemin dans la chair, il le ferait aussi. Et si jamais il atteignait la coursive, sa priorité serait là-aussi d’éteindre la lumière pour parfaire la peur qu’il inspirait.

[Voyageuse]

Le colosse était à terre, et les deux autres hommes trop occupés à stabiliser sa blessure pour pouvoir réagir rapidement. L'un deux, qui faisait face à Kmir, eut une expression de peur sur le visage et brandit une épée, dans un geste défensif, cherchant à parer une attaque. L'autre tournait le dos à Kmir et ne réagit que lorsque le gnome le frôla en le dépassant.
Il lui fallut tout de même faire mine d'attaquer l'homme à l'épée pour que celui-ci, en esquivant, dégage davantage le passage -écopant au passage d'une légère éraflure au bras.
Puis, en deux enjambées, il se trouva dans la coursive.
Celle-ci était éclairée à intervalles réguliers, par trois lanternes, toutes assez loin de lui, une à gauche, deux à droite. Il y avait très peu de portes : une en face de lui, deux plus loin sur sa droite, une dernière au fond du couloir de droite, et il y avait un escalier tout au bout du couloir de gauche, duquel deux hommes armés venaient de surgir. Ils accélérèrent l'allure en l'apercevant.

[Kmir Tailleroc]

Kmir fonça vers l’escalier et donc les deux hommes en armes. Il était dans la calle, il lui fallait remonter sur le pont. S’il pouvait, le long de son trajet, atteindre les sources de lumière, il les éteindrait. Sinon, il les ignorerait. Pour franchir les nouveaux adversaires, il avait son plan. Il allait se concentrer sur l’un d’eux et le rendre aveugle, en espérant bien sûr que ça fonctionne. Si c’était le cas, il allait paniquer, troubler son collègue. Ce serait le moment de forcer le passage.

[Voyageuse]

La source de lumière, de ce côté-ci du couloir, était une lanterne fixée au mur, à plusieurs toises de lui, à hauteur d'homme -mais Kmir devait pouvoir l'atteindre avec son épée, en sautant. Vu son emplacement, il était probable que ses adversaires l'atteignent quasiment en même temps que lui. Il était donc préférable de privilégier le sortilège de cécité.
Celui-ci fonctionna, stoppant net la progression de l'un des deux hommes qui pila et porta machinalement les mains à ses yeux.
" Putain j'y vois plus rien ! Il m'a lancé un sort !"
Son acolyte dut le contourner, ralentissant son allure, ce qui laissait le temps à Kmir d'atteindre la lanterne le premier.
" Il nous faut du renfort ! beuglait le garde aveuglé. Qu'est-ce qu'ils font, les gardes ?"
L'autre brandissait une épée longue et semblait bien décidé à tenter de décapiter le gnome. Celui-ci avait le temps d'atteindre la lanterne pour atténuer l'éclairage, mais son adversaire serait sur lui une ou deux seconde plus tard.

[Kmir Tailleroc]

Kmir ignora finalement la lanterne et força le passage. Pour être à peu près certain d’éviter la lame de l’unique garde capable de le voir, il se plia au dernier moment en deux, devenant alors largement trop petit pour une frappe classique. S’il passait sans encombre, il allait bien sûr gravir les marches quatre à quatre.

[Voyageuse]

Il esquiva l'épée, de justesse, et parvint à passer, profitant des quelques instants durant lesquels son adversaire reprenait l'équilibre et se retournait vers lui. Il avait la voie libre jusqu'à l'escalier, mais l'homme s'était lancé à sa poursuite et il dut grimper la volée de marches à toute vitesse, tournant ensuite pour monter la volée suivante, puis la suivante, l'inconnu toujours sur ses talons. Au-dessus de lui se trouvait une trappe, ouverte, par laquelle il apercevait la pénombre des fins de soirées : il ne faisait pas encore totalement nuit.
Lorsqu'il déboucha enfin à l'air libre, juste à côté de ce qui devait être le château arrière, une silhouette jusque-là invisible surgit brusquement de sa droite et se jeta sur lui, le plaquant violemment au sol. Il eut à peine le temps de voir que le pont n'était pas désert : il y avait plusieurs autres silhouettes.
" Saleté... J'le tiens !"

