La Couronne de Cuivre

-Le duc a également insisté sur le fait qu'il était nécessaire de saisir toutes les opportunités pour amener le sieur de Fontbrune à coopérer. Or, avec ce qui est en train de se passer, ce pourrait être une occasion : son intervention serait susceptible d'amener les intrus à se rendre et donc d'éviter un bain de sang.
-J'en conviens, monsieur le comte. Néanmoins, je m'en tiens à mes ordres.
-Soit. Mais j'en référerai au duc, soyez-en assuré.
Hubert perçut des pas qui s'éloignaient - pas seulement ceux de Louis. De surcroit, ils ne venaient pas dans leur direction.

Dans tes rêves, pauvre minable, songea Hubert malgré lui.
Il compta jusqu'à vingt, puis fit signe aux Sunites qu'ils pouvaient reprendre leur route. La porte d'Etienne devait se trouver tout près, avec ses cerbères prêts à en découdre. Mais Hubert se sentait de taille à affronter l'élite ithilienne. Il était temps que la diversion commence, après tout.

Ils s'approchèrent d'un croisement. Coulant un regard dans le couloir transversal, Hubert repéra, à quelque distance sur sa droite, une demi douzaine de soldats équipés de pied en cap, en faction devant plusieurs portes closes. Se tenait également là un officier manifestement de haut rang, à voir sa mise et la qualité de son armure. Pour l'heure, ni lui ni ses hommes n'avaient remarqué les intrus mais il était clair que tous restaient aux aguets, prêts à réagir à la moindre alerte.

Hubert se retourna vers ses compagnons.
" Que diriez-vous d'user du passepierre pour nous rendre directement à l'intérieur des chambres, sans passer par le couloir ? Les sorts d'alarme sont sûrement placés sur les seuils... On pourrait pratiquement libérer tout le monde sans qu'ils ne se rendent compte de rien..."
Il pinça les lèvres.
" Enfin... sauf si la magie est proscrite en ces lieux... mais s'il y a des sorts d'alarme, sans doute n'est-ce pas complètement possible... Je ne suis pas expert dans ces questions..."

-Hum, ce Passepierre a l'air particulièrement puissant mais je me méfie quand même, il doit avoir un nombre de charges limité. Et surtout, si on les libère ni vu ni connu, qu'en sera-t-il de la diversion ?
-A mon avis, si Étienne vient ensuite leur faire un petit coucou directement dans le couloir, ce n'est pas l'alarme qu'ils sonneront, mais bien le branle-bas de combat général. On aura donc la meilleure des diversions. Non, la seule chose que je regrette dans le plan d'Hubert, c'est qu'il ne nous permettra pas de taper sur de l'Ithilien.

" Une autre solution est que tu me rendes invisible, je marche jusqu'au milieu d'eux, je lance un de ces sortilèges... heu... radicaux... et ils seront tous beaucoup moins fiers, soudain..."
Il haussa les épaules.
" L'un d'entre nous peut aussi leur faire bonjour du bout du couloir puis filer : ça devrait déjà dégager une partie du groupe... s'il y a un passage secret à proximité, c'est l'idéal..."
Il les dévisagea.
" Mais le Passepierre, ma foi... C'est élégant."

-Élégant et très bardique. Je vote donc pour, d'autant que tu ne dois pas oublier, Hubert, que les sorts radicaux dont tu parles ne font souvent effet que sur les êtres mauvais. Or, ceux-là ne le sont peut-être pas...
-Des sorts radicaux ? Depuis quand les paladins ont-ils des sorts radicaux ?
-Hubert n'est pas un simple paladin, Thibault. C'est un Maître Paladin d'élite de l'Ordre Suprême de l'Aube flamboyante, nuance !
-Hum... Dis, tu ne voudrais pas me filer un peu de l'alcool dont tu as bu en douce ? Il doit être sacrément fort, pour que tu te mettes à raconter des trucs pareils...

" Les personnes qui ne sont ni bonnes ni mauvaises sont affectées, elles aussi, par certains sortilèges... Et pour être ici et faire ce qu'ils font... Il y a de bonnes chances qu'ils soient de cette sorte..." dit le paladin au barde.
Il regarda ensuite le clerc avec une grimace.
" Je suis un demi-céleste. Voilà. Comme ça c'est dit. Maintenant, est-ce qu'on traverserait ces murs ?"

