La Couronne de Cuivre

Voilà qui lui donnait assurément à penser : lui revenait-il de cultiver ce lien si particulier ? Il aurait été malhonnête de ne pas reconnaître qu'après y avoir goûté, il n'avait qu'une envie : celle de l'approfondir. Mais pour l'heure, le demi-elfe apprécia les fruits délicieusement sucrés qui constituaient un excellent dessert. Mais il ne tarda effectivement pas à souhaiter la bonne nuit au druide avant de se raviser :

- Même si la résurgence est nettoyée, nous devrions maintenir les tours de garde au moins pour ce soir.

" C'est plus prudent en effet, convint Thanaën. Mais tenons compte du fait que nous sommes trois pour veiller. Altaïr peut prendre son tour de garde, lui aussi. En ce qui me concerne, je n'ai besoin que de quatre heures de repos, et même trois devraient suffire puisque j'ai pu dormir un peu tout à l'heure. Et j'avoue que je préfère autant dormir tout de suite. Vous devez être fatigué vous aussi. Si vous voulez, vous pouvez veiller le temps que vous voulez, une heure ou deux, puis laisser Altaïr veiller seul jusqu'à mon réveil... Il a l'habitude ! Et si vous êtes trop fatigué, n'ayez pas de remord à vous coucher de suite et dormir toute la nuit...

Kasumi se sentait effectivement un peu fatigué mais pas au point de ne pas parvenir à veiller au moins deux heures. Cela lui permettrait peut-être de réfléchir posément à ce qu'il avait échangé avec le druide. Et aussi, ce moment sans tension était idéal pour commencer à confectionner l'arc destiné à Loïc.

- Je vais veiller deux heures maintenant je pense : vous pouvez rêver sans souci.

Et de prendre la direction de l'arbre pour s'asseoir contre son jeune tronc.

Peut-être était-ce l'effet de sa discussion avec le druide, peut-être était-ce réel... mais il sentit le contact du tronc contre son dos comme celui d'une présence amicale, bienveillante. Le chêne était pourtant aussi inanimé que d'ordinaire, froid et immobile à l'exception de ses jeunes branches agitées par la brise.
Au-dessus, le ciel s'était dégagé et les premières étoiles apparaissaient. La lune était pleine, encore, même si on devinait l'amorce du dernier quartier.
Tout était parfaitement paisible. Et tout resta d'un calme absolu tandis que les minutes s'égrenaient, sereines. Il n'y avait nulle trace d'activité mort-vivante, et sans doute était-ce la raison pour laquelle les rongeurs et oiseaux de nuit, eux, s'en donnaient à coeur joie, plus nombreux que les nuits précédentes.

Le demi-elfe se concentra sur ces sons familiers pour l'aider à monter sa garde. Car il savait d'expérience que les petits animaux cesseraient immédiatement leur activité au moindre signe de danger. Se sentant protégé et même doucement bercé, il aurait été facile de s'abandonner au sommeil mais il préféra s'occuper les mains et l'esprit avec le morceau de noisetier, retirant soigneusement toutes ses petites branches avant de commencer à le cintrer doucement : c'était là la phase la plus délicate car un seul geste trop brusque et le bois risquerait de se fendre.

S'aidant d'un peu d'eau pour rendre le bois plus souple, il parvint à le cintrer peu à peu, lui donnant une forme aussi proche que possible du résultat escompté. Le temps filait, cependant, et, tandis qu'il patientait en appuyant doucement sur le bois, il sentit la tige de noisetier lui échapper des mains, trahissant son état de fatigue : il s'était visiblement endormi quelques instants. Il était sans doute temps d'aller se coucher. Le tigre, tout proche, restait en alerte : il voyait son regard jaune passer sur lui par moments. Mais tout était parfaitement calme.

Il n'aurait servi à rien de lutter davantage contre l'inéluctable sommeil qui s'emparait de lui. Kasumi fit donc un dernier tour, but une gorgée d'eau à la source puis se dirigea à nouveau vers le pied du chêne où il avait désormais ses habitudes et une simple couverture. Confiant sur la vigilance du tigre, il ne doutait pas de parvenir à s'endormir très rapidement.

Ce fut la fraicheur de l'aube qui le réveilla. La nuit avait été paisible, incroyablement reposante. Il avait merveilleusement bien dormi, et s'il ne se souvenait pas de ses rêves, il en retenait une sensation de bien-être et de confiance. Peut-être était-elle inspirée par la magie émanant du chêne ou de la source. Quoiqu'il en soit, nulle attaque ne s'était produite, ce qui était en soi une nette rupture par rapport aux nuits précédentes.
Il aperçut le druide un peu plus loin, en train de prier ou de méditer plutôt, près de la source. Sa transe semblait aussi profonde dans ces moments-là qu'elle l'avait été lors de sa cérémonie de sanctification, et son visage respirait la sérénité et la félicité la plus totale.

Autant pour ne pas le déranger que parce qu'il s'en sentait l'envie, le rôdeur pria au pied du chêne pour remercier sa déesse d'avoir veillé sur son sommeil et sur la clairière. Il priait certainement plus qu'avant. En tous cas plus souvent. Mais c'était si facile de le faire ici : un peu comme s'il répondait à un appel qu'il était prêt à entendre.

Et comme d'habitude, il eut la sensation d'être accueillit, écouté, entendu. Comme si Mielikki en personne était présente auprès de lui, dans cette clairière, près de cette source sacrée. Et peut-être était-ce le cas d'une certaine façon.
Ils déjeunèrent de thé, de fromage et de fruits. Le soleil était de retour, et l'herbe plus verte que jamais après la pluie de la veille. Un petit tour dans les terres brûlées alentour lui montra de jeunes pousses vert pâle se tendant vers les rayons bienfaisant. La nature allait reprendre ses droits, peu à peu. On en aurait presque oublié la réputation et l'influence néfaste de la forêt maudite où il se trouvait pourtant.
Il leur restait à décider de la façon dont ils allaient organiser la journée. Mylène devait venir, mais elle même si elle était partie à l'aube elle ne serait pas là avant une ou deux heures...

Kasumi préférait sincèrement attendre l'arrivée de Mylène avant de se mettre en route. Il confia d'ailleurs au druide ses espoirs qu'elle puisse devenir une aide utile au cours des prochains mois voire davantage. Ne serait-ce qu'en étant une ambassadrice à Peyregorde pour la coexistence pacifique de la communauté avec la forêt. En revanche, en dehors de préparer leur repas pour le midi, il n'avait pas grande chose à proposer comme programme pour meubler l'attente.

Puisque la tanière des loups était à bonne distance, il leur faudrait emmener de quoi manger, et ils confectionnèrent des galettes avec un peu de farine, d'eau et des œufs dénichés un peu plus loin. Leur réserve de pain avait sérieusement baissé, et les galettes le remplaceraient efficacement. Kasumi eut également le temps de s'occuper de l'arc qu'il était en train de fabriquer, tandis que le druide s'éloignait pour une cueillette d'herbes, fruits et légumes divers.
Mylène arriva un peu plus tôt qu'attendu, signe qu'elle avait dû se lever très tôt ou se hâter, et elle paraissait impatiente de se mettre à l'oeuvre.
" Alors, on emmène des cendres tout de suite, ou est-ce qu'on va d'abord simplement explorer le repaire des malarites ?"

Le rôdeur était agréablement surpris par sa présence précoce et c'est avec le sourire qu'il la salua avant de lui répondre d'un ton joyeux :

- Mieux que ça ! La vie dans les bois étant faite de surprises, nous avons décidé de vous emmener voir une meute de loups !

Et d'embrayer avant que la jeune-femme ne puisse s'inquiéter :

- Thanaën veut savoir s'ils représentent encore une menace pour les villageois et prendre contact avec eux, je suppose.

La jeune fille grimaça.
" Les loups... vous voulez dire, ceux qui ont rôdé près des troupeaux et fait paniquer toutes les bêtes ? Il parait qu'ils ont tué un mouton, d'ailleurs, mais peut-être juste mort de trouille... Je sais bien que votre louve est avec eux mais... vous êtes sûrs qu'on ne risque rien ? Thanaën, j'imagine que non, si vous dites qu'il peut leur parler, mais nous..."

Kasumi n’avait rien moins qu’envie de brusquer Mylène et les certitudes que les on-dit avaient certainement fermement ancrées dans son esprit concernant la dangerosité des loups. Pour autant, il voyait là une excellente occasion de faire passer le message qu’il avait tenté de communiquer aux villageois. C’était aussi un premier test de la résolution et des capacités de la jeune-femme. Cela pouvait devenir une nouvelle porte ouverte vers une carrière qu’elle tâtonnait encore à se trouver.

- La meute me connaît déjà : je l’ai approchée à plusieurs reprises. Vous n’aurez rien à craindre du moment que vous ne vous montrerez ni trop curieuse vis-à-vis de leurs petits ni agressive. Ils auront bien plus peur de vous que vous ne pourriez l’avoir d’eux. Et dans tous les cas je vous protégerai.

Il marqua une pause, une hésitation, puis reprit d’un ton rassurant :

- Après, si vous ne le sentez pas, on peut s’en tenir au programme et Thanaën et moi irons voir la meute demain.

Mylène semblait hésitante. L'arrivée de Thanaën, revenant de cueillette à ce moment-là, lui permit de ne pas répondre immédiatement. Mais elle n'eut que quelques secondes de répit.
" Ah, vous voilà. Nous vous attendions pour aller voir cette meute de loup...
- Heu... Vous êtes vraiment sûr que c'est sans danger ?"
Sa voix était toujours aussi mal assurée.
" Bien sûr que je suis sûr, rétorqua le druide, un brin provocateur. Pourquoi y aurait-il un risque ?"
Il sourit, un peu malicieux.
" Par contre, il faudra certainement que vous restiez un peu à l'écart. Pour ne pas les effrayer...
- Oh, mais rester un peu à l'écart m'ira très bien. Heu... surtout... si votre tigre reste aussi à l'écart.
- Il ne vient pas. Il leur ferait peur.
- Ah...
- Mais si vous avez peur, vous pouvez rester ici...
- Je n'ai pas peur", répliqua-t-elle avec une lueur de fierté dans les yeux.

Kasumi avait certainement beaucoup à apprendre du druide et il venait d'en avoir une nouvelle preuve pour s'en convaincre : Thanaën avait excellemment bien manœuvré pour convaincre Mylène, tordant le cou à un conte populaire qui faisait des loups des fauves dangereux tout en jouant sur son sentiment de fierté. Peut-être qu'en restant assez longtemps en présence de l'elfe, il en tirerait quelques recettes efficaces même face à un caractère aussi trempé que celui de sa fiancée. On pouvait toujours rêver en tous cas !

La seconde bonne nouvelle était que le tigre allait rester dans les environs : cela le rassurerait de savoir que la clairière n'était pas sans défense, juste au cas où. Et puisque tout semblait régler, le rôdeur prit les devants pour les mener vers la tanière des loups : une longue marche les attendant, il lui semblait inutile de prolonger les atermoiements.

En réalité, Mylène n'était toujours pas rassurée. Elle était venu sur un coup de tête, par fierté, mais son silence inhabituel tandis qu'ils avançaient était éloquent. Elle bouillonnait de questions inexprimées, c'était visible.
Elle marchait aux côtés de Kasumi, tandis que Thanaën fermai la marche. Il avait laissé son tigre aux abords de la source, comme Kasumi l'espérait, et ils seraient ainsi avertis si quelque chose tournait mal. En outre, Thanaën affirmait pouvoir s'y rendre en quelques minutes au besoin.
" Et pourquoi vous n'avez pas voulu que les villageois tuent les loups ou au moins les forcent à fuir en les attaquant ? questionna soudain Mylène, sans préambule. Pourquoi vous les avez défendus ? Ils sont quand même... une race mauvaise et dangereuse ! Nan, ne me faites pas le discours classique comme quoi ils tuent juste pour se nourrir. Parce qu'il y a les loup-garous, aussi. Quand ils sont sous leur forme animal, ils sont des loups, et chacun sait qu'ils sont dangereux et mauvais. Parce que leur nature de loup domine..."

Kasumi était content que Mylène exprime ainsi ses doutes plutôt que de les garder pour elle et de ronchonner. Il y avait beaucoup à défaire dans ses croyances mais c'était bel et bien le premier pas. C'était courageux de sa part et aussi une belle preuve de confiance et d'honnêteté. C'est donc avec douceur qu'il répondit :

- Non, il leur arrive aussi de tuer pour se défendre, leurs petits ou leur territoire. Mais c'est très rare. De façon générale, les animaux ne sont ni bienveillants, ni malveillants par nature. Ce concept leur est d'ailleurs totalement étranger car il suppose une intelligence et une façon de pensée dont ils sont dépourvus. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas manifester de l'attachement ou de l'hostilité mais ils fonctionnent selon ce que leur dicte leur instinct. Les loup-garou n'ont rien d'animaux. Ce sont des aberrations qui n'ont pas plus à voir avec les loups que les zombis avec les hommes.