[Kmir Tailleroc]

La réaction de Kmir fut instinctive. Lorsque l’agilité venait à faire défaut, ses muscles prenaient le relais. Il asséna à celui qui l’avait choppé un coup d’une force stupéfiante pour quelqu’un de sa stature. En fait, il y allait vraiment comme une brute, peut lui importait s’il fendait un os ou prenait une vie dans la manœuvre. Il devait se dégager tout de suite, pas dans deux secondes, sans quoi les autres seraient sur lui avant qu’il puisse se relever.
S’il y parvenait, il sauterait à l’eau, c’était sa seule chance.

[Voyageuse]

Le coup porta, arrachant un cri de douleur à son assaillant. L'étau des bras se desserra un peu, mais il dut frapper une seconde fois pour réussir à se dégager. Entre-temps, trois autres hommes étaient arrivés à proximité, les encerclant. L'un d'eux, un véritable colosse, bondit sur Kmir dès que celui-ci sembla échapper à la poigne de son adversaire. Il le plaqua à nouveau au sol, réussit à lui saisir le bras d'une main de fer et le lui tordit violemment derrière son dos.
Sur le quai, quelques badauds observaient la scène d'un air quelque peu inquiet, se demandant visiblement s'ils devaient réagir, et comment.

[Kmir Tailleroc]

Kmir poussa un grognement. Mais il n’avait pas encore dit son dernier mot. Sa main libre tira sa dague et il frappa, estimant au juger l’endroit le plus sensible à sa portée. Un œil, une gorge, peu importait. Il ne paniquait pas, ce n’était pas des coups désespérés. Au moindre relâchement, il préviendrait cette fois l’approche d’un autre homme en sortant son arbalète de poing et en tirant à bout portant. Putain de merde, ils allaient lui foutre la paix ! S’il devait tous les crever, il le ferait. Maintenant qu’il avait le dessous, plus d’état d’âme.

[Voyageuse]

Plaqué face au sol, il ne pouvait pas vraiment voir ce qu'il visait. Mais vu le grognement étranglé de l'homme, il avait dû toucher quelque chose -quelque part au visage, du moins c'était ce qu'il avait voulu faire.
" Qu'est-ce qui se passe ici ? Écartez-vous immédiatement, lâchez cet enfant !
- C'pas un gosse, c'est un sale voleur ! Et il a estropié nos collègues !
- Lâchez-le ! C'est un ordre !"
A défaut de le lâcher vraiment, la poigne de l'homme qui le maintenait au sol était devenue nettement moins ferme. Il semblait hésiter sur la conduite à tenir.

[Kmir Tailleroc]

Si Kmir était pris par la garde, il serait foutu. Il perdrait le soutien des autorités, perdrait probablement aussi celui de Bruno et du demi-elfe. La malédiction ne serait pas brisée, pas à temps pour lui, et il serait condamné à se changer en or, quelque part dans une cellule.
À cela, il préférait la mort.
Soit il parvenait à fuir, soit il trépassait, pas d’autre alternative.
Présentement, il se relâcha, cessa de frapper. Il jeta juste un regard de biais pour bien évaluer le pont, prévoir ce qu’il allait devoir faire. Quand il sentirait le moment opportun, sans doute dans une à deux secondes à peine, quand il serait lâché ou quasiment, il se redresserait d’un coup, se dégagerait, foncerait côté mer, sauterait. Et si jamais c’était un échec, il retournerait sa dague contre lui, un geste mu par la terreur dont il prenait conscience, celle de se voir décliner inexorablement.

[Voyageuse]

Le quai était plus ou moins sur sa gauche, d'après les voix qu'il entendait. Donc la mer était sur sa droite : il devinait le bastingage à quelques toises.
Outre celui qui le maintenait au sol, et celui qu'il avait affronté juste avant et sérieusement amoché, il devinait trois autres hommes, dont deux à proximité immédiate. Tous avaient le regard tourné vers le quai et l'expression indécise.
Son agresseur, sentant qu'il ne se débattait plus, venait de lui lâcher le bras et se redressait doucement d'un mouvement hésitant, regardant alternativement Kmir et les gardes. Il avait très eu de temps pour réagir.