Mais Thibault le dévisageait, sourcils haussés.
-Quoi ? Un demi-céleste, carrément ? Pas un simple Aasimar ?
-Et ouais, notre Hubert ne fait pas les choses à moitié.
-Il y en a vraiment qui ont tout pour eux !
-C'est rageant, hein ? Mais bon, objectivement, il n'est pas le meilleur en tout. Par exemple, mes apprentis sont mieux que les siens.
-Giovanni, file moi ta flasque tout de suite : je ne sais pas ce que tu as mis dedans mais pour que ça t'amène à parler comme ça de ta paire de Psychopathes, ça doit être très, très fort.

Hubert les dévisagea, interdit.
" Les gars, est-ce que c'est vraiment le moment ? On fera le total des points quand on sera rentrés, si vous voulez bien. Il est encore temps de gagner le concours de celui qui est le moins... déraisonnable au mauvais moment. Giovanni ? Ouvre-nous le chemin."

-Hubert, tu dois savoir que badiner est une technique de relaxation sunite.
-Cela permet d'évacuer la pression, de retrouver de l'allant. Comme l'alcool mais... les effets secondaires en moins !
-Bon, où est ce fichu Passepierre ? Ne me dis pas que je l'ai ou... Ah non, le voilà !
Le groupe, soudain silencieux, se faufila par l'ouverture ménagée grâce à l'artefact. Quelques salles plus loin, ils débouchèrent dans une petite chambre occupée. Assise sur un grabat de fortune, Roxane les fixa, les yeux écarquillés, la bouche s'ouvrant déjà sur un cri de surprise qui n'allait pas tarder à retentir...

Hubert bouscula légèrement Giovanni, fondit sur la jeune femme et posa la main sur sa bouche pour étouffer le cri.
" Bonjour Roxane, murmura-t-il en la libérant ensuite doucement. Désolés pour l'irruption..."
Il ne s'était pas attendu à trouver la barde là... Mais elle accueillerait sûrement positivement l'idée de prendre la poudre d'escampette.

-J'ai connu irruptions plus désagréables... fit-elle, revenant peu à peu de sa surprise.
Le paladin nota qu'elle portait un collier de métal autour du cou. Remarquant son regard, elle baissa les yeux et soupira.
-Protection contre les lanceurs de sorts : c'est l'officier qui en a la clef. Mais si vous avez une arme en rab, je peux me rendre utile même sans la moindre once de magie.

S'ils avaient les moyens d'empêcher l'accès à la Toile, c'était encore plus surprenant qu'ils n'aient pas mis les bardes à l'ouvrage. Leurs précautions avaient finalement épargné la jeune femme, ils ne pouvaient que s'en réjouir.
" Nous n'avons pas encore d'épées supplémentaires, mais peut-être que Giovanni peut te prêter son arbalète en attendant ?"
Il se tourna vers le peintre avec une moue interrogative.
" Sinon, nous récupérerons cette clé avant de filer... Ou nous nous débrouillerons une fois en sécurité. On verra, ça n'est pas primordial juste maintenant. Sais-tu qui est retenu à cet étage ? J'imagine qu'ils ne t'ont pas vraiment laissé fouiner, mais... On ne sait jamais."

-Non, effectivement : depuis l'invasion, je n'ai rien vu d'autre que les quatre murs de cette pièce. Et lorsqu'ils venaient me parler, c'était soit pour essayer de me convaincre des multiples et formidables avantages d'une collaboration, soit pour tenter d'estimer ma valeur comme otage. Mais ça ne m'a pas empêché d'écouter à travers les portes... Je peux donc te dire que Renaud et Roland sont dans les parages, quoiqu'il ait fallu sacrément les remettre sur pied, sinon les relever d'entre les morts : les paladin, ça vaut de l'or, visiblement... Etienne n'est pas loin non plus.

Hubert était surpris que les paladins soient vivants tous deux, et qu'on ait pu les relever. A cinq mille pièces d'or la résurrection, ce n'était pas donné... Soit les Ithiliens avaient trouvé la mine de diamants, soit ils entendaient retirer davantage des Sunites. Mais comment ? Avec une rançon ? Ils n'avaient en tout cas pas voulu... ou pas pu... exploiter leur force physique dans les mines.
" Bon. C'est le moment d'aviser, dit-il en se tournant vers Giovanni et Thibault. Nous pouvons soit créer la diversion tant attendue, soit visiter les chambres voisines et espérer trouver les autres... Mais pour traverser le couloir, il faudra de toute façon ressortir."

-Qu'est-ce qui nous empêche de continuer de salle en salle jusqu'au prochain couloir transversal, puis de franchir celui que nous longeons hors de vue et de refaire le trajet en sens inverse mais... de l'autre côté ?
-Le nombre de charges du Passepierre, je le crains... Je ne sais pas combien il en a mais si nous tentons trop les diables, nous risquons de nous retrouver tous prisonniers... Bon, il n'empêche, je serai d'avis de visiter les pièces suivantes avant de tenter quoi que ce soit d'autre.

" Très bien, alors allons-y. Giovanni, passe devant. De toute façon, si ça ne fonctionne plus, nous sortirons en force. Le Passepierre n'est pas notre seul atout et pour l'heure, nous sommes beaucoup trop discrets."
Il fronça les sourcils.
" Cela dit, nous pourrions aussi décider de repartir sans nous révéler, et envoyer un seul d'entre nous déclencher l'alarme... avec une colonne de feu bien placée, par exemple. Mais nous pouvons trancher plus tard. Allons-y."

Dans les deux pièces suivantes, ils tombèrent coup sur coup sur Renaud et Roland, les paladins de Sunie qu'ils avaient cru omorts... et qui l'avaient peut-être été un temps. Évidemment ravis de voir débarquer la cavalerie, ils saluèrent chaleureusement leurs sauveteurs et tout particulièrement leurs coreligionnaires. Ils verbalisèrent toutefois un regret, le même que Roxane : ne pas avoir d'arme à brandir. Quoique, concernant cette dernière, le problème avait été résolu, Giovanni lui ayant remis son arbalète.

Hubert n'était pas mécontent d'avoir pu récupérer deux fines lames comme les paladins sunites, mais ils n'avaient toujours pas déclenché la diversion dont avait besoin Varamyr, et le temps pressait. Il suggéra donc à leur petit groupe de ne pas se perdre en salutations et remerciements, mais bien de presser le pas. Il proposa aussi à Thibault d'envisager de céder son épée à l'un des paladins, en tout cas quand il devrait incanter. Mais pour l'heure, il fallait continuer et espérer qu'ils trouveraient tôt ou tard Etienne... C'était surprenant qu'ils ne l'aient pas découvert à l'endroit où Louis s'était tenu plus tôt... Sans doute était-il de l'autre côté du couloir...

Après que Renaud et Roland aient tiré au sort pour savoir qui aurait l'épée de Thibault - lequel avait accepté de s'en départir à contrecœur et non sans avoir précisé que s'il fallait charger l'ennemi, il chargerait même s'il en était réduit à donner des coups de poing -, ils passèrent à la salle suivante, déserte, de même que celle qui vint ensuite.
A moins que les Ithiliens n'aient dispersé leurs captifs de marque outre-mesure, ce que semblait contredire le fait que les gardes aient été plutôt regroupés dans le couloir, le plus probable était effectivement qu’Étienne se trouve de l'autre côté...

" Que faisons-nous ? demanda Hubert au groupe rassemblé. Si nous débouchons dans le couloir sous leurs yeux, nous déclencherons la diversion qu'attend Varamyr... Mais il faudrait qu'une personne utilise encore le Passepierre pour aller chercher Etienne pendant que le reste du groupe se débande... Sinon, une partie d'entre nous peut attendre ici pendant qu'un ou deux traversent à l'écart pour aller chercher Etienne... L'un dans l'autre, il est nécessaire, à un moment ou un autre, de mettre du désordre... mais pas au détriment de notre sécurité."

Roxane et les paladins, encore sous le coup de leur libération tout sauf prévisible, se gardèrent de se prononcer sur la question. Quant a Thibault et à Giovanni, ils hésitèrent.
-J'aurais tendance à penser qu'il faut libérer Étienne avant de faire quoi que ce soit d'autre. Si les choses devaient mal tourner une fois les Ithiliens alarmés, ce serait insupportable de devoir le laisser ici. Et puis, peut-être qu'il ne sera pas évident de le convaincre de venir avec nous...
-D'un autre côté, plus on tarde à lancer la diversion, plus Varamyr risque de se dire que ça a mal tourné pour nous et de tenter de s'échapper sans compter sur notre intervention...

HRP : Ezéchiel est mooooort

Hubert n'avait même pas envisagé que le jeune Fontbrune puisse refuser de les accompagner. Mais soudain, il réalisa que c'était parfaitement possible, qu'Etienne pourrait vouloir partager le sort des prisonniers, ou craindre que sa disparition ne provoque des désastres. Ce serait le cas, les prisonniers en pâtiraient. Dans le même temps... Ne serait-il pas mille fois plus utile avec eux, au palais ?
Le paladin rejeta ces pensées. S'il fallait convaincre Etienne, ils le feraient en temps utiles.
" Alors faisons ceci. Deux d'entre nous vont chercher Etienne. Les autres restent dans une salle voisine et préparent la diversion. Au moins... conceptuellement. Comme ça nous pouvons la mettre en action dès qu'Etienne est libre."

Ils acquiescèrent.
-Je viens : en tant que barde, je suis le mieux à même de vaincre ses hésitations.
-Et que fais-tu de la sagesse des clercs ? Non, toi tu restes ici pendant que j'accompagne Hubert.
-Cela fait plaisir de constater que certaines personnes ne changeront jamais... souffla Roxane.

Huberts s'arracha les cheveux mentalement.
" Vous n'avez qu'à y aller tous les deux, comme ça on ne perd pas de temps en discussions stériles... Misère, vous êtes des gosses."
Ce n'était finalement pas si surprenant qu'Albérich n'ait pas succombé à Thibault. Il était incroyablement beau, terriblement charmeur, mais... vraiment insupportable. Giovanni avait l'excuse de sa profession, tous les bardes avaient un côté juvénile.
" Mais ne traînez pas et soyez prudents. Nous vous attendons."

-Sauf que je refuse de faire équipe avec lui : il parle tout le temps, c'est impossible de se concentrer.
-Moi, parler tout le temps ? Ce qu'il faut pas entendre ! Mai sça tombe bien : je refuse également de faire équipe avec toi.
Sous le regard incrédule de leurs compagnons, Giovanni utilisa le Passepierre pour faire apparaître une nouvelle ouverture. Ainsi progressèrent-ils d'encore quelque pièces, jusqu'à en atteindre une qu'ils estimèrent assez éloignée des gardes.
Le barde confia alors le Passepierre à Thibault et ce dernier fit signe à Hubert.
-Allons-y.

Le paladin n'était pas certain de suivre ce qui se passait entre les Sunites. Il comprenait que leur logorrhée était partiellement due à leur nervosité, mais elle était épuisante pour les nerfs de tous ceux qui n'entraient pas dans leur joute verbale. Il accueillit donc avec un certain soulagement la scission de leur tandem infernal et emboîta le pas de Thibault sans protester ni poser de questions. C'était une résolution qui lui convenait parfaitement.
Cependant, il appréhendait de retrouver Etienne, surtout s'il devait refuser de les suivre. Mais Thibault menait la danse, et Thibault était clerc : aussi imprévisible soit-il, il était sage, quelque part.

-Minute, fit Giovanni.
Si le paladin craignit que la joute verbale ne reprenne, il fut vite rassuré.
-Je reviens sur cette histoire de charges limitées : ce serait trop bête que vous tombiez en rade en cours de route. Que diriez-vous si je vous rendais plutôt invisibles, pour que vous puissiez ouvrir cette porte, traverser le couloir et vous faufiler dans la pièce d'en face ni vus, ni connus ?

Hubert hésita.
" On pourrait carrément traverser sans sortilège, non ? Nous sommes assez loin des gardes, les chances que nous soyons surpris sont très limitées... Ce serait un peu plus risqué sur le moment, mais cela nous permettrait d'économiser nos ressources magiques, qui ne sont pas infinies..."
Il se tourna vers Thibault.
" Qu'est-ce que tu en penses ?"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue