La Couronne de Cuivre

Quête : Tel est pris qui croyait prendre.

Astrée devinait la frustration de son compagnon à quatre pattes, qui rêvait sans doute de pouvoir se transformer pour la rejoindre, mais savait ne pas pouvoir le faire tant qu'il y aurait du monde à proximité. Elle l'encouragea à profiter de ce moment de pause forcer pour se restaurer et se désaltérer.

Elle redressa la tête en entendant la porte s'ouvrir.
- D'accord, répondit-elle simplement à l'inconnue.. Nous vous suivrons.
Elle entreprit aussitôt d'obéir à l'ordre qui lui était donné, dénouant les bandeaux de ses compagnons afin qu'ils découvrent à leur tour la pièce nue et sombre où on les avait enfermés.

Son épaule bandée la faisait à nouveau souffrir, et elle craignait que la blessure causée par le harpon ne se soit rouverte au cours de leur long trajet dans la forêt. Elle avait conscience qu'ils ne paraîtraient pas à leur avantage face à leurs juges, avec leurs vêtements en loques, les sandales de fortune du jeune mousse, les torses nus de Kasumi et Zaïu. Mais même si leurs "hôtes" les avaient laissé se changer, ils avaient tout perdu dans le naufrage de toute façon...

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Kasumi se mit debout dès qu'astrée eut ôté son bandeau. Il avait du mal à réprimer un regard peu amène à l'adresse des elfes et dut se concentrer sur ses compagnons. Les nouveaux venus n'avaient pas meilleure allure qu'eux et semblaient tous aussi épuisés. L'humeur sombre, le demi-elfe s'approcha d'Astrée pour se tenir à ses côtés dans cette épreuve, craignant de vivre ses derniers instants.

Damant se mit debout en plissant les narines pour ajuster son bandeau sur son oeil puis secoua sa tête en arrière pour enlever ses cheveux de sa figure avant de poser un regard atone sur leurs geôlières.
Il sourit légèrement en croisant le regard de leurs compagnons retrouvés et vint se placer à la file derrière Kasumi, devant Joon et Arthur auxquels il adressa un clin d'oeil.

Ne faites pas ses têtes là les amis, ces dames vont nous conduire à leur chef, un peu d'enthousiasme!
Avouez que c'est assez pittoresque : Nous aurons peut être l'insigne honneur d'être arbitrairement condamnés pour être rescapés d'un naufrage et s'être perdu en route!

Il assena ses dernier mots le regard dardé sur la fille qui dirigeait peu avant leur embuscade. Puis, avec un soupir d'agacement, se mit en rang en regardant par dessus l'épaule du couple de rodeurs. Ajoutant a mi voix avec une ironie à peine voilée :

Tss... Il faut avouer que tout ce que nous avons fait est abominable! survivre tant bien que mal, quels monstres!

Arthur suivit le mouvement sans trop se poser de questions. Entre les railleries dangereuses de Damant, le faux optimisme d'Astrée, la folie douce de Zaiu et la mine de condamné de Kasumi, ils étaient mal embarqués, à n'en pas douter. Mais à quoi bon s'en faire : ils étaient de toute façon désarmés et il n'imaginait pas que la courte audience qu'on leur avait promise allait changer grand chose à une décision que les amazones avaient probablement déjà prise. Il se demanda si ses amis et collègues, lorsqu'ils avaient été fait prisonniers des Sharites dans ce donjon qu'il n'avait jamais vu, avaient ressenti la même lassitude que lui, le même calme devant l'inévitable. En même temps, il ne parvenait pas à être réellement inquiet : s'ils n'étaient pas tués par ces furies, ils le seraient le lendemain par un mage fou ou un serpent géant. Finalement, chaque minute qu'ils avaient gagnée sur la mort, sur cette île, était déjà un sursis inespéré : ils auraient pu couler avec tout l'équipage de la Nébuleuse, des jours plus tôt. On racontait toujours les récits aventureux de rescapés qui parvenaient à regagner leur cité natale ou à débaucher un bateau de passage, mais il était plus que probable que la majorité d'entre eux finissent entre les crocs d'un requin, victimes d'une maladie exotique, de pirates cannibales ou d'une lame de fond.
Ils ne dépareilleraient pas. Le tout était de partir dignement, s'il fallait partir. Bon, avec une belle éraflure en plein visage, une centaine de piqûres de moustiques un peu partout et les bras ankylosés, ce serait probablement un peu difficile, mais tout était dans l'attitude. Ensuite, Lathandre ouvrirait les portes d'Eronia aux braves.
Il poussa un petit soupir, se redressa et s'efforça de demeurer impassible.

La lumière envahissant les ténèbres par la porte entre-ouverte fit d'abord violence aux rétines de Zaiu recluses dans l'obscurité depuis nombre d'heures. Heureusement, des apparitions féminines aux courbes suaves et exotiques apportaient un peu de douceur à ce monde de brut ! C'est seulement ensuite qu'il porta son regard sur ces compagnons retrouvés. Tous pareils à leur dernière rencontre après un mois de navigation ! Mais avec une odeur un peu plus ... corsée, et des cernes plus creusées aussi.
Zaiu se demandait si ses compagnons avaient aussi été taxés d'envahisseurs ? Il et vrai que le discernement des autochtones laissaient à désirer, comme le soulignait d'ailleurs Damant. Du coup, dans cette peuplade reculée (arriérée ? ) sur quoi ce fondait la légimitait de la chef ? Il se rappela alors l'histoire d'Av Enturier : un héro gnome peu connu (et peu malin aussi) qui parti explorer le nord et pour en apprendre plus sur les peuplades orcques. Malgré son visage peinturluré en vert, il fut rapidement "appréhendé" par "les forces du désordre" et mené au "cerveau" de la tribu ! il s'aperçut que le chef n'avait pas la plus grosse boite crânienne mais le plus gros tour de biceps ! A partir de là, la question était toute ouverte : dans une tribu de femme (dont les muscles ne gonflent pas autant que les hommes), quelles sont les attributs de la souveraineté de la chef ?

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

L'amazone avait jeté à Damant un regard lourd de mépris... et d'hostilité.
-Prenez garde, monsieur langue bien pendue : si vous continuez à agiter celle-ci à tort et à travers, nul doute que d'autres, moins patientes que moi, vous la trancheront sans la moindre hésitation. Beaucoup d'entre nous pensent que privés de certaines de leurs appendices, les mâles sont bien moins arrogants...
L'instant suivant, on les faisait sortir de la cabane. Entourés d'un imposant cordon d'archères aux aguets, on les mena à travers le village, jusque face à une bâtisse un peu plus imposante que les autres : devant elle se massait la foule des habitantes. Si les plus jeunes étaient absentes - sans doute couchées, car la nuit devait être tombée depuis bien longtemps -, toutes les autres semblaient s'être rassemblées ici.
Elles s'écartèrent, dégageant un cercle où les naufragés purent se tenir, visibles de toutes ; les archères, cependant, allèrent se poster au premier rang des spectatrices. Sans doute pour éviter des incidents : l'animosité ambiante était plus que palpable, se mêlait à autre chose de plus insidieux. Comme... de la gourmandise ?
Seule Astrée écopait de regards plus amènes, emplis de sympathie sinon de compassion. Les amazones la plaignaient manifestement de devoir partager la compagnie de ces hommes.
La porte de la cabane s'ouvrit brusquement, et le silence se fit comme apparaissait une femme. Grande, svelte, d'une beauté sévère, elle était aussi simplement vêtue que ses consœurs. Néanmoins, l'autorité et l'assurance qui émanaient d'elle en disaient assez sur son identité.
-J'ai été informée de la situation et des paroles que vous avez prononcées pour votre défense, dit-elle, sans ambages, tandis que deux amazones sortaient à leur tour pour l'encadrer. Avez-vous quelque chose de nouveau à ajouter, avant que je ne prononce la sentence ?
Son ton était froid, tranchant. Guère porteur d'espoir.

Damant soupira en entendant la cheftaine. Comme cela, on ne leur poserait aucune questions, bien commode!
Une autre chose l'agaçait. La matriarche était une ancienne guerrière et non une shamane ou une prêtresse comme il l'escomptait. Elle était donc aisément remplaçable et de surcroit prête à mourir plutôt que de servir d'otage, le côté martial du village le soulignait bien assez. Il ressera sa prise sur ses liens et fit un pas en avant, il allait falloir être plus fin que prévu.

Après un coup d'oeil las à celle avec laquelle il entretenait le plus de "liens" jusque là ; il regarda la cheftaine et pris calmement la parole.

Je crains jusque là d'avoir agit avec emportement vis à vis de votre méfiance à notre égard, je voudrait donc reprendre nos explications afin qu'avec les quatres compagnons avec lesquels j'ai fait naufrage sur l'île, nous puissions être sûrs que rien ne concernant la raison de notre présence ici n'ait été omis et soit pris en compte dans le jugement que vous vous apprétez à rendre nous concernant.

Après un regard circulaire à l'assemblée et ses compagnons (Joon renfrogné de même que Kasumi et le petit Léo ; Astrée, Ridculle, Salazar et le coq attendant la suite ; Zaïu regardant les habitations sylvestres avec un sourire et Arthur qui se mordait la lèvre inférieure en dansant d'un pied sur l'autre comme s'il craignait que le bretteur ait un mot malheureux) ; il reposa son regard sur la dirigeante.

Nous avons été choisis afin d'effectuer, dirons nous, une mission de sauvetage. Quelque part sur cette île se trouve une batisse utilisée comme prison pour des mages, de très puissants mages, aux intentions et inclinaisons pûrement malveillantes.
Ceux qui les gardent n'ont pas donnés signe de vie depuis un long moment, assez pour que ceux qui avaient ordonnés l'emprisonnement des sorciers décident de nous envoyer voir et arrêter ces mages s'ils se sont effectivements échappés.

Par ailleurs, un aventurier était arrivé dans la cités d'où nous venons avant notre départ pour l'île, contrôlé par une puissance supérieure venant d'ici. Ce qui confirme ce que nous pensions. Ces mages sont certainements libres.

Libres et assez puissants pour avoir éliminés ou asservis par quelque maléfices ceux qui les gardaient et autant vous dire qu'ils n'avaient pas assignés cette tâche à de jeunes recrues sans expérience.

Chacuns de ces mages individuellement à manqué mettre à mal les plus grandes cités continentales... et maintenant ils sont libres, sur cette île, sur votre île, fomentant je ne sais quel plan d'invasion auquel vous finirez par être conviées de gré ou de force une fois qu'ils auront détectés votre présence.

Il secoua la tête avec un sourire en coin

Personnellement, je suis le premier à regretter que ces imbéciles aient décidés de construire leur hospice sur des terres avant de savoir si elles étaient habitées ou non.
Mais la situation d'aujourd'hui ne nous laisse plus de temps pour discuter du bien fondé de leur entreprise.
Si les mages sont libres, ce qui est surement le cas, ils chercheront à asseoir leur domination sur cette île avant toute chose, ce qui met en danger votre peuple autant que nous autres.

Nous sommes là pour nous débarrasser d'eux et c'est dans votre intérêt aussi, je n'irais pas jusqu'à dire : "de nous aider", mais de nous laisser le loisir de mener à bien notre mission.

Je gage qu'une fois tout cela mené à son terme, personne ne cherchera plus à rassembler ensemble d'aussi dangereux sorciers dans un endroit qui en plus décuple leurs capacitées. Et personne ne viendra plus empiéter sur votre territoire.
Si nous disparaissions sans laisser de traces toutefois il y aurait fort a parier qu'ils enverraient cette fois ci une armée complète pour annihiler toute présence ici, au cas où.

Au moment où Damant ouvrit la bouche, Arthur faillit lui crier de se taire. N’avait-il pas compris que leur seule chance de s’en tirer était de laisser parler Astrée ? Que son discours risquait d’être mal perçu ne fut-ce que parce qu’il était mâle et que ces demoiselles semblaient leur vouer une haine viscérale ? Mais le jeune bretteur était incapable de se montrer raisonnable. Sans doute avait-il un défaut d’inhibition profond, une sorte d’impulsivité congénitale impossible à réfréner, même dans les instants cruciaux, où sa désinvolture risquait de les condamner tous. Le paladin se demanda par quel miracle Damant était encore vivant. Bon, il avait déjà perdu un œil. Apparemment, il ne tenait pas non plus à sa langue.
Au moins se montra-t-il relativement poli, si on fermait les yeux sur les menaces voilées qui perçaient dans ses paroles, et ce qu’il annonça avait un certain sens. Mais Arthur craignait que le passif entre les amazones et sa flamboyante personne ne le rende pas particulièrement convaincant. Ne disait-on pas qu’une première impression était toujours difficile à défaire ?
Mais il était de toute façon trop tard, et la mort dans l’âme, il attendit le résultat de cette envolée, sans espoir aucun qu’elle ait amélioré leur situation. Qui était de toute façon désespérée.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Astrée avait réfléchi durant tout le trajet aux arguments qu'elle comptait avancer, et elle était en train de choisir avec soin les mots qu'elle allait prononcer - elle n'avait pas l'habitude de jouer les diplomates ainsi -... lorsque Damant prit la parole. Bouche bée, elle le fixa d'un air ébahi. Qu'est-ce qui lui prenait de ne pas la laisser parler en leur nom, comme il l'avait pourtant annoncé plus tôt ? Etait-il fou, ou arrogant à ce point, de penser que sa parole de mâle aurait le moindre poids face à leurs geôlières ? Se croyait-il le plus apte à jouer les porte-parole ? Certes, ses mots avaient du sens, ils reflétaient la vérité, ils étaient polis et cherchaient à être diplomates. Il avait de l'aisance pour parler, certainement beaucoup plus qu'elle... Mais ne pouvait-il pas comprendre que dans les circonstances présentes, il aurait mieux valu laisser parler une femme ? Un coup d'oeil vers Arthur lui montra qu'il pensait la même chose.
Elle foudroya le cartographe du regard lorsqu'il se tut. Et chercha à toute vitesse comment rattraper les choses, analysant les paroles qu'il avait prononcées, cherchant ce qui pouvait avoir vexé les guerrières. Bien sûr, il s'était montré plus diplomate que précédemment, mais...

Elle prit une profonde inspiration avant de parler à son tour.
- Mon compagnon vous a dit la vérité. Nous étions au départ envoyé ici pour retrouver ces mages probablement évadés. Nous devions simplement nous rendre à cette forteresse pour capturer et ramener sur Hélonna ces mages. Mais nous avons fait naufrage et perdu une grande partie de nos compagnons, ainsi que notre matériel, et je ne suis pas certaine que nous ayons maintenant la moindre chance face à eux. Tout dépend bien sûr de leur nombre et de leur puissance réelle, que nous ignorons... Mais j'imagine que vous êtes plus au courant que nous de tout ceci, puisque nous sommes sur vos terres. Il me paraît évident que les hommes qui ont construit cette prison n'ont pas pu le faire sans que vous vous en aperceviez, et si des mages sont sortis de cette forteresse, cela n'a certainement pas échappé à votre vigilance. Peut-être même les avez-vous déjà capturés, et en ce cas notre présence ici est totalement injustifiée...

Cela pouvait apparaître comme une simple flatterie, et pourtant elle était sincère. Elle se souvenait avoir eu la sensation d'être observée plusieurs heures avant leur capture, et soupçonnait leurs "hôtes" d'avoir des yeux partout dans la forêt. De là à tenir tête à des mages, ce n'était pas sûr... Mais un mage est si vulnérable face à un archer embusqué. Elle soupira.

- On nous a dit que nous sommes accusés d'avoir violé la loi de votre peuple en pénétrant sur vos terres sans y avoir été invités. La seule chose que nous ayons à dire pour notre défense, c'est que nous ignorions être sur les terres de quiconque, et nous tenons à nous excuser d'avoir foulé votre sol sans autorisation. Nous étions simplement en quête de nourriture pour survivre, en attendant de trouver un moyen pour rentrer chez nous, avec ou sans information sur ces mages - de préférence avec. Si nous avions su que ces terres vous appartenaient, jamais nous n'y aurions pénétré sans votre permission. Nous implorons donc votre clémence.
Puis elle baissa un instant les yeux en un signe instinctif de soumission.

Un crime qu'on ignore avoir commis en est-il un ? La question continuait à la ronger. Certainement que la réponse était "oui", pour ceux qui s'estimaient en être victimes. Et donc elle savait ne pouvoir compter que sur la clémence de celle qui leur faisait face... Ou peut-être sur un éventuel besoin d'aide face aux mages, comme l'avait suggéré Damant, mais elle devinait leurs hôtes trop fières pour qu'on leurs rappelle qu'elles puissent avoir besoin d'aide. Surtout de la part d'un groupe d'hommes.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Kasumi était estomaqué et n'arrivait pas à quitter Damant des yeux. L'humain dégageait une telle arrogance qu'il avait évité sa présence jusque là mais le rôdeur ne s'était pas imaginé qu'il puisse se faire remarquer par un coup d'éclat. Derrière les paroles du prisonnier perçaient trop de menaces à demi voilées que les amazones n'auraient certainement pas manqué de remarquer. Le demi-elfe n'osait pas prendre la parole pour tenter d'arrondir les angles et fut un rien soulagé qu'Astrée parle maintenant en leur nom. Il était cependant peu probable qu'elle parvienne maintenant à sauver leurs vies si tant est qu'il aient eu une chance dès le départ.

Damant n'avait même pas peur de perdre "certains de ses appendices" ?! Avait-il perdu autre chose que ses seuls yeux ( ). Toujours est-il que Zaiu décrocha de son discours à "crains". En effet, la proposition verbale élocutive (à effet hautement dédaigneux par ailleurs) et introductive renseigne à elle seule sur la nature de la tirade qui va suivre : longue. Venait donc de s'engager des pourparlers avec trop de mots pour être suivi. Le jeune elfe laissa donc son regard se déplaçait sur la l'assemblée car il n'y a pas de mal à profiter des bonnes choses comme on dit. S'il devait quitter ce monde ce soir, au moins, il le ferai avec de belles images : Ouuh ! Toutes ces donzelles finement vêtues !
Puis Astrée reprit la situation en main. Peut-être aurait-elle du se montrer plus autoritaire genre : "pardonnez mes stupides bipèdes mâles mais j'ai du mal à les tenir en ce moment, vous savez les hommes et la chaleur... C'est que des chochottes ! "
Auraient pu alors s'enclencher un débat complice sur le peu de cas qu'il faut faire la gent masculine ... Mais bon on en est plus là ...

...

... ... Les carottes sont-elles cuites ?!

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

L'elfe avait écouté avec attention les interventions de Damant et d'Astrée. Lorsqu'ils en eurent terminé, elle observa le groupe des naufragés, attendant de voir si quelqu'un d'autre désirait prendre la parole. Comme ce n'était pas le cas, elle le fit elle-même.
-Nous savons très bien de quoi sont capables ces mages. Mieux que quiconque, peut-être. Et ce ne sera pas étranger à la sentence que je rendrai dans quelques instants. Quant au possible envoi de nouvelles forces par cette cité d'outre-mer... Nous pourrons demeurer invisibles, comme nous l'avons fait jusqu'ici. Et même dans le cas peu probable où nous serions découvertes... Rien ne serait plus facile que de faire disparaître toute trace de votre présence dans la forêt, ou dans le village. Rien ne sera plus aisé que de prétendre ne jamais vous avoir rencontrés.
Elle eut un sourire mauvais à l'intention de Damant.
-Mais trêve de détours : venons en au fait. Vous prétendez avoir été envoyés pour détruire ces mages. Soit, peut-être était-ce vrai, au début. Mais qu'en est-il de ce naufrage ? Le navire utilisé par la cité a toujours traversé sans mal aucun les dangers qui entourent l'île. Sans doute est-il magique, sans doute son équipage est-il expérimenté. Alors, pourquoi un naufrage, précisément maintenant ? Une intervention des mages, allez-vous me dire ? Si c'est le cas, ma conviction n'en est que renforcée... Ils ont pu contrôler cet aventurier dont vous avez parlé ; ils peuvent vous contrôler, vous. D'autant que nous avons constaté à nos dépens la faiblesse lamentable des mâles face à ces pouvoirs, à ce contrôle. Dès lors, votre prétendue venue par hasard sur nos terres ne tient pas : vous avez pu être envoyés dans cette direction précisément pour nous trouver. Soit disant par hasard. Pour nous espionner et nous trahir à la moindre occasion. Nous aurions-vous laissés passer sans vous arrêter que vous auriez continué à fouiner : certains d'entre vous semblent fort à l'aise dans la nature... Vous auriez pu repérer des signes infimes, des traces. Et, bientôt, en faire part à vos sombres maîtres... Nous ne pouvons tolérer qu'il en soit ainsi.
Elle se redressa, jeta un regard féroce aux rescapés.
-Par conséquent, je vous condamne à mort. Vous serez exécutés demain, à la même heure, en ce même endroit. Et d'ici là, je vous livre au bon vouloir de mes sœurs, qui jouiront de vous comme elles l'entendront. Nul doute que, lorsque viendra le moment du trépas, vous aurez appris ce qu'est l'humilité.
Un rugissement enthousiaste monta de la foule des amazones : visiblement, la sentence les réjouissait au plus au point, et elles ne manquaient pas d'idées quant au sort qu'elles réserveraient aux prisonniers.
-Quant à vous, madame, reprit l'elfe en se tournant vers Astrée ; aucun mal ne vous sera fait. Vous demeurerez parmi nous, comme l'une des nôtres. Nous vous apprendrons ce qu'est là liberté, nous vous apprendrons à être votre propre maîtresse, plus jamais soumise à la domination masculine qui a si souvent mené le monde à sa parte. Et les femmes à l'asservissement.

Le monde à sa perte ? La seule chose que cette bande de... guenons était capable de faire était de se montrer aussi stupides que des barbares du sexe opposé. Arthur n'était cependant pas vraiment surpris. Son père le lui avait toujours dit : les femmes devaient être surveillées par des êtres un poil plus sensés qu'elles et rester à leur place, sinon la voie était toute tracée : cris de harpies, règne de l'émotion, absence de réflexion. Chaos. Bon, il y avait Astrée, mais l'exception, c'est bien connu, confirme la règle.
Heureusement qu'il restait des hommes de poigne à Luménis pour éviter ce type de... débordements. Il n'était pas surprenant que le chef de l'armée soit un homme, deux conseillers sur trois des hommes, le commandeur du paladinat un homme, l'aubemestre de Lathandre un homme aussi. Même le tavernier de la Bienveillance était un homme. Le grand prêtre de Helm. Le marchand de bougies de la place du marché. Il y avait une logique indéniable là-dessous. Ce qui leur arrivait n'en était qu'une expression supplémentaire. Arthur était un peu étonné d'ouvrir les yeux si tardivement, mais il n'avait pas grande connaissance des femmes. Il y en avait peu à la commanderie (évidemment) et aucune dans le groupe de novices qu'il encadrait (heureusement).
A bien y réfléchir, c'était peut-être aussi le cerveau elfique qui manquait de mesure. Les elfes n'étaient déjà pas bien raisonnables. Alors des femmes elfes... C'était probablement le pire, avant les femmes kobolds.
En tout cas, il n'était pas surprenant que Shar soit une femme. La vengeance était typiquement féminine, le pardon appartenait à Lathandre, un principe masculin. Pardonner quoi, en plus ? Une domination masculine par qui ? Les moustiques ? C'étaient aussi les femelles qui piquaient. Sans doute avaient-ils affaire aux descendantes des femmes de chambre de l'Hospice qui en avaient marre de nettoyer les pots de chambre des mages déments. Ça, mes biquettes, il suffisait de se prendre en main.
De plus, leur excitation ne démontrait qu'une chose : elles ne savaient pas se passer d'hommes, bien entendu. On pouvait se fabriquer des ersatz, mais ça ne valait pas l'original. Bon, au moins, il ne serait plus puceau au moment de passer l'arme à gauche, c'était déjà ça de pris. Il était pourtant persuadé qu'il y prendrait moins de plaisir que ce ramassis de vipères en rut.
Quelle honte, à bien y réfléchir. La bonne nouvelle, c'était que les amazones avaient promis de dissimuler leurs restes : personne n'en saurait jamais rien, l'honneur était sauf.
" C'est vous qui avez le cerveau ramolli par les mages !" grommela-t-il finalement, à mi-voix. " Enfin... pour ce que vous en aviez au départ, ce n'est probablement pas une grande perte."
Mais vu leurs capacités, elles pensaient probablement que la réflexion émanait du ventre ou de la plante des pieds.

Damant rendit son sourire mauvais à la cheftaine sur un ton ironique.
Avant de rugir :

Ce naufrage est la cause d'une attaque de pirates! Des pirates orcs, hobgobelins et humains! Un tel équipage ne se montre pas de connivence par plaisir!
Vos mages s'en sont plus que certainement fais des alliés de gré ou de force!
...
Et apparemment ces pirates ne sont pas les seuls à jouer pour le compte des sorciers si nous devons en juger par les conclusions ridiculement hâtives et complaisantes dont vous nous gratifiez.
Otez-nous donc d'un doute et avouez que vous agissez pour la cause de ces malades, votre décision prendrait un peu plus de substance sous cette condition.

J'avais fait la "connaissance" d'une tribue amazone dans la région de Chult, leur acceuil avait été aussi ... prudent que le vôtre, pourtant je suis encore là pour en parler...
relevant le froncement de sourcil de l'auditoire
...et sans avoir à rougir d'un quelconque sang souillant mes mains.
Je me rappelle cependant que la différence se situait dans l'orgeuil avec lequel la décision du statut des prisonniers était jugée, profondément marquée par le devoir de se valoir plus apte à rendre une justice équitable que n'importe quel pouvoir tenu par des hommes. Ce qui me parait bien plus en adéquation avec les preceptes inhérents à un ordre matriarcal comme le vôtre qu'une décision d'élimination après un simulacre de procès assené de bien commodes "bonnes raisons" ...
Ce qui est, pardonnez moi, plus représentatif des tribues primitives des barbares du Sud... ou des gobelins...

Relève la tête et fixe la dirigeante, l'oeil luisant de colère

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Kasumi sentait la fureur de l'injustice le gagner en même temps que l'abattement devant le sort funeste qui leur était destiné. Depuis le début, les évènements s'étaient semble-t-il liés pour faucher les aventuriers les uns après les autres sans qu'une chance ne leur soit donnée d'accomplir leur devoir. Sentant que plus rien ne pouvait faire entendre raison les criminelles qui les avaient capturé, le demi-elfe redressa la tête pour fixer celle qui venait de prononcer la sentence. D'une voix calme et qui ne tremblait pas mais lourde d'indignation, il prit enfin la parole, sachant que ce serait probablement la dernière fois :

- Apprendre la liberté à Astrée ? Nous apprendre l'humilité ? Et c'est vous qui parlez d'arrogance... Vous qui êtes prisonnières de vous-même, de vos préjugés et de votre haine. Pourquoi attendre si vous avez déjà décidé notre mort. Nous n'avons pas cherché à riposter à votre agression car nous avions l'espoir de pouvoir parlementer avec vous contre nos ennemis communs. Je vois maintenant que c'était une erreur. Tuez-moi maintenant que je vous enseigne ce qu'est l'honneur et le courage. Notre venue n'aura pas été vaine si nous parvenons à cet exploit.

Tout en parlant, le rôdeur étendit ses perceptions alentours à la recherche de présence animale susceptible de lui servir. Mourir semblait la seule fin mais il ne tomberait pas sans avoir essayé de combattre.

[LEFT]Joon était encore bien groggy. Il avait du mal à suivre la scène et l'argumentation de ses compagnons, mais il avait bien saisi la sentence de mort. Plutôt frêle et entouré de ses compagnons, il espérait jouir d'un certain camouflage, en tout cas d'une discretion partielle aux yeux des elfes. Il fit glisser dans sa manche la dague en os en se contortionna comme il put pour tenter de trancher les liens. Il avait une marge de manœuvre assez réduite, d'autant qu'il sde concentrait pour ne pas attirer l'attention, et la dague n'était pas pleinement affutée, c'était davantage un poignard, il espérait pouvoir se libérer avant la fin de l'entrevue pour pouvoir tenter quelque chose.
[/LEFT]

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Astrée avait écouté, abasourdie, le discours de la cheftaine, les allégations absurdes sur leur statut d'espions. Elle ouvrit des yeux ébahis lorsqu'elle entendit la sentence de mort, et en eut un instant le tournis. Non, ce n'était pas possible, c'était trop injuste, cela ne pouvait pas être...
Son émotion était telle qu'elle entendit à peine l'amazone expliquant qu'elle n'était pas concernée par la sentence. Le sens de ses mots peinait à atteindre sa conscience. Assommée, elle entendit ses compagnons réagir, sans vraiment comprendre ce qu'ils disaient, elle ne percevait que l'amertume et la révolte de leurs voix.
Elle finit par rétorquer, d'un ton amer, s'adressant à la femme qui avait prononcé la sentence.
- Je suis déjà une femme libre, et je n'ai jamais accepté la domination de quiconque, qu'il soit mage fou ou homme. Je n'ai pas besoin de vous pour cela. Et si vous tuez mes amis, je devrai vivre pour toujours avec le remord de n'avoir pas pu l'empêcher...
Elle sentit les larmes embuer sa vue.
- Ce n'est pas possible, vous ne pouvez pas faire ça... Surtout pour une raison pareille... Vous savez très bien qu'on n'est pas de mèche avec les mages, ce serait absurde, d'ailleurs vous dites que vous savez rester invisible et que vous voyez tout ce qui se passe ici, mais eux ignorent probablement votre présence, ils n'ont aucune raison d'envoyer des espions... et on n'est pas des espions ! Des espions seraient plus discrets, mieux armés, je ne sais pas moi !
Cela ne servait à rien de discuter, elle le savait, elle se demandait même pourquoi elle continuait.
- Et... vous n'allez quand même pas vous en prendre à un enfant ? ajouta-t-elle en désignant Léo, se souvenant avec amertume combien celui-ci refusait d'être considéré comme tel. Et celui-ci est mon compagnon, ajouta-t-elle en montrant Kasumi, vous n'allez pas.... Et ceux-ci sont tous des amis... Je ne peux pas vous laisser leur faire du mal ! fit-elle, rageusement.
Sa révolte et sa volonté de défendre ses compagnons allaient sans doute passer pour un caprice auprès de ces femmes qui méprisaient tellement les hommes. Mais il fallait absolument les convaincre...

Profitant du brouhaha ambiant causé par les paroles d'Astrées et de l'attention qu'elle retenait auprès de ces forestières de malheur, il se joignit au concert de grognement et de mouvements d'humeur de ses compagnons en se retournant vers eux comme pour partager ces instants difficiles plus intimements, en deux pas il se trouva face à Joon et Salazar, la tête basse, le Cuistot Ridculle et Léo formant un autre groupe qui se regardaient et par quelques paroles essayaient de trouver une raison entre eux à tout cela.
Il marcha sur le pied du jeune elfe et laissant tomber sa lame dans sa paume, tendis ses liens contre ceux de son amis, dans un geste similaire à celui d'un ami réconfortant, il lui passa sa lame, lui intimant du regard d'être plus discret ; puis fixa Salazar et murmura.

Pouvez vous provoquer quelque cataclysme, mur de flamme ou je ne sais quoi pour défaire nos liens? tenter de semer la pagaille?

Un rapide coup d'oeil alentour puis revenant à ses compagnons proches, fixant Joon

Dans le cas contraire, aucune précipitation, elles vont nous enfermer à nouveau avant de nous "distribuer"... Mes liens sont défaits mais pas ceux des autres. Entravés et désarmés ce serait une boucherie de tenter quoique ce soit. Pour les autres, nous et même ton ami à quatre pattes.

Levant le regard vers les autres, qui s'étant resserés en un groupe plus compact, avaient dû saisir une partie de ce qu'il avait dit.

Un peu de patience!

Fronçant soudain les sourcils, une chose dite par la cheftaine lui retraversa l'esprit : elles savent de quoi sont capable les mages, mieux que quiconque et ce ne sera pas étranger au jugment rendu...

?

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

-La magie est tellement imprévisible, ici, prend de telles proportions... Si je jette un sort, ne se retournera-t-il pas contre nous, en partie ? murmura Salazar. Et puis, quand bien même essayerais-je d'incanter : elles ne m'en laisseraient pas le temps.
De fait, les nombreuses archères positionnées au premier rang de la foule avaient déjà encoché des flèches. Sans doute, simplement, voulaient-elles prévenir de possible débordements suite à la sentence prononcée. Mais le brusque changement d'attitude de Damant qui avait abandonné sa verve pour, apparemment, réconforter ses compagnons, avait très bien pu les rendre suspicieuses.
De son côté, Kasumi perçut la présence de la faune forestière aux environs : oiseaux de nuits, petits rongeurs... Mais ce qu'il découvrit surtout, c'est que de grands rapaces nocturnes étaient perchés dans les branches au-dessus de leurs têtes, et que des fauves se tapissaient dans les buissons. Ces animaux lui parurent d'emblée étranges, et il ne tarda pas à comprendre qu'il s'agissait de familiers. Il semblait que les amazones, elles aussi, comptent des rôdeuses dans leurs rangs.
En face d'eux, l'elfe qui dirigeait le clan n'avait pas bronché, était demeurée bras croisés, impassible, tandis que Damant et Astrée intervenaient. Lorsqu'il parut évident qu'aucun autre naufragé ne voulait les imiter dans l'immédiat, elle reprit la parole, d'une voix forte qui, instantanément, plongea l'assemblée dans un profond silence.
-Il y a peu encore, notre peuple vivait dans la concorde, femmes et hommes confondus, égaux. Nous étions gouvernés par une reine et un roi, mes parents, qui se partageaient équitablement le pouvoir. Nous avions hérité cette tradition égalitaire de nos aïeux, et nous nous en portions tous pour le mieux. Du moins le croyions nous. Car les hommes ne s'en satisfaisaient pas, bien qu'ils fassent effort pour cacher leur mécontentement. Il leur déplaisait de devoir partager avec nous le gouvernement, les tâches qu'ils jugeaient nobles et celles du quotidien. Ils aspiraient à revenir à une situation commune en bien des lieux, en bien des peuples, une situation où nous serions leurs esclaves et eux nos maîtres. Lorsqu'ils se sont échappés de leur prison de pierre, les mages l'ont senti. Et s'en sont servi.
Elle darda un regard sans aménité sur le petit groupe des Luméniens.
-Sous leur sinistre influence, et bien qu'alors nous n'en connaissions pas la source, les hommes ont changé. Ils sont devenus orgueilleux, belliqueux, dominateurs. Ils nous rabrouaient sans cesse, bafouaient nos lois. D'abord discrètement, puis de plus en plus ouvertement. Jusqu'à ce jour funeste où mon père tua ma mère avant de succomber à ses blessures. Mon frère, mon propre frère, complice de l'assassinat, encore couvert du sang de celle qui lui avait donné la vie, se proclama alors roi, et, aidé des autres hommes du clan, nos pères, nos frères, nos fils, voulut nous asservir, nous... "remettre à notre place", comme il disait alors. Comme ils le disaient tous, sans exception. Il y eu des affrontements, de véritables combats : nombre des nôtres furent massacrées, pour l'exemple. Nous n'avons eu d'autre choix que de nous enfuir. Depuis ce temps, ils nous harcèlent, ils nous pourchassent, ils veulent encore faire de nous leurs servantes. Mais il n'en sera jamais ainsi. Jamais. Ils n'ont pas réussi hier, ils ne réussiront pas demain.
Son expression s'était faite farouche, s'était emprunte d'une inébranlable détermination.
-Les hommes de notre clan, quel que soit leur âge, quel que soit leur rang, ont succombé à l'influence maligne des mages. Qui n'ont fait, au fond, que réveiller leurs aspirations enfouies, leurs instincts maîtrisés à grand peine, cachés par la force des choses. Et que nos pères, nos frères, nos fils ont été trop heureux de laisser rejaillir à la première occasion. Alors qu'aucune des nôtres - aucune ! - ne s'est laissée gagnée par le pouvoir de ces sorciers. Ainsi, nous ne pouvons faire confiance à aucun homme, qu'il soit d'ici où d'ailleurs. Trop faibles, trop fiers, trop certains de la place qui est la leur, de celle qui est la nôtre. Trop susceptible d'être corrompus.
Elle se tourna vers Astrée.
-Vous me parlez d'un enfant ?
Elle désigna Léo du menton.
-Je ne vois aucun enfant, ici. Je ne vois qu'un homme revêtu d'un uniforme, celui de l'armée ou de la flotte à laquelle il appartient, où on lui a truffé le crâne de fariboles, où on l'a convaincu, comme tous les autres, de la supériorité qui est la sienne grâce au misérable appendice qui pend entre ses jambes. Serait-il deux fois moins âgé que j'hésiterais encore à penser qu'il peut être sauvé. Mais là, je n'ai aucun doute : Il est irrécupérable, et subira donc le même sort que les autres mâles.
Elle croisa à nouveau les bras, et son regard acéré se porta sur Kasumi.
-Vous me parlez de votre compagnon ? M'est avis que lui vous considère comme "sa" compagne. Un être inférieur qu'il aime, assurément, pour autant qu'un homme puisse aimer. Un être inférieur qu'il couve du regard comme une propriété dont il tire sa fierté, qu'il est prêt à défendre jalousement. Qu'il écarte des tâches qu'il juge impropre à son sexe, sous prétexte des dangers qu'elles pourraient vous faire courir mais, en réalité, terrifié à la seule idée que vous puissiez l'y surpasser. Oui, vous êtes "sa" compagne. Avec tout ce que cela implique... Nous vous en libérerons et, un jour, vous nous en serez redevable.
A nouveau, elle observa le groupe dans son entier.
-Et vous prétendez que des espions auraient été plus discrets, mieux armés... Mais dans ces bois dont nous connaissons chaque recoin, où nous disposons d'un million d'yeux, d'un million d'oreilles, même le plus discret, même le plus armé des ennemis ne pourrait nous résister, nous échapper. Ce que savent pertinemment les mages. Moi, je prétends que pour nous envoyer des espions, des traîtres, ils vous auraient choisi sans hésiter un seule seconde ! Pourquoi nous méfierions-nous d'un groupe à la si piètre allure ? Pourquoi nous défierions-nous de malheureux naufragés, apparemment inoffensifs, comptant parmi eux des vieillards et, oh, un enfant ?! De quoi susciter la compassion de pauvres femmes écervelées, gouvernées par leurs sentiments. De quoi réveiller notre légendaire instinct maternel... Et bien non : nous ne nous laisserons pas prendre. Et à travers ce que subiront vos compagnons, les sorciers, et par-delà eux tous les hommes, ceux de notre clan et d'ailleurs, sauront ce qu'il en coûte de vouloir nous asservir. Sauront ce qu'il en coûte de nous sous-estimer.

L’accent de vérité dans les paroles de la chef elfe ébranla Arthur, si bien qu'il en oublia ses raisonnements boiteux à propos d'hommes, de femmes, de marchands de bougie et de divinités fééruniennes. Tous ces aspects matrimoniaux lui semblaient bien triviaux. Tout ce qui comptait était le risque qu'elle avait mentionné, le pouvoir des mages, la fragilité des hommes. Cela n'excusait cependant pas le comportement des amazones à leur égard : il y avait moyen de supprimer un danger avec un peu plus d’humanité : un paladin ne prenait aucun plaisir à détruire le mal. Il n’y mettait ni haine, ni esprit de vengeance, convaincu de la juste nécessité de son sale travail. Mais tout le monde ne pouvait pas avoir la pureté d’âme d’un paladin, évidemment.
Car si l’elfe disait vrai, ce qu’elle escomptait faire était preuve de miséricorde plutôt que de malignité. Les éliminer avant que les mages déments ne prennent le contrôle de leur esprit était effectivement crucial. Arthur se serait bien ouvert les veines lui-même, mais il était saucissonné, ce qui rendait la chose difficile.
« Excusez-moi, ma dame, mais… si vous êtes à ce point persuadée de notre… vulnérabilité aux pouvoirs démoniaques de ces mages… n’avez-vous pas pris un risque inconsidéré en nous menant jusqu’ici, au cœur de votre campement ? N’auriez-vous pas dû… nous exécuter là où nous nous trouvions ? Et ne pas retarder la chose d’encore toute une journée ? Je veux dire… Si nous sommes leurs espions, nous pouvons sûrement communiquer avec eux… sans avoir besoin de faire des signaux de fumée. Ce sont des mages puissants, après tout. »
En prononçant ces mots, il réalisa que sa chute de popularité auprès de ses pairs allait être vertigineuse. Mais comme ils seraient bientôt tous morts, ce n’était pas vraiment un problème.
« Enfin, je dis ça… d’un point de vue purement stratégique… Je suis plutôt content d’être encore vivant, personnellement. Et j’ai toujours été très gentil avec ma maman. Avec Astrée aussi, d’ailleurs… Enfin je crois. Et je sais même recoudre mes boutons tout seul. Et faire la cuisine. Et je ne casse presque pas d’assiettes quand je fais la vaisselle… Ahum. »
Cramoisi, il se tut une seconde, puis reprit à l’improviste.
« Puis de toute façon, ici, la magie fait toujours le contraire de ce qui était prévu. Les mages voulaient sûrement prendre le contrôle des femmes, puisqu’ils ont écopé des hommes. Et ils voulaient probablement les rendre corvéables à souhait, puisqu’ils ont essayé de vous asservir… »
Il se gratta la tête.
« Pourquoi vous leur en voulez, au fait, s’ils sont juste ensorcelés ? Ne devriez-vous pas plutôt leur venir en aide ? Ne pensez-vous pas qu’ils souffrent de ne plus être maîtres de leurs pensées et de leurs actes ? Vous êtes vraiment certaine qu'ils en avaient les penchants à l'avance ? Ou bien est-ce simplement plus commode pour justifier votre attitude d'aujourd'hui ? »
Ah ça, c’était joliment inspiré. Ça rattraperait peut-être un peu le reste.

Joon ne prêta guère attention au discours de la cheftaine. C'était idiot. Il y avait un ordre et le bouleverser pour justifier une conduite barbare et de toute façon destructrice pour leur civilisation et leur espèce était une erreur. Elle pouvait arguer tant qu'elle le désirait, elle était probablement plus démente que les hommes de son village, mais chez eux c'était assûrément réversible. En tout cas, il semblait que les mages étaient bien libre...

Joon continua de ronge la corde à l'aide de sa petite lame et ignora les remarques de Damant.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

L'amazone parlait encore, cherchait à se justifier... peut-être y avait-il encore un espoir, infime ?

Astrée ne put s'empêcher de sourire en entendant les affirmations d'Arthur sur sa serviabilité - dont elle pouvait certes témoigner, mais ce n'était pas ce que les amazones voulaient entendre.
Puis elle se tourna à nouveau vers l'elfe qui venait de prononcer le discours, sans avoir la moindre conscience des tentatives de certains de ses compagnons pour se libérer.

- Il y a une incohérence dans ce raisonnement. Vous dites que seuls les hommes sont sous l'emprise de ces mages, or je suis une femme... donc je ne suis pas une espionne. Et comme c'est moi qui ai guidé une partie de mes compagnons, en tant que rôdeuse... Cette idée que nous serions des espions ne tient pas debout, nous cherchions juste à rejoindre le village qui se trouve au sud de l'île. Et, comme l'a dit Arthur, si vous étiez sûres que nous sommes des espions, nous amener ici n'aurait aucun sens puisque cela révèle l'emplacement de votre village, si des mages nous observent ils pourront vous trouver.

Elle secoua la tête.
- Je pense que votre seul objectif est de faire un exemple, de montrer à vos hommes comment vous traitez désormais tous les mâles, et que cette accusation d'espionnage n'est qu'un prétexte.
Une telle accusation risquait de lui coûter cher, elle le sentait. Et s'en fichait éperdument.

- En un sens, je vous comprends, je sais parfaitement à quel point certains hommes peuvent être arrogants et se croire les maîtres du monde, et mépriser le "sexe faible" comme ils disent. Elle eut une pensée pour son père, mais ce n'était pas le moment de se laisser distraire par les mauvais souvenirs. Ils oublient trop souvent que sans nous, ils ne sont rien, ne serait-ce que parce qu'ils ont besoin de notre coopération pour se reproduire... Il m'est une fois ou deux arrivé de feindre la soumission pour ne pas blesser leur ego, mais je vous rassure, ce n'est que pure comédie. Et si celui-ci - en désignant Kasumi - s'avisait de me sous-estimer ou de m'empêcher de faire des choses sous prétexte de ma soi-disant fragilité, il sait très bien la colère dans laquelle je me mettrais.

Elle hésita un instant avant de poursuivre.
- Il est injuste de faire payer à des innocents ce que vos hommes vous ont fait. Si vos hommes ont agi sous l'emprise des mages, alors le seul moyen de mettre un terme à tout cela est de capturer ces mages, ce qui était notre objectif au départ... Vous ne gagnez donc rien à nous éliminer. Et si vos hommes ont agi seuls, sans que les mages y soient pour quoi que ce soit.... Et bien dans ce cas, vous avez encore moins de raison de vous en prendre à des personnes étrangères à votre conflit.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Kasumi se tint à l'écart des regroupements de ses compagnons. Il n'avait pas bouger d'un pas depuis son intervention et ne cessait de dévisager la cheftaine de la tribu, une fureur grandissante dans le regard à mesure qu'elle tentait de justifier sa décision inique. L'intervention d'Astrée l'apaisa en partie, juste assez pour qu'il puisse se calmer suffisamment pour formuler ses pensées et reprendre la parole d'une voix blanche :

- Vous prétendez que seuls les hommes ont succombé à l'emprise des mages et pourtant votre attitude nous démontre le contraire. Vous qui non contente de prononcer notre mort pour le simple fait que nous sommes des hommes tentez de justifier les mauvais traitements que vous vous apprêtez à commettre. Sondez donc votre conscience et avouez-vous à vous même la raison de votre sentence. Jouons-nous le rôle de ceux qui ont commis ces crimes abominables pour assouvir la vengeance que vous n'avez pas pu satisfaire sur les vrais responsables ? Est-ce votre volonté qui ordonne votre mort ou auriez-vous été incapable de commettre pareil forfait avant l'intervention de ces mages ? Moi je peux prétendre que les mages n'ont pas grand chose à voir là dedans, qu'il vous serez facile de nous faire quitter la forêt et de nous empêcher de revenir le tenterions-nous. Vous êtes prompte à dispensez vos jugements sur l'attitude des autres, prétendant que Léo a l'esprit corrompu alors que je n'ai jamais vu jeune homme plus courageux et volontaire après la perte qu'il vient de subir en accomplissant son devoir pour le bien commun. Vous prétendez qu'Astrée se laisserait dominer par un homme simplement parce qu'elle n'appartient pas à votre communauté. Vous prétendez connaitre mes sentiments pour elle. Je l'aime. Non pas parce qu'elle m'appartient mais pour ce qu'elle est, parce que son bonheur est le mien tout comme son malheur. Maintenant, cessez de prétendre et donnez nous une raison de penser que vous avez une raison de nous exécuter. Ou faîtes-le sans chercher à apaiser vos consciences. Tuez-vous un chien qui vous suit fidèlement sous prétexte que certains peuvent un jour vous mordre ? Evitez-vous la mer parce qu'elle emporte parfois ceux qui s'y risquent ? Tuez vous quelqu'un pour ce qu'il pourrait devenir ? Vous prétendez nous traiter comme des objets encombrants mais parfois utiles dont il est simple de se débarrasser, d'abandonner et d'oublier. Vous êtes exactement ce que vous prétendez combattre.

Ne sachant plus trop ou donner de la tête de part les innombrables semonces qui émanaient de ses camarades, Zaiu, dont le regard balançait entre l'assemblée, son groupe et la cheftaine eut soudain l'envie irrépréhensible de prendre part au débat. Un peu penaud, il fit un pas en avant après l'épique, envolée et néanmoins désespérée tirade de Kasumi. Il chercha alors timidement à accrocher le regard de la cheftaine comme pour demander l'autorisation de parler. Un moment particulier dans son existence : prendre la parole en public. Comment Damant faisait-il pour déblatérer de manière aussi construite dans l'immédiateté et sous le poids de toutes ces paires d'yeux dont l'orateur est le centre de convergence (centre de convergence aussi de quelques flèches d'ailleurs).

Le pauvre cerveau de Zaiu a du mal à suivre tous ces mots qui sortent de toutes ces bouches. En revanche, il trésaille quand il découvre que l'injustice se produit ! Aussi, j'ai une proposition ...

Puisqu'après tout, pour engager des négociations, il faut bien mettre quelque chose sur la table et ne pas seulement jouer la scène de l'ego froissé.
Avant d'en dire plus, il regarda la menaçante et néanmoins agréable à regarder assemblée, puis timidement :

Nous cognerons pour vous les malotrus qui vous ont fait du tort ! Nos tatanes vaudront tous les discours ! Chaque direct du droit distribué le sera pour redresser le long et dur tort dont vous avez été l'objet ! Zaiu pense que comme ça, vous ne gâcherez pas jolie vies et ... qui de mieux que des mâles pour chasser d'autres mâles ...

Il avait prononcé cette derniére phrase d'un ton peu amène, reflet de la déception qui émanait de lui, eut égard à la considération bien peu positive que lui renvoyait toute cette tribu fortement œstrogènées. Il resta cependant inébranlable, raide comme un i au milieu du cercle féminin, la détermination se lisant sur son visage dont toutes de gènes venaient de disparaitre, prêt à prouver sa valeur !

En entendant Zaïu, Damant serra les dents comme s'il s'apprétait à recevoir un coup sur la tête

hsss

Il se retourna pour regarder son compagnon : qui de mieux que des males pour chasser d'autre males?! Ben des femmes voyons, c'est tout ce que cette communeautée exprime depuis tout à l'heure malheureux!
Il se porta à sa hauteur et décida de chasser ce coup d'éclat qui froisserait méchamment l'égo des amazone par un autre, un peu plus âpre et dans la continuitée de Kasumi.

En mettant premièrement de côté le fait que nous ne somme ni un de vos hommes aigrit de faire partie d'une communeauté que nous jugerions tous d'exemplaire, ni de gros rustauds en manque d'autorité, mais des aventuriers capable de reconnaitre son semblable et son égal dans chaque personne, homme ou femme, avec lequel il entre en compétition, imaginons quelque chose...
Imaginons que rentrant chez nous après cet épisode avec vous, nous décidions de battre comme plâtre chaque femme du continent parce qu'elle "pourrait peut être penser comme vous" un jour?

Attendit que les murmures de mécontentement fasse gronder l'audience et reprit pour couvrir le brouhaha

Ce serait totalement stupide!
Injuste et révélateur d'une étroitesse d'esprit que même la bétise ne pourrait excuser!
Je mourrais de honte de réagir comme cela!

Et c'est ce que vous nous offrez pourtant, Ô femmes éclairées...

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

L'elfe soupira, manifestement agacée.
-Je suis lasse de vos récriminations, de vos plaintes, de vos cris. Je vous ai fait l'honneur de présenter les motivations qui ont mené à ma sentence, mais, dans votre orgueil, dans votre fierté, dans votre incapacité à faire preuve d'une once de dignité, vous y voyez des justifications, des moyens pitoyables pour nous donner bonne conscience... Notre conscience, nous l'avons, nous ne devons de comptes à personne. Et sûrement pas à des gens tels que vous. Parler davantage serait persister à jeter des perles aux cochons. Je vous répondrai néanmoins une dernière fois. Puis vous serez... présentés à mes sœurs, afin qu'elles puissent faire leur choix parmi vous.
L'assentiment de la foule fut immédiatement - et bruyamment - manifesté.
-Je vous ai déclaré sans ambages que le sort que vous subirez servira d'exemple aux mages, aux hommes de notre clan et à tous les autres. Car oui, les mâles ne peuvent réfréner leurs instincts. Alors même que nous vivions encore dans la concorde, que nos antiques lois étaient respectées, combien de fois n'avons-nous pas entendu des plaintes ? Des récriminations ? "Laver le linge, quelle corvée !" "Langer les enfants, est-ce là une tâche pour un guerrier ?", "Ma douce, à l'arc, tu es très douée, mais tu es encore meilleure pour préparer le souper !". Vous nous appelez à regarder en nous ? Alors, faites de même ! Que feriez-vous si l'on vous demandait de délaisser le champ de bataille pour le lavoir, les salles d'entraînement pour le coin du feu ? D'abandonner la chasse ou le combat pour vous occuper des enfants, y compris de toutes ces petites choses, les concernant, qui vous répugneraient, tels des langes souillés ? Vous protesteriez ! Vous monteriez sur vos grands chevaux, vous vous draperiez dans votre prétendue supériorité de mâles ! "Quoi, nous, faire cela ? Quelle indignité !". Je vous entends déjà... Alors qu'évidemment, les femmes sont censées s'adonner à semblables activités et y trouver leur compte. Sans jamais rechigner. Comme elles ne doivent pas rechigner quand leur brave époux, fatigués des combats, rentrent à la maison et comptent se détendre dans leurs bras, leurs bras pas moins fatigués que les leur d'avoir trimé tout le jour. Mais cela, évidemment, cela n'a pas d'importance, n'est-ce pas ? Oui, tout les hommes se valent, sont les mêmes. Sauf, peut-être, ceux que l'on a éduqué autrement. Mais ce n'est pas votre cas. Et même ceux-là... L'instinct semble devoir revenir, toujours. Les mages n'ont fait que l'encourager.
Elle reprit son souffle. Une flamme vive brillait dans son regard intense.
-Autre point commun à tous les hommes : vous nous pensez stupides, faibles, irréfléchies. Et dans le même temps, vous espérez que nous serons supérieures à vous, que nous saurons nous montrer patientes, compatissantes, compréhensives et miséricordieuses. Vous nous déniez les qualités que vous pensez avoir, et vous nous prêtez celles dont vous êtes bien heureux de ne pas disposer. Car en matière de miséricorde, de patience, de compassion ou de compréhension, vous ne faites évidemment pas le moindre effort. Vous punissez, vous commandez, vous faites ce que vous pensez justes sans y réfléchir. Alors que nous, constamment brimées, toujours maltraitées, brimées, reléguées au second et, en l'occurrence, victime de l'ignominie de vos pairs, nous devrions ne pas tirer de généralités, retenir notre bras vengeur. Ah, je vous vois déjà encourager nos hommes, si d'aventure vous les aviez croisés, s'ils vous avaient dit que nous les avions agressés ! Leur auriez-vous conseillé de ne pas faire de généralité ? De nous comprendre ? De tenter de nous sauver ? Que nenni ! Taïaut, auriez-vous crié, sus aux rebelles monstrueuses ! Mais vous êtes tombés sur nous... Et vous voulez que nous fassions ce que vous auriez été, ce que vous êtes incapables de faire. Pire, vous nous accusez d'être victimes de la magie des mages. Naturellement... Ces douces femmes soudain si cruelles, elles ne peuvent avoir d'autre raisons qu'une quelconque possession ! Sinon, elles resteraient à leur place, nous accueilleraient en sauveurs, s'offriraient à nous, déjà redevables, aimantes...
Elle secoua la tête.
-Pour abandonner ces sujets philosophiques - auxquels vous ne comprenez rien, probablement... Vous nous pensez stupides, et vous en avez donné mille preuves depuis votre arrivée. C'est vrai, quoi : nous vous pensons des espions, et nous vous avons amenés dans notre village, nous livrant à vos maîtres, du même coup. Quelles imbéciles nous sommes ! Il ne vous serait bien sûr jamais venus à l'esprit que nous ayons des moyens de nous défendre ou de nous dissimuler, que nous savions, nous aussi, user de magie ou des pouvoirs de cette île pour échapper à nos ennemis. Que nous puissions, en quelques instants, disparaître sans laisser de traces. Bien sûr que non : nous ne sommes que de faibles femmes. Tellement faibles, tellement imbéciles que vous pensez que nous ne verrons pas vos petites manigances, alors même que nous vous entourons de toutes parts. Que nous ne saisirons pas vos conciliabules, que nous ne repérerons pas vos dandinements, vos trémoussements, alors que vous agitez les lames cachées dans vos manches pour rompre vos liens...
Elle foudroya Damant et Joon du regard.
-De faibles, de stupides, d'aveugles bonnes femmes. Et bien non, détrompez-vous : nous ne sommes rien de tout cela. Sans doute avez vous trop l'habitude de fréquenter la gente féminine de votre contrée d'origine. Sans doute pensez-vous que nous sommes bâties sur le modèle de celle qui vous accompagne et qui, trop confiante dans votre honnêteté, dans votre droiture, a pu vous aider de son mieux alors que, peut-être, sans rien lui en dire, sans qu'elle en remarque le moindre signe, vos actes étaient dirigés par ceux-là mêmes que vous vouliez combattre, au début. Vous apprendrez-vite, toutefois, que nous sommes faites d'un tout autre bois. Quant à votre proposition...
Elle se tourna vers Zaiu.
-Nous sommes de taille à lutter contre les hommes de notre clan, sans avoir besoin d'aide extérieure. Nous sommes peut-être même de taille à briser les mages. Pourtant, oui, j'ai envisagé de vous proposer une échappatoire, un sursis. Envisagé de vous laisser faire vos preuves en luttant à nos côtés, pour que les doutes quant à vos intentions soient à jamais dissipés. Malheureusement, tout ce que vos compagnons ont montré depuis le départ témoigne de votre malignité, de votre félonie. Il est possible que vous ayez été envoyés pour vous attirer notre confiance... et nous trahir. Et même si ce n'est pas le cas, vous restez des hommes et, à cause de votre nature, nous ne pouvons vous laisser le bénéfice du doute. Si nous vous laissons la moindre chance, vous vous retournerez contre nous, pour servir vos maîtres ou, si vous n'êtes pas sous leur contrôle, simplement pour rétablir l'ordre que vous juges naturel, pour nous remettre à notre place. Et cela, nous ne le permettrons pas.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Astrée secoua la tête, et repris la parole, calmement. Elle avait écouté attentivement le discours, et les quelques vérités qu'il renfermait avaient un peu calmé sa colère. Elle savait que ses compagnons - et même elle - avaient contribué, par leurs paroles, à aggraver la colère des elfes.

- Je ne vous ai jamais considérées comme stupides ou aveugles, et je pense que la majorité de mes compagnons également. Certes, leurs mots ont sans doute dépassé leur pensée, et j'en suis désolée. L'angoisse du sort qui les attend explique qu'ils se soient emportés ainsi. Je tiens à m'excuser si nos propos vous ont blessées. Et quant à moi, je sais parfaitement - et mes compagnons le savent aussi - que vous êtes capables de vous dissimuler et d'échapper à vos ennemis, mages ou elfes, nous en avons largement eu la preuve alors que nous devinions votre présence sans parvenir à la détecter. Et nous savons que vous êtes capables de les combattre, vous connaissez l'île mieux qu'eux ! Ou que nous...

Elle hésita, cherchant coment formuler sa requête. La dernière partie du discours de la cheftaine leur offrait peut-être une issue, celle qu'avait suggérée Zaïu...
- D'ailleurs... Si vous n'étiez pas ici à statuer sur notre sort, j'imagine que vous seriez en train de chercher un moyen de vous débarasser de ces mages. Alors pourquoi ne pas nous laisser une chance de prouver notre innocence en nous laissant vous aider,comme l'a proposé mon ami Zaïu ? Bien sûr, cela nécessiterait sans doute aussi que mes compagnons prouvent qu'ils ne sont pas de ces mâles orgueilleux qui rechignent aux tâches ménagères.... - l'idée faillit la faire sourire, si jamais elle était acceptée.... elle allait bien s'amuser à voir les rôles inversés - Ou peut-être voudriez-vous que nous servions d'émissaires auprès de vos hommes ? Je ne sais pas...Il y a certainement quelque chose que nous pouvons faire pour prouver que nous n'avons rien à nous reprocher...

Arthur n’était pas du tout d’accord avec la perception d’Astrée mais il se garda bien de le verbaliser. Depuis l’instant où les elfes étaient apparues, ils avaient songé à collaborer avec elles. Leur présence avait même été accueillie comme une aubaine, un soulagement : des alliées potentiels dans cette lutte perdue d’avance. Et ils leur en auraient fait part, si seulement elles les avaient laissés en placer une. Mais non, elles avaient été odieuses, de bout en bout. Quel que soit leur comportement. Damant avait été bravache : odieuses. Joon avait été silencieux : odieuses. Lui-même s’était montré maladroit puis poli : odieuses. Si elles pensaient que se montrer infectes avec les gens débouchait sur de grandes relations de confiance, c’était probablement que l’une ou l’autre des subtilités du fonctionnement psychique s’avérait trop complexe pour leur esprit supérieur. Et comment osaient-elles leur reprocher leur soi-disant « félonie » ? Quel était au juste le comportement admissible lorsqu’on tentait de sauver sa vie, de raisonner avec des murs ? Elles étaient complètement folles, quoi qu’en dise la rôdeuse. Et justifier sa vilenie parce que d’autres font la même chose était le raisonnement le plus sous-développé qu’il ait entendu depuis longtemps. Lathandre n’avait manifestement jamais posé les pieds sur cette île. La barbarie demeurait le dénominateur commun de bien des peuples.

Sans doute en viendraient-ils à les aider, à faire ce qu’Astrée, raisonnable, bien entendu, proposait. Mais ce serait pour survivre, rien d’autre. Après tout ils étaient des cochons incapables de réfréner leurs instincts. Un peu de chair à flèche supplémentaire leur serait peut-être utile, qui sait. Elles semblaient si sûres d’elles, pourtant. Etrange qu’elles aient toujours des problèmes sur les bras. Cela dit, il ne se faisait pas d’illusions. Qu’il tue un mage ou deux, il resterait un homme. Si tout se passait bien. Il en vint à se demander si la mort n’aurait pas été préférable à une éventuelle collaboration avec des êtres qui n’arboraient manifestement que mépris à leur égard. Elles craignaient d’être trahies, mais dans les circonstances présentes, le jeune paladin avait l’impression que ce serait à eux de surveiller sans répit leurs arrières.

Bien sûr, il ne prononça pas la moindre parole. Jusqu’ici, rien n’avait servi à rien. Trop de récriminations, avait-elle dit. Il était bien d’accord. Mais elle parlait trop aussi. Quoi qu’elle en dise, il y avait une différence fondamentale entre hommes et femmes : tous ces bavardages alors qu’il suffisait de se tenir à une décision, bon sang ! Il avait la migraine et envie de dormir, désormais, plus rien d’autre. Qu’un autre mâle aille demander pardon pour leur vilain comportement scandaleusement injustifié.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Après sa tirade où il avait laissé éclaté sa colère et son ressentiment, Kasumi se sentait maintenant vidé de toute sa volonté. A peine adressa-t-il un regard atterré à Joon et Damant dont la tentative ridiculement désespérée avait été remarquée. Sans doute cela ne changerai-t-il plus rien désormais, si tant est qu'ils aient eu la moindre chance dès le départ. Avec l'abandon de la lutte, toute l'ampleur de leur situation grotesque et tragique s'imposait à lui. C'était peut être la dernière fois qu'il voyait Astrée aussi rejeta-t-il toute le reste comme s'il pouvait emporter ces dernières images dans l'au-delà. Sans la nécessité de montrer ses faiblesses, il se serait probablement effondré, attendant le moment de commettre un geste désespéré. Peut être quand une de ces sauvages le choisirait pour devenir son esclave...

Oh oui ! Laissez-nous lutter à vos côtés !

Zaiu sent déjà la puissance de notre vertu commune et assemblée marteler sauvagement sur les vicieux, les vilains et les autres gens comme ça ! C'est ça !

Camarades !
Nobles et vertueuses Gens de Ici !

L'heure est venue pour nous de balayer le Mal !
Nous cognerons tellement dur que vous en oublierez notre excroissance d'entre-jambe !
Nous rendrons ces lieux plein de Bien et de justice !
Puis nous partirons après avoir glorieusement vengé la mort du popa de Léo !

Trêve de palabres ! Les mots ont plusieurs ! Un direct du droit n'en a qu'un ! Et il sera pour la face de ces maudits mages !

Garder Damant en otage et laisser nous combattre !

Parce que bien sur, quand on a pas beaucoup de sagesse, on se laisse facilement emporter. Zaiu, à l'évocation de l'hypothèse à former dans l'esprit de la cheftaine de leur offrir une chance de combattre, avait vu son regard s'embraser de manière intense. C'est poing levé qu'il ait mené son harangue, un peu comme il l'aurait fait devant toute une armée à ordres, avant l'assaut ! Pour lui l'affaire était entendu, la cheftaine les accepterait ! Ou sinon ... Sinon ... Mieux valait ne pas envisager cette option ...

La Couronne de Cuivre

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