La Couronne de Cuivre

L'aubergiste la laissa profiter du moment, se gardant bien de l'interrompre. Il était bien placé pour savoir qu'il ne faut jamais déranger un client qui se remplit la panse. Et comme, à titre plus personnel, il était du genre à penser que "quand l'appétit va, tout va", il n'aurait pas tardé à proclamer Chandara tout à fait guérie si elle n'avait continué à étouffer un reniflement sporadique de temps à autres.

Pour s'occuper, il subtilisa le bol préparé par Dryade, auquel la paladine avait à peine touché, et renifla son odeur nauséabonde d'un air dégoûté. Beurk. Même un cochon à jeun depuis trois jours ne voudrait pas d'une mixture pareille...

Venant de la guilde

Quête : Le poing levé


La première chose que fit Althéa en dormant fut dormir. Elle avait prévu de s'allonger, une heure seulement. Mais quand elle ouvrit les yeux, c'était pour s'apercevoir qu'on était déjà le petit matin.

Elle lessiva ses vêtements puis entreprit un récurage en règle de sa propre personne. Finie cette odeur de vinasse qui la suivait depuis son passage dans les tonneaux, odeur de quête gâchée, inutile. Elle lava ses cheveux, les noua consciencieusement. Puis elle se rendit au Loyal. La vieille pouvait attendre un peu. En revanche, elle n'avait pas vu sa fille depuis quelques jours. Trop longtemps. Comme il lui tardait de la voir.

Les retrouvailles furent joyeuses, comme à leur habitude. Un instant, pendant que sa fille enserrait son cou de ses petits bras et lui bavait allègrement sur l'épaule, Althéa oublia tout. Elle se sentait heureuse, légère. Rien à voir avec la mercenaire qu'elle était encore quelques minutes auparavant. Celle-là était partie avec l'eau du bain.

C'est alors qu'elle vit Chandara. La paladine encore fidèle à Helm. Elle en rembrunit. Puis, prenant une décision, elle vint s'asseoir à sa table, Leodacya dans ses bras.

Chandara releva lentement la tête de son plateau pour voir qui venait de s’asseoir à sa table. Cette simple opération lui était douloureuse aussi n’avait-elle pas pris la peine d’observer qui était entrée. Surprise de découvrir Althéa, la jeune femme lui adressa un sourire franc et sincère.

- Bonjour. C’est votre fille ? Elle est vraiment très belle.

Après un instant d’hésitation, elle ajouta d’un ton plus gênée :

- Je tenais à m’excuser pour hier… Pour vous avoir laissée comme ça, Eroeh et vous.

Quête : le poing levé

Althéa sourit à son tour et hocha la tête. Le bébé, qui devait bien avoir un an sourit de toutes ses quenottes.

"Oui, elle s'appelle Leodacya. Ne vous en faites pas pour hier, nous étions tous bouleversés. La mort de Helm, tout ..."

Elle fronça les sourcils.

"Vous avez vraiment mauvaise mine. Vous êtes sûre que ça va ?"

Chandara se sentait étrangement bien mieux maintenant qu'elle n'était plus seule. Après tout, Althéa avait était une compagne d'aventures aimable et sympathique et, en un sens, elle faisait partie des rares personnes à pouvoir comprendre sa situation pour y avoir tenu un rôle. La paladine ne chercha pas pour autant à masquer son état physique :

- J'ai un peu abusé de boissons trop fortes pour moi hier soir, du coup je n'ai pas vraiment dormie. C'est ridicule. Ça devrait passer vite et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Mais je suis heureuse de vous voir : j'avais justement l'intention de vous retrouver. J'aurais aimé savoir ce qu'il est advenu d'Eroeh : je lui dois des excuses et il aura certainement besoin de tout le soutien qu'il pourra trouver. Je m'en veux de l'avoir abandonné à son sort.

Quête : le poing levé

Althéa avait hoché la tête. Elle comprenait Chandara.

"Ce n'est pas à vous de vous en vouloir. C'est aux helmites. Pour tout ce qu'ils lui ont pris et pour le peu qu'ils lui ont donné en échange. Le jeter comme un moins que rien, je trouve ça horrible. Et vous qu'allez-vous faire ? Vous allez vous convertir ?"

Chandara garda le silence pendant un long moment après la question d'Althéa. Elle n'était pas certaine de la décision qu'elle prendrait : il était trop tôt pour un choix de cette gravité. Et pourtant elle savait que l'heure de ce choix devrait arriver bientôt. Pour l'heure, elle répondit honnêtement à l'interrogation franche de la jeune femme :

- Je ne suis pas certaine de la décision que je dois prendre. Je ne suis pas prête à renoncer si facilement à mon allégeance. C'est aussi pour cela que je souhaitais revoir Eroeh. Peut être trouverai-je des réponses.

Quête : poing levé

"Dans tous les cas, je n'aimerais pas être à votre place."

Althéa réalisa qu'elle avait parlé trop vite. Elle s'excusa.

"Pour ma part, je crois que je n'aurais pas voulu renoncer à cette allégeance. Surtout si Helm était mon dieu depuis des années. Et puis, la mort chez eux est relative, non ?"

Althéa avait un style direct rafraichissant. Elle ne prenait nullement soin de peser ses propos, quitte à choquer ses interlocuteurs. Pour autant, Chandara aimait cette attitude : elle n'aurait pas supporté de la compassion misérabiliste à son égard. Sa situation était grave, tragique même, mais elle devait l'affronter en face, ne pas nier les conséquences de ses choix. Elle se surprit elle-même à répondre aussi spontanément :

- Je ne suis pas assez versée en théologie pour évaluer toutes les conséquences qu'aura ce cataclysme ni même s'il reste un espoir de retour. Cet évènement m'a privé de mes pouvoirs mais il ne m'a pas changée. L'Ordre avait besoin de mes capacités et c'est pourquoi il me rejette aujourd'hui. Mais je n'ai pas l'intention de me convertir uniquement pour les retrouver. Si je faisais cela, je perdrais tout le reste : ce qui fait de moi ce que je suis. Une simple guerrière plutôt habile, j'imagine, mais surtout loyale à mes convictions.

Quête : le poing levé

Althéa secoua la tête.

"Non, vous n'êtes pas une simple guerrière. Ne vous dites jamais ça. Même sans pouvoir, vous avez l'honneur, vous avez cette fidélité qui fait que vous hésitez encore à trouver un autre dieu. Cela prouve que vous croyiez en Helm et pas simplement pour avoir ses pouvoirs."

Chandara esquissa un sourire et rosit légèrement des compliments que lui faisait l'autre jeune femme. Elle répondit avec d'autant plus de modestie :

- Vous êtes quelqu'un de bien, Althéa. Et j'aimerais que la situation soit plus simple, qu'elle me laisse le choix de mes convictions. Mais cela ne pouvait pas plus mal tomber. On m'a demandé de choisir un nouveau protecteur, non par idéologie ou par mesquinerie mais parce que Manost a cruellement besoin des pouvoirs des dieux. En refusant, j'ai l'impression de trahir un autre serment : celui que j'ai fait en venant y vivre de protéger cette ville et ses citoyens. A dire vrai, je ne sais trop quoi faire. Et on ne peut pas dire que la nuit m'ait porté conseil.

Quête : le poing levé

Althéa hocha la tête et passa la main sur son front où des petites rides d'inquiétudes s'étaient brièvement formées. La nécessité de prendre un autre dieu pour protéger Manost. Était-ce être parjure ? Difficile à dire. Elle avait du mal avec la religion. Et la jeune femme en face d'elle lui faisait de la peine.

Elle sourit et secoua la tête.

"Si vous défendez sa cité, même si c'est par l'intermédiaire d'un autre dieu, Helm vous en saura gré. Du moins je le pense. Si c'est une décision que vous prenez avec le cœur."

Chandara fit une moue peinée, presque dépitée et ajouta d'un ton encore moins assuré que précédemment :

- Vous allez me trouver bien égoïste d'autant qu'il s'agit de votre ville, alors que moi je ne suis pas née ici. On pourrait remettre en cause mon attachement et ma loyauté envers Manost et cela me fait peur. Mais je ne me sens pas capable de choisir un autre dieu juste pour ces raisons. Cela ne duperait personne, encore moins un être divin. Je ne me sens pas prête.

Quête : le poing levé

Elle voyait Chandara perdue dans le dédale sinueux de sa propre conscience. Oscillant d'un coté, tantôt de l'autre, elle allait finir par se perdre. Et elle ne savait plus vraiment quoi lui dire.

