[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Les couvertures, je peux vous les fournir. Les vêtements d'enfants, par contre, je n'en ai point. Mais je voudrais vous les offrir. Comme je vous l'ai dit, si les temps avaient été normaux, vous auriez été récompensé par la ville pour tout ce que vous avez fait pour nous. Je ne sais pas, cependant, s'il est très réaliste d'imaginer que les enfants vont vous accompagner pour faire des emplettes dans la cité... et je doute que vous trouviez beaucoup de boutiques ouvertes... mais si vous me dites ce dont vous avez besoin, j'enverrai quelqu'un vous dénicher le nécessaire."

[Taliesin]

-Oh, des tenues toutes simples... Comme je vous le disais, j'ai peur que nos mises actuelles ne se fassent trop remarquer. Or, seuls Baptiste, Victor et moi avons de quoi les troquer contre des vêtements ordinaires.
Il marqua une pause. Victor ayant prêté l'une de ses tenues à Titus, peut-être n'avait-il plus grand chose, lui non plus.
-Écoutez, je vais faire l'inventaire de nos garde-robes et je vous dirai précisément ce qu'il nous faut. C'est vraiment gentil à vous de vous en occuper.
Il faillit ajouter qu'aucune récompense n'était nécessaire mais... ce serait sans doute malvenu : cela semblait lui tenir à cœur.
-Oh, et s'il était possible de se procurer un jeu de cartes, ce serait vraiment la cerise sur le gâteau, ajouta-t-il en se souvenant brusquement de quelque chose.

[Galathée]

" Un jeu de cartes ? De quel type ? Pour jouer à la Frivole ? A la Rouste ? A la Distante ? Au Fricoteur ?" demanda Amrod.
Devant la mine de Taliesin, il sourit.
" Un bon jeu de Frivole, ce sera très bien. J'en ai plusieurs, pas besoin d'aller en ville pour ça. Les elfes n'osent pas le dire, mais ils sont très friands du type d'illustrations que certains réalisent à Antelucas. Du coup, j'en stocke un peu, à l'occasion. On peut jouer à d'autres jeux avec, évidemment, il suffit d'écarter ce dont on n'a pas besoin."
Il se leva et marcha jusqu'à une des bibliothèques, ouvrit un tiroir à mi-hauteur, et en sortit un paquet.
" C'est pour jouer avec les enfants, je présume ? Cette version est assez appréciée."
Il lui tendit les cartes. Elles représentaient les habituels animaux de la Frivole, mais habillés et dressés sur leurs pattes de derrière, comme dans un livre pour enfants.
" C'est pratique, on reconnait plus facilement le cavalier, la reine et ainsi de suite, et ça permet facilement de changer de jeu."

[Taliesin]

-Merci, dit-il en examinant les illustrations. En fait, je compte l'offrir à Marius. Lorsque nous avons été projetés en Féérie, il avait quelques vieilles cartes sur lui et... elles ont été tellement appréciées qu'elles nous ont permis d'obtenir le gite, le couvert et bien plus encore... Du coup, je lui ai promis que je les lui remplacerai, et je suis certain que ce jeu sera pour lui un vrai trésor. Et qu'il nous permettra de disputer de joyeuses parties tous ensemble.

[Galathée]

" Bon amusement." dit Amrod avec le sourire.
Le demi-elfe prit ensuite congé pour aller arranger les affaires avec son maître caravanier. Taliesin devait, de son côté, faire les derniers préparatifs du départ et notamment l'inventaire des vêtements dont ils disposaient. Une fois cela fait, il resterait à s'assurer que tout le monde passait à la salle d'eau puis Braen leur proposerait probablement un souper digne de ce nom avant leur dernière nuit à Champsdor.

[Taliesin]

Il allait commencer par l'inventaire vestimentaire, histoire de pouvoir dire au plus tôt à Amrod s'il leur fallait vraiment de nouveaux vêtements et si oui, en quelle quantité et de quelle nature. Ensuite débuterait l'opération salle d'eau, sans doute la plus épineuse : si Victor y était déjà passé, il resterait encore Marius - qui ne devrait pas être trop contraire, du moment qu'on l'y laissait seul -, Titus - qui devrait bien admettre qu'il avait survécu à son bain en leur hostellerie de Féérie - et enfin Baptiste. S'il affirmait encore ne pas vouloir s'éloigner de la cuisine, il avait une parade en réserve : il pouvait fort bien y demeurer et s'y laver dans une marmite ! Ce qui était certain, c'est qu'aucun d'entre eux n'y couperait : que penserait leur hôte, sinon ?

[Galathée]

En réalité, ce ne fut pas si compliqué. Marius accepta sans faire de problèmes, exigeant effectivement d'être seul, puis Baptiste remonta de la cuisine, fleurant des odeurs diverses et légèrement écoeurantes. Enfin, Titus fit la grimace mais obtempéra, expliquant que le poil mouillé séchait lentement et avec un léger parfum musqué, un peu désagréable, ce qui était, il faut bien l'admettre, la vérité. Mais Taliesin finit par obtenir quatre enfants bien récurés, et comme la domestique qu'Amrod avait envoyée en ville s'était montrée diligente, ils purent même se présenter au dîner dans des vêtements propres et moins spectaculaires que ceux ramenés de Féérie.

[Taliesin]

Il allait falloir profiter de ce repas, car dans les jours à venir, ils mangeraient sur le pouce. Et surtout, c'était la dernière fois avant longtemps qu'ils pourraient savourer la délicieuse cuisine de Braen - Braen auquel il ne manquerait pas de dire au revoir lorsqu'ils auraient terminé de se sustenter. Ensuite, il serait sans doute bon pour narrer une nouvelle aventure de Gérard de Berge. Puis ce serait l'ultime nuit avant le grand départ...

[Galathée]

Le repas fut à la hauteur de leurs espoirs et même Amrod convint que Braen avait mis les petits plats dans les grands. Baptiste, qui était dans les secrets du chef, et lui avait vendu les secrets gustatifs de la tablée, reçut son content de félicitations, même de la part de Victor. Celui-ci s'étonna surtout de la vigilance gastronomique de son frère, capable apparemment de nommer les denrées favorites et détestées de chacun des membres de leur groupe, sans que cela ait jamais fait l'objet de la moindre conversation explicite. Pour une fois que son goût pour la cuisine n'était pas tourné en dérision parle leader charismatique de la troupe (et non, ce n'était pas Taliesin), Baptiste ne bouda pas son plaisir. Ils ne parvinrent cependant pas à vider les plats car Braen avait compté large, mais Amrod promit de leur empaqueter ce qui pouvait l'être pour leur pique-nique du lendemain midi.
Ensuite, Cordélia proposa de superviser la mise en pyjama et le débarbouillage, avant que Taliesin ne raconte son histoire traditionnelle, de manière à ce qu'il puisse aller féliciter le chef coq en personne, et lui faire ses adieux.

[Taliesin]

Taliesin accepta sa proposition et prit donc la direction des cuisines.
Il s'était d'emblée bien entendu avec Braen et ils avaient mené de concert plusieurs expéditions à l'abbaye, plusieurs combats face aux cultistes et aux créatures qu'ils avaient invoquées. Forcément, cela tissait des liens, et il faisait partie de ceux non seulement à qui il tenait à dire au revoir mais, de surcroit, qu'il espérait recroiser un jour.

[Galathée]

Braen avait troqué armure et épées contre un tablier et une louche, et il était en train d'épicer quelque chose lorsque Taliesin débarqua en cuisine. L'elfe refusa d'entamer la conversation avant que le barde ait donné son avis sur l'assaisonnement de la soupe. Ensuite, satisfait, il consentit à l'écouter.
" Ça a été un plaisir de traquer le cultiste en votre compagnie. Et je dois évidemment vous remercier de m'avoir tiré d'affaire... Wilmarin doit être drôlement triste de vous voir partir, même si je suppose qu'il ne l'a pas dit comme ça."

[Taliesin]

-Il l'a laissé entrevoir. Mais il sait que je n'aurais pu rester, comme il sait que je serai probablement amené à repasser par ici dans les années à venir.
Il sourit, amical.
-Pour le reste, vous ne devez pas me remercier : nous étions tous dans le même bateau, nous nous sommes simplement entraidés et vous auriez fait la même chose pour moi.

[Galathée]

" Voilà une opinion me concernant que bien peu de mes congénères partagent, dit Braen avec un sourire ironique. Mais vous avez raison... Je l'aurais sans doute fait. Je vous remercie aussi pour ça, m'avoir tiré de ma cuisine. Je m'y plais bien mais... je n'y resterai sans doute pas toujours. Il est agréable de savoir que certains elfes trouvent leur place hors de la Lorien."

[Taliesin]

-Dans l'ouest, où la société est plus cosmopolite et le passé moins douloureux, on trouve des représentants de toutes les races à toutes les places possibles, et l'entente est généralement bonne. Sans doute est-ce pour cela que j'ai été quelque peu déconcerté en découvrant le contexte, ici... Mais ce qui vient de se passer aura peut-être un peu fait bouger les choses dans le bon sens. Je l'espère, en tout cas.

[Galathée]

" Chaque pas est un progrès, je suppose. Je viendrai peut-être voir cet ouest, un jour, qui sait ? Certains anciens des guerres de la Lorien s'y sont recasés, de ce que je sais... et pas toujours à de mauvais endroits."
Il sourit.
" Bon, et bien bon voyage. Je m'assurerai que vous soyez bien ravitaillés. Baptiste m'a laissé une liste intéressante de denrées à vous fournir. Ce garçon a de l'avenir... mais peut-être qu'il faudrait lui conseiller de conserver son goût de la cuisine pour ses temps libres. Il aura le temps d'y venir quand il sera plus vieux et incapable d'aller courir l'aventure."

[Taliesin]

-Je ne sais pas si, un jour, il aura vraiment le goût de l'aventure : ce n'est pas vraiment le cas actuellement. Et s'il veut vraiment devenir cuisinier, eh bien... C'est un métier fort respectable. Mais je n'ai pu m'empêcher d'essayer de l'initier aux plaisirs de l'alchimie, ce qui n'a pas trop mal réussi, et il n'est pas impossible qu'il s'intéresse à la magie... Enfin, nous verrons bien, l'important pour moi est qu'il soit heureux quoi qu'il fasse.
Il lui serra la main.
-Merci pour tout, Braen. Et à bientôt, que ce soit ici ou ailleurs.

[Galathée]

Le barde put donc regagner le rez de chaussée où l'attendait Cordélia, devant la porte des enfants.
" Tu viendras me rejoindre dehors, après, quand tu auras fini l'histoire ? Je voudrais te parler. Rien de grave, ne t'en fais pas, je n'ai pas de révélations ou de déclarations à te faire mais... Comme ça, quoi."
Elle sourit.
" Mais je te laisse entrer dans la cage aux lions. Ils sont chauds, je te préviens. Gérard de Berge a intérêt à affronter quelque chose de taille !"

[Taliesin]

-Ce sera le cas : il devra affronter les règles pointues de l'étiquettes et les prouesses de la danse de salon. Je suis sûr qu'ils vont adorer ! Mais à tout de suite, donc.
Et il entra dans la chambre. L'histoire en question, évidemment, serait épique à souhait et mettrait le héros aux prises avec d'horribles méchants. De quoi satisfaire le groupe, du moins l'espérait-il.

[Galathée]

Son quatuor de gosses l'attendait effectivement de pied ferme, en arc de cercle autour d'une chaise qui avait été stratégiquement placée pour que tous puissent bien l'observer. Quelqu'un avait même eu la prévenance d'y placer un coussin moelleux.
Baptiste occupait le lit, les autres s'étaient répartis sur les divers matelas posés sur le sol, mais tous ouvrirent des yeux ronds et grand leurs oreilles dès l'apparition du barde. Le plus impatient était, bien entendu, Marius, tandis que Titus était, comme de coutume, le plus soupçonneux.

[Taliesin]

Il s'installa donc à la place qu'on lui avait préparée et commença sans tarder son récit.
Récit où Gérard dû parvenir à fédérer des peuples parfois ennemis - des humains, des elfes, des nains, des faunes, des Gardes des Ombres commandés par le merveilleux Alistair - afin de repousser et d'anéantir une menace cataclysmique qui, sous le nom d'Enclin, menaçait de détruire la terre entière. Heureusement, l'alliance ainsi mise sur pied triompha du mal et tout s'acheva par un joyeux banquet où l'on enterra les vieilles rancunes et où l'on célébra la victoire commune.

[Galathée]

Victor trouva que ça finissait beaucoup trop bien et que ce genre de récits dégoulinant de bonnes intentions était bien digne d'un barde luménien, même d'adoption. Baptiste, au contraire, estima que c'était agréable d'avoir enfin droit à une histoire un peu lumineuse, que ça devenait rare, que ça faisait du bien. Marius décréta que c'était chouette — surtout Alistair — mais que franchement, c'était pas vraiment une vraie histoire de Gérard de Berge. Titus remercia poliment l'elfe, sans qu'il soit possible de savoir s'il avait apprécié ou détesté le conte du soir. Ensuite, les enfants demandèrent au barde la permission de bavarder un peu, en promettant qu'ils resteraient calmes et qu'ils se tairaient bientôt.

[Taliesin]

Il leur accorda bien volontiers cette permission, leur souhaita une bonne nuit puis quitta la pièce et s'en fut rejoindre Cordélia.
Il était curieux, se demandait de quoi elle souhaitait lui parler. Vu son préambule, il ne devait pas s'agir de, simplement, lui dire au revoir.
Mais il ne tarderait pas à être fixé sur la question...

[Galathée]

Cordélia l'attendait à l'extérieur, dans la tonnelle qui avait accueilli de nombreux petits déjeuners et autres repas improvisés. Il y avait du thé et elle lui tendit une bourse pleine de tabac.
" Amrod dit qu'il est très bon. De l'Antelucien épicé, qu'il appelle ça."
Il faisait bon, le ciel était couvert d'étoiles et les cigales grésillaient dans un des arbres voisins.
" Je voulais juste te dire au revoir, tranquillement, avant les étreintes larmoyantes de demain matin. Pour tout ce que tu as fait pour moi. Me sauver la vie, au moins deux fois, déjà. Ce n'est pas rien. Ton épouse a de la chance de t'avoir trouvé. Il ne doit pas y en avoir beaucoup, des modèles dans ton genre. Ne te méprends pas, ce n'est pas une déclaration d'amour, ou quoi. Mais je ne voulais pas te dire merci sur un coin de table ou de chariot."

[Taliesin]

-C'est gentil, et cela me touche, sincèrement. Même si je pense que les gens de bonne volonté sont plus nombreux qu'on ne le croit et qu'il faut juste, souvent... les encourager un peu à le montrer.
Il entrepris de bourrer sa pipe de tabac : autant tester sur l'heure !
-Ça a été un réel plaisir de voyager et de vivre ces aventures en ta compagnie, Cordélia. Et ce sera un grand plaisir de te revoir.

[Galathée]

Le tabac était fameux. Cordélia croisa les bras.
" Un plaisir de vivre ces aventures ? Diable, Taliesin, tu as une curieuse notion du plaisir."
Elle parut un instant interdite, puis sourit et secoua la tête.
" Mais j'imagine que je vois ce que tu veux dire. Vous me manquerez, toi et ta fine équipe."

[Taliesin]

-Mes excuses : je me suis mal exprimé. Je faisais référence non aux événements dramatiques de la vallée mais... à nos pérégrinations d'avant notre arrivée.
Il sourit, un peu penaud.
-Et tu vas nous manquer également, même si ce n'est qu'un au revoir. Victor va en avoir gros sur la patate, c'est certain.

[Galathée]

" C'est un chouette gosse. Je me reconnais en lui, à certains égards."
Elle parut un instant plongée dans des souvenirs lointains.
" On s'écrira, voilà tout !"
Elle sembla embarrassée.
" Je ne sais pas bien si je vais rester ici. C'est une tentative. Je ne me suis plus posée quelque part depuis des années... On verra. Je n'en suis peut-être pas capable. Mais si je m'en vais... je vous tiendrai au courant de mes pérégrinations."

[Taliesin]

-J'y compte bien ! De notre côté, nous préviendrons à l'avance si... quand nous repasserons dans la région. Et sinon, Amrod et toi avez notre adresse. Mais sachez tout de même que dans notre ferme, il y aura... ouch, onze mômes en tout, désormais. Vous voilà prévenus.
Il sourit.
-Dans tous les cas, que ce soit ici ou ailleurs, j'espère que les mois à venir seront fastes pour toi.

[Galathée]

" Merci. Moi aussi, je l'espère. J'ai besoin d'une pause !"
Il ne restait à rien à ajouter et le barde pouvait terminer son thé, sa pipe, puis aller se coucher en prévision du lendemain et d'un départ aux aurores vers Togoria. Sa chambre habituelle était prête, il le savait, avec la possibilité d'un décrassage à l'eau chaude avant de rejoindre les limbes.

[Taliesin]

Peu après, il se glissait entre ses draps.
Il avait bien songé à "rendre l'épée à la pierre", comme disait le prince, mais le moment n'était peut-être pas le mieux choisi. Sans compter qu'il craignait d'abimer un mur ou une dalle : après tout, il ne savait pas si la lame y laissait des traces...
Il opterait donc plutôt pour quelque rocher croisé lors d'une halte, lors de leur périple en compagnie de la caravane de chariots.