La Couronne de Cuivre

Asmodeus émit un rire un peu narquois avant de répondre d’un ton toujours aussi flegmatique quoique peut-être un peu moqueur :

- Si tu n’aimes pas ce jeu, on peut trouver une autre occupation. Asmodeus voulait d’offrir une opportunité unique de découvrir son domaine par toi-même mais il ne voudrait pas que tu aies l’impression d’être son captif. Ce ne serait pas tout à fait le reflet de la réalité : tu es son invité…

[Quête : Retrouvailles]

-Sauf votre respect, c'est plutôt vous, mon invité. Je veux dire, vous squattez quand même le sous-sol de ma maison ! Mais c'est pas grave, hein. Avoir une momie dans sa cave, je trouve ça chouette, moi.
Il esquissa un nouveau sourire.
-Et puis, quand même, normalement... Un invité, on essaie pas de le retenir contre son gré. Parce que ce serait un peu... discourtois. Alors, pourquoi vous ne me laisseriez pas simplement aller chercher Silmandel ? On visitera votre domaine tous les trois, ça sera sympa !

Cette fois, l’élu divin ne chercha pas même à cacher un grognement de colère devant cette sortie pour le moins provocante. C’est donc d’un ton cette fois lourd de menace qu’il intervint :

- Asmodeus est ici chez lui ! Peu importe le petit jeu que tu joues avec l’elfe dans la maison que vous occupez. Tu es ici dans les catacombes et nul mortel ne peut les revendiquer. En tous cas pas sans être prêt à en payer le prix. Crois-moi, tu n'aimerais pas être ici chez toi. Ce qui signifie être corps et âme au service d'Asmodeus.

[Quête : Retrouvailles]

Le gamin, loin se s'en laisser compter, croisa les bras et sourit d'un air narquois.
-Arrêtez, vous me faites peur. Non parce que je vous bien qu'être à votre service doit être tout bonnement abominable. La preuve : vous avez absolument aucun serviteur, vous êtes absolument tout seul... Mais du coup, je comprends que vous teniez tant à porter une couronne : ça vous donne l'impression d'être important même si en fait, vous régnez juste sur des caves vides. Des caves vides qui vous apartiennent même pas, en plus !
Il secoua la tête, l'air soudain chagrin.
-En fait, ça fait presque de la peine. Mais allez, on va pas vous expulser : on vous autorisera même à rester, du moment que vous acceptez de vous cacher dans un sarcophage quand non a des invités. Non parce que vous voir, ça coupe quand même un peu l'appétit.

Si Asmodeus avait encore été capable de respirer, il se serait probablement étouffé du toupet incommensurable manifesté par Alexandre en cet instant. Le ton de sa voix s’en ressentit totalement cette fois puisqu’elle se fit glaciale, implacable :

- Personne n’entre ni ne sort de ce lieu sans la permission de son Gardien. Ta jeunesse et le déplorable exemple que t’offre ta compagnie actuelle n’excusent pas une telle impudence. Puisque tu es si sûr de ton fait, Asmodeus se voit obligé de te donner une leçon. Et il ne tiendra qu’à toi que ce soit la dernière de ton existence. Pour commencer, voilà de quoi te couper véritablement l’appétit !

Asmodeus -> Cercle nauséeux

[Quête : Retrouvailles]

Alexandre se plia en deux et pressa les mains contre sa bouche.
-Ah mince, vous m'avez fichu la gerbe, coassa-t-il. J'ai dû respirer votre haleine ou un truc du genre...
Bon an, mal an, il fit demi tour et, toujours courbé, partit à l'opposé de la momie. Moins d'une minute plus tard, il quittait la zone d'influence du sortilège et poussait un profond soupir de soulagement.
-Ouf, ça va mieux ! lâcha-t-il. Vous avez de la chance que j'ai pas vomi partout...
Il reprit son souffle quelques instants durant.
-Mais criez pas victoire trop vite, ajouta-t-il quand il se fut remis. Silmandel va vous faire payer ça, oh oui. Un squatteur qui malmène ses hôtes, ça peut pas se passer comme ça. Alors gare à vos bandelettes, Asmomiedeus !
Et il détala en direction du trône.

Asmodeus avait bien noté la résistance quasiment surnaturelle de son « invité » à un sortilège qui aurait normalement dû le faire se tordre de douleur plusieurs minutes durant. Qu’à cela ne tienne, Alexandre restait un enfant et il n’y avait pas encore de quoi s’inquiéter outre mesure. Simplement se montrer vigilant et attentif pour ne pas se laisser surprendre.

L’élu divin suivit donc le garçon dans la salle du trône sans se presser, assuré que le temps jouait en sa faveur.

- Préfères-tu qu’Asmodeus te laisse un peu d’avance pour te cacher, petit impertinent ?

[Quête : Retrouvailles]

-De l'avance ? Non non, ce sera pas nécessaire, répliqua l'intéressé du tac au tac. Par contre, si je suis trop rapide pour vous, n'hésitez pas à le dire et je ralentirai. Je n'ai pas oublié comme vous vous essouffliez vite.
Mais plutôt que de ralentir, il accéléra et alla se jucher crânement sur le trône. Jouissant d'une certaine avance, il pouvait s'y prélasser à sa guise au moins quelques secondes.
-Vous voilà détrôné, lâcha-t-il d'un ton hautain. Allez, admettez votre défaite et cédez moi votre couronne et votre robe ! Après tout, vous vouliez me piquer les miennes dans les cryptes, non ?

Ce garçon était complètement dément. Sans doute sa captivité aux mains des démonistes lui avait dérangé l’esprit. C’était la seule explication pour expliquer un tel comportement qu’on aurait pu qualifier d’arrogant si on prônait les euphémismes.

Toujours est-il qu’il se contenta de se gausser des piques lancées par l’enfant et par répondre d’un ton redevenu parfaitement calme en apparence. Un calme avant le déchaînement de violence :

- Encore faudrait-il que tu aies les moyens de ta politique. Le trône n’est là que pour l’apparat et Asmodeus n’y attache pas une grande importance. Tu ferais tout de même mieux d’en descendre avant qu’il ne lui vienne à l’idée de t’y faire rester pour l’éternité.

Et de s’approcher de lui à pas mesurés, comme pour bien signifier qu’il avait tout son temps.

[Quête : Retrouvailles]

Alexandre croisa les bras et adopta une attitude de défi.
-J'y suis, j'y reste : tout le monde se fait pas détrôner aussi facilement que vous. Mais gare, si vous me faites trop peur, je risque de mouiller votre joli fauteuil.
Il dévisagea Asmodeus et prit un air concentré.
-Mais au lieu d'avancer d'une façon menaçante qui n'impressionne personne, est-ce que vous pourriez répondre à une question ? Voilà : on dit "une" momie, pas vrai ? Et en plus, vous portez une robe. Donc vous êtes une fille ou un garçon, maintenant ?

Asmodeus ne changea absolument rien ni à sa démarche ni à sa trajectoire jusqu’à arriver à seulement quelques mètres du trône. Alors d’une voix tout à fait détachée, il répondit à la question rhétorique par une autre.

- C’est une question de sémantique, Asmodeus suppose. A ton avis, vas-tu devenir *un* zombi ou *une* goule pour le reste de ton existence ? Voilà une question d’intérêt !

[Quête : Retrouvailles]

Le garçon haussa les épaules.
-Je ne vais devenir ni un zombie, ni une goule. Je suis et je vais rester LE maître des lieux. UN maître des lieux qui n'a pas encore décidé s'il vous trouvait amusant ou agaçant et qui ne saurait encore dire s'il vous autorisera à demeurer dans sa cave ou s'il vous contraindra à aller squatter le sous-sol de quelqu'un d'autre.
De la main, il caressa les dorures de l'accoudoir.
-Un peu tape à l’œil, ce fauteuil. Dommage, sinon je l'aurais bien remonté à la maison.

Asmodeus reprit son approche d’un pas lent et prit un peu sur lui pour ne pas donner l’impression de s’agacer des propos insultants du fou furieux :

- Pour sa part, Asmodeus n’a pas encore décidé s’il te tuerait simplement ou s’il te garderait en vie pour faire lui servir de bouffon personnel. Ta folie est amusante en quelque sorte.

[Quête : Retrouvailles]

-Ma folie ?
Alexandre eut un sourire jusqu'aux oreilles.
-Dites, j'ai survécu plusieurs semaines à un culte de démonistes et à leur sombre maître. Alors franchement, il en faudrait plus pour me faire peur qu'une vieille momie toute rabougrie !

Asmodeus arbora un sourire tout à fait mauvais cette fois-ci tout en approchant encore de sa démarche lente mais calculée :

- Oui, la folie est la seule circonstance atténuante dont tu puisses te targuer. Asmodeus comprend que fréquenter ces horreurs ait pu te déranger l’esprit à ce point. Mais malgré cela, il ne peut pas laisser tes insultes impunies. C’est pour ton bien en fait. Oui, Asmodeus est très clément et très compréhensif. Et comme ton séjour parmi les démoniste t’a rendu visiblement plus résistant que la norme, Asmodeus va devoir employer les grands moyens…

Asmodeus –> Dévastation -> Alexandre

[Quête : Retrouvailles]

Le garçon se plia subitement en deux et laissa échapper une plainte sourde.
Mais surtout, il y eut une vive et fugace explosion de lumière.
Et... Ce fut tout. Le visage et les mains de sa victime ne se couvrirent pas de cloques, il ne parut pas aveuglé et, déjà, il se redressait.
-Ouah, vous avez enfin réussi à faire de la lumière, haleta-t-il. Bon, ça a pas duré longtemps et mes vêtements se sont pas illuminés mais... C'est déjà ça ! Bravo, je suis fier de vous !

Asmodeus n’était pas du genre à se laisser facilement déstabilisé mais il était tout de même sincèrement étonné du résultat si peu concluant d’un des sortilèges les plus offensifs de son répertoire. Ses soupçons initiés au cimetière concernant les étranges pouvoirs d’Alexandre venaient de se confirmer et il était plus que temps d’en percer le mystère.

Avec un peu de chance, cette agaçante rencontre pourrait se solder par la découverte de moyens de protection dont il aurait grand besoin pour défier ses ennemis. Mais puisqu’il était manifeste qu’employer ses sorts constituait du pur gaspillage, il cessa de tergiverser pour approcher du trône aussi rapidement qu’il le pouvait. Son intention était de saisir le garçon par la simple force brute. Il pouvait se le permettre désormais…

[Quête : Retrouvailles]

S'attendant sans doute à une nouvelle joute verbale ou à un nouveau sortilège, se ressentant probablement toujours de celui dont il venait d'écoper, Alexandre réagit avec un temps de retard. Pour autant, sa vivacité faillit avoir raison de la lenteur relative de son assaillant et ce n'est que de justesse que celui-ci parvint à l'attraper par le dos de son pourpoint au moment même où il allait bondir du trône et, assurément, filer ventre à terre.
-Hé, gaffe au costard ! lança le gamin désormais tenu à bout de bras par Asmodeus.

Asmodeus ne voulait pas crier victoire trop vite mais au moins n’y avait-il pas eu de nouvelle surprise désagréable. Son intention était à présent de s’éloigner de la salle du trône avec son fardeau et certainement de l’enfermer dans l’un des sarcophages. Au moins ne risquerait-il plus de lui échapper ou de lui nuire pendant qu’il règlerait son compte à l’elfe qui pouvait débarquer à tout instant.

- Asmodeus a apprécié la petite conversation et il aura plein de questions à te poser encore mais chaque chose en son temps. Pour l’heure, il est temps d’aller faire dodo pour les mioches.

[Quête : Retrouvailles]

-Alors là, vous rêvez ! Personne a jamais réussi à me faire dormir contre mon gré ! Pis en plus, je suis trop lourd pour vous : vous allez vous faire un tour de reins, Asmamiedeus !
Il commença à se démener avec tant d'énergie qu'il finirait peut-être bien par lui échapper...
-Et puis, c'est la honte pour vous ! Plutôt que de continuer à affronter un mioche, vous avez tellement peur de ovus prendre une raclée que vous préférez vous en protéger en l'enfermement quelque part !

Insensible à ces tentatives d’en faire appel à son ego pour le retourner contre lui, Asmodeus raffermit sa prise sur le garnement tout en poursuivant en direction de la salle marquant la limite entre ses quartiers et le reste des cryptes.

- Que tu dormes ou préfères méditer sur ton attitude impertinente et ce qu’elle pourra t’apporter n’a aucune espèce d’importance. Asmodeus a mieux à faire qu’à gérer un mioche pour l’heure. Il doit préparer un accueil digne de ce nom pour son « vieil ami ». Dommage, si tu avais été un peu plus coopérant, tu aurais pu mettre ta main à la pâte toi aussi !

[Quête : Retrouvailles]

-Ma main, c'est dans la figure que je vais vous la mettre si vous me lâchez pas tout de suite ! D'autant que j'étais hyper sympa, à la base, moi !
Il cessa subitement de s'agiter.
-Mais ça sert à rien de discuter avec vous. Après tout, on vous a retiré le cerveau pendant votre momification, non ? En vous enfonçant un crochet dans le nez, même, si je me souviens bien de ce que j'ai lu dans un livre ! Dès lors, pas étonnant que vous soyez encore plus décérébré et buté qu'un zombie !

Asmodeus ne dévia pas de sa trajectoire mais il répondit néanmoins à la nouvelle remarque désobligeante – sans doute un signe que le garçon avait touché un point sensible - :

- Même avec un quart de cerveau, un zombi restera toujours plus malin que toi. Tu devrais savoir quand il vaut mieux savoir se taire mais ce serait bien trop te demander sans doute. Surtout pour un mioche qui fréquente cet illuminé de Silmandel !

[Quête : Retrouvailles]

-C'est sûr qu'il est plus illuminé que vous, dans la mesure où lui au moins arrive à faire des sorts de lumière !
Il se laissa transporter sans bouger quelques instants supplémentaires puis, subitement, sans crier gare, il se démena avec force et, sans qu'Asmodeus puisse l'en empêcher, il se glissa hors de son pourpoint et se réceptionna souplement au sol, avant de bondir en arrière pour se mettre hors de portée de son adversaire, lequel ne tenait plus que le vêtement à la main.
-Et là, tu l'as dans l'os, vieux cadavre ambulant ! s'exclama-t-il en rajustant négligemment sa tunique. Ou plutôt... Dans la bandelette !
La seconde suivant, il détalait en direction des quartiers privés de la momie.

Asmodeus grogna une nouvelle fois de frustration mais il se mit aussitôt à poursuivre son prisonnier sans précipitation particulière. Il n’était plus temps de gaspiller ses sorts et il était serein sur le fait que le garçon ne puisse s’enfuir bien loin : la seule issue à ses quartiers était fermée pour l’heure. La momie le rattraperait donc bien assez tôt et lui ferait payer toutes ses provocations et sa résistance pathétique et ridicule.

Alexandre disparut rapidement par la porte des appartements privés d'Asmodeus.
Quelques instants plus tard, la momie l'entendit jurer :
-C'est qu'il avait prévu son coup, c'vieux chnoque !
S'ensuivit un nouveau bruit de course.
Lorsque la momie rattrapa son invité, celui-ci était dans la bibliothèque, dos au bureau.
-Plus un geste ou... ou...
Il s'empara de l'un des précieux manuscrits que le maître des lieux prenait tant de plaisir à lire.
-Ou je réduis ce bouquin en charpie !

La momie s’arrêta aussitôt par réflexe mais se rendit compte de son erreur : par cette simple hésitation, elle venait de donner plus de corps à la menace proférée à son encontre. D’autant plus que le garnement était bien capable d’abîmer un ouvrage qui avait survécu à bien des décennies et les batailles dont le sanctuaire avait été le théâtre.

Furieux contre lui-même presque autant que contre l’odieux intrus qui avait pénétré dans sa bibliothèque, l’élu divin ne tergiversa plus et incanta aussitôt un sortilège qui devait enfin lui permettre de maîtriser le parasite :

Asmodeus -> Injonction suprême (Arrête !) -> Alexandre

Et de se précipiter à nouveau vers lui au cas où le sort n’ait pas l’effet voulu.

[Quête : Retrouvailles]

Alexandre s'immobilisa complètement et la momie put sans mal lui arracher des mains le précieux manuscrit.
-Ah mais quel tricheur ! s'exclama-t-il. Ceci dit, avouez que je vous ai fait vachement flipper !
Il sourit.
-Encore une victoire pour le véritable maître des lieux ! Et si vous êtes pas sage, votre bibliothèque, j'y fous le feu ! Si si, je peux !

Asmodeus reposa délicatement le livre là où l’affreux l’avait prélevé puis n’hésita qu’une seconde avant de proférer un nouvel ordre à destination du morveux. L’ordre de le suivre avec l’intention de l’amener loin des précieux livres qu’il entendait protéger par-dessus tout. C’était peut-être superfétatoire quand il suffisait de l’empoigner à nouveau. Mais obliger le garçon à obéir à sa propre volonté était une humiliation tout à fait à propos après ses multiples provocations et insultes.

[Quête : Retrouvailles]

Le garçon lui emboîta pas le pas. Mais le fait d'y être contraint par magie ne parut pas l'inquiéter un seul instant.
-Je le répète, vous faites un sacré tricheur ! lança-t-il d'un ton badin. Un tricheur doublé d'un trouillard : vous n'osez même plus essayer de me maîtriser, par crainte que je vous échappe encore.
Et subitement, il arbora un air chagrin.
-Mais en fait, vous vous êtes peut-être fait mal en me portant à bout de bras... Vous voulez peut-être une canne, pour vous aider à vous déplacer ? Ou un baume pour apaiser votre dos endolori ? Bon, faudra sans doute enlever vos bandelettes pour le passer mais j'imagine que vous le faites de temps en temps, sinon ça serait trop crado...
Ils venaient de rentrer à nouveau dans la salle du trône.

La Couronne de Cuivre

L'antre d'Asmodeus