"Je suis désolée, mais je doute de pouvoir vous aider d'avantage. Je crois que c'est en vous que se trouve la réponse."

Chandara resta silencieuse une bonne minute avant d'adresser un sourire radieux à Althéa :

- Vous avez raison. Je pense que je trouverai la réponse une fois le choc passé. Je n'ai pas à me décider tout de suite. D'ici là, ordre ou pas, je mettrai mon épée au service de Manost. Peut être recevrais-je même une révélation. Mais il faut que je vois Eroeh. Savez-vous où j'ai le plus de chance de le trouver ?

Quête : le poing levé

Althéa avait hoché doucement la tête.

"Vous souriez, c'est déjà ça. Quant à Eroeh, malheureusement, j'ignore où il se trouve. Je pense que si vous me répétez ce que vous m'avez dit là, vous lui apporterez du réconfort."

Elle embrassa sa fille sur la joue et la serra brièvement contre elle.

"Par contre, je ne vais pas pouvoir rester avec vous plus longtemps. ça a été un plaisir de vous revoir. J'espère que le temps vous apportera des réponses"

Ce contact humain et cette conversation avait redonné un peu de force et de courage à la paladine. Elle salua chaleureusement son amie :

- Merci Althéa. Je suis heureuse de vous compter parmi mes amies. Je ne voudrais surtout pas vous retenir plus longtemps. Vous m'avez donné à réfléchir et je vais me hâter de trouver Eroeh. Nul doute qu'il aura laissé des traces de son passage du côté de la commanderie de l'Ordre ou du temple. je vais commencer par là. Pour le reste, je pense que je vais prendre une chambre ici, au moins pour quelques jours.

La jeune femme mit sa résolution à exécution en allant trouver l'aubergiste. Après, il serait grand temps de rattraper le temps perdu et de prendre le taureau par les cornes en se rendant en ville sur la trace du dernier représentant de la foi de son dieu.

"Une chambre pour quelques jours ? Vous ne savez pas combien ? Bon, ce n'est pas grave, je vous la réserve pour quatre nuits, et vous me direz après, n'est-ce pas ? Je vous garde celle où l'on vous a déposée cette nuit, si elle vous convient. Ah, en revanche, je vous préviens, personne ne vous servira plus d'alcool fort ici. Je ferai passer le mot à tout le monde. Notamment ce nouveau serveur qui n'a pas su gérer la situation hier soir."

Titoeil souriait en disant cela, et toute rancune semblait absente de sa personne qui respirait bonne conscience et bonne santé. En fait, il était content de voir qu'Althéa et Chandara ne s’entendaient pas trop mal. La paladine avait bien besoin de soutien en ce moment.

HRP : je ne sais pas trop si tu attendais une réponse... comme ça c'est fait

La paladine sourit à l'aubergiste toujours aussi compréhensif et avenant. Il était peu probable qu'elle trouve à se reloger aussi rapidement mais le délai lui permettait au moins de chercher sereinement sa voie. Chandara monta récupérer un peu d'argent et son arme : on n'était jamais trop prudent par ces temps troublés. En redescendant, elle salua à nouveau Tit Oeil et Althéa avant de sortir. Elle prit immédiatement le chemin de la place du temple, espérant y trouver la trace d'Eroeh.

HRP : merci pour la réponse.

Titoeil repère la jeune fille. Elle se tient seule à une table et elle ne parle pas. On dirait même qu'elle se fait discrète. Il avance jusqu'à être à coté d'elle et se penche. Sa figure soucieuse se transforme avec son sourire. Il ne peut pas s'en empêcher, même en temps de guerre. Pour lui, un sourire vaut une épée. Il lui semble connaître la jeune femme pour l'avoir croisée dans les rues de la ville.

"Que puis-je pour vous ?"

Silline décomposa du regard la démarche du serveur qui s’approchait de sa table. Elle se teint droite sur sa chaise et le questionna d’une voix calme :

« Je voulais savoir si vous auriez une chambre de libre pour les quelques jours à venir… bon marché de préférence. »

Elle remua son bout de papier entre ses mains, moins par gène que par manie.

