La Couronne de Cuivre

-Je préfère également qu'il reste ici, en sécurité. De plus, comme il a été acheté par Baelish, cela évitera des problème au cas où ce dernier soit l'objet d'une enquête poussée.
Il tambourina des doigts sur la table.
-L'idéal serait que l'un de nous occupe les marchands pendant que l'autre glisse quelques mots rassurants à Léontine. Non, il y a encore mieux : trouver un moyen sans douleur et sans risques pour qu'elle tombe inconsciente. Ainsi, elle ne s'inquiéterait de rien, tandis que je pourrais blablater à loisir sur le mal rarissime dont elle est victime...

" Ça c'est facile, dit le halfelin. Je m'en occupe. Faudra juste pas oublier de lui donner rapidement l'antidote. Ce serait dommage qu'elle y reste ensuite."
Il sourit.
" C'était une blague. Je suis pas manchot. C'est un pied que j'ai perdu."
Il se leva, manifestement fier de son humour.
" Je vais aller préparer ça. Trouver Fulgence, d'abord. Il me faut une idée de son âge, de son poids... Je ferai plusieurs fléchettes avec plusieurs dosages. Fais-toi beau, pendant ce temps-là. Et je te laisse prévenir le chef."

-Ça marche. Mais tu devras te grimer, toi aussi ! Après avoir joué les ignobles entremetteurs, me voilà condamné à incarner un affreux serviteur de la Dame des maladies, alors que je ne suis que bonté, que beauté... Assurément, la justice exige que je ne sois pas le seul à endurer pareil calvaire contre-nature ! Aussi te trouvera-t-on quelque chose de... de bien.
Après avoir adressé un clin d’œil à son ami, il se mit en quête de Kerun. Si l'agent était trop occupé, il dirigerait ses pas vers Lena, afin qu'elle métamorphose son apparence.

Kerun était en train de discuter avec Sedanius et Lena était invisible. Par contre, une troisième personne s'engouffra dans la brèche. Le voyant presque désoeuvré, le paladin se leva et vint vers lui avec un sourire embarrassé.
" Je me demandais... si vous auriez quelques minutes à me consacrer. Je ne serai pas long. Je sais que vous êtes très occupé, mais j'ai besoin de savoir..."
Il ne lui laissa pas le temps de se dérober.
" C'est à propos de mes parents. Hier soir, quand vous étiez... sous cette autre forme... vous m'avez dit que vous les aviez rencontrés. Qu'ils avaient rejoint ce groupe, la Réunion. Je dois dire..."
Il soupira.
" Je m'attendais à les voir. Or ils ne sont pas arrivés jusqu'ici, n'est-ce pas ?"

Aux réflexions sur son rêve étrange avaient succédé les préparatifs des missions à venir et, pas un instant, il n'avait anticipé cette question pourtant prévisible du paladin. Peut-être s'était-il dit, inconsciemment, que quelqu'un d'autre l'avait prévenu... C'était stupide, pourtant : il venait tout juste de se lever.
La mine grave, il acquiesça en silence.
-Je suis désolé, Deverell... commença-t-il, cherchant toujours ses mots. Durant la traversée du détroit, notre bateau a fait escale sur une petite île nommée Mersant. Une petite île qu'une flotte pirate a pris d'assaut juste après notre arrivée. Plusieurs personnes se sont portées volontaires pour retarder les assaillants, pour permettre aux autres de se replier dans les cavernes et... et vos parents en faisaient partie. C'est juste avant que nous nous séparions que je leur ai promis de vous libérer.
Il baissa les yeux, mal à l'aise.
-Je suis vraiment désolé, conclut-il simplement.

Le paladin ne répondit rien. Les yeux baissés, Taliesin ne put voir l'expression de son visage. Il demeura silencieux quelques secondes, puis prit une profonde inspiration.
" Merci de m'avoir dit la vérité, dit-il finalement, d'une voix maîtrisée. Merci d'avoir tenu votre engagement, aussi. Je suis heureux qu'ils aient placé leur confiance dans une personne qui en était digne."
Un soupir s'échappa de ses lèvres.
" Je vais... Je crois... Si vous voulez bien m'excuser un moment..."
Il battit rapidement en retraite vers les escaliers.

Se sentant soudain las et morose, Taliesin s'assit sur la première chaise venue. Il aurait aimé que rien ne vienne ternir la libération du paladin, qu'à la joie de cette dernière succède celle d'heureuses retrouvailles. Malheureusement, le destin en avait décidé autrement, et il fallait faire avec, se dire que Deverell s'en remettrait, songer que, peut-être, sans le sacrifice héroïque de ses parents, il y aurait eu bien d'autres morts, qu'aucune libération n'aurait été possible... Il fallait se concentrer sur les choses positives, ce qui n'était pas exactement la spécialité du barde.
Il s'y efforça cependant et, conscient que l'oisiveté ne lui faisait aucun bien, il décida de s'occuper en attendant que Kerun ou Lena soient disponibles. Il y avait de la vaisselle à laver, après tout.

Mais l'agent secret vint le débaucher assez rapidement, l'arrachant à ses assiettes et autres couverts ternis. Il s'enquit du plan qu'il avait mis au point avec Guéric, l'approuva et leur souhaita bonne chance. Sedanius et lui-même comptaient traquer le petit voleur sur l'Esplanade Impériale, sans garantie de le dénicher aisément. Si cela se trouvait, il ne sortait que de nuit, et il serait autrement plus difficile d'aller le déloger dans l'une des dix planques que l'on connaissait à son groupe de tire-laines. Il recommanda au barde de ne prendre aucun risque inutile et l'informa qu'Ybarra lui donnerait les fonds nécessaires pour la transaction. Il semblait faire parfaitement confiance à Guéric en matière de poisons.
Lena ne fut pas beaucoup plus longue à regagner la pièce principale du Comptoir. Elle avait revêtu une robe de cuir noir très révélatrice et d'un goût douteux, qui lui donnait une apparence dangereuse. Perceval paraissait nettement moins motivé à l'idée de jouer son souffre-douleur. Elle expliqua à Taliesin qu'il était nécessaire qu'ils soient tous présents pour qu'elle puisse lancer son sortilège une seule fois et leur donner à tous une apparence trompeuse, aussi attendit-elle que Guéric les rejoigne avant de leur demander ce qu'ils voulaient refléter aujourd'hui.

-Après l'affreux herboriste grâce auquel les maîtres peuvent battre leurs esclaves sans retenue et sans crainte de les perdre, après l'ignoble entremetteur satisfaisant les vices les plus odieux, la famille des Abominables mélandiens va accueillir l'horrible clerc de Talona ! dit-il d'un ton léger. Outre le costume adéquat, je pense qu'un vieillard à l'allure sinistre fera parfaitement l'affaire. Quant à Guéric, je me disais qu'un solide nain serait idéal pour porter les caisses de bougies. Mais peut-être a-t-il une autre préférence ?

" Ah, le retour de la barde hirsute immonde. Est-ce qu'elle peut être un peu plus courte, cette fois ? Je sais que c'est une illusion mais... ça me gratte psychologiquement.
— Pas de soucis." fit Lena.
Elle se mit ensuite à incanter, et les trois hommes se retrouvèrent entourés d'une lumière violacée piquetée de poussière argentée. Quelques secondes plus tard, leur apparence avait changé. Guéric était devenu un nain bardé de cuir noir, à la mine moins revêche que la veille. Perceval avait à peine changé mais suffisamment pour qu'on ne le reconnaisse pas. Ses vêtements étaient désormais ceux d'un esclave un rien dévêtu, au dos agrémenté de cicatrices révélant les mauvais traitements que lui infligeait sa maîtresse. Taliesin était à nouveau un humain, vieux et inquiétant, vêtu d'une robe verte et grise, aux manches déchirées, brodée d'un triangle pourpre aux trois gouttes dorées, symbole de Talona. Le tissu en était extrêmement usé, et troué en plusieurs endroits.
" Jolis tatouages." remarqua Guéric avec un sourire hilare.

Il le foudroya du regard.
-Surveille tes paroles, profanateur ! lâcha-t-il d'une voix sèche, rauque, glaciale. Se moquer de moi, c'est se moquer de Celle que je sers, et semblable blasphème ne peut rester impuni. Au prochain mot déplacé de ta part, ta langue pourrira, tes dents tomberont une à une ; tes yeux deviendront des boules de pus qui dégoulineront sur tes joues fissurées ; ta peau se couvrira de pustules puis se détachera, révélant ta chair rongée par les vers...
Il s'interrompit, observa les autres, baissa les yeux et croisa les mains dans son dos, penaud.
-Heu... Désolé. Je... Je me mettais dans le personnage, voilà tout...

Lena était franchement impressionnée, tandis que Perceval avait fait un pas de côté. Guéric ne put s'empêcher de grimacer.
" Finalement, je ne suis pas sûr que j'y gagne, Perceval. Au moins ta matrone drow est jolie !" grommela-t-il.
Il se tourna ensuite vers Taliesin, fronçant ses sourcils broussailleux illusoires.
" Mais j'ai préparé mes poisons pour rien ! La gamine, elle va te voir, elle va t'entendre et elle va tomber dans les vapes aussitôt !
— C'était très réussi, Taliesin. Tu es vraiment un maître." intervint Meloenn d'une voix roucoulante, juste derrière l'épaule du barde.

Lequel lui sourit brièvement, tout en se demandant pourquoi diables Ybarra et Kerun n'avaient pas choisi de la renvoyer à Luménis...
-Guéric, j'espère bien que tu l'auras endormie avant que je n'aie à déblatérer semblables horreurs. Si tu réussis bien ton coup, Léontine sombrera quelques instants après notre arrivée, ne se réveillera qu'ici... et aura vécu la libération la moins éprouvante qui soit.
Il se tourna vers les autres.
-Bon, plus que l'or à récupérer, et nous pourrons y aller.

Les différentes équipes se succédaient auprès d'Ybarra pour récolter quelques deniers, et Guéric et Taliesin n'y firent pas exception. La demi-elfe grimaça en les voyant approcher, signe que le déguisement était à la hauteur, et leur remit une somme modeste, amplement suffisante pour l'achat d'une gamine sans particularités. Les deux hommes furent ensuite invités à utiliser la porte du hangar pour quitter le comptoir, histoire de ne pas attirer l'attention. Ils remontèrent donc l'allée entre les étagères chargées de fioles et de bouteilles, passèrent devant les étranges cabines de bois qui servaient de cellules, puis poussèrent la porte et gagnèrent l'extérieur. Guéric fit le guet un moment, avant d'indiquer à son maître inquiétant que la voie était libre et ils purent gagner les rues qu'ils commençaient à bien connaître.

Quête : Les Squelettes du Placard.
Chapitre 9 : Sauvetages (suite)

Quittant les rues mal famées bordant la Houleuse, Guéric et Taliesin retrouvèrent la sécurité du comptoir. Le nain ferma précautionneusement la porte derrière eux puis tourna son visage hirsute vers le vide, à deux bons mètres à gauche du barde, et sourit.
" Et c'est une victoire éclatante du tandem Guéric - Taliesin, que la cruauté d'un elfe des bois se prenant au sérieux va faire voler en éclats pour les beaux yeux d'un putain de paladin !" s'exclama-t-il les poings sur les hanches.

-Guéric ? Tu as la berlue ou quoi ? Je suis là !
Le barde venait de lever son sortilège et, par conséquent, de redevenir visible.
-Mais je suis d'accord, c'est une éclatante victoire pour notre duo de choc et il faudra qu'on trouve un moment pour trinquer ! reprit-il, tout sourire.
Délicatement, il fit glisser l'enfant inconsciente de ses épaules jusque dans ses bras.
-Tu veux bien aller chercher Ombeline ? Elle pourra la guérir et la réconforter : ça va être un choc pour elle, quand elle se réveillera. Quoique, si Fulgence est là... Ceci dit, peut-être vaut-il mieux qu'il ne la voie qu'après la disparition des pustules.

Les pustules s'étaient déjà bien atténuées, en réalité, et la petite fille remuait de plus en plus. Ils entendirent des pas venir à leur rencontre et Kerun apparut au bout du hangar, Ombeline dans son ombre.
" Ah, je suis content que vous soyez rentrés, dit le Luménien d'un air préoccupé. Nous avons une urgence."
Il jeta cependant un oeil sur la gamine que portait Taliesin, circonspect.
" Est-ce que... est-ce qu'elle va bien ?" demanda-t-il.
Ombeline, de son côté, poussa un petit cri de surprise horrifié, tandis que Guéric se fendait brusquement d'une gigue victorieuse.
" Je piège un agent secret et une Ilmate ! Je suis un champion !"
Léontine, de son côté, papillonnait des yeux.

-Tu veux bien t'en occuper ? demanda-t-il à Ombeline. Elle est en train de se réveille ret je crois qu'il est préférable qu'elle te voie toi, plutôt que l'horrible Talonite dont j'arbore encore les traits...
L'instant suivant, il se tournait vers Kerun.
-Que se passe-t-il ?
L'elfe s'était exprimé d'un ton calme, mais l'anxiété le gagnait déjà. Car c'était d'urgence qu'avait parlé l'agent secret, ce qui n'augurait rien de bon... Quelque chose avait-il cloché lors de la libération d'Ortwin ?

Ombeline s'était agenouillée près de la petite fille tandis que Kerun repartait vers la salle commune, Taliesin et Guéric dans son sillage.
" Nous avons kidnappé Ortwin sans difficultés. A Mélandis ou ailleurs, les gosses qui font ce genre de métier s'exposent au risque très aisément, s'ils pensent qu'il y a de l'argent à se faire... Ils ne vivent pas vieux. Enfin, ce n'est pas la question..."
Il ouvrit la porte. Derrière lui, la pièce était en effervescence. On avait déployé le plan d’un bâtiment sur la table, autour duquel étaient installés Ybarra, Sedanius, Eliott et Arion. Un petit garçon maigre aux cheveux blonds, le visage marqué d’une vilaine cicatrice en croissant de lune, les observait à distance, devant un bol de soupe