[Kmir Tailleroc]

Alors il agit.
Il se ramassa sur lui-même sans un bruit, puis se détendit comme un ressort.
Le premier qui le serrait de trop près allait manger un carreau d’arbalète.
Il ne choisit pas la trajectoire la plus évidente. C’était la pénombre, lui y voyait correctement, lui était acrobatique, alors qu’il n’avait pas forcément la vitesse de pointe pour lui. Il pouvait se faufiler, sauter, rouler.
La seule précaution qu’il prit, au-delà du fait de tout faire pour pouvoir se jeter à la mer, ce fut de s’assurer qu’il ne perdrait pas le bijou maudit. Il pouvait perdre le reste, tout le reste, il s’en foutait, mais pas ça.

[Voyageuse]

Celui qui l'avait plaqué au sol réagit une fraction de seconde trop tard : il plongea pour lui immobiliser les jambes, et Kmir sentit une main frôler son pied, le manquant de peu. Les autres avaient réagi une fraction de seconde plus tard, mais Kmir était bien plus petit que les combattants qu'ils affrontaient d'habitude, et leurs réflexes solidement ancrés jouaient en sa faveur: déstabilisés par sa carrure inhabituelle, ils ne plongeaient pas assez bas et leurs épées ne rencontraient que le vide au-dessus de lui. Il évita de justesse la poigne du premier en plongeant à droite, contourna le second par la gauche. Le troisième était trop loin derrière. Les gardes, sur le quai, crièrent quelque chose, un ordre, une mise en garde, au milieu des jurons de ses agresseurs, mais il était déjà arrivé au bastingage et plongea aussitôt.
Il sentit à peine le froid de l'eau.

[Kmir Tailleroc]

Ça, c’était fait !
Mais il n’était pas encore sortie d’affaire, loin s’en faut. Durant sa plongée, il avait pris son souffle. Maintenant, il nageait sous l’eau. Il ne devait pas refaire surface dans un espace dégagé, sans quoi on le verrait et on pourrait le suivre. Non, il devait récupérer sa respiration sous des passerelles, à côté des pontons ou derrière n’importe quelle chose qui puisse lui procurer un abri. Une chose était certaine, il ne sortirait à priori pas de l’eau dans le coin. Il lui fallait un endroit discret. Pourvu que ses forces ne lui fasse pas défaut. Pourvu que le froid ne vienne pas l’engourdir trop vite.
Non, ce n’était pas gagné mais, en revanche, si la garde et ceux du navire le perdaient de vue, il n’aurait pas à craindre un éventuel recours à un mage pour le retrouver. Il était totalement indétectable via des moyens magique.

[Voyageuse]

Le port ne manquait ni de passerelles, ni de bateaux. Il longea celui d'où il avait plongé, puis arriva au-dessous d'une autre coque. Plus loin, il devina une passerelle au-dessus de lui, sous laquelle il put refaire brièvement surface pour reprendre son souffle, juste une seconde. Dans la pénombre de la fin de soirée, personne ne l'aperçut. Il devinait de l'agitation plus loin sur le quai, là où se trouvaient ses agresseurs. On devait scruter la surface de l'eau, et des silhouettes se rapprochaient mais ne semblaient pas l'avoir vu. Il plongea à nouveau et poursuivit son chemin. Il se dirigeait vers le sud, vers la zone des entrepôts, moins fréquentée que le nord où se trouvaient l'esplanade et les rues commerçantes.
Il finit par quitter le secteur portuaire : l'eau devenait moins profonde et il devinait une plage avec quelques barques de pêcheurs, derrière le petit bosquet des docks. Elle n'était pas totalement déserte : il y voyait les silhouette d'un couple enlacé. Mais il était possible de se dissimuler derrière l'une des barques, et de rejoindre rapidement l'abri du bosquet.
Au-delà, il devinait la silhouette du mur d'enceinte, un peu plus loin. S'il le dépassait, il serait hors de la ville et devrait y revenir.

[Kmir Tailleroc]

Enfin, les événements semblaient de nouveau sous contrôle. Kmir estima excessif de sortir des limites de la ville. Lumenis était largement assez grande pour s’y planquer. Dissimulé derrière une barque, il sortit de l’eau. Puis, il gagna le bosquet en tâchant d’être aussi discret que possible. Pouvait-il s’y cacher durant un moment ? Sans doute que non, il fallait un lieu plus sûr.
Il devait sécher ses vêtements avant de retourner à la Bienveillance.

[Voyageuse]

Les deux amoureux sur la plage étaient bien trop occupés pour prêter attention à la petite silhouette qui longeait la plage aussi discrètement que possible.
Kmir put donc atteindre sans encombre le petit bosquet qui la jouxtait.

La suite là-bas...