" Hum... Je ne partage pas tout à fait ce point de vue, intervint Thanaën. En ce qui concerne les loup-garous... Du moins les loup-garous naturels, ceux qui sont nés ainsi. Ils font partie de la Nature, comme tout être vivant, ils sont nés ainsi, mi-homme, mi-bêtes, ils vivent en clan et se reproduisent entre eux. Je ne les qualifierait pas d'aberration. C'est juste une race très particulière... toujours rejetée, donc souvent encline à la violence, mais pas obligatoirement."
Il soupira.
" Certes, je n'ai pas côtoyé de clan de loup-garou, mais en revanche j'ai passé quelques années parmi des lythari... une variété de loup-garou qui a une forme elfique et une forme lupine. Ils vivaient plutôt harmonieusement au fin fond de leur forêt, loin des autres peuples dits intelligents. Ils n'étaient pas spécialement mauvais."
Avec un sourire à l'adresse de Kasumi, il conclut.
" Vous avez cependant raison sur le fait que les loup-garou n'ont rien de commun avec les loups, et qu'on ne peut pas juger de l'un à partir de l'autre.
- Si vous voulez... Et je reconnais aux loups le droit de vivre leur vie de loup, rassurez-vous. Mais n'empêche que les loups et les humains, ça ne peut pas cohabiter ! Ils tuent nos troupeaux !"

C'était bien là tout le fond du problème en effet et l'objectif de leur mission du jour ce que ne manqua pas de rappeler le rôdeur :

- Les loups ont en effet un rôle à jouer comme toutes les créatures de la nature. Le plus souvent, ils s'aventurent là où ne se rendent pas ou peu souvent les humains. La meute qui nous intéresse pose problème parce qu'elle se trouve un peu trop près de la lisière de la forêt et sans doute parce qu'elle n'y trouve plus sa subsistance. A mon avis, ce n'est pas étranger à la présence mort-vivante et aux malarites qui sévissaient ici. Il existe donc d'autres solutions avant d'envisager de les chasser de leur tanière actuelle. Enfin, je fais confiance à Thanaën pour en juger !

" Il est certain que la présence de malarites à proximité de leur territoire induisait un stress pour eux, les limitant dans leurs déplacements. Peut-être même ont-ils été obligés de déplacer leur tanière pour s'en éloigner... ou pour s'éloigner d'un autre danger. Le fait qu'il n'y ait plus de malarites aidera certainement à résoudre le problème, en leur donnant plus de latitude pour trouver un nouveau territoire de chasse...
- Ils étaient sur celle colline, les malarites, c'est ça ?", intervint Mylène en désignant la colline à leur gauche.
Le chemin pour rejoindre la tanière des loups longeait en effet la petite éminence rocheuse.
" Nous pourrions nous y arrêter... soit maintenant, soit au retour, proposa le druide. De toute façon c'est sur notre chemin. Mais comme vous l'avez fait remarquer, l'urgence maintenant, ce sont les loups davantage que les malarites."
Si les souvenirs de Kasumi étaient bons, ils rejoindraient bientôt des sentiers plus large, leur permettant de progresser plus rapidement. Mais il leur faudrait encore presque trois heures de marche pour atteindre leur destination. Et certainement faire une pause pour déjeuner bien avant d'arriver à destination.

Et le rôdeur préférait s'éloigner de la colline de sinistre mémoire avant de proposer cette pause déjeuner. Y faire une brève reconnaissance au retour ne le gênait pas mais il était pour l'heure impatient de voir comment se portait la meute et surtout Première Neige.

D'ailleurs, malgré la distance les séparant encore, il sentait quelque part dans son esprit qu'il approchait d'elle. S'il avait été seul, nul doute qu'il aurait pressé le pas mais il devait composer avec Mylène.

- Ce lieu avait une importance pour eux, oui. Je ne sais pas s'il y vivaient vraiment mais ils y accomplissaient certaines de leurs cérémonies. C'est sous cette éminence que j'ai été contraint de participer à leur chasse. Dans le rôle de la proie...

" Oh... Vous voulez dire... qu'ils... vous ont chassé...comme une sorte de battue ? Brrr... Ca devait être horrible..."
Mylène semblait peiner à se représenter la chose.
" C'est assez classique chez les malarites, intervint le druide. Ils organisent ce genre de chasse une fois par saison... et choisissent régulièrement des proies humanoïdes.
- J'espère que vous les avez tués, alors, de toute façon c'était de la légitime défense non ?" s'exclama Mylène.
Puis elle fronça les sourcils, comme si elle réalisait subitement quelque chose....
" Vous croyez que... c'est la cause des disparitions qu'il y a eu au village ? Il n'y en a pas eu tant que ça mais tout de même trois en cinq ans... D'abord Yvan, le fils de Marco, puis Joseph, un bûcheron, et ensuite mon oncle... Vous croyez qu'ils ont été tués dans ce genre de cérémonie ? Et pas par les loups comme certains l'ont pensé ?"

Kasumi songea à la question et se remémora cette nuit où il était passé très près de la mort à plus d'une reprise. Il lui avait fallu déployer toutes ses compétences et une bonne part de chance pour s'en sortir. Et encore, en évitant les affrontements la plupart du temps.

- Je ne sais pas s'ils étaient directement impliqués : cette forêt recèle déjà assez de dangers comme cela même sans les malarites mais leur présence a forcément joué contre cet endroit. La résurgence qu'ils ont souillé a attiré bien des mort-vivants et j'y ai découvert au moins un cadavre humain. Je ne saurais dire s'il s'agissait d'un des vôtres ou d'un malheureux voyageur cela dit. En tous cas, j'ai pu parvenir à m'en sortir. En fuyant leur piège après avoir tué deux des leurs. J'aurais préféré agir autrement mais c'était effectivement des hommes mauvais et dangereux.

" La survie prime, dans ces cas-là..., fit simplement remarquer le druide.
- Vous avez bien fait !" ajouta Mylène d'un ton bien plus catégorique.
On la sentait presque aussi vindicative que si elle avait elle-même été concernée..
" Mais vous auriez dû tous les tuer ! Et d'ailleurs, comment vous pouvez être sûr qu'ils sont partis, les autres ? Qu'ils ne reviendront pas?"

Le rôdeur se montra franc et objectif sur ce qui s'était passé cette nuit-là et ses conséquences :

- Je n'ai cherché à épargner aucun de mes adversaires lors de la traque. Mais ils étaient en position de force : je n'ai donc cherché l'affrontement que lorsqu'il était inévitable ou me rapprochait de la sortie. J'ai été blessé, Première Neige aussi. Et je devais penser à protéger l'arbre et aussi... penser à revenir. La mort d'un malarite ne vaut pas qu'on se sacrifie quand il ne représente plus une menace immédiate pour quiconque. Et je dois admettre que leur chef est plus puissant que je ne le suis. J'aurais peut-être pu le battre si les conditions avaient été réunies mais à quel prix ? Non, pour l'heure ils sont parti : un ami de Thanaën me l'a confirmé. S'ils reviennent, vous pouvez compter sur moi pour les affronter car ils menaceraient alors ces bois.

" Et je suis volontaire pour vous aider à les chasser ou les éliminer ! Je suis sûre qu'ils sont pour quelque chose dans les disparitions...
- C'est assez probable en effet, remarqua Thanaën. Que ce soient des disparitions dans votre village ou ailleurs.
- Ils n'ont pas intérêt à repointer leur nez par ici ! Surtout que d'ici là, je serai devenue vachement fortiche en tir puisque vous allez m'apprendre !"
Midi approchait, cependant, tandis qu'ils laissaient derrière eux la petite colline. Kasumi perçut un vague frôlement dans son esprit : Première Neige, moins éloignée peut-être qu'il ne l'aurait cru. Il perçut chez elle de la joie à le savoir si proche, de l'impatience aussi. Et devina qu'elle était, pour une raison ou une autre, un peu contrariée.

Kasumi espérait parvenir à tempérer les ardeurs de Mylène ou tout simplement qu'elle n'ait pas à affronter des adversaires aussi redoutables avant bien longtemps sinon jamais. Mais ce n'était pas une bataille qu'il entendait mener immédiatement : le moment était à tout autre chose, à régler le problème qui se posait avec les loups.

Le contact avec Première Neige l'avait réjoui et il se sentait encore plus impatient d'arriver à destination. Impatient et intrigué sur ce qui perturbait sa compagne animale. Mais il le saurait bien assez vite et il était temps de se restaurer : il donna donc le signal de la halte près d'un ruisseau où ils pourraient remplir leurs gourdes et de rochers suffisamment plats pour constituer de bons sièges.

Ils s'installèrent pour pique-niquer et la conversation, animée en grande partie par Mylène, porta sur les loups -elle avait réellement besoin de se rassurer quant à leur dangerosité, et oscillait entre méfiance et curiosité.
Kasumi devinait que sa louve se rapprochait insensiblement, sans pour autant se diriger véritablement vers eux. En réalité, elle s'éloignait davantage vers l'ouest. Ce qui était à peu près la direction du village. Et il percevait qu'elle n'était pas seule.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Aubépine