La Couronne de Cuivre

" Il faudra improviser, dit le mercenaire avec un soupir. En espérant qu'ils ne soient pas trop curieux."
Il jeta un oeil en direction des patrouilleurs. La serveuse reparut avec deux bols de soupe et s'esquiva aussitôt.
" Rien de tel que du cresson pour se donner du courage. Cul sec."
Ce qu'il fit.

Astrée rit doucement.
" Tu veux que je nous commande un peu de bière, pour plus d'efficacité ? Parce que le cresson... bah... positivons : ça réchauffe, et on en a besoin. Et ça ne va pas nous alourdir l'estomac !"
Elle but quelques gorgées, plus précautionneusement.
" On pourrait aussi disparaître, ne rien dire à personne, oublier le yack...", fit-elle, songeuse.
Avec un peu d'alcool dans l'organisme, elle aurait pu croire à cette possibilité. Mais elle n'avait rien bu... Et puis, elle n'était pas assez lâche pour fuir ses responsabilités.
" Mais ils vont enquêter sur ces disparitons, ils sauront qu'on y était et ils ont des moyens magiques pour nous contacter et nous retrouver, conclut-elle avec un sourire désabusé. On est coincés, je crois. J'espère juste que Raevan ne t'en tiendra pas rigueur."
Elle avala le reste de sa soupe, en songeant que le cresson ne valait tout de même pas un alcool fort dans ces circonstances.

" Déguerpir n'est pas raisonnable, en effet. Et pas digne. Surtout pas digne."
Il lui haussa les épaules, presque désolé.
" Je suis prêt à assumer. Il faut toujours l'être."
Il lui jeta un coup d'oeil.
" Dès que tu as terminé, allons-y. Autant ne pas gâcher notre soirée à nous poser mille questions."

Astrée acquiesça, et posa la main sur le bras de Dimitri, avec douceur. Elle avait l'envie de le protéger contre toutes les conséquences néfastes de leur expédition. Et puis, elle était bien davantage responsable du désastre que lui.
" On va en dire le moins possible. On verra bien comment ils semblent prendre les choses. Et puis... tu ne dois pas t'en vouloir. On avait de bonnes intentions, on n'est pas responsables du fait que les choses aient mal tourné. Ça aurait pu fonctionner, au contraire. Et si ça a foiré... c'est ma faute."
Elle avala les dernières gouttes de soupe et reposa son bol vide.
" Allons-y..."

Les patrouilleurs étaient trois, reconnaissables à leurs uniformes, bien qu'ils aient enlevé leurs vestes pour s'adapter à la chaleur agréable qui régnait dans la salle de l'auberge. Tous trois demi-elfes, comme le voulait la tradition des lieux, ils devisaient devant une chope de bière pour deux d'entre eux, et une bolée de cidre pour le troisième. Deux étaient des hommes, la dernière une femme. Ils étaient d'âge indéterminé, comme souvent les demi-elfes, qui vivaient le double des humains. Peut-être trente ans, peut-être soixante, peut-être un siècle, déjà... Comment le savoir ?
" Voyageurs, en quoi pouvons-nous vous être utiles ? demanda l'un d'entre eux, taillé sur le modèle humain plutôt qu'elfe, bien que la forme de ses yeux, de ses oreilles et une certaine animalité le trahissent d'emblée.
— Nous arrivons de Belred... Nous avons eu... un contretemps en route et... nous voulions être certains que personne ne s'inquiétait d'une éventuelle disparition."

Astrée observa attentivement les patrouilleurs. Elle avait tendance à leur faire confiance, d'instinct, puisqu'ils étaient des représentants des autorités luméniennes. Mais cette fois-ci, elle était un peu tendue. Ils s'apprêtaient à leur mentir, après tout, et ce n'était pas dans sa nature. Elle ignorait si c'était une bonne idée de leur parler... et si c'était une bonne idée de leur mentir. Elle avait conscience que se taire jouerait en leur défaveur lorsqu'on aurait identifié l'identité des deux propriétaires du yack : on estimerait qu'ils avaient des choses à cacher. Mentir par omission ne prêterait à conséquence que si les fidèles de Solonor venaient se plaindre à leur sujet. Or, la version elfique des événements resterait probablement interne à la Lorien, puisque eux aussi avaient des torts. L'autre option était de dire toute la vérité... mais ils risquaient des ennuis, étant responsables de plusieurs morts. Non, dans l'immédiat, mieux valait en dire le moins possible.
Elle n'avait rien à ajouter aux propos de Dimitri, même si elle brûlait de mentionner Kimik. Elle préféra attendre d'abord leur réponse.

" Oh... dit le patrouilleur. Vous êtes... ceux qui suivaient le groupe de Severn, alors ? Qu'est-ce qui vous est arrivé ? Nous avons trouvé leurs chevaux... et le corps... mais aucune autre trace..."
Les deux autres avaient croisés les bras, l'air suspicieux, mais ils ne dirent rien.
" Nous avons voulu voir si nous pouvions retrouver leur piste... L'embuscade semblait récente."
Le patrouilleur écarquilla des yeux stupéfaits. La femme lâcha ce qui devait être un juron en elfique.
" Vous êtes entrés en Lorien ?"

Astrée grimaça.
" Oui."
Elle lâcha un bref soupir.
" On sait que c'est interdit... Mais il n'y avait aucun patrouilleurs dans les parages, et dans la tempête, les traces allaient rapidement disparaitre, vous alliez arriver trop tard. Nous voulions juste aller en reconnaissance pour pouvoir vous indiquer ensuite par où ils étaient partis... ou venir en aide à un blessé éventuel. Nous sommes tous deux de bons pisteurs... Et discrets."

" Qu'en savez-vous, du moment où nous serions arrivés ? demanda durement la femme. Et des retombées de votre stupidité ? Où sont les deux autres hommes, si vos talents de pisteurs sont si bons ?"
Le premier homme leva une main apaisante pour la faire taire.
" Est-ce que vous avez croisé des elfes ?"

Astrée avait rougi violemment sous l'accusation. Elle jugeait la réponse de la femme excessive : il était évident pour elle qu'ils n'allaient croiser aucun patrouilleur, puisqu'ils n'en avaient vu aucun depuis leur départ.
Elle s'interdit de répliquer, resta de marbre et secoua la tête en réponse à la question.
" On n'a vu aucun elfe, et aucun elfe ne nous a vus je pense. Dans la tempête... on ne voyait rien, on n'entendait rien. On a suivi la piste longtemps. Elle s'enfonçait vers le cœur de la forêt, de l'autre côté de la Sylvestre. Mais elle semblait interminable, on n'était pas équipés pour une longue reconnaissance, et notre yack nous attendait sur la route. On a dû renoncer. On a fait demi-tour.
Elle grimaça, et avoua.
" Sur le retour, la tempête avait tout effacé. On s'est un peu perdus... On a dû bivouaquer... Bref, on n'a pas retrouvé notre yack.
Elle attendit la suite des reproches, stoïque.

La patrouilleuse secoua la tête, manifestement ébahie par autant de stupidité.
" Nous n'avons pas vu de yack. Mais avec le nombre de bêtes sauvages qui traînent, je ne me ferais pas trop d'illusions le concernant." dit son collègue.
Le premier d'entre eux semblait perdu dans ses pensées, l'expression chagrine. Il finit par soupirer.
" Je n'arrive pas à croire qu'avec toutes les mises en garde et toutes les consignes, qu'on répète et qu'on re-répète, il y ait encore des gens pour enfreindre la règle la plus basique, souffla-t-il. Les elfes ont raison : la seule solution est de fermer complètement la Lorien. C'est le comportement de voyageurs dans votre genre qui va précipiter ces décisions drastiques. Mais je suppose que c'est inévitable."
Il releva les yeux.
" Un de nos capitaines, en charge de l'enquête, arrive demain dans la journée. Vous êtes priés de l'attendre pour subir un interrogatoire. Jusque là, ne vous éloignez pas. Et prévoyez de passer une seconde nuit ici, a minima. Je ne sais pas quand vous pourrez repartir."
Son ton était sans équivoque.

