La Couronne de Cuivre

L’apparition subite de l’intendant manqua faire hurler Albérich. Il se contenta de le dévisager, les yeux écarquillés, comme s’il avait croisé Talos en personne. Mais il se reprit rapidement, le cœur battant.
« Je… Oui… Où tu veux… » balbutia-t-il.
Sans rien ajouter, il emboîta le pas de Marcus qui retraversa le sanctuaire et l’entraîna dans les jardins. Le ciel était toujours gris, le soleil toujours invisible. Ils descendirent les quelques marches du perron et s’engagèrent dans une des allées circulaires qui contournaient les massifs floraux de Garance. Albérich demeura en retrait, tentant de reprendre son souffle. Le trouble de Marcus avait certainement masqué le sien, mais il avait peine à récupérer sa prise sur le réel.

Marcus avançait au hasard. Semblait sur le point de s'arrêter, parfois, de parler. Mais il reprenait aussitôt sa marche erratique, les lèvres serrées, les mains crispées sur ses parchemins. Il finit cependant par se laisser choir sur un banc, comme s'il était épuisé, comme s'il ne pouvait plus faire un pas supplémentaire.
Il garda les yeux baissés, sur ses mains. Le leva sur les massifs environnants, sur les arbres, l'herbe, le ciel gris. Regarda partout sauf en direction d'Albérich.
-Je te présente mes excuses... dit-il enfin, d'une voix mal maîtrisée. Je n'ai pas agi avec toi comme j'aurai dû le faire. Je me suis laissé guider par la colère. Je t'en demande pardon.

Albérich s’immobilisa mais ne s’assit pas. Il ne regarda pas vers Marcus. Il l’avait attendu toute la nuit, sans vraiment se l’avouer. A présent que l’intendant était devant lui, renonçant, il se sentait curieusement vidé.
« Je comprends ta colère. » souffla-t-il simplement. « Je suis en colère, moi aussi. Je voudrais que tu comprennes… je n’ai jamais eu l’intention de te trahir. Je sais que tu as dû porter le Temple seul en mon absence… et que tu l’as fait pour moi, en partie. Et que mon départ doit te sembler comme un désaveu, mais… Il n’en est rien. Je sais que tu ne veux pas de la charge, et je sais que de toute façon, il y a une procédure à respecter… Mais tu ferais un bon Aubemestre, à n’en pas douter. Soit… Tu n’étais pas venu parler de ça. J’accepte tes excuses, Marcus. Accepte les miennes. Ne me laisse pas partir avec l’impression que tu me hais. »

Albérich resta silencieux une seconde.
« Je sais. » fit-il. « Et je sais que quelque part, je joue leur jeu. Que quelque part, ils ont gagné et j’ai perdu. Nous avons perdu. »
Il se tut et s’assit près de l’intendant.
« On ne peut pas toujours gagner. Mais ce n’est qu’une manche. Je suis le pion écarté. Vous avez encore mille occasions de reprendre le dessus, et vous le ferez. Parce que… »
Lathandre veille.
« Parce que vous en avez la force. »
Il soupira et se frotta doucement le visage.
« Je devrais partir, je ne peux pas être ici quand le soleil se lèvera. Vous avez besoin d’une aube claire, nous avons tous besoin de mettre ceci derrière nous. »

-Tu sais, je ne tarderai pas à partir aussi... A laisser cela derrière moi... souffla-t-il.
Il se tut. La phrase semblait lui avoir échappé, et il s'empressa de farfouiller dans ses poches, en tirant une bourse rebondie qu'il posa d'autorité dans la main d'Albérich.
-Nous ne recevons pas de salaire, mais il y a des somems allouées pour les déplacements, pour les situations exceptionnelles... Il était hors de question de te laisser repartir sans le sou. Ne proteste pas : c'est déjà inscrit sur les livres de compte. Et tu connais mon horreur pour les ratures et autres rectifications tardives...

Albérich était touché par le geste de Marcus, tenté de répondre par une boutade, mais la petite phrase que l’intendant avait laisse filer par mégarde n’était pas passée inaperçue. Il le dévisagea une seconde, inquiet, puis grimaça. En même temps, de quel droit aurait-il reproché quoi que ce soit à Marcus ? A quoi pouvait-il prétendre ? Il n’était plus personne, sinon celui qui tourne les talons.
« Tu ne vas pas rester ? » murmura-t-il.

« Maelwedd a profité de l’ouverture, ça ne me surprend pas. » souffla-t-il. « Ils me trouvaient déjà tous trop jeune et trop inexpérimenté, je n’ose pas imaginer comment tu as été reçu… »
Il posa une main amicale sur l’épaule de Marcus.
« Je suis désolé que tu sois passé par là et je comprends cette rancœur. Mais dis-toi que jamais Maelwedd ne sera ré-élu démocratiquement. Il a saisi sa chance et je pense, même si c’est quelqu’un que je ne porte pas dans mon cœur, qu’il va faire du travail utile, à défaut d’être le conseiller dont nous pourrions rêver. Nous reviendrons. Et va te ressourcer… »
Il s’interrompit.
« Pardonne-moi. Je suis la dernière personne qui devrait donner ce genre de conseils… »
Il secoua la tête.
« J’espère que tout ira bien pour toi, Marcus. Tu as un potentiel gigantesque et tu es déjà un clerc de qualité. J’ai promis de me relever, tu dois en faire de même. »

L'intendant le dévisagea un instant. Sourit.
-Oh, tu sais... Je ne suis pas inquiet pour moi. Je ne pense même pas que j'ai besoin de me relever... Je dois juste m'apaiser, expulser cette hargne.... En m'attaquant à des livres de comptes bancals, mal ficelés, bourrés d'erreur... Ou en labourant un champ, pourquoi pas. Quoi que je ne sois pas très sûr, pour cette deuxième option : lorsque j'ai proposé à Garance d'aller biner ses parterres, elle m'a regardé comme si j'étais malade, m'a dit de ne pas bouger, qu'elle allait me préparer une tisane...
Il se frotta les yeux. Etira sa carcasse moulue.
-Et je ne crois pas que tu sois mal placé pour donner des conseils. Au contraire. Si, comme on le dit, la sagesse naît des épreuve que l'on traverse, je n'ose même pas imaginer à quel point tu es sage. Même si j'en ai eu un aperçu à travers ton discours... Beaucoup pensent comme moi, sois en assuré. Beaucoup te comprennent. Très peu t'en veulent, en revanche. Et encore sont-ils ceux qui, à ma manière, ont envie de revanche... Ce qui n'est pas très lathandrite. Ce qui s'est produit est une épreuve pour nous tous. A nous de faire en sorte d'en tirer de la sagesse. Mais... je ne suis pas très inquiet non plus à ce niveau là. Déjà, certains des nôtres œuvrent en ce sens. La colère et la révolte ne gagneront pas le Temple. Les Lathandrites continueront à travailler avec leurs outils, sans haine. Patiemment. Pour Luménis et ses habitants. C'est la seule chose qui compte.

« Oui, je n’en doute pas. »
Le ciel devenait dangereusement clair. Bientôt il crèverait pour révéler le jour. Les Lathandrites s’étonneraient de l’absence de Marcus. Et Albérich devait absolument partir. Il se leva.
« Tu es attendu et je dois partir. Merci pour… Merci pour tout. » fit-il en jetant un regard désolé sur la bourse, qu’il glissa dans la poche de son manteau.
« Mais nous nous reverrons. D’ici là, je te souhaite de trouver la paix. » ajouta-t-il.

Marcus s'était levé.
-Oh, j'espère bien que nous nous reverrons ! Et en attendant, le courrier existe toujours. Si tu as besoin... ou envie de me contacter, écris au Temple. Ils sauront où me trouver.
Il prit la main d'Albérich, la serra un instant.
-Bonne chance. Repose-toi, ressource-toi... Prends ton temps. Et à très bientôt.
Puis, sur un ultime sourire, il prit la direction du temple. L'office du matin n'allait plus tarder.

Arya n'était pas une disciple de Lathandre, mais elle lui faisait confiance pour la mission qu'elle s'était imposée. Le chemin entre sa demeure et le temple avait été rude et les derniers mètres furent un dur combat. Tout comme son petit protéger, elle était épuisée, mais leurs visages reflétaient le satisfaction d'enfin pouvoir imposer un tourment à ceux qui avaient de leurs vivants et de leurs morts fait souffrir plus qu'il n'était acceptable. Leurs biens ne leur était pas enlevés, mais ils se verraient démunis pour ne pas oser entrer ou, si le démon les prenant ils s'imposaient, leur dernier instant sonnerait.

L'elfe avait choisi ce lieu saint car elle ne pouvait s'approprier des biens si mal acquis, et ne pouvait pas plus les donner aux risques que les spectres viennent à tourmenter les nouveaux propriétaires.

Ici, elle savait que bon usage serait fait et que ceux qui étaient dans la misère verrait celle-ci s'adoucir un peu, surtout jamais ils ne seraient menacer et les Lathandrites sauraient donner le châtiment ultime aux esprits venimeux.

Protégeant au mieux Podrick en se tenant derrière lui, devant faire de grands efforts pour y arriver, la magicienne frappa de grands coups sur la porte tout en hurlant pour se faire entendre de l'enfant.

Ici, nous réunissons toutes les garanties pour que nos voeux s'accomplissent.

Podrick acquiesça. Moins de deux minutes plus tard, la porte s'ouvrait, laissant filtrer une lumière tamisée et révélant un jeune clerc, vêtu de pied en cap mais les yeux gonflés de sommeil. Peut-être un veilleur endormi par inadvertance...
-Que puis-je pour vous ? marmonna-t-il d'une voix polie mais encore rauque.
Puis il aperçut les spectres, derrière la magicienne et l'enfant... Et en demeura bouche bée, pour le coup.

Presque sans aucune attention pour le clerc qu'elle retint tout de même afin qu'il ne parte pas à la renverse, la magicienne poussa Podrick à l'intérieur, s'engouffra derrière lui et claqua la porte sans autre forme de procès avant de lâcher le sac et déposer la caisse sur le sol

Dehors, les spectres fulminaient, de grands coups étaient frappés sur la porte, non qu'ils souhaitaient qu'elle fusse à nouveau ouverte pour pénétrer dans le sanctuaire, de cela ils n'en avaient pas besoin, mais ils étaient évident qu'ils redoutaient ce qui allaient les attendre dans ce lieu dédié à Lathandre s'ils tentaient de retrouver leurs biens.

La magicienne sentait son âme vibrer à leurs cris sortant du fond des ténébres, chaque hurlement lui semblait absoudre une larme qu'ils avaient fait verser à son petit protéger. Elle se laissa tomber radieuse sur la caisse attira Podrick dans ses bras et bien qu'elle aurait préféré les laisser hurler des heures durant, elle songea aux habitants de la demeure et d'une voix redevenue douce elle s'adressa au jeune clerc.

Si vous alliez réveiller un prêtre avant que toute la maisonnée se retrouve ici, ce serait une bonne chose.

Puis, elle s'adressa à l'enfant et le regarda espérant que lui aussi ressentait une certaine paix maintenant qu'il pouvait comprendre quel avait été le plan de la magicienne.

Penses-tu qu'ainsi ils seront correctement punis ?

Le gamin sourit.
-Pour l'instant, ils sont sacrément en rogne, donc, ça me va ! Mais j'attends... l'a... la pothénose finale. Enfin, le moment où ils vont vraiment exploser, quoi !
De son côté, le jeune clerc n'avait pas esquissé le moindre mouvement. Il dévisageait les nouveaux venus, jetait parfois des regards à la porte...
-Je suis un prêtre, finit-il par dire, toujours poli malgré son trouble. Et j'ai en charge l'accueil des visiteurs nocturnes. Avant d'aller réveiller l'un ou l'autre de mes confrères, il faudrait que vous m'expliquiez ce qui se passe, et la raison pour laquelle vous avez conduit ces spectres ici.

Après avoir caressé les cheveux de Podrick dans un geste tendre, elle lui glissa dans l'oreille.

L'apothéose qui sait quand elle arrivera, personne ne peut le dire en l'instant, mais elle viendra.

Puis, elle se tourna vers celui qui était trop jeune pour être déjà prêtre, tout en fronçant les sourcils, mais peu importe qui il était et elle lui fit un grand sourire le visage à nouveau détendu.

Nous n'avons pas réellement conduit les spectres ici, enfin pas dans le sens où vous le pensez certainement. Disons qu'ils sont en quelques sortes propriétiares de ces sacs et de cette caisse et qu'ils nous ont suivis jusqu'ici. Nous n'avons eu d'autres choix au vu de leur comportement non seuleument pour qu'ils cessent de nuire, mais également pour que ce que contient ces sacs et cette caisse reviennent à ceux dans le besoin.l

Alors afin de ne pas avoir à narrer l'entier de l'histoire plusieurs fois et y passer la nuit, je pense qu'il serait bon de savoir si vous prenez en charge les biens que vous nous apportons, ce qui inclus les spectres ou si vous pensez qu'il vaut mieux que l'un ou l'autre de vos pairs soit présent. Pour moi, cela m'importe peu, mais si vous ne prenez pas de décision rapide, ils seront de toute façon réveillés et forcément de fort mauvaise humeur.

Dehors, les coups se faisaient de plus en plus intenses, la lourde porte vibrait. Les esprits semblaient vouloir la faire voler en éclats.

Le jeune homme, qui s'efforçait de paraître imperturbable, se frotta le menton.
-Voilà une affaire d'importance... Je pourrais techniquement prendre ces biens en charge, mais je préfère consulter mes supérieurs. Reste à savoir lequel serait le mieux à même de...
-Ne t'inquiète pas : je vais m'en occuper, fit une voix, derrière lui.
Un homme venait de faire son apparition. Un homme aux dimensions colossales, haut de plus de six pieds et demi, aussi large d'épaules qu'un taureau, aussi vert qu'un jouvenceau malgré sa barbe grisonnante.
-Bien, Aubemestre... fit le clerc en s'inclinant.
Le colosse lui adressa un sourire chaleureux, puis se tourna vers Arya et Podrick.
-Madame, .jeune homme... fit-il en les saluant courtoisement. Je pense être à même de répondre à votre requête. Pourriez-vous m'expliquer de quoi il retourne, et ce qui amène une telle fureur à marteler les portes du Sanctuaire ?

L'arrivée de l'aubemestre semblait avoir calmé un peu les esprits qui se faisaient moins bruyants, mais dans leur cupidité moribonde, ils n'arrivaient pas à devenir silencieux et l'elfe qui y était particulièrement sensible sentait régulièrement la présence de l'un d'entre eux, venant propablement surveiller ce qui se passait à l'intérieur.

Le visage d’Arya marqua sa surprise en voyant apparaître l’Aubemestre, alors qu'elle se levait pour le saluer, elle fit un pas en sa direction tout en souriant.

Bonsoir Aubemerstre, croyez que je suis désolée de frapper à votre porte à une heure aussi tardive ou trop matinale, mais nous sommes dans l’urgence et nous n’avions pas d’autre choix. Je me présente, Arya du Varden et voilà mon pupille, Podrick. Je vais tenter d’être brêve tout en vous éclairant au maximum.

Il y a quelques mois, j’ai acquis une demeure confisquée à un Morféen, certes je ne le regrette aucunement, mais lors de l’exploration, nous avons découvert que des âmes errantes retenues par des biens matériels hantaient le sous-sol. J’ai pu convaincre la plupart d’abandonner ce qui les retenaient ici bas, que leurs biens seraient soient rendus à ceux à qui ils avaient été volés, soit à leur famille. Trois d’entre eux n’ont rien voulu savoir. De ce que j’ai pu apprendre, il s’agirait de deux rouges et le troisième probablement d’un pauvre homme qui a cru que s’allier au démon lui apporterait gloire et reconnaissance. J’ai peut-être fait une erreur en acceptant qu’ils restent dans les sous-sols, j’avais leur parole qu’ils ne se risqueraient jamais dans le reste de la maison et j’avais osé espérer qu’un jour ou l’autre, je les convaincrai d’abandonner leurs biens et qu’ainsi ils quitteraient cette terre à tout jamais.

Le visage de la magicienne se marqua douloureusement en revoyant le petit enfant nu et terrorisé et elle continua, sa voix vibrant de son indignation et marquant nettement la douleur qu’elle avait découverte chez son petit protéger.

Mais cette nuit, ils sont allés dans la chambre de mon pupille alors que je travaillais dans mon laboratoire et l’ont torturé, comme au moins l’un d’entre eux l’avait fait de son vivant, alors qu’il se servait de lui comme esclave. Dès lors, il n’était pas possible de les laisser là et agir immédiatement était le seul moyen, malgré ce qu’ils redoutent, je n’ai pas le pouvoir de les faire disparaître, mais je sais que vous le pouvez.

L’elfe pointa du doigt les deux sacs et la caisse. A ce moment, un hurlement sinistre raisonna et une violente poussée se fit sur la porte qui heureusement fort solide ne fit que vibrer, mais ne s'ouvrit pas.

Ceci sont leurs biens et les raisons du désordre qu’ils sèment, enfin ce qu’ils estiment être leur. Comme ils n'ont rien voulu dire, nous ne savons pas qui sont les propriétaires et il va de soi que je ne veux en aucun cas les garder, ils sont le fruits de larcins, de monstruosité. Alors Podrick a suggéré qu’ils soient donné aux démunis. En venant ici, nous savions mettre en de bonnes mains ces quelques richesses pour qu’elles soient distribuées à ceux qui sont dans le besoin et qu’en aucun cas vous ne craindriez leurs propriétaires. J’espère que j’ai été suffisamment claire, si vous avez des questions, j'y répondrai.

Le colosse avait écouté Arya avec attention et gravité. Lorsqu'elle en eut terminé, il hocha la tête, signe qu'il avait compris de quoi il retournait sans qu'il fût besoin de davantage de précisions.
-Nous n'en finirons donc jamais de découvrir les blessures laissées par cette maudite guerre... murmura-t-il. Mais au moins, nous pourrons guérir celle-ci...
Il se redressa, jeta un regard à la caisse et aux sacs, avant de déclarer, solennel, de son timbre profond de basse :
-Moi, Alaric d'Antélucas, Aubemestre de l'Eglise hélonnienne de Lathandre, accepte ce don et promets qu'il sera utilisé à bon escient, pour aider les pauvres et les plus démunis.
Puis il se tourna vers la porte.
-Si quelqu'un s'oppose à cette transaction, qu'il se manifeste dans l'instant ou se taise à jamais.

Nullement impressionné par la colère du spectre, en rien gêné par la tourmente qu'il avait suscitée - sa stature l'en protégeait -, l'aubemestre, fermement campé sur ses pieds, darda un regard intense sur la créature.
-Si Lathandre n'aime pas les non-morts, il est aussi le dieu des secondes chances, des nouveaux départs. Ainsi, plutôt que de vous laisser souiller son sanctuaire par votre haine et votre cupidité, je vais vous offrir une chance de rédemption... dans l'au-delà. Puissiez-vous y expier vos fautes et, qui sait, trouver la paix.
Sans tarder, il se mit à incanter. De ses mains jaillit bientôt une lumière vive, éblouissante, aveuglante, et un vent chaud qui combattit, puis absorba celui créé par l'ancien Garde Rouge. Arya et Podrick ne purent rien voir, mais ils entendirent ses hurlements qui allèrend d'abord croissants, puis s'atténuèrent, disparurent...
-Ainsi soit-il, dit Alaric à la magicienne lorsque tout fut terminé. Lui au moins ne viendra pas hanter nos novices : nous en avons des aussi jeunes que votre garçon.
Il se tourna alors vers les deux spectres restants.
-Que va-t-on faire de vous ? Quitterez-vous ce monde de votre plain gré, ou faudra-t-il vous y... encourager ?

La magicienne n'avait peut-être rien vu, mais si elle reprochait aux Lathandrites certaines légéretés dans les moeurs, là elle leur en était reconnaissance de voir l'aubemestre agir avec autant de bon sens. Pourtant, ses tympans battaient forts d'avoir été trop agressés et elle ne put qu'être soulagée lorsque les cris s'estompèrent avant de disparaître. Malgré la douleur, elle sourit tout en espérant que les autres spectres prendraient la sage décision d'abandonner leurs biens et de s'en aller ainsi repenti, certes le paradis ne leur serait pas ouvert, mais leur geste serait sans doute reconnu en leur faveur.

Les espoirs de l'elfe furent à moitié exaucé lorsque le spectre de l'homme qui n'avait en réalité que suivi les rouges par indigeance et incrédulité s'exprima d'une voix appeurée dans laquelle il était évident qu'il regrettait les faits passés tout comme la souffrance qu'il avait fait subir à l'enfant. La sincérité teintait ses mots.

Podrick, je suis désolé, je m'en vais, tout cela ne fut qu'une mascarade.

A peine ses mots prononcés, son aura faibli et rapidement il disparaut, ne restait que le deuxième rouge qui lui ne souhaitait pas subir le même sort que celui qui fut son supérieur, mais qui n'avait pas plus envie de voir ses biens dilapider.

Il faisait le va et vient entre l'extérieur et l'intérieur du temple, ne sachant pas vraiment qu'elle position adopté, trop cupide pour offrir aux nécéssiteux ces biens, pas assez ignorants pour souhaiter subir le châtiment de l'aubemestre.

Lorsque le premier spectre s'était adressé à lui, Podrick était demeuré immobile... puis avait acquiescé juste avant que l'autre ne disparaisse. Sans doute était-il encore trop en colère, trop sous le coup des épreuves subies pour verbaliser son pardon. Mais... il l'avait manifesté tout de même.
Quant à l'aubemestre, il concentrait son attention sur le fantôme restant, observait ses va-et-viens... Il finit par faire un pas dans sa direction.
-Vous ne pouvez rester ici, dit-il calmement, d'une voix douce et pénétrante. Je crois que si vous partiez de vous-même, ce serait une première étape pour votre apaisement, pour expier vos fautes... Mais s'il vous est impossible de vous résoudre à le faire, alors, je serai contraint de vous envoyer moi-même dans l'au-delà. Comme je le disais, vous ne pouvez rester ici : le Sanctuaire n'est pas un lieu pour les non-morts.

Le spectre semblait prêt à céder à la proposition de l'aubemestre et il se tint calmement face à lui bien qu'en son for intérieur il n'en pensait pas moins et, alors que l'elfe se détendait, non seulement rassuére, mais surtout ravie de voir qu'il était prêt à partir de lui-même, soudainement, se fut une tornade de haine et de violence qui s'abattit sur l'elfe et l'enfant.

Vengeance, j'aurai ma vengeance...

Comme une tornade, le fantôme se jeta sur eux, la force qu'il engendrait les fit basculer et si Arya tenta de protéger au mieux l'enfant, elle ne put éviter que les hauts cris qu'il émit ne viennent faire hurler de douleur ses tympans et tout en faisant un rempart de son corps pour protéger Podrick, elle tenta de protéger aux mieux ses oreilles.

Elle savait que ce suplice ne durerait pas longtemps, mais si peu que ce fut. c'était déjà trop.

Tempête.
Hurlements.
Podrick qui crie. De terreur ? De douleur ?
Le froid, surtout, comme le spectre, non content d'user de ses pouvoirs, se jette tout entier contre ses adversaires.
Lumière, à nouveau.
Brise estivale.
Plus rien. .
-Et nous voilà débarrassé de celui-ci... fait alors Alaric, d'une voix qui semble très lointaine à Arya.
Bruits de pas qui s'approchent.
-Vous allez bien ? Rien de cassé ?

Etourdie par les cris, un douleur vive assaillant toute sa tête dès que les hurlements fusèrent, la magicienne n'avait pas eut le temps d'avoir peur lorsque le spectre s'était jeté sur eux et que la mort froide était venue les envelopper, mais consciemment, elle s'était rendue compte de ce qui se passait et faisant confiance à leurs hôtes elle n'eut pas d'inquiétude pour leur vie, mais elle ne put faire autre chose qu'entourer l'enfant d'amour en le serrant fortement contre elle pour tenter en vain de le rassurer et le protéger.

Lorqu'elle releva les yeux, alors que tout était fini, ressentant une grande paix intérieure à la douceur qui vint les envelopper et que la voix lointaine de l'aubemestre se fit entendre, un filet de sourire sur les lèvres, sans pouvoir retenir les larmes qui coulaient, les hurlements du spectre auxquels étaient venus s'ajouter ceux de terreur de l'enfant, ayant profondément affecté son ouie et la souffrance étant si vive, qu'elle ne pouvait pour l’instant se relever. Elle n'eut que la force de serrer encore plus fort Podrick tout en lui parlant tendrement.

C'est fini Podrick, ils sont partis et vont devoir payer pour tout le mal qu'ils t'ont fait.

Avant de s'adresser à l'aubemestre d'une voix qu'elle aurait voulu plus claire et assurée.

Merci, ils ne feront plus de mal dorénavant. Pour ma part, cela ira, c'est juste mon ouie trop sensible qui me joue un mauvais tour.

Elle souleva le visage de son petit protéger, elle était plus inquiète pour l'enfant, qu'il ait pu se faire mal et surtout que par le froid l'au-delà et les hurlements, la terreur qu'il avait dû ressentir de ne l'ait trop affecté.

Et toi Podrick ?

Le gamin était très pâle, et ses lèvres bleuies trahissaient le froid intense qu'il éprouvait. Sans parler de son regard, terne, flou, presque vitreux...
Mais il parvint à acquiescer faiblement.
-Le spectre a dû réussir à l'atteindre... fit l'aubemestre en s'agenouillant auprès de lui. Cela pourrait lui faire courir un grave danger si celui-ci était toujours dans notre monde, mais maintenant que je l'ai repoussé... Votre garçon devrait se remettre rapidement. Une bonne nuit de sommeil, voir un petit sort dont je peux me fendre, si vous le désirez, et il n'y paraîtra plus.

Podrick semblait si mal en point que lorsque l'aubemestre émit qu'il pourrait courir un grand danger, la magicienne sentit son âme se déchirer et étreignit tendrement l'enfant, durant cette fraction de seconde qui précéda des mots plus rassurants, elle ne fut pas loin de hurler de douleur. Heureusement que la suite fut rassurante et devant le triste état dans lequel il était, Arya n'hésita pas une seconde.

Pourquoi attendre, je vous fais confiance, nul besoin de le laisser ainsi, sa vie a été suffisamment difficile pour qu'il ne pâtisse pas de longues heures des méfaits des âmes noires.

L'elfe était profondément attristée de n'avoir pas su protéger le garçonnet et bien que parfois elle se projetait dans cet avenir, bien trop proche au vu de sa longévité, où la vieillesse l'emporterait, jamais elle n'avait pensé que la disparition de Podrick pourrait autant l'affecter.