« Et aussi quelques informations, si vous en avez aussi. Je cherche un petit emploi de dépannage, rien d’extraordinaire, juste histoire d’être capable de mettre un peu d’argent de côté en ces temps difficiles. »

La jeune femme s’arrêta un instant et fixa la table et le bout de papier qu’elle tenait entre les doigts.

« Ah, oui, et un petit verre de vin s’il vous plait. Pas beaucoup, juste un fond, pour le gout. Je vous en remercie. »

Elle finit par lui rendre son sourire chaleureusement et appuya le remerciement d’un hochement de la tête, visiblement fatiguée.

Titoeil regarde la jeune femme. Il sait que les emplois ne courent pas les rues, surtout en ce moment. Les gens sont méfiants. Qui sait si l'ennemi n'est pas déjà entré en ville et attend sournoisement son heure. Déjà, il y a eu la tentative de coup d'état des tormites, et les tyrites ont été expulsés de la ville. Depuis la mort de Helm, la ville est dans le flou. Alors, il lui vient une idée.

"Hé bien ... J'avoue que j'aurais besoin d'aide pour faire la cuisine. Un peu de vaisselle aussi et le ménage quand les clients sont partis. Qu'en dites-vous ?"

Silline regarde le serveur, réfléchit quelques instants.

"Conclu. Je commence quand ?"

Elle se lève et lui serre la main. Tout semble se passer pour le mieux : une chambre, un emploi temporaire, un endroit convivial où se reposer. Elle aurait même du temps pour se promener et essayer de se faire une place différente dans le monde. Et pourquoi pas voyager ? Quoi qu'il en soit, elle n'a guère d'argent et il va falloir économiser...

La jeune femme à peine arrivée faisait déjà des projets, presque motivée à l'idée de frotter des assiettes. Elle range rapidement ses affaires dans sa sacoche, réajuste l'épée courte à sa ceinture, demandant à pouvoir s'installer dans sa chambre, oubliant sa commande.

Titoeil regarde la jeune fille avec un sourire. L'enthousiasme de la jeunesse fait plaisir à voir. Il espère qu'elle ne déchantera pas après quelques jours de travail. La plonge, ce n'est pas très exaltant. Dans tous les cas, il lui montre la chambre de bon coeur. Elle n'est pas très spacieuse et contient en tout et pour tout une étagère, un lit et un fauteuil. Mais la fenêtre donne sur les toits de la ville. Il pense à une certaine bretteuse qui aimait sortir par cette fenêtre là. Mais il n'en dira rien à la jeune fille. Il ne veut pas lui donner de mauvaises idées.

"Voila, vous avez tout ici. Vous pourrez également utiliser la salle d'eau."

Il ne sait pas vraiment quoi dire d'autre. En général, c'est Dryade qui règle ces affaires là. Mais elle est trop occupée à maugréer en cuisine. Apparemment, la guerre ne lui réussit pas.

Silline s’installe dans sa nouvelle chambre. Elle ne touche pas aux meubles, déposant sa sacoche à côté de la porte avant de fermer cette dernière à clé. La jeune femme s’affale sur le fauteuil et se masse les tempes. Elle se penche pour attraper sa sacoche et relit quelques lignes sur ses feuilles de papier. Avec un certain effort, elle se relève de son fauteuil pour observer la vue sur les toits.

« Une chambre parfaite. Il ne manque qu’une table, mais je peux en trouver à la taverne… »

Cette vue lui donnait envie d’aller faire un tour. Elle fouille dans sa sacoche, comptant l’argent qui lui restait, quelques piécettes. Il ne lui manquait plus qu’à ramener les quelques affaires qui lui restaient, mais elle le fera demain. Elle met sa sacoche sur son épaule, garde son épée courte, en cas de mauvaise rencontre. Silencieusement, elle tourne la clé dans la serrure et sort à pas lents. Elle reviendra tard dans la nuit, les yeux rouges de fatigue, de nouvelles feuilles griffonnées en poches, avant de s’affaler sur son lit.

En début de matinée, un gros bonhomme sortit de sa chambre et alla s'installer dans l'auberge, il posa ses affaires à sa table et alla alors voir l'aubergiste.

-C'est une bonne journée qui s'annonce là monsieur ! Foi de Bortrad, et personne ne met ma Foi en doute ! Dites-moi, quel poste occupe votre nouvelle employée ? lança Bortrad de son ton jovial.