" Nous comptions rester un peu, de toute façon... pour nous retaper," dit-elle d'un ton calme.
Pas de yack. Ils avaient donc raconté leur histoire pour rien. Mais il était impossible que toutes leurs affaires aient toutes disparu, pourtant. Les elfes avaient dû les récupérer.
" Mais... je ne vois pas en quoi notre erreur pourrait aboutir à quelque chose d'aussi grave. Nous n'avons rien fait de mal et nous sommes restés discrets. Nous voulions vraiment... juste rendre service"

" Ce n'est pas votre boulot, de rendre service. Vous n'avez aucune connaissance des lieux et des rapports de force en présence. Vous avez de la chance, si vous n'avez pas été vus. Mais dans le fond, vous n'en savez rien : les elfes sont bien plus doués pour rester discrets que les humains. Dans la neige, en plus... Mais passons. Vous raconterez tout ça demain, dans le détail."
Il les dévisagea l'un puis l'autre.
" Accessoirement, votre accès à la Lorien dépendait du respect de ces règles. A votre place, je réfléchirais rapidement à une autre destination. Vous serez dans doute escortés jusqu'à la sortie.
— Nous sommes désolés pour cette erreur de jugement." dit sobrement Dimitri.
L'homme haussa les épaules et les congédia d'un geste las.

Astrée n'ajouta rien, se contentant d'un hochement de tête désolé. Elle s'éloigna en direction de leur table, les épaules basses, et se laissa tomber sur sa chaise.
Être escortés jusqu'à la sortie ne la tentait vraiment pas. Mais cela aurait pu être pire, sans doute... Et ce pouvait encore l'être, en fonction de ce que déciderait le capitaine. D'un autre côté, le fait d'être venus parler spontanément devrait jouer en leur faveur, non ?
Elle adressa à Dimitri un sourire tendu, mais ne trouva rien à dire.

" Je suis désolé, tout ça est de ma faute." dit-il.
Il fit signe à la serveuse.
" Et au final, c'est toi que ça va affecter le plus. Sauf si tu m'autorises à leur dire que c'est moi qui t'ai obligée à me suivre."

Elle secoua la tête.
" Non. D'abord, ce n'est pas forcément moi que ça va affecter le plus. Les elfes t'en veulent aussi, même s'ils sont sans doute persuadé que c'est de ma faute ou de la faute des humains en général... mais je n'ai aucun impératif qui me pousserait à revenir absolument en Lorien, donc ce n'est pas important si je suis interdite de Lorien. Par contre, je ne sais pas trop ce que vont penser tes futurs employeurs. Alors que mon cas à moi n'a aucune importance pour eux. "
Elle haussa les épaules.
"Bref, ne t'en fais pas pour moi. C'est moi qui ai voulu te suivre, en sachant très bien que je n'avais pas le droit. Je l'ai fait parce que je me disais qu'il valait mieux être deux, parce que je m'inquiétais pour toi... Donc j'assume.

" Comme tu veux. Je me doutais que tu refuserais."
Il se carra dans son siège. La serveuse était de retour et il leur commanda de quoi boire et manger. Le choix était restreint, en plein hiver, c'était gibier à plumes pour tout le monde.
" Mais bon, rien ne sert de trop nous morigéner... Nous avons fait notre déclaration, et ce capitaine arrivera bien trop tôt. Il est probable que nous soyons interrogés séparément, cependant. Il faudra faire attention."

Astrée acquiesça.
" Il faut peut-être qu'on se mette d'accord sur la chronologie exacte de ce qu'on raconte, dans ce cas. Evidemment, il faut espérer qu'ils n'ont pas eu d'échos venant des solo...nites ?... hum... Sinon notre petite histoire ne tiendra pas deux minutes. Mais on a tout de même passé trois nuits en Lorien, et la tempête n'a pas duré. On ne peut pas avoir mis tout ce temps pour se repérer. Je pense qu'il faut expliquer qu'on est restés coincés dans cette cité maudite, expliquer que tu es devenu une statue de glace... raconter la vérité, mais sans la présence des elfes.... Et puis, on n'est pas censés avoir le pouvoir de se déplacer rapidement ensuite pour rejoindre la route... Je ne sais pas s'ils peuvent connaître l'existence de cette cité et son emplacement. Il me semble peu plausible d'avoir pu revenir en une seule journée. Bref, il faut qu'on se mette d'accord sur l'enchaînement des faits..."
Mettre au point un mensonge commun lui paraissait terriblement complexe, et elle n'était pas à l'aise dans ce genre de situation. Mais ils n'avaient probablement pas d'autre choix.

" Je doute qu'ils connaissent l'existence de cet endroit... mais avouer que nous avons été aussi profondément dans la forêt, que nous avons à ce point... bouleversé ce qui s'y déroule... Nous risquons gros à nous montrer à ce point honnêtes... même si tu as raison, c'est sans doute le mieux."
Il lâcha un profond soupir.
" Je n'avais même pas commencé à imaginer à quel point cette erreur de jugement allait nous poser des problèmes."

" Moi non plus, avoua Astrée avec une grimace. Et tu as raison, si on raconte qu'on a levé la malédiction d'une cité... même si c'est quelque chose de positif, au final... on est loin d'une simple reconnaissance discrète. Peut-être qu'il ne faut pas le dire. On pourrait raconter la partie où tu t'es retrouvé changé en statue de glace, mais dire que le sort s'est levé tout seul le lendemain sans qu'on sache trop pourquoi. Ou alors il faut trouver une autre raison qui nous aurait retardé... mais plus on invente, plus c'est compliqué de ne pas se contredire. "
Elle se prit la tête entre les mains et soupira.
" C'est à vous décourager d'être honnête. Peut-être qu'on aurait mieux fait de ne rien dire."

" Peut-être devrions-nous quand même dire que nous nous sommes perdus... Evidemment, ça ne colle pas avec notre histoire de grands pisteurs discrets, mais finalement... Est-ce que c'est grave ? Ce n'est pas comme si notre réputation en Lorien n'allait pas en prendre un coup... Avec la tempête qu'il y a eu, errer au hasard, ce n'est pas impossible. Les patrouilleurs doivent avoir l'habitude des humains crâneurs qui vont se perdre dans les sentiers..."
La serveuse était revenue et elle leur déposa les assiettes de canard en sauce, avant de repartir entre les tables. Un peu plus loin, un vieil homme barbu accordait sa viole, se préparant sans doute pour un petit récital.
" Tu l'as bien vu, nous n'avons fait que confirmer ce qu'ils savaient déjà."

" Oui, c'est pas faux. Ils ont vraiment une opinion déplorable des humains. Et c'est vrai qu'avec la tempête, on a pu dévier très loin... Mais quand même, une fois le calme revenu, on savait bien qu'en suivant l'est, on tomberait tôt ou tard sur la route. En une journée ça aurait dû être faisable... Après, on a pu vouloir dévier pour éviter des zones inextricables, ou pour éviter des zones peuplées... ou des prédateurs... ou devoir restés cachés. Et on a pu arriver bien trop au sud, aussi. Ça peut passer, peut-être..."
Elle haussa les épaules, et avala quelques bouchées du canard -qu'elle trouva absolument délicieux après leurs mésaventures récentes.
" Et puis, c'est vrai que les humains n'ont pas ton sens de l'orientation. Sans toi j'aurais sûrement eu bien plus de difficultés. Je ne sais pas comment tu fais pour te repérer aussi bien. Tu semblais même ressentir la présence des elfes..."

" Je ne sais pas bien l'expliquer. C'est juste... dans l'air."
Il haussa les épaules.
" Une sorte de repère interne, je suppose. Comme les animaux qui migrent."
Son sourire se fit désabusé.
" Ils croiront sans mal que nous n'avons pas pu déterminer où était l'est, Astrée."

Astrée leva les yeux au ciel avec une grimace.
" C'est un peu vexant. En pratique, je suis tout à fait capable de repérer le nord, et donc l'est... d'autant plus qu'il y avait du soleil ! Il n'y a qu'en Féérie que je ne parvenais pas à avoir le moindre repère efficace. Mais bon... j'imagine qu'il faut se résoudre à passer pour des incapables trop sûrs d'eux. Après, évidemment, si tout ça arrive aux oreilles de la guilde à Belred Luyn, ils n'y croiront pas une minute..."
Elle reprit un peu de canard, cherchant un peu de réconfort dans la nourriture.
" Il y aura aussi le problème de nos montures, maintenant que j'y pense..."

" Quel problème ? demanda-t-il. On les a embarquées avec nous, ça parait assez logique, non ? Sauf le yack, pas assez rapide... mauvais caractère... et qui pue."
Il parut songeur.
" Je me demande si elle s'est vraiment fait dévorer... Ce n'est pas impossible, je suppose."

" Je ne sais pas... et j'ai des doutes. C'est quand même imposant comme bête, et les prédateurs ne sortent pas pendant la tempête. Il est possible qu'elle ait été récupérée par des elfes, si elle ne l'a pas été par les patrouilleurs... Et même si elle a été dévorée, on aurait retrouvé nos affaires. Il me semble clair que d'autres les ont prises..."
Des elfes, certainement, puisqu'il ne s'agissait pas des patrouilleurs. Ou d'autres voyageurs ? C'était peu probable. Elle espérait juste que cela n'ajouterait pas à leurs ennuis.
" Et pour les chevaux, ça me parait très bizarre de les emmener si on veut être discret... Enfin, sauf si on décide de dévoiler leurs pouvoirs magiques qui permettent de les cacher. Après, j'imagine que ça peut coller à notre image d'incompétents, en disant qu'ils nous suivaient à distance..."
Elle soupira. Jouer ce genre de comédie ne l'enthousiasmait pas. Elle n'était pas certaine d'en être capable. Mais c'était probablement la meilleure solution pour le moment... Et ça devait être tout aussi difficile pour Dimitri. Se faire passer pour un banal humain incompétent, alors qu'il était un prince fey... Au moins n'entendrait-il pas dire du mal de sa race pendant toute l'entrevue.

" Kimik a pu se détacher et entrer dans la forêt... Nous n'avons aucune idée de ce qui lui est arrivé. Bien sûr, je suis d'accord avec toi, le plus probable est qu'elle ait repris la route, dans un sens ou un autre... ou qu'on l'ait volée. Les elfes doivent considérer que tout ce qui se trouve sur leur territoire leur appartient."
Il jeta un oeil sur les patrouilleurs, mais se ravisa rapidement : eux aussi regardaient dans leur direction, sans doute en commentant leur lamentable attitude.
" Pour le reste... Il me semble moins risqué de prétendre qu'on a pris nos montures avec nous, que de raconter qu'elles sont subitement devenues invisibles. Ça ne cadrerait pas avec le reste de notre histoire."

" Oui, on va rester là-dessus. C'est un peu frustrant de devoir se montrer aussi stupides... et je ne suis pas très bonne comédienne... mais je suppose que c'est préférable. Je ne sais pas trop ce qu'on risquerait si on disait la vérité, en fait. Mais il faudrait de toute façon l'édulcorer pour ne pas révéler qui tu es. D'ailleurs, ça doit être encore plus frustrant pour toi, puisqu'en réalité, tu avais tout à fait le droit de quitter la route..."
Elle haussa les épaules.
" J'espère juste qu'ils n'auront pas eu d'échos sur ce qu'il s'est passé... ou alors de façon trop imprécise pour faire le lien avec nous. "
Ne pas retrouver Kimik et leurs affaires était frustrant, également. Mais sur ce point, il valait mieux abandonner tout espoir.

" On peut estimer que j'ai le droit de quitter la route, mais ça ne veut pas dire que je suis le bienvenu... dit Dimitri. D'autant que je suis un étranger : je n'ai pas de racines dans cette forêt. C'est davantage comme si j'étais... une sorte de grand seigneur qui daigne rendre visite à ses serfs, dans leurs lointains marécages."
Il eut un haussement d'épaules un peu embarrassé.
" Pour le reste... Je doute que les humains, ou même les demi-elfes qui patrouillent la route, apprennent quoi que ce soit rapidement... Ces hommes étaient des criminels, et les autorités les ont certainement identifiés... "

Un grand seigneur rendant visite à ses serfs... Astrée retint un sourire narquois. Il n'était pas nécessaire de le titiller là-dessus. Il faisait son possible pour faire oublier qu'il était un seigneur fey, la plupart du temps.
" Oui, ils les ont identifiés. En tout cas, ils ont donné un nom, tout à l'heure, mais je ne sais pas s'ils ont déjà des informations sur leur passé et leurs méfaits. J'aimerais bien savoir de quoi ils étaient coupables, pour que ce soit si grave aux yeux des elfes, mais pas assez puni par les humains. Ils ne t'ont rien expliqué, je suppose ?"
Elle avait du mal à déterminer si elle souhaitait avoir confirmation qu'ils étaient de dangereux criminels, auquel cas ils avaient mérité leur sort, ou si elle avait besoin de justifier leur tentative en les considérant davantage comme des victimes. Sans doute la vérité était-elle quelque part entre les deux. Ou alors, ils étaient de dangereux criminels ayant des appuis haut placés. Mais cela lui semblait tout de même peu probable. On était sur Hélonna, tout de même...

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Traversée de la Lorien