La Couronne de Cuivre

Comme la veille, de la tendresse, il n'y en eut point. Sans doute en était-il tout simplement incapable. Dès qu'elle l'embrassa, elle libéra son désir, et il l'emporta dans une frénésie tempétueuse qui était plus un fracas qu'une danse. Tout explosa en elle et autour, tandis qu'il la dévorait tout entière, lui inspirant des sensations inédites et brutales, qui poussèrent son corps à la limite, dans un torrent irrépressible.
Puis il n'y eut plus rien.
Elle s'éveilla alors qu'il faisait plein jour, percluse comme si elle avait couru pendant toute la nuit. Dimitri n'était plus là, mais à voir le soleil au dehors, ce n'était sans doute pas une surprise : il devait être près de midi.

Elle poussa un soupir vaguement mélancolique, imaginant un instant le bonheur que ça aurait été de se réveiller près de lui. Mais vu l'horaire, elle ne pouvait pas lui reprocher de n'avoir pas attendu. Elle le soupçonnait d'ailleurs d'avoir tenu compte du fait qu'elle pouvait dormir durant la matinée pour aller bien au-delà de ses capacités de résistance. Elle était en effet bien plus épuisée que la veille. Mais elle ne pouvait pas se plaindre de cela : il l'avait avertie des effets secondaires néfastes d'une union charnelle avec lui. Et puisqu'elle avait pris le risque de recommencer en connaissance de cause, il avait dû décider qu'il n'était pas utile de se réfréner.

Elle poussa un nouveau soupir et entreprit de se redresser avec précaution, essayant d'évaluer si, en-dehors de son épuisement, elle avait des symptômes inquiétants, des vertiges peut-être. Elle se souvenait de ses conseils sur la nécessité de manger quelque chose de sucré, ou une baie magique. Cette fois-ci, elle devinait que la seconde option était nécessaire, et incanta immédiatement :
Astrée --> baies magiques.
Elle en obtint une petite poignée, en avala immédiatement une et décida de conserver les autres dans sa sacoche. Il n'était pas impossible qu'une autre soit nécessaire plus tard. Elle enfila rapidement ses vêtements -sa petite lessive de la veille avait eu amplement le temps de sécher- et se décida à rejoindre la salle principale. Il restait à espérer que leurs ébats n'aient pas été trop bruyants pour les voisins. Elle était totalement incapable de se souvenir précisément de ce qu'ils avaient fait. Mais les voisins avaient dû déjà repartir, heureusement.
Quant à son épuisement, il pouvait certainement être mis sur le dos de leurs mésaventures récentes. Elle avait même pu prendre froid.

La salle de l'auberge était tranquille mais il y avait quand même une dizaine de convives attablés : c'était bientôt l'heure du repas de midi. Astrée ne vit aucun patrouilleur, mais pas davantage le mercenaire. Le jeune homme derrière le comptoir lui fit signe d'un air entendu.
" Vous voulez encore petit déjeuner, ou je vous sers tout de suite l'apéro ?" lui demanda-t-il, non sans humour.

Astrée, un peu gênée, essaya de prendre un air dégagé.
" Je mangerai directement le repas de midi..."
L'absence de Dimitri ne l'inquiétait pas particulièrement. Elle-même n'aurait pas eu envie de passer la matinée enfermée et inactive, et il avait pu chercher de quoi s'occuper. Puis, l'absence des patrouilleurs lui apparut, et elle se souvint que l'un de leurs supérieurs devait arriver dans la journée. Etait-il déjà arrivé, et en train d'interroger le mercenaire ? Le plus simple était de demander.
" Est-ce que vous savez où se trouve mon compagnon ?"

" Il cherchait à se rendre utile et à se faire un peu d'argent, et donc il est sorti donner un coup de main. Mais je vous conseille de l'attendre ici. Je ne pourrais pas vous dire où il se trouve exactement, et la ferme est vaste, sans compter que la plupart des enclos sont fermés."
Il jeta un oeil derrière son épaule, vers les cuisines.
" Mais c'est presque l'heure du coup de feu, ils ne devraient plus tarder."

Astrée songea qu'il avait bien fait. Elle ferait peut-être de même dans l'après-midi... du moins, si elle s'en sentait encore l'énergie. La nuit avait été épuisante, l'union charnelle avec un être féérique étant plutôt néfaste à la santé. Et puis, il y avait cet interrogatoire qui l'inquiétait...
Il ne lui restait plus qu'à s'asseoir tranquillement pour l'attendre. Mais elle avait envie de sortir respirer un peu l'air du dehors. Et Prince devait s'inquiéter de ne pas l'avoir vue ce matin.
" D'accord. Je vais aller jeter rapidement un coup d'oeil à ma monture, à l'écurie. Juste par habitude. Puis je viendrai m'installer à table."
Il était peu probable qu'elle tombe par hasard sur Dimitri, bien sûr. Mais elle n'aimait pas rester enfermée, et avait besoin de faire quelques pas dehors, ne serait-ce que pour vérifier que la nuit mouvementée ne lui avait pas trop sapé ses forces.

La couche de neige était toujours honorable à l'extérieur. Astrée traversa la petite cour entre l'auberge et les écuries et y retrouva les chevaux : Prince et Recha. Le petit étalon miel ne semblait pas mécontent d'être à l'abri et dans la paille fraîche. Il n'était pas pressé de repartir sur la route, mais n'aurait pas craché contre quelques heures sous sa forme d'écureuil, bien au chaud dans son col. Il lui suggéra d'abandonner ces randonnées hivernales dans les années à venir : l'hiver, c'était pour rester à l'intérieur et se réchauffer au coin du feu, pas pour crapahuter par monts et par vaux.
Ce n'était pas la première fois qu'il essayait de lui communiquer ce genre d'idées et Astrée eut dans l'idée qu'il le faisait par principe, sans espoir de la convaincre. A moins qu'il n'ait simplement la mémoire courte. Ou, qu'en bon Lathandrite, il conserve l'espoir qu'un jour, elle entreverrait la lumière.
Il n'y avait bien sûr aucune trace de Dimitri : s'il était parti travailler, ce n'était pas pour pelleter du crottin.

Elle prit le temps de caresser Prince, de lui parler avec douceur, pour lui montrer que non, elle ne l'oubliait pas sous prétexte de batifoler avec un homme, fut-il un prince fey. Mais elle refusa l'idée qu'il la rejoigne sous forme d'écureuil : ils s'étaient suffisamment fait remarquer comme cela, il n'était pas nécessaire qu'on s'inquiète de la disparition de sa monture si d'aventure quelqu'un rentrait dans l'écurie. Elle s'occupa également de Recha, moins longuement que de Prince, bien sûr : c'était à Dimitri de s'en charger, et elle ne voulait pas rendre son compagnon animal jaloux.

Elle renonça à explorer davantage les lieux. Elle l'avait fait des mois plus tôt, elle se souvenait que les terrains étaient vastes, et elle aurait du temps pour cela dans l'après-midi. Dans l'immédiat, elle préférait rentrer au chaud pour ne pas manquer le retour de Dimitri et le repas : même si sa baie magique comblait en partie son besoin de nourriture, elle aurait bien du mal à justifier son absence... et puis, manger de la vraie nourriture était toujours meilleur.

Elle s'en revint donc à l'intérieur, d'un pas tranquille, et se mit en quête d'une table un peu isolée des autres. Elle dut s'avouer qu'elle éprouvait une légère appréhension, d'abord quant à l'attitude qu'aurait Dimitri -s'inquiétait-il un minimum de sa santé?-, ensuite, et surtout, au sujet de l'entretien avec les patrouilleurs, qu'elle espérait le plus bref possible.

Elle trouva une table à son goût sans difficultés : il n'y avait pas assez de visiteurs pour que les places soient rares. Dimitri revint environ une demi-heure plus tard, et la chercha des yeux dans la salle avant de s'approcher.
" Bonjour." dit-il.
Son front se barra d'un pli, signe qu'il n'était pas parfaitement satisfait de ce qu'il découvrait.
" Je vais vite me débarbouiller et me changer, puis j'arrive. Est-ce que tu as pris quelque chose de sucré, comme je te l'avais conseillé ?"

