La Couronne de Cuivre

Le gamin observa l'épée sans comprendre.
Puis il reconnut la lame. Ses yeux s'écarquillèrent aussitôt et... s'emplirent de larmes.
-Je...
Il se racla la gorge.
-Mais... Vous avez besoin d'une épée... articula-t-il avec difficulté.

Hubert sourit doucement au petit garçon, ému par son habituelle générosité.
" Nous en avons trouvé d'autres. Moi j'ai perdu la mienne, j'ai perdu celle que j'avais prise dans le trésor de la liche... Je n'ai pas envie que celle de Robert se perde. Je sais que tu en prendras grand soin, jusqu'au jour où tu pourras la brandir à ton tour. Je crois que c'est mieux si tu la gardes, vraiment. Elle te revient de droit."

Alban resta un bon moment silencieux, son regard allant de l'épée à son maître, de son maître à l'épée.
Puis il acquiesça.
-Très bien, messire. Mais...
Il se racla la gorge, à nouveau.
-Mais si vous deviez avoir besoin d'une bonne lame... S'il vous plait, demandez-la moi. Il faut... il faut que nous soyons pragmatiques et si cette épée peut être utile... et faire la différence maintenant... Il faut s'en servir.

" D'accord. Nous ferons ça." dit le paladin.
Il ne pensait pas qu'ils en viendraient à ça. Même s'il vivait par l'épée, il savait qu'une lame faisait rarement la différence. Trois cent soldats ithiliens armés de gourdins prendraient toujours le dessus sur un preux d'exception. Le trépas de Robert en était un bon exemple.
" Je vais aller me laver, maintenant. Je suis désolé de vous avoir inquiétés."

-Y a pas de quoi être désolé, m'sire, dit Ruth.
-Vous êtes paladin et avez simplement fait votre devoir, renchérit Alban en s'arrachant un sourire courageux.
Tandis qu'il s'éloignait, il entendit le garçon murmurer quelque chose à l'oreille de son amie. Laquelle rit puis donna son assentiment.
Puis il quitta la tiédeur du jardin pour la fraicheur du palais.

Il gagna les thermes et entreprit de se déshabiller. Les vêtements de Thibault étaient un peu trop petits pour lui : le Sunite était grand, mais ils n'avaient pas exactement la même carrure, et s'il devait continuer à les porter, il aurait vite fait de les déchirer aux coutures. Non, ce n'était pas fonctionnel, d'autant que dès que le clerc serait sur pied, il voudrait bien évidemment récupérer ses nippes.
Dans le même temps, il n'y avait aucun vêtement de rechange et il faudrait bien qu'il les garde jusqu'à la dernière seconde. Ensuite, il aviserait. Avec un peu de chance, Frida ne tarderait plus.
Une fois nu, il se plongea dans l'eau chaude. Il ferma les yeux, incapable de contempler son corps indemne à l'heure où Ezéchiel baignait dans le sang de son crâne fendu et que Thibault gisait, démantibulé, à l'étage inférieur.
Albérich prendrait la bonne décision, le paladin n'en doutait pas, une fois qu'il aurait échappé à la stupeur.
Il soupira.
Décompresser un moment. Ensuite retourner au combat.

Il resta une bonne demi-heure dans l'eau avant d'émerger. Ensuite, il lava consciencieusement les vêtements de Thibault, à l'eau froide, indispensable pour effacer toute trace de sang. Il les mit à sécher et s'assit dans un coin des thermes, pour profiter des dernières touches de lumière filtrant au travers des vitraux. Il n'avait rien mangé de toute la journée, pratiquement pas dormi, couru et combattu, sans parler des émotions fortes.
Emotions qui revinrent frapper aux lisières de son esprit et qu'il refoula. L'épuisement le rendait plus fragile. Il ne pouvait pas flancher, pourtant.
Il pria pour contrer ces pensées assassines. C'était un excellent moyen de se bourrer la conscience de mots et d'images, de trouver l'apaisement.
Mais les vestiges de la journée étaient nombreux, douloureux, revanchards. Ils luttaient contre des phrases qu'Hubert connaissait trop bien, qui en devenaient musique presque instinctive, ne nécessitaient plus assez de concentration, et cédaient face aux ruminations.
Il finit par se rhabiller, même si les vêtements étaient encore humides, et quitter les lieux. Il allait retourner voir Marthe et la sonder... avant d'affronter Albérich... peut-être. Il avait surtout envie de dormir pour refermer la page de cette désastreuse journée.

Lorsqu'il regagna les abords de la salle commune, il comprit qu'on était sur le point de servir le repas.
L'atmosphère était un peu moins euphorique que précédemment : la nouvelle des pertes subies devait être plus largement connue et davantage préoccuper...
Ni Ingrid, ni les enfants, ni Giovanni n'étaient en vue. Pas davantage qu'Albérich.
Marthe, en revanche, se dirigea vers lui sitôt qu'elle l'aperçut.
-Je suis désolée de t'importuner, Hubert, mais... Nous avions annoncé une Assemblée pour ce soir. Il faudrait donc... Que nous fassions le point avant. Ou bien que nous annoncions officiellement qu'elle est remise à demain.

Hubert lui sourit.
" Non, non, il faut la faire ce soir. Les gens ont trop attendu. Je vais essayer... d'aller débusquer Albérich. Nous ferons d'abord un rapide conseil... Il faut quand même que nous parlions d'un certain nombre de choses et que nous soyons d'accord sur ce que nous allons annoncer..."
Il scruta son expression.
" Etienne dort toujours ?"

-Non. Il est revenu à lui et une fois la prime désorientation passée... il m'a poliment mais fermement mise dehors. Et je crois que je ne dois ces égards qu'au fait... de n'avoir pas participé à l'opération. Si j'en avais été, nul doute qu'il aurait davantage laissé transparaître sa fureur.
Soupir.
-Allez, va chercher Albérich. On se retrouve à la salle des cartes.

Hubert acquiesça, puis pinça les lèvres.
" Est-ce que... il ne faudrait pas... quand même que quelqu'un veille sur Etienne ? Je veux dire... Je le connais mal mais... Ce serait dommage qu'il... fasse quelque chose de stupide. Enfin, de ce que tu dis, la fureur prime sur le désespoir... mais quand même..."

-Ne t'en fais pas : Giovanni veille au grain. Et Roxane est toute prête à prendre la relève si le besoin s'en fait sentir. Pour l'heure, toutefois... Edgar essaie de la libérer de son collier.
Elle grimaça.
-J'espère que tu ne m'en voudras pas d'avoir... mobilisé l'un de tes officiers.

" Non, bien sûr que non, Marthe. Je ne suis pas territorial."
Il lui sourit doucement.
" Je fais vite."
Il lui pressa le bras, furtivement, puis descendit rapidement au sous-sol. Il carra les épaules et prit une profonde inspiration en pénétrant dans la cave dans laquelle ils avaient installé Thibault. Pendant une seconde, il crut qu'Albérich était parti. Puis il le vit, appuyé au mur à côté de la porte, l'expression vide, contemplant quelque chose d'invisible. Il se tourna vers le nouvel arrivé, cependant, le dévisageant sans plus d'émotion.
" Albérich.
— Que veux-tu ?
— Nous voudrions faire un conseil... Il doit y avoir une assemblée."
Le Luménien se contenta d'acquiescer et de lui emboîter le pas. Il y avait quelque chose d'incroyablement contracté dans son visage, comme s'il tentait de garder quelque chose à l'intérieur de lui-même. Thibault, lui, gisait exactement comme il l'avait laissé. Ils remontèrent en silence, Hubert devant, Albérich derrière, et gagnèrent la salle des cartes.

Ils rallièrent l'étage alors que la majeure partie des colons se dirigeaient vers la salle à manger : s'ils ne voulaient pas que l'Assemblée débute trop tard, peut-être seraient-ils contraints de sauter le repas...
Du moins l'auraient-ils été si Marthe n'avait pris soin de passer par les cuisines pour en ramener quelques vivres, comme ils le découvrirent en atteignant leur salle de réunion.
La magistrate les observa tour à tour, hésitante, avant de prendre la parole.
-Le plus urgent... est de décider quoi dire exactement à nos compagnons, commença-t-elle.

Hubert jeta un coup d'oeil à Albérich et celui-ci poussa un bref soupir.
" La communauté est attachée à la transparence, depuis toujours, dit-il. Je pense qu'il faut leur dire la vérité. Que les Ithiliens ont libéré quelque chose dans les souterrains, que nous ne savons pas exactement quoi, mais que nous savons que nous avons les moyens de le contrer. Ils demanderont sans doute ce que nous entendons par là... et nous serons forcés de leur dire que nous ne savons pas encore exactement.
— Les gens risquent de paniquer pour leurs proches... murmura Hubert.
— L'alternative est de leur mentir. Je ne pense pas que tu seras partisane de cette option, Marthe."

Elle acquiesça.
-Non, effectivement. D'autant qu'ils ont entendu la cloche et se doutent que son déclenchement est de mauvais augure. Pour autant, je pense qu'il est possible de limiter les effets néfaste de cette triste nouvelles. D'abord en les assurant que ce lieu est un refuge justement prévu pour protéger d'une telle catastrophe. Ensuite en leur disant que Lathandre lui-même nous a assurés que nous pourrons faire quelque chose contre celle-ci, même s'il nous reste encore à découvrir les moyens pour y parvenir. Ce sont quand même des éléments pour le moins réconfortants.

" Oui." dit sobrement Albérich.
Hubert acquiesça, même s'il songeait qu'ils ne pouvaient absolument pas promettre que les prisonniers, eux, survivraient.
" Avons-nous d'autres informations à leur transmettre ? Peut-être l'arrivée imminente de Frida ? Le bruit a dû courir dans les couloirs, mais il n'y a pas eu d'annonce officielle." demanda le paladin en se tournant vers la juge.

-Oui. Mais là encore, nous devrons nous abstenir d'être trop affirmatifs.
Elle grimaça légèrement.
-Nous en discutions avec Albérich, cet après-midi... Si les Ithiliens se mettent à assiéger le refuge après avoir tiré des informations de nos défunts ou... si la catastrophe se fait trop menaçante, nous pourrions en effet être amenés à demander à Frida de... demeurer à l'écart.

Hubert se sentit changer de couleur. Il était responsable de cette catastrophe, de bout en bout... et les Ithiliens allaient forcément tirer parti des cadavres abandonnés par l'ennemi. Il passa une main nerveuse sur son visage, puis lâcha un petit soupir.
" Je voudrais... que nous parlions de ce qui s'est passé aujourd'hui. Mais ça peut être après l'Assemblée, si c'est préférable."
Il toussa dans son poing et jeta un coup d'oeil furtif vers Albérich. Celui-ci était de marbre.
" Pour Frida, sinon, bien sûr... Restons évasifs..."

Marthe le dévisagea, perplexe.
-Nous avons encore une bonne demi-heure avant que le repas ne se termine. Nous pouvons donc parler de l'expédition d'aujourd'hui si tu juges que c'est important ou... si tu en as besoin.
Elle jeta un regard encore plus appuyé à Albérich.

" Très bien." dit alors Hubert.
Il prit une profonde inspiration et regarda ses mains.
" Ce qui s'est produit aujourd'hui... est mon entière responsabilité. Quand nous étions dehors, j'étais... vous le savez... j'étais frustré de la décision qui a été prise. Le sceau a été rompu, vous l'avez entendu... Ezéchiel et moi avons eu des mots... et je suis parti."
Il hésita à impliquer Thibault, mais décida, par respect pour le mort, de ne pas en parler.
" Je ne suis revenu à la forteresse que par hasard, quand... quand les Ithiliens m'ont repoussé, sans le vouloir, dans cette direction. Ezéchiel était déjà mort, à ce moment-là, et Giovanni et Varamyr étaient coincés avec les civils. C'est à ce moment-là que nous avons décidé de faire une diversion... et que nous avons, contre l'avis de Varamyr, décidé de libérer les otages que les Ithiliens gardaient au chaud... Ce qui était noble mais probablement très stupide."
Il relâcha sa respiration.
" Je désire démissionner du conseil. Et je suis prêt à assumer la sanction que vous estimerez à la mesure de mes manquements. Par ma faute, notre refuge est compromis, j'en suis conscient. Je n'ai pas les mots pour vous dire combien j'en suis désolé."

Marthe l'observa un long moment puis secoua la tête.
-Hubert, j'ai l'impression que... tu te charges d'un trop grand poids. Es-tu certain, par exemple, qu'il n'y aurait eu aucun mort de notre côté si tu étais demeuré avec l'escouade ? Es-tu sûr, aussi, qu'il n'y aurait pas eu de drame même si vous aviez décidé de renoncer à sauver Étienne ? Il aurait fallu faire une diversion quoi qu'il advienne, il y aurait donc eu de gros risques... Par ailleurs, des risques, nous en prenons à chaque fois que nous envoyons quelqu'un dehors, ce qui est pourtant une nécessité. Giovanni aurait pu se faire capturer lors de son premier espionnage ; les Ithiliens auraient pu nous causer des pertes, à l'école de magie... Et nous aurions alors été dans la même situation qu'à présent, sans que personne ne puisse être lbâmé. Mon avis est que... vous avez joué de malchance, voilà tout, et qu'il était peut-être illusoire de croire que tout le monde reviendrait d'une si périlleuse mission.

" Nous ne saurons jamais ce qui se serait produit si j'avais été là, je suis d'accord... dit le paladin. Mais il reste que j'ai déserté. Sciemment. Parce que j'étais mécontent. Je dois être sanctionné, Marthe, sinon... C'est un signal que... vous acceptez que je ne suis pas fiable. Il y avait des témoins... et s'ils ne vous ont rien dit... C'est dangereux. J'ai abandonné tout un contingent en mission. Je les ai abandonnés. Ils le savent."
Il frissonna, ressentant sa honte physiquement, comme une créature répugnante qui aurait rampé dans son ventre. Il regarda vers Albérich. Ce dernier avait retrouvé une certaine expressivité, et paraissait atterré. Il ne put pas le regarder davantage et lorgna à nouveau le sol.

-S'ils n'ont rien dit, c'est sans doute parce qu'ils savent que tu es paladin et que les paladins... sont impétueux. Que... c'est donc un risque avec lequel il faut composer.
Elle poussa un profond soupir.
-Je ne cautionne pas ce que tu as fait. Je le regrette même vivement. Mais d'une part cela n'efface pas tout ce que tu as déjà accompli pour nous, et d'autre part tu subis déjà la pire sanction qui soit : les remords.

Hubert ferma les yeux et acquiesça.
" Sans doute devrais-je discuter de ceci avec mon état-major plutôt qu'avec vous... dit-il finalement. C'est une... transgression militaire excessivement grave. Peut-être ne pouvez-vous pas en mesurer l'importance..."
Albérich n'avait toujours rien dit.
" Mais... avez-vous envisagé que nous quittions cet endroit ? Si les Ithiliens le trouvent... Toute marge de manoeuvre nous sera retirée..."

-J'y ai songé, oui... fit la magistrate. Je me disais que si les choses tournaient mal, nous pourrions diriger Frida sur le fort où nous avons été assiégés puis l'y rejoindre : s'en emparer et le conserver ne paraît pas impossible, sans compter que nous serions probablement préservés des premiers effets de la catastrophe et, surtout, que nous conserverions la possibilité de demander de l'aide aux Luméniens. Autrement, il me semble probable qu'il existe des bastions similaires le long des autres routes ; cependant, il faudrait que Frida effectue des repérages.

" Ce n'est pas une mauvaise idée, mais les Ithiliens détiennent sûrement ce fort en particulier : c'est par là qu'ils sont arrivés. Nous serions nettement moins bien protégés et moins bien installés qu'ici... Mais y envoyer, par défaut, la colonne... Ce serait une excellente idée. Il faudrait demander à Frida d'aller repérer une construction similaire à l'est, puisque c'est cette direction qu'elle a empruntée... S'ils sont capables de s'y installer, il n'est plus nécessaire qu'ils nous rejoignent. Cela simplifierait grandement la situation..."
Sauf pour les vêtements, songea-t-il malgré lui.
" Je peux la prévenir." dit Albérich.

-Très bien, partons là-dessus. Si nous en restons à notre plan initial, ce repérage ne lui aura guère fait perdre de temps. Et si nous changeons de plan... Elle sera prête à appliquer le nouveau. Sachant par ailleurs que s'il existe également un souterrain reliant cet hypothétique fort à la cité, il pourrait être plus simple de recevoir des renforts armés tout en laissant les civils relativement à l'abri.
Elle réfléchit.
-Concernant l'Assemblée... Pensez-vous utile de mentionner qu'au cas où les choses tourneraient très mal, resterait la possibilité d'appeler Luménis à l'aide ? Ou jugez-vous cela prématuré ?

Albérich avait l’impression d’être à côté de lui-même. Il était conscient que c’était le résultat d’un mélange mal inspiré entre un alcool trop fort et des doses de plantes médicinales excessives, mais dans le même temps, ça ne lui permettait pas pour autant de lutter contre…
Il ne pouvait qu’attendre que ces effets s’estompent.
Et jusque là, surnager.
Hubert était rentré et Thibault était mort.
Quand il avait vu le paladin arriver dans le jardin, il avait ressenti une joie étouffée, comme un bonheur ordinaire, ténu, alors même qu’il aurait dû être transbordé de soulagement. Il ne se souvenait même plus clairement de l’angoisse qui avait précédé. Hubert était rentré. Bien sûr.
Le choc était venu ensuite, avec le corps de Thibault.
Le voir là, inerte, métamorphosé par la mort — enlaidi, lui qui était si plein de vie, d’énergie, d’humour, de lumière, avait déchiré le voile, un rien, et il avait mesuré, presque froidement, l’affliction qui le frapperait lorsqu’il n’y aurait plus rien pour atténuer la violence de ce qu’il ressentait. Il s’effondrerait.
Hubert parlait de résurrection, bien sûr.
Lathandre n’aimait pas ces sortilèges contre-nature. Le cycle de la vie et de la mort était sacré, s’y plier était crucial. Il y avait un avenir au-delà de l’ombre, et Thibault avait sans doute déjà été accueilli par sa déesse aimante.
Alors pourquoi cela paraissait-il absolument abject?
Les Ithiliens étaient nombreux, puissants, ils avaient des otages, ils ne tarderaient pas à les débusquer dans leur refuge si précieux.
Ils avaient besoin de Thibault. Sa mission n’était pas terminée.
Il avait souri. Les plantes le rendaient plus calme, moins inquiet des retombées, pragmatique et sûr de lui. En plus d’abruti. Un bien pour un mal.
Hubert avait reparu pour lui parler du conseil. Il avait cherché à lui dire quelque chose, mais le temps que son esprit retrouve ses marques, ils étaient déjà auprès de Marthe.
L’assemblée. Facile. Il suffisait de dire la vérité, sans s’inquiéter.
Hubert avait parlé de sa désertion.
Le voile s’était déchiré un peu plus.
Le paladin se sentait coupable, et le clerc se sentait coupable, lui aussi, car Marthe l’avait pressenti, lui avait demandé de l’accompagner, et il avait refusé pour des raisons fallacieuses.
Toute cette peur, d’où venait-elle ?
Ils devaient faire avec le cheval sauvage, Marthe avait raison.
La réunion se poursuivit, il l’entendait à moitié, s’y glissait quand nécessaire.
Les forts, les gens, vivre, mourir.
« Prématuré. » intervint-il subitement, pour répondre à la question de la juge.

-Très bien.
Elle se concentra à nouveau.
-Voyez-vous autre chose à aborder lors de l'Assemblée ? Ou à débattre maintenant, puisqu'il nous reste encore un peu de temps ? Dans le cas contraire, nous devrions manger.

" Je vais aller parler à Frida tout de suite, dit Albérich en se levant. Sinon je crains d'oublier après l'Assemblée...
— Je viens protéger tes arrières."
Ils saluèrent Marthe et quittèrent la pièce, avant de descendre vers les caves.
" Je suis désolé pour Thibault, finit par dire Hubert, qui marchait quelques pas derrière lui.
— Je sais. Ce n'était pas de ta faute.
— Néanmoins..."
Ils restèrent silencieux encore quelques secondes, arrivèrent devant la pièce où reposait le Sunite. Curieusement, Albérich eut besoin d'y jeter un oeil, de s'assurer qu'il était toujours là.
" Est-ce que...
— Oui. Si je trouve un diamant. J'ai douze jours. Il en avait un avec lui... mais je ne suis pas certain qu'il l'a gardé. Je demanderai à Giovanni de regarder dans ses affaires."
Hubert acquiesça, une ombre de sourire au coin des lèvres, rassuré sans doute, puis posa les mains à plat sur la porte.
" Je suis désolé d'être dans un état pareil... murmura alors le clerc, la voix un peu cassée.
— Oh non, Albérich, surtout... surtout ne sois pas désolé."
Il s'effaça pour le laisser passer, leurs regards s'accrochèrent un moment, puis ils reprirent leur route, encore une porte, le souterrain... et puis Frida.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue