La Couronne de Cuivre

Souriant à la réaction de Chance, Elzen attendit qu'elle revienne contre lui pour la prendre dans ses bras, la serrant doucement contre lui. Elle ne semblait plus souffrir, et cela le réconfortait également. Il avait l'impression que, tant qu'ils étaient ensemble, les choses ne pourraient qu'aller bien. Peut-être était-ce là ce qui lui plaisait spontanément dans ce monde : c'était celui où elle se trouvait.
Il profita en tout cas de leurs positions respectives pour venir, doucement, lui glisser à l'oreille :

« Bonjour, toi. »

Chance remua à peine et, lorsqu'elle le fit, ce fut pour resserrer sa prise autour du tieffelin. Il l'entendit répondre un "bonjour" étouffé, le visage toujours caché dans son cou. Elle n'avait pas l'air d'avoir envie de se lever tout de suite, ni même de se lever tout court. Elle finit cependant par dégager sa tête pour murmurer :

- Cinq. Cinq minutes. Encore cinq minutes. Je profite du calme avant la tempête.

Après il y aurait le tambour dans sa tête, puis la lave en fusion dans ses veines. Elle se sentait bien mais elle savait aussi que cela ne durerait pas, ce qui la poussa davantage à profiter de l'instant présent.

« On a le temps. »

Rien n'était urgent… et comment vouloir interrompre un moment pareil ? Il pencha son visage vers le sien pour l'embrasser fugitivement, pendant qu'il caressait ses cheveux, la gardant contre lui comme s'il pouvait, ainsi, lui communiquer un peu du bien être qu'elle lui inspirait.

« Je t'aime. »

Que dire d'autre ? Il lui semblait présentement que ces quelques mots résumaient tout ce pourquoi il était nécessaire d'ouvrir la bouche.

Chance répondit au baiser mais pas à ses trois derniers mots. Elle se contenta de le regarder avec curiosité, presque comme s'il venait de lui parler dans une autre langue. Vite, il fallait détourner son attention de son brusque silence, mais avec quoi ? Un autre baiser ? Elle tenta le coup.

- Hum, non, dit-elle pensivement après avoir posé ses lèvres sur les siennes, tout aussi fugitivement. J'ai eu l'impression que ce genre... d'activités stimulait ma mémoire hier. Mais là non.

Elle s'approcha de lui et lui donna un autre baiser, à peine plus long que le premier.

- Non, toujours pas, fit-elle, amusée.

Le troisième fut plus insistant et il était clair que si la tieffeline cherchait à stimuler quelque chose, ce n'était pas sa mémoire. Le contact finit tout de même par se rompre assez rapidement et elle offrit ensuite un sourire radieux au tieffelin.

- Mince ! Ça ne marche plus ! s'exclama t-elle, enjouée et visiblement peu contrariée. Mais bon, dans le doute, je propose de recommencer l'expérience plus tard, on ne sait jamais.

La tentative de diversion était plaisante ; et quelque part, un semblant de réponse se cachait-il sans doute dans le choix de la façon de le faire taire. Mais, malgré toute la bonne volonté qu'il se faisait un plaisir d'y mettre, le tieffelin n'était pas entièrement dupe.

« Oui, ce serait dommage de ne pas réessayer… d'ailleurs, j'ai dans l'idée quelques autres petites activités de ce genre que l'on pourrait essayer pour voir si ça a plus d'effet… »

Le clin d'œil qu'il adressa à la tieffeline était plein de sous-entendus. Néanmoins, après une petite pause, il ajouta, d'un ton légèrement moqueur :

« Mais je t'aime quand même, tu sais. »

Et ce fut son tour de venir l'embrasser avant qu'elle ait eu le temps de répondre. Non mais.

Et il récidivait, en plus ! Elle n'allait quand même pas lui sauter dessus pour détourner son attention dès qu'il lui prendrait l'envie de lui faire des déclarations quand même, surtout qu'il semblait prendre un certain plaisir à lui répéter ces trois mots encore et encore... Enfin, cette fois, c'est lui qui ne lui laissa pas le temps de répondre. Elle enroula ses bras autour de son cou et l'empêcha de se sauver, approfondissant du même coup le baiser. Voilà qui l'empêcherait de parler. Que voulait-il entendre de toute façon ? Qu'elle l'aimait ? Ce n'était pas vraiment à elle qu'il fallait poser la question, mais plutôt à la tieffeline qu'il avait laissé à Melandis ; elle, elle était juste victime des émotions violentes qui la traversaient sans cesse. Oui, une pauvre victime. Et la seule chose dont elle était sûre à propos d'Elzen, c'est qu'elle avait envie de lui arracher les vêtements. La folie, sans doute. Et c'est ce qu'elle s'apprêtait à faire d'ailleurs, avant de le réaliser brusquement dans un sursaut de lucidité. Comment avait-elle atterri à califourchon sur lui ? Hum... Profitant de l'hébétude momentanée du tieffelin, elle s'arracha doucement à son étreinte et s'éloigna du lit, à moitié tremblante et complètement fiévreuse.

- Je propose aussi de... d'instaurer une distance de sécurité pendant le voyage, un mètre ou deux, histoire de... d'éviter que je...

Elle n'eut pas vraiment besoin de terminer sa phrase.

HRP : super maléfique, ton 666e message

Il était amusant de constater comme certaines personnes semblaient avoir des passes-droits sur ses réactions. Comme il avait eu une occasion de plus de le remarquer quelques temps plus tôt, la trop grande proximité, voire le contact, de la plupart des individus le mettait particulièrement mal à l'aise. N'importe quel représentant de l'écrasante majorité du multivers aurait, en se comportant ainsi, provoqué chez lui soit une crise d'anxiété aiguë, soit un violent réflexe défensif. Or le seul sentiment que lui inspira la subite réaction de Chance fut le regret qu'elle n'ait pas poursuivi sur son élan.

« D'éviter que tu ne m'arraches mes vêtements ? Hum. Je ne suis pas sûr que je me défendrais, tu sais. »

Sourire aux lèvres, Elzen se leva à son tour, réajustant quelque peu sa tenue légèrement malmenée par la nuit de repos autant que par leur récente échauffourée, puis se mettant en tête de rassembler ses affaires. Ils allaient reprendre leur route, autant ne rien oublier derrière eux. Même s'il était un peu délicat d'avoir des pensées terre à terre avec, à ses côtés, une source de distraction aussi efficace.

[667 ! Je redeviens sage, promis]

- Et c'est bien ce qui m'inquiète, répondit-elle, le sourire toujours aux lèvres.

Avait-elle toujours été aussi peu raisonnable ? Elle le connaissait si peu, bien qu'elle ait l'impression du contraire. Décidément ce tieffelin était doué, doué pour mettre la pagaille dans sa tête. Cette idée de distance de sécurité n'était peut-être pas si farfelue en fin de compte.

- En parlant de stimuler la mémoire, et plus sérieusement, j'aimerais retourner là où ils m'ont trouvée. Il paraît que c'était près d'une maison, pas trop loin d'ici je suppose. Je n'espère rien du tout et c'est sûrement une perte de temps mais... je ne sais pas, j'aimerais y aller. Si faire un détour ne te dérange pas bien sûr.

Voilà une initiative qui ne plairait pas à Augustin, lui qui manquait de faire un ulcère à chaque fois qu'elle posait des questions sur son passé, mais ça n'avait pas d'importance. Elle avait renoncé à aller à Melandis, c'était déjà beaucoup. Elle finit de rassembler ses affaires et attendit sagement le tieffelin près de la porte.

« Où tu voudras, ma belle ! »

Son propre sac bouclé, Elzen rejoignit Chance à la porte de la chambre, et la gratifia d'un nouveau baiser – sur le front, cette fois.

« Oh, pardon, je ne t'ai pas donné une envie irrésistible de me sauter dessus pour me déshabiller, j'espère ? Ou… je n'espère peut-être pas, en fait. »

Sourire amusé aux lèvres, il s'écarta d'elle pour ouvrir la porte et gagner l'étage inférieur. La suite du voyage promettait d'être… intéressante, quoiqu'il se passe en fait.

- Je ne sais pas si je vais réussir à me contenir très longtemps alors dépêche toi de prendre la fuite, répondit-elle du tac au tac alors qu'il disparaissait dans les escaliers.

Elle ne tarda pas à le suivre, à moitié hilare. Elle réussit à reprendre un semblant de sérieux après trois raclements de gorge mais peina à cacher le demi sourire stupide qu'elle devinait sur ses lèvres.

Voilà, c'était l'heure du départ, et elle se sentait beaucoup moins angoissée à cette idée que la veille. Elle était toutefois un peu gênée d'avoir abusé de l'hospitalité de cette famille sans avoir donné quoi que ce soit en échange, et sans doute n'aurait-elle jamais l'occasion de se rattraper. Elle ne manquerait pas de remercier l'hôte de la maison en tout cas, même si cette dernière avait eu tendance à la mettre mal à l'aise tout le long du séjour. Mais tout cela n'avait plus aucune importance à présent.

Une fois au rez de chaussée, elle jeta un oeil autour d'elle en se demandant si la manostienne était déjà partie de son côté...

La manostienne était assise sur le pas de la porte, perdue dans ses pensées. Dans la maison, la famille qui les avait accueillis s'affairait à la préparation d'un repas. La femme tendit un sac en toile à Elzen.

"Quelques pommes, du pain, du fromage, de la viande séchée. Je n'ai pas grand chose d'autre à vous offrir."

Arthemis leur fit face.

"Faisons-nous un petit bout de chemin ensemble ?"

« C'est déjà beaucoup. Merci pour tout. »

Quels mots étaient susceptibles de remercier ceux qui avaient pris soin de celle qu'il aimait ? Tout barde qu'il soit, le tieffelin manquait cruellement d'expérience pour ce genre de choses.

Il considéra un instant la manostienne.

« Pourquoi pas, si nous allons dans la même direction. Mais je crois que nous allons commencer par un petit détour, en ce qui nous concerne. »

Il se tourna vers la tieffeline. À elle, sans doute, de demander où se trouvait l'endroit où elle avait été retrouvée, si elle ne le savait pas encore.

- Oui, merci pour tout, et surtout merci de m'avoir sauvé la vie, tout ça...

Elle se gratta la tête. Hum, question remerciements, elle aurait peut-être pu mieux faire. Elle offrit donc, en guise de supplément, son plus charmant sourire à la maîtresse des lieux.

- Bien sûr que vous pouvez nous accompagner, dit-elle à Arthémis.

Elle était d'excellente humeur, à tel point qu'elle aurait même pu inviter n'importe qui sur sa route à voyager avec eux, et l'idée que cela puisse déplaire à Elzen ne lui traversa même pas l'esprit.

- Quant au détour, je ne sais pas vraiment si cela nous fera perdre beaucoup de temps. Elle se tourna vers les garçons les plus âgés. J'aimerais retourner là où vous m'avez trouvée, dans quelle direction faut-il que nous partions ?

Les gamins sans se consulter lui indiquèrent tous le nord-ouest. Leur mère eut une grimace légèrement réprobatrice réprobatrice mais ne prononça pas un mot. Arthémis haussa brièvement les épaules.

"Allons-y alors. Mieux vaut sortir du territoire mélandien le plus vite possible. Surtout si on doit faire un détour."

Elle avait l'air peu concernée par ce qu'elle disait. Elle dit au revoir à la maisonnée et se mit en route.

Le tieffelin remercia de nouveau leurs hôtes, vérifia qu'il avait bien pensé à reprendre tout son matériel, et sortit à son tour. Les indications pour trouver l'endroit en question n'étaient guère précises ; mais ils avaient une direction générale, ce qui était déjà plus qu'un début. Restait à espérer que cela ne les mette pas trop en danger ; et que la tieffeline soit satisfaite de ce détour. À présent qu'ils étaient, à l'exception notable de cette temporaire compagne de voyage, livrés à eux-mêmes, il était de sa responsabilité de veiller sur elle… non pas qu'elle ne soit pas capable d'y parvenir seule, bien sûr ; mais son amnésie, sa frêle corpulence et son état de santé encore préoccupant faisaient qu'il préférait être prudent. Il l'avait, contre toute attente, retrouvée au milieu de nulle part, et n'avait pas l'intention de la perdre de nouveau.

Après avoir salué les occupants de la maisonnée, Chance sortit rejoindre ses deux compagnons de voyage.

- Nord-ouest hein ? Eh bien allons-y !

Et elle s'élança, guillerette, prenant la tête de leur petit groupe. Elle essayait de ne pas penser à la guerre, de ne pas penser au manque, et elle y arrivait plutôt bien. La matinée avait bien commencé, elle espérait que le reste de cette journée se déroulerait tout aussi bien.

Mais l'entrain de la tieffeline ne fit pas long feu, elle stoppa net après quelques pas et se tourna vers ses compagnons, un peu gênée.

- Euh... c'est où, le nord-ouest ?

La jeune femme qui les accompagnait sembla hésiter avant de désigner une direction.

"Je pense que c'est par là."

Elle commença à marcher puis s'arrêta.

"Que cherchez-vous, au fait ?"

Et elle reprit la marche de plus belle.

Elle avait finalement cédé à la tentation de rabattre son capuchon sur sa tête et passa tout le trajet dans l'ombre de celui-ci. C'était assez plaisant, elle avait enfin l'impression... d'être elle-même. Elle ne ralentit pas l'allure lorsque la manostienne lui demanda ce qu'elle cherchait, elle avait même envie d'accélérer le pas pour le trouver plus vite.

- Une maison. Ou du moins ce qu'il en reste.

Ils l'avaient trouvée "près d'une maison en flamme", voilà ce que la femme en tablier lui avait dit à son réveil ; elle ne l'avait pas oublié. Il ne devait sûrement rien en rester après tout ce temps, et sans doute sa quête se solderait-elle par une déception, mais cette histoire l'obsédait tellement qu'elle ne pouvait pas envisager de ne pas faire ce détour. Le temps fila et la tieffeline se perdit de plus en plus dans ses pensées, contemplant la flore autour d'eux comme si elle espérait y retrouver un souvenir. Mais rien. Seul point positif : le rythme soutenu de leur marche réveillait ses muscles restés trop longtemps inactifs et l'effort semblait maintenir la crise de manque en échec, si bien que rien ne la dissuada de ralentir son allure, bien au contraire. Les seules fois où elle consentit à freiner un peu, ce fut pour cheminer aux côtés d'Elzen, à qui elle adressa de brefs sourires.

Elzen, de son côté, suivait le rythme sans trop de difficulté. Il en avait vu d'autres…

La silhouette encapuchonnée à ses côtés n'était pas sans lui rappeler des souvenirs : c'était ainsi qu'il l'avait vue pour la première fois, et quoique cela l'empêchait de contempler son joli minois, cette allure un brin mystérieuse que cela lui donnait l'amusait assez.

Trouver une maison, ou ses ruines, dans les environs, ne serait sans doute pas franchement difficile, si tant est qu'il étaient partis dans la bonne direction : ce n'était pas exactement le genre de choses qui disparaît derrière un petit buisson. Le tout était d'espérer qu'elle se trouvait bien sur leur route, et qu'ils n'allaient pas passer bêtement à quelques centaines de mètres sans la voir. D'un autre côté, il n'était pas pressé et n'avait pas encore vraiment de destination : peu lui importait de faire quelques détours.

Au bout d'une heure et demi de marche, ils virent devant eux les fondations noircies d'une maison. Le feu l'avait détruite, écroulée sur elle-même. Elle semblait petite mais les poutres et les murs écroulés étaient assez trompeurs.

Autour, le sol était noirci et la nature n'avait pas encore repris ses droits. Arthemis frissonna.

"Cet endroit donne la chair de poule."

- En effet...

Mais Chance s'approcha des décombres, comme fascinée. Aucun risque que quelque chose lui tombe sur la tête, vu l'état de la maison. Qu'est-ce qui avait pu l'amener ici quelques jours plus tôt ? Son esprit bouillonnait de conjectures, certaines plus raisonnables que d'autres, mais, au final, seule persistait la frustration qu'aucun souvenir ne remonte brusquement à la surface.

- Vous croyez qu'il y avait des gens à l'intérieur ?

Hum, les grands gaillards qui l'avaient trouvée auraient sûrement aider les occupants de la maison si ces derniers avaient été à l'intérieur. Mais peut-être qu'ils étaient tous déjà morts depuis longtemps à leur arrivée...

Elle donna un coup de pied dans une poutre calcinée, presque rageusement.

- Désolée de vous avoir fait perdre du temps...

Elzen demeura silencieux. Il avait eu l'occasion de voir d'autres demeures détruites ; mais que ce soit par le feu, qu'il avait tendance à considérer comme un allié, lui laissait toujours un certain pincement au cœur.
Pourquoi Chance s'était-elle trouvée ici ? Avait-elle eu un quelconque lien avec la raison pour laquelle cette bâtisse avait flambé ? Et, plus important, est-ce que cela lui rappelait quelque souvenir ?

Il s'approcha d'elle, à tout hasard, prêt à la soutenir si elle semblait en éprouver le besoin ; mais cela ne semblait pas être le cas pour l'instant.
Cependant, malgré son affirmation, peut-être n'avaient-ils pas perdu leur temps… qui savait ce que les détours pouvaient parfois réserver…

Tandis qu'ils marchaient, le vent s'était levé et avait poussé devant eux les nuages. L'orage menaçait. Portés par la brise furieuse, une multitude de pas se fit soudain entendre. On approchait. Non pas une seule personne mais plutôt une troupe dont plusieurs apparemment avec des chevaux.

Ils étaient encore trop loin pour que les trois fugitifs puissent apercevoir une quelconque drapeau. Impossible de voir si les arrivants venaient de Manost ou de Mélandis.

La tieffeline leva le nez en l'air, observant les nuages noirs qui se profilaient au dessus d'eux. Voilà qui n'augurait rien de bon, un peu comme le bruit des chevaux qu'elle entendait au loin. Instinctivement, elle se rapprocha d'Elzen. Elle n'avait aucune envie de se retrouver face à un groupe armé, et peu importait que celui-ci soit mélandien ou manostien. Mais ils étaient encore loin ; pouvaient-ils espérer se cacher quelque part en attendant que les cavaliers s'éloignent ?

Quelle idée idiote que ce détour. Des cendres et du danger, voilà tout ce qu'elle y avait gagné...

« Nous ferions mieux de nous mettre à l'abris. »

Elzen avait parlé à mi-voix, préparant son arc par réflexe, tandis qu'il cherchait du regard un refuge où se dissimuler. Le vent allait vers eux : il était probable que les nouveaux venus ne les aient pas encore entendu, et dans ce cas, peut-être ne les avaient-ils pas vu non plus : disparaître aux regards avant leur arrivée était sans doute la meilleure chose à faire. Si par hasard, il s'agissait d'ennemis, ils ne feraient sans doute pas le poids à eux trois.

Un détachement d'une dizaine de soldats s'arrêta devant les restes de la maison. Ils étaient à présent assez prêts pour que les fuyards puissent voir leurs visages. Elzen reconnut sans mal la prêtresse qui, il n'y avait pas si longtemps avait été sa compagne de route. Pour le moment, elle parlementait avec le groupe à propos d'un itinéraire à suivre.

Elle s'interrompit soudain et se rua derrière un buisson. Elle en sortit tenant un gamin par les cheveux qui n'était autre qu'un des enfants de la maisonnée que le groupe venait de quitter. Il ruait et se débattait comme un kobold mais elle le tenait fermement.

Ainsi, elle avait fini par rejoindre l'armée. Bon. Raison supplémentaire de ne pas trop s'y frotter…

Évidemment, il avait fallu que l'un des gosses se montre. À présent qu'ils étaient partis, Elzen pouvait fort bien considérer que ce n'était pas son problème. D'autant que, sans le détour suggéré par Chance, ils n'auraient simplement pas été au courant, puisque déjà loin. Néanmoins, ce ne serait peut-être pas l'avis de leur compagne qui, la veille, semblait prête à partir affronter Melandis tout entier à elle seule. Là encore, le tieffelin pouvait considérer que ce n'était pas ses affaires et la laisser aller si elle choisissait de se battre ; cela pourrait même leur fournir, à sa compagne et à lui, une diversion utile. Ou au contraire, attirer l'attention sur eux.

Bon sang, ce que ce genre de situations devait être délicate à gérer quand, en plus de sa propre sécurité et de celle de la tieffeline qu'on aimait, l'on devait gérer un sentiment de devoir envers les personnes présentes… étant donné que les décisions n'étaient déjà pas évidentes à prendre, il était bien content que ce genre de soucis ne soit pas sien.

Espérant tout de même éviter un quelconque acte inconsidéré qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses, il choisit d'informer ses camarades en prononçant à mi-voix, l'arc toujours en main, et désignant la prêtresse d'un hochement de tête,

« Prêtresse mélandienne. J'ai eu affaire à elle. Pas commode, et plutôt puissante, même sans les comparses. »

- Alors c'est une amie à toi ? Qu'est-ce qu'elle espère obtenir du môme ? Pourquoi elle ne le laisse pas tranquille ?

La tieffeline, elle, se sentait concernée par le sort du gamin. Son sang n'avait fait qu'un tour lorsqu'elle l'avait reconnu et elle semblait prête à bondir hors de sa cachette à tout moment. Mais elle n'en fit rien, elle attendit. Elle savait qu'intervenir maintenant les mettrait tous les trois dans une situation embarrassante, qui plus est dangereuse, et c'était probablement inutile. Cette femme finirait par laisser le môme repartir sans qu'elle soit obligée de l'y forcer, non ?

Toutefois, ses mains tâtèrent le sol et entrèrent en contact avec une grosse pierre qu'elle se mit à serrer de toutes ses forces.

La prêtresse approcha le gamin de son visage, en le tenant par les joues. Elle le soulevait presque de terre et il devait souffrir le martyr. Elle le posa finalement ou plutôt le jeta presque sur le sol sur lequel il tomba durement sur les fesses.

"Je te reconnais toi, tu étais avec un de mes amis la dernière fois que l'on s'est vu. Maintenant, tu vas me dire bien gentiment où il se trouve. D'accord ?"

Le gamin hésita. Elle brandit son poing au dessus de sa tête.

"Tu veux de l'aide pour te rafraichir la mémoire ?"

La pierre n'était pas restée très longtemps dans sa main, elle avait fendu les airs au moment où la prêtresse avait levé le poing vers le garçon. Elle avait visé la tête, cherchant non seulement à détourner son attention mais aussi à lui faire mal. Faute d'arbalète armée, elle devrait se contenter de ça ; et pourtant elle aurait tellement aimé lui planter un carreau entre les deux yeux...

La tieffeline avait quitté sa cachette, et se tenait maintenant en face du groupe armé. Oui, armé. Et elle, elle ne l'était pas. Elle aurait du s'en inquiéter et pourtant ce n'était pas le cas. Elle se sentait juste en colère. Mais peu importait la suite des événements, l'attention n'était plus dirigée vers le gamin maintenant et il avait là une chance de s'enfuir sans demander son reste. Une occasion qu'il saisirait sans tarder, elle l'espérait, histoire que son acte aussi courageux qu'idiot serve à quelque chose...

La Couronne de Cuivre

[RP] Guerre des Plaines Brûlantes - armée mélandienne