Elle l'accueillit d'un sourire paisible, heureuse de le voir arriver. Mais son expression l'inquiéta un peu.
" J'ai pris une baie magique, répondit-elle. Tu avais dit que c'était efficace, j'ai pensé que c'était préférable... "
Peut-être n'était-ce pas si efficace, à en juger par sa question.
" Mais je mangerai quelque chose de sucré au dessert, si c'est nécessaire. Il n'y a pas longtemps que je suis levée. J'ai l'air si affaiblie que ça ?"

" Tu as le teint pâle, dit-il. Je suis surpris que l'aubergiste ne t'ait pas demandé si tu étais malade... mais je suppose qu'avec la pénombre qui règne à l'intérieur, ça se voit moins... Du sucré. Du vrai. C'est la meilleure option."
Il avait l'air toujours chagriné.
" Je dois faire plus attention."

Elle haussa les épaules, sans se départir de son sourire.
" Bah... Aujourd'hui j'ai la journée pour me reposer, de toute façon. Je vais me requinquer, ne t'en fais pas ! Après, évidemment, si tu voulais remettre ça une veille d'expédition, il faudrait peut-être que tu réussisses à maîtriser un peu tes ardeurs, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil, en gardant un ton léger pour qu'il ne prenne surtout pas cela comme un reproche. Je crains d'avoir une capacité de résistance assez lamentable comparée à celle d'un être fée. Mais tu as bien fait d'en profiter, puisqu'on avait le temps aujourd'hui."
Elle avait la sensation d'avoir passé la nuit entière à se livrer à un sport intensif... et ce n'était sans doute pas qu'une impression. Mais il devait y avoir autre chose, puisqu'il disait qu'il lui prenait une part de son énergie.

" Je ne suis pas sûr que ce soit sage de réitérer l'expérience trop régulièrement, dit Dimitri avec une grimace. Je n'ai pas d'expérience de ce genre de situations... et je ne voudrais pas qu'il y ait des répercussions dommageables... Mais nous en discuterons. Je vais me rafraîchir. N'hésite pas à commander."
Puis, sur un signe, il s'éloigna vers l'étage supérieur.

Peut-être qu'il ne fallait pas tenter l'expérience trop fréquemment, en effet. Alterner avec des nuits de vrai repos lui semblait effectivement plus sage. Et puis, l'idée de dormir paisiblement près de lui était agréable également. Elle espérait juste qu'il ne renoncerait pas totalement.
Elle ignorait à quelles répercussions néfastes il faisait allusion, et espérait qu'il ne s'agisse pas de quelque chose de grave. Il lui semblait cependant que si elle allait réellement mal, elle s'en apercevrait, par d'autres symptômes qu'une fatigue physique. Elle n'était donc pas trop inquiète.

Elle chercha du regard un serveur pour passer commande, y compris de dessert, puisque c'était le plus important. Elle n'avait pas très faim, ayant déjà une baie magique dans l'estomac, mais les effluves étaient appétissants.

Dimitri reparut une dizaine de minutes plus tard et s'installa auprès d'Astrée. Le repas arriva rapidement, le serveur ayant sans doute guetté le mercenaire pour les servir. Il s'agissait de fricassée de crocodile au cresson, spécialité des lieux, une sorte de soupe généreuse, parfaite pour la saison.
" Les patrouilleurs sont repartis ce matin. Ils m'ont dit qu'ils comptaient revenir dans l'après-midi, et leur capitaine sans doute en début de soirée. J'espère que nous parviendrons à régler tout ça encore aujourd'hui."

" J'espère aussi. Je dois dire que j'ai hâte que cette entrevue soit passée, pour me débarrasser une bonne fois pour toutes de ce souci Je sais bien qu'il n'y a pas de raison qu'ils ne nous croient pas : il me semble peu probable que les adeptes de Solonor viennent donner leur version puisqu'ils risquent eux aussi des ennuis... mais j'espère qu'on s'en tirera juste avec une bonne leçon de morale."
Elle avala un peu de soupe, sans grand appétit, mais avec gourmandise.
" De ton côté, tu as trouvé quelque chose d'intéressant à faire sur le domaine, ce matin ?"

" J'ai réparé des clôtures. Il y a apparemment eu des incursions de prédateurs en fin d'automne... C'est du travail très physique... Ça me convient bien, et ça va me permettre de renflouer un rien ma bourse... ou d'éviter de grever la tienne."
Il avait bon appétit.
" Pas faim ? Ah... Tu as pris cette baie... Je veux bien terminer ton assiette, au besoin."

Elle versa sans hésiter une bonne moitié de son assiette dans la sienne.
" Mange, tu en as plus besoin que moi, et il faut que je garde un peu d'appétit pour le dessert..."
La fricassée était délicieuse, cependant, et la gourmandise -et la volonté de ne pas attirer l'attention- l'incita à finir le peu qu'il lui restait.
" Ne t'inquiète pas pour ma bourse, je partagerai volontiers avec toi le peu que j'ai, c'est quand même moi qui t'ai entraîné en Lorien, donc c'est la moindre des choses ! Peut-être même que je te devrais un salaire... Mais je dois renflouer ma maigre fortune, moi aussi : je n'ai pas assez pour renouveler mon équipement. J'aimerais trouver de quoi m'occuper cet après-midi. Malheureusement, je suppose que les crocodiles n'ont pas besoin de soins en cette saison... et il vaut mieux que j'évite le travail physique. Je ne sais pas s'ils auront quelque chose à me proposer."

" Je ne suis pas sûr qu'ils auront quelque chose à te proposer... Ils ont du personnel pour les tâches internes à l'auberge."
Il haussa les épaules.
" Pour le reste, je me suis proposé pour t'escorter, tu ne m'as pas embauché. Tu ne me dois rien. Et je ne veux pas être un poids. Même si je vois bien que ton mode de vie, dans le fond, s'encombre peu de possessions matérielles. Mais l'hiver ne fait que commencer... C'est sûr qu'il faut trouver de quoi te rééquiper. Nauru sera sans doute le bon endroit. Et il fait moins froid dans le nord."

Elle secoua la tête en souriant.
" Tu n'es pas un poids, tu es... hum... mon garde du corps ?"
C'était bien plus que cela, mais elle ignorait ce qu'il pensait réellement de la question.
" Bref, c'est normal que je paie les frais, ne t'en fais pas pour ça. Et je me rééquiperai à Nauru, oui, au moins pour les vêtements. Le reste attendra que je renfloue ma bourse, il n'y a pas d'urgence... et je n'ai pas besoin de tant de choses, comme tu le dis -le matériel de bivouac et d'escalade pouvait en effet attendre le printemps. Tu vas continuer à travailler sur les clôtures cet après-midi, je suppose ? Est-ce que tu souhaites rester davantage que deux nuits, s'ils ont besoin de toi et peuvent te payer ? Ou est-ce que tu préfères repartir vite ?"
Rester lui permettrait de se remettre mieux de la dernière nuit, et même d'en envisager d'autres plus sereinement, mais elle devinait qu'il y avait un risque à se laisser rattraper éventuellement par les rumeurs de leurs actions.

" Non, j'aime autant que nous quittions la forêt rapidement, répondit le mercenaire. Les elfes vont parler entre eux, et il va y avoir des volontés de vengeance, j'en suis persuadé. Nous n'avons obtenu qu'un sursis... pas davantage. Nous avons tout intérêt à respecter leurs injonctions à la lettre."
Il jeta un coup d'oeil circulaire autour d'eux.
" Pour le reste, je suis sûr que je pourrais encore donner un coup de main si je le demandais... Il y a encore du travail d'entretien. Mais je ne veux pas t'abandonner... même si tu dois avoir l'habitude de t'occuper seule, je m'en doute bien."

" Oh... C'est gentil à toi de te préoccuper de me tenir compagnie."
Elle ne s'imaginait pas qu'il ait réellement envie de rester auprès d'elle. Ce devait être uniquement pour lui être agréable. Mais quelle qu'en soit la raison, elle appréciait le geste.
" J'aime autant que tu sois là quand les gardes arriveront, ça ne sera pas un moment facile. Pour le reste, tu fais comme tu préfères, je ne voudrais pas que tu t'ennuies... Mais j'avoue que pouvoir profiter de ta présence m'est bien agréable. Et puis... on a tous les deux mérité un peu de repos, non ? On peut aussi, simplement, explorer le domaine..."

" Sous la neige et la glace, le domaine n'est pas sûr et pas ouvert, je pense... Tout est clôturé. Il y a moyen de faire le tour de l'auberge, pas davantage. Mais bon... c'est toujours une opportunité de sortir, je suppose. Quant aux patrouilleurs... Nous serons fatalement interrogés séparément, Astrée. Mais je ne suis pas certain que nous devions nous coordonner trop sur nos versions, sinon elles risquent d'avoir l'air étrangement identiques. Je suis partagé."
Il grimaça.
" C'est sûr que nous changer les idées jusque là ne serait pas du luxe."

" Nos versions sont forcément identiques si on a vu et vécu les mêmes choses... Après, on peut rester un peu dans le flou, on a dû être traumatisés et épuisés par notre errance. Mais je suppose qu'on se souvient tout de même vaguement des endroits où on a passé la nuit."
Astrée haussa les épaules.
" Cela dit, tu as raison, il faut qu'on se change les idées d'ici là. Et j'aurai besoin de prendre l'air, je me connais. J'espérais que tout ne soit pas fermé. Peut-être qu'ils nous laisseront un peu de liberté, ou bien qu'on pourra se rendre utile. Mais on verra quand on aura fini le repas. On va déjà prendre le temps de digérer tranquillement..., " conclut-elle avec un sourire paisible.

Elle se demanda, rêveuse, ce qu'elle ferait s'il était humain et non fey. Sans doute se promèneraient-ils main dans la main dehors... ou alors, ils s'installeraient l'un contre l'autre sur un canapé. Elle se blottirait contre lui, juste pour le plaisir d'être dans ses bras.
Elle songea, soudain, qu'elle pouvait profiter de ces quelques jours de vie partagée pour tenter de lui apprendre la tendresse. Elle avait peu de chance d'en obtenir des miracles, mais elle n'avait rien à perdre à essayer.

De miracle, il n'y en eut guère pendant l'après-midi. Alors qu'ils terminaient une tasse de thé, un employé de l'auberge vint les trouver, demandant à Dimitri s'il était d'accord de continuer à les aider. Ce dernier hésita, mais l'homme proposa qu'Astrée leur donne un coup de main, et il céda. Ils allèrent donc à l'extérieur, dans le froid piquant, tracer les limites d'un nouvel enclos. Le sol était gelé, les passerelles glissantes, mais les ouvriers connaissaient le parcours et aidèrent le mercenaire et la druidesse à se diriger dans risque. Tout écart menaçait de les envoyer dans une mare ou un étang glacial.
Ils travaillèrent une partie de l'après-midi, puis on vint les trouver : le capitaine des patrouilleurs était arrivé et Astrée était invitée à rentrer. Pas Dimitri, en revanche. Ce serait chacun son tour.

Astrée était plutôt satisfaite de l'après-midi qu'ils avaient passé. Travailler ainsi lui permettait d'être auprès de Dimitri, tout en leur évitant de s'ennuyer. Ils n'étaient ni l'un ni l'autre portés sur l'inaction, et les moments de tendresse entre amoureux étaient inconnus du mercenaire -même si elle ne désespérait pas de l'y amener, à toute petite dose bien sûr. En outre, elle était soulagée de constater que, contrairement aux craintes de Dimitri, sa nuit ne l'avait pas réellement diminuée.

Elle grimaça lorsqu'on vint lui annoncer sa "convocation". Elle s'y attendait, bien sûr, même si elle avait espéré qu'ils interrogeraient d'abord Dimitri. Cependant, l'ordre n'avait guère d'importance. Ils avaient eu le temps de se mettre d'accord sur une vague description des endroits où ils s'étaient abrités durant la nuit, à défaut de mieux... et cela devrait suffire. Sa seule crainte était qu'il y ait déjà des échos de ce qu'il s'était passé dans la cité maudite, et qu'on les en accuse. Cela pourrait expliquer qu'ils la convoquent en premier : pour les elfes, elle était seule responsable.
Mais elle s'inquiétait certainement pour rien...

" Souhaite-moi bonne chance", souffla-t-elle à Dimitri.
Elle lui attrapa la main pour la serrer fort et y puiser du courage, et s'autorisa à effleurer ses lèvres, en un baiser furtif, avant de se détacher de lui avec un sourire tendu. Elle avait tant besoin de sa force et de sa sérénité... mais elle devrait faire face seule.

HRP : j'aurais dû préciser qu'Astrée avait tout juste la force de couper des morceaux de corde et de noter des mesures, rien de plus

En retournant vers l'auberge, Astrée réalisa qu'elle était plus fatiguée qu'elle ne l'avait cru, et elle manqua trébucher. Elle se rattrapa heureusement juste avant de tomber dans le marécage faussement gelé et rentra par la porte arrière. Un des patrouilleurs de la veille l'attendait et il la guida vers une petite salle privée, où l'attendaient deux autres membres du service de sécurité des routes. Tous deux étaient bien sûr des demi-elfes : un homme jeune, une pile de parchemins et une plume prêtes devant lui et une femme plus âgée, les cheveux noirs veinés de gris, au visage encore lisse mais qui approchait sans doute le siècle. Elle désigna le siège en face d'elle à la druidesse, sans se lever. Elle avait l'expression de quelqu'un qui se passerait franchement bien de ce genre d'entretien.
" Je suis le capitaine Diandra Entheas. Je vous prierais d'énoncer votre identité, pour le rapport."
Son voisin était prêt à noter.

HRP : je peux pas deviner si tu ne précises pas à quel point

Astrée se répéta leur petite histoire pendant tout le trajet, pour l'avoir bien en tête. Elle regrettait de devoir mentir -s'il n'en avait tenu qu'à elle, elle aurait sans doute été plus franche- mais était décidée à le faire du mieux possible. Et puis, sa priorité était de protéger le secret de Dimitri.
Elle s'assit lorsqu'elle y fut invitée, avec soulagement mais un peu intimidée, et se demanda, un bref instant, s'ils n'auraient pas dû se mettre d'accord pour donner de fausses identités. Mais ils s'étaient appelés par leurs prénoms toute la journée, et puis, elle avait parlé du yack : si l'événement remontait jusqu'à la guilde, ils feraient le rapprochement et s'étonneraient de leur mensonge. D'ailleurs, les connaissant, ils devineraient aussitôt que tout le reste de l'histoire était un mensonge... mais c'était trop tard, et Dimitri semblait prêt à assumer face à Kerun.
" Je m'appelle Astrée, répondit-elle. Astrée Delvalé", précisa-t-elle, sur une impulsion.
Il y avait près de vingt ans qu'elle n'avait pas utilisé son nom complet. Mais aujourd'hui, sans qu'elle puisse l'expliquer, il ne la rebutait plus autant.

Le jeune homme nota rapidement ce qu'elle venait de dire. Il était manifestement habitué à prendre des notes : son vitesse d'écriture était impressionnante.
" Bien. Je voudrais savoir ce que vous faites en Lorien, pour commencer. Précisément." intervint le capitaine Entheas, en la fixant de son regard incisif, menton posé sur des mains croisées.

" Oh..."
Ce qu'elle faisait en Lorien ? Elle ne s'attendait pas à la question, pourtant logique finalement : un humain en Lorien devait avoir une bonne raison de se trouver là.
Elle secoua la tête.
" Et bien... Pour faire court : je devais explorer les Rocheuses du Dragon, pour parfaire mon apprentissage de druide. Et j'ai fait la route un moment avec un genasi qui venait de la région du Canyon de Kahn... heu... Kahn'ym. Il se rendait au sud des Rocheuses, comme moi, mais pour d'autres raisons : il enquêtait sur une faille. Il s'appelait Kalju, on a sympathisé, on est partis ensemble de Berlred Luyn en direction des montagnes. Mais... Il est malheureusement décédé pendant cette expédition... "
Elle laissa passer une seconde, laissant l'émotion retomber. Elle se souvenait qu'elle ne devait pas trop en dire à ce sujet. Ne pas parler des ruines drow.
" Je voulais me rendre auprès de sa famille pour les en informer... et leur ramener son yack, aussi. Et donc j'ai pris cette route. Avec mon ami Dimitri, qui nous avait escortés sur une partie de notre itinéraire en montagne."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Traversée de la Lorien