[Lieu] Les habitations du Quartier Ouest

[Galathée]

De l'Ombre de l'Arbre, Taliesin repartit donc dans les rues du quartier portuaire, jusqu'à atteindre la chapellerie où il s'était rendu la veille. Lorsqu'il entra, la jeune femme qui y travaillait leva les yeux de son ouvrage, puis les rebaissa, puis les releva à nouveau.
" Vous êtes venu hier, dit-elle. Le chapeau ne vous convient pas ? Ou bien allez-vous me raconter une histoire de coup de vent malicieux ? Je tiens à dire que nous n'entretenons des rapports avec le temple de Tymora que de manière strictement professionnelle..."

[Taliesin]

Il secoua la tête.
-Ne vous inquiétez pas : les chapeaux sont en notre possession et nous conviennent parfaitement. Je suis revenu pour une autre affaire.
Il sourit, vaguement embarrassé.
-J'aurais voulu vous demander si vous pourriez, et voudriez, me vendre un carton à chapeau, ainsi que des plumes ou du coton. C'est pour protéger un œuf de reptile probablement originaire de Maztica que mon fils a gagné, hier, au tir à l'arc. D'après la tenancière de notre auberge, qui m'a suggéré cette méthode, vous pourriez avoir tout le nécessaire.

[Galathée]

La chapelière sourit.
" Vous êtes certain que vous ne devriez pas en faire rapidement une omelette, de votre oeuf maztican ? Il y a plein de bestioles plutôt... bizarres, qui viennent de là-bas. On fait de belles chaussures avec le cuir de certaines, cela dit : ma soeur, à côté, vous en dira des nouvelles."
Elle haussa les épaules.
" Après, oui, je peux vous vendre un carton à chapeau... j'en ai treize à la douzaine, vous pouvez le constater. Du coton aussi. Les plumes sont plus chères, surtout en chapellerie, mais si vous allez au bout de la rue, chez Olive, elle a des oreillers pas cher, en duvet de poulet. C'est mieux, à mon avis. Quoi qu'un fond de paille serait l'idéal : si vous ne mettez que des plumes, votre oeuf va tomber au fond et se casser au premier choc."

[Taliesin]

-Merci pour le conseil. Je vais donc vous prendre un carton, puis j'irai me procurer du duvet et... j'imagine que j'enchainerai par un tour dans une écurie, pour la paille.
Il fronça les sourcils, un instant, puis secoua la tête en souriant.
-Ce qu'il ne faut pas faire pour ses enfants...

[Galathée]

" A qui le dites-vous. Bon. Il est gros votre oeuf ?"
Elle sortit une série de cartons à chapeau, certains en bois, d'autres en cuir, d'autres, enfin, en carton, et de tailles diverses...
" A mon avis, mieux vaut le cuir... c'est léger, c'est relativement solide... ou alors le bois, mais ça pèse. A vous de voir."

[Taliesin]

Taliesin, qui n'oubliait pas qu'ils partaient pour un long périple et qu'il valait mieux voyager léger, opta pour le cuir. Puis, ayant montré la taille de l’œuf à la commerçante, il essaya de trouver une boîte dont les dimensions permettraient un bon rembourrage sans être par trop encombrantes.
Tout en procédant, il se demanda s'il n'en faisait pas un peu trop. D'un autre côté, il s'agissait là d'un être vivant et la manière dont Victor l'avait protégé disait assez qu'il y tenait. Alors...

[Galathée]

La chapelière ne fit en tout cas aucun commentaire et lui dénicha au final une petite boîte qui accueillait un petit chapeau féminin, à poser de travers sur la tête.
" Voilà, ça me semble idéal."
Il était rose fané, peut-être Victor serait-il un peu choqué, mais il était solide et la chapelière le lui laissait à deux pièces de cuivre.
" Vous pouvez même le fermer avec cette boucle, si la créature est dangereuse."
Elle ne plaisantait qu'à moitié.

[Taliesin]

Taliesin la remercia, paya le prix demandé et s'en fut, le carton à chapeau sous le bras, en direction de la boutique d'oreillers.
Si Victor râlait à propos de la couleur, il lui rappellerait que le rose était associé à Lathandre et que c'était donc une façon de lui rendre hommage. Voilà qui devrait satisfaire son actuel élan de mysticisme, non ?
Et puis, de toute façon, ce n'était pas vraiment comme s'il lui laisserait le choix !

[Galathée]

La transaction d'oreiller fut rondement menée, même si la dénommée Olive ouvrit des yeux encore plus ronds que ceux de la chapelière en entendant le récit du barde, puis explosa de rire. Elle se morigéna ensuite à voix haute et s'excusa de s'être moquée d'un client, et plus encore, d'un père aussi attentionné. Elle lui vendit donc un oreiller, et lui offrit de la paille en prime (elle confectionnait aussi des matelas bas de gamme), tout en espérant qu'il ne s'agissait pas d'un oeuf de kobold, une espèce de vermine aux allures de chien lézardesque que personne n'avait envie de retrouver dans son carton à chapeau.
Ainsi pourvu, Taliesin n'avait plus qu'à rentrer à l'Ombre de l'Arbre pour confectionner son nid... ou vaquer à d'autres occupations : au total, il n'en avait pas eu pour tant de temps, et il était peu probable que Victor soit rentré. Il fallait espérer que Baptiste soit sorti de son bain, lui, sans quoi il ressemblerait sans doute à un petit pruneau rose.

[Althéa]

Elles se trouvaient à présent devant les deux maison identiques abritant les deux jumelles. Amélie qui avait l'air d'aller bien jusque là s'était subitement tendue à mesure qu'elles arrivaient. Son hoquet s'était subitement réveillé. Et quand Angèle avait voulu s'arrêter devant les deux maisons, elle lui avait fait signe de continuer. Elle avait stoppé bien plus loin, une fois qu'elle fut sure qu'elles étaient hors de vue. Là, elle avait repris son souffle et avait regardé Angèle, les larmes au bord des yeux. Elle dit doucement.

"Je suis terrifiée et j'ai hâte en même temps. C'est ridicule, non ? ça fait des mois que nous correspondons. Et là, maintenant, à l'idée de les voir ... ça doit leur être étrange de rencontrer quelqu'un dont on ignorait l'existence avant."
- Pour toi aussi, non ?
- Totalement oui ...
- Vous vous en tirerez bien."

Amélie sourit de nouveau avant de faire disparaître les ombres de larmes d'un revers de manche. Détail magique : le hoquet s'en alla en même temps.

"Par laquelle on commence ?, voulut savoir Angèle à mesure qu'elles se rapprochaient.
- Par ... les chapeaux., trancha Amélie.

[Galathée]

La boutique de Korridwen Novembre était aussi encombrée que dans le souvenir d'Angèle, remplie de chapeaux du sol au plafond et sur toutes les surfaces disponibles. On devinait cependant le glissement de saison à leur agencement : si les chapeaux de paille occupaient encore une bonne partie du terrain, les chapeaux hivernaux et même quelques bonnets avaient commencé à faire leur apparition ici et là. Derrière son comptoir, la chapelière était en train d'insérer une doublure dans un couvre-chef élégant, pour homme, et elle ne leva les yeux qu'après quelques secondes.
" Ça alors !" s'exclama-t-elle en écarquillant les yeux, aussitôt qu'elle eut découvert ses invitées.

[Althéa]

Amélie avait depuis longtemps imaginé cette rencontre, à vrai dire depuis qu'elle avait commencé à correspondre avec les soeurs de Morgan. Chaque fois, elle était totalement enthousiaste et impatiente. Elle et les sœurs Novembre - surtout Korridwen - avaient parlé de tout et de rien. Une fois, elle s'était dessinée le plus honnêtement possible afin de montrer à quoi elle ressemblait. Bien sûr, elle n'avait pas ajouté de moustache même si la plaisanterie la tentait.

Maintenant, elle se trouvait devant une de ses correspondantes et il n'y avait plus d'erreurs possibles sur son identité. Elle n'avait pas bougé d'un pouce, ni n'avait parlé, préférant laisser la chapelière à son ouvrage. Peut-être pour faire durer le plaisir de la rencontre ou se donner du courage. Un instant, elle fut partagée entre l'envie de rire et celle de pleurer. Mais c'est finalement son immuable sourire qui gagna la partie.

Par contre, l'émotion lui noua la gorge et l'empêcha de parler.

[Galathée]

Korridwen s'était levée et elle quitta l'abri du comptoir pour venir à la rencontre d'Amélie. Elle l'étreignit chaleureusement, sans se formaliser de son silence, puis vint saluer Angèle de la même manière, avec moins d'effusion cependant, avant d'aller retourner l'écriteau "fermé" sur la devanture.
" Quand Gwen va savoir ça !"
Et il était clair qu'elle allait le savoir dans l'instant : Korridwen se dirigea aussitôt vers la porte qui séparait les deux boutiques et disparut.

[Althéa]

Amélie avait répondu avec la même chaleur. Angèle comme à son habitude était plus réservée mais tout aussi contente de revoir les soeurs de Morgan, mais aussi de voir que son amie était à ce point acceptée et appréciée. Non pas qu'elle en doutait mais elle avait toujours cette parcelle d'incertitude chagrine. Lorsque Korridwen les laissa pour aller chercher sa jumelle, elle se tourna vers elle afin de vérifier que tout allait bien. Et effectivement, même si elle semblait quelque peu sonnée comme si elle ne réalisait pas encore ce qui lui arrivait et qu'elle semblait à cours de mots, elle souriait comme elle ne l'avait jamais vu sourire. Elle réalisa à quel point renouer avec ses racines était important pour elle et surtout à quel point leur absence l'avait fait souffrir. Une nouvelle fois, elle en voulut à Morgan avec tous ses secrets qui avaient empêché sa fille de se sentir complète.

Des larmes lui montèrent aux yeux durant quelques secondes. Elle les réprima bien vite, pour ne pas gâcher le bonheur d'Amélie. Comme l'avait dit Jehanna, il ne servait à rien de ressasser. Il fallait aller de l'avant.

[Galathée]

Gwen revint sur les talons de sa soeur, poings sur les hanches, avant de s'adoucir. Elle vint à son tour étreindre Amélie, puis Angèle, avant de revenir à Amélie.
" Exactement comme je t'imaginais." murmura-t-elle.
Elle se tourna ensuite vers Angèle, plus sévère.
" Vous auriez pu prévenir ! Il nous reste seulement quelques heures pour préparer un festin digne de ce jour !"

[Althéa]

"Ne la gronde pas, c'est ma faute, précisa Amélie en retrouvant l'usage de la parole, c'est moi qui ai pris la décision à l'improviste de venir ici. Et Angèle réorganise tout derrière moi. Pour le festin ... je peux aider. En attendant, j'avais quelque chose pour vous. Ce n'est pas grand chose mais comme je venais et que j'ai eu un peu le temps de passer dans mon atelier ..."

Avec précaution, elle prit la besace qu'elle tenait en bandoulière et en sortit deux petites bourses desquelles elle extirpa deux boules de tissus.

"J'espère qu'ils ne sont pas cassés ... Non, tout va bien ...", murmura-t-elle en extirpant deux petits objets qu'elle avait calfeutrés à l'intérieur.

L'un d'eux était une petite botte en verre soufflé. Amélie avait mis du temps à représenter les boucles et les lacets. L'autre était un délicat chapeau de plumes. Les deux étaient d'un léger vert bleuté, fragiles et translucides, tenant dans une paume de main. Elle les offrit à chacune des jumelles selon leur domaine respectif avec un sourire quelque peu timide.

[Galathée]

Les deux soeurs demeurèrent muettes de stupéfaction, puis s'exclamèrent en même temps.
" C'est tout simplement...
— Magnifique...
— Quelle finesse !
— Quel doigté !
— Et les couleurs !
— Superbe !"
Chacune posa un baiser sur les joues d'Amélie, émues.
" Mais cela dit, il n'est absolument pas question que tu aides pour le festin.
— Ce serait un scandale."

[Althéa]

"Je pourrais aider.", proposa Angèle.

Elle comprenait tout à fait le désarroi des jumelles d'être ainsi prises à l'improviste. Amélie quant à elle était heureuse que ses cadeaux aient plu. A l'atelier, elle s'enhardissait de plus en plus, osant proposer ses propres créations plutôt que de se cantonner aux finitions des travaux de son "papa". En général, les gens étaient ravis et cela augurait de belles perspectives pour la suite. Et le cadeau pour ses tantes avait une importance toute particulière. C'était une partie de son petit univers qu'elle leur offrait.

Elle ajouta doucement.

"Par contre, il va falloir que je m'absente un tout petit peu. J'ai promis d'aller commander des pigments pour l'atelier. Normalement, ça ne devrait pas me prendre trop longtemps. Et si je me souviens bien, ce n'est pas trop loin."

Une responsabilité que son père ne pouvait plus assurer. Il lui passait le relais. Même si sa confiance l'honorait, elle en avait le cœur serré.

[Galathée]

" Bonne idée, absente-toi donc. Et emmène Angèle, dit Korridwen.
— Ouste, ouste ! reprit Gwenaëlle. Vous pouvez revenir plus tard. Quand nous serons prêtes."
Et les deux soeurs les poussèrent vers la sortie. Elles ne les mirent pas dehors, cependant.
" Tu sais où trouver tes pigments ?" demanda la chapelière.

[Althéa]

Visiblement, les sœurs Novembre voulaient avoir le champ libre pour préparer la fête. Et elles ne voulaient pas d'une paladine dans leurs pattes. Elles avaient donc un peu de temps pour se préparer avant leur départ. Amélie se rappelait par cœur de l'adresse. Elle l'énonça avant de préciser.

"Il paraît que c'est du coté des commerces du port. Donc ce n'est pas très loin. Quand voulez-vous que nous revenions ?"

Angèle se dit qu'avec un peu de chance, elles auraient le temps de repasser à L'ombre de l'arbre afin de confirmer qu'elles ne dîneraient pas là-bas et qu'elles pourraient prendre le temps de se changer avant de faire un brin de toilette. Et elle sentait que l'achat des pigments rendait Amélie un peu nerveuse et elle était contente de pouvoir l'accompagner.

[Galathée]

Les soeurs Novembre leur donnèrent amplement le temps de réaliser leurs emplettes et de retourner à l'auberge pour s'y préparer.
" Allez-vous rester longtemps à Luménis ?" demanda Gwenaëlle.
Il y avait quelques badauds de l'autre côté de la fenêtre, qui regardaient à l'intérieur, espérant que la chapellerie rouvre bientôt.
" Je vais demander à mon homme de prendre le relais... dit Korridwen.
— Attrape le mien au passage, veux-tu ?"
La chapelière salua Angèle et Amélie et disparut vers l'arrière boutique.

[Althéa]

Amélie pinça les lèvres, embêtée par ce qu'elle s'apprêtait à dire.

"En fait, nous partons demain matin pour Erhedun. Ce n'était pas prévu comme ça au début. Mais ... Brandon Devlin est là-bas et je voulais le voir. ça peut paraître un peu idiot comme ça, mais j'ai besoin de lui parler même une seule fois. Par contre, à notre retour, je passerai du temps ici avant de repartir, c'est promis."

Le formuler de nouveau lui avait fait du bien. Elle se sentait déterminée et en même temps heureuse de n'avoir pas vraiment le temps de tergiverser.

[Galathée]

Gwenaëlle croisa les bras, un léger pli au creux du front, puis acquiesça dans un léger sourire.
" Je suppose que c'est pour le mieux. Il te faudra sans doute de la chance... beaucoup de chance... pour le trouver là-bas, mais c'est l'occasion de voir si sa déesse est un peu de ton côté..."

[Althéa]

Amélie acquiesça. Savoir que les probabilités lui étaient défavorables ne l'effrayait pas contrairement à son aînée. Elle était une incorrigible optimiste. Bien sûr, la grande inconnue était la réaction de Brandon Devlin une fois qu'elle l'aurait trouvé. Sa seule certitude était qu'elle n'avancerait pas sans le rencontrer. Dame chance ne commandait pas les sentiments. Et pour le reste ...

"Est-ce que tu le connais bien ? Tu penses qu'il voudra me parler ? Ou qu'il se mettra en colère s'il apprend que je l'ai suivi ?"

Elle préférait savoir à quoi s'attendre.

[Galathée]

" Je ne pense pas qu'il te repoussera au moment où tu l'auras trouvé. Mais je ne crois pas qu'il te facilitera la tâche pour autant. Il n'est pas homme à se mettre en colère : tu n'as rien fait de mal, et il le sait. Tu ne dois pas avoir peur de lui."
Elle pinça les lèvres.
" Mais tu ne dois pas en attendre trop non plus. C'est le plus sage."

[Althéa]

"Je sais ..., murmura Amélie soudain songeuse, et je ne sais pas comment je réagirais à sa place. Peut-être pas très bien. Mais tu vois, c'est pour ça que j'aimerais le voir. Pour lui dire qu'il n'a pas besoin d'avoir peur ou d'être en colère ou je ne sais quoi. Juste lui dire que ... ça va .. et que j'aimerais qu'il en soit pareil pour lui. Si bien sûr Tymora est d'accord qu'on se rencontre."

Elle se répétait beaucoup et avait même l'impression de radoter. Son sourire revint vite.

"En tout cas, je suis déjà tellement heureuse de vous rencontrer."

[Galathée]

" Et nous de même, dit Korridwen avec le sourire. Mais nous t'avions déjà un peu rencontrée, via tes lettres. Tu es comme prévu. Et tu leur ressembles. A Morgan, à Brandon. Plus à elle qu'à lui, indéniablement, mais c'est un peu obligatoire, je suppose. Il faudra que tu nous racontes tout, ce soir... mais va d'abord chercher tes pigments : tu auras l'esprit plus libre ensuite."

[Althéa]

Elle était comme prévu et elle leur ressemblait à tous les deux. A ce stade, Amélie ne savait plus vraiment si c'était une bonne chose ou une mauvaise chose. Elle décida que jusqu'à preuve du contraire, c'était une bonne nouvelle. A part bien sûr pour le hoquet et elle espérait connaître celui ou celle qui en était responsable. Elle ressemblait aussi de par certains de ses goûts ou ses habitudes hérité de ses deux parents adoptifs. Le tout constituait un mélange plutôt ... détonnant.

"Tu as raison. Je vais aller choisir les pigments. C'est la première fois que j'y vais toute seule mais je devrais pouvoir me débrouiller."

Elle se redressa, presque fièrement.

"Je vous raconterai."

Et avec ça, une foultitude de choses comme un certain mariage qu'elle préférait leur annoncer de vive-voix.

"Je reviens alors.", dit-elle en partant, aussitôt suivi par une paladine silencieuse.

hrp : je poste aux commerces du port, du coup

[Althéa]

Encore quelques heures et elles revinrent frapper à la porte de la chapellerie. Elles étaient restées un long moment dans le parc, un peu parce qu'elles se trouvaient bien où elles se trouvaient, beaucoup parce qu'Amélie s'était endormie. Heureusement, son aînée avait surveillé la course du temps. Elles étaient reparties à l'Ombre de l'arbre histoire de faire un brin de toilette et se changer. Si la paladine était restée dans le registre manostien pour sa coiffure et sa tenue - un chignon laissant dépasser quelques mèches, une chemise et un pantalon d'été (les mêmes qu'elle avait porté lors de sa première venue à Luménis), sa cadette quant à elle avait laissé derrière elle la grisaille. Pas d'extravagance. Elle avait pris de temps de tresser ses cheveux et avait opté pour une chemise à manches courtes et évasées légèrement bleutée et une jupe longue. Rien d'extravagant. Juste la tenue d'une jeune personne qui avait la chance de ne pas vivre à Manost.

Lorsqu'elle était descendue, Angèle avait manqué ne pas la reconnaître. Voyant son air surpris, elle avait été inquiète. Elle avait secoué la tête.

"C'est juste que ça change ... en bien. C'est tout."

Elles avaient donc frappé à la porte, Amélie étant impatiente de rencontrer la famille Novembre et Angèle était un tantinet inquiète pour une raison qu'elle ignorait mais peut-être était-ce là son état naturel.

[Galathée]

Les Novembre les accueillirent avec bonheur. Ce fut Gwenaëlle qui ouvrit la porte, à moins que ce ne soit Korridwen, et elle les accompagna jusqu'à l'étage, où la table était mise. Dans la pièce se trouvaient les deux maris, identiques comme leurs épouses, ainsi que les sept enfants, et tout le monde fut présenté à Amélie. Il y avait Corentin et Jehan, les maris identiques, puis la marmaille — Blanche, Achille, Hugo, Anna, Pierrick, Eva, Owen — aussi agitée qu'autrefois, filles et garçons mélangés, en ce compris le petit medium qui avait parlé à Angèle autrefois et qui a la seconde présente paraissait aussi ordinaire que n'importe quel autre enfant. Ils se chamaillèrent pour faire passer les bols de noix et de légumes qui servaient d'apéritif, se chamaillèrent pour donner leur verre aux invitées, se chamaillèrent pour choisir leur place à table. La soirée serait certainement animée. Cela n'avait pas l'air de troubler leurs parents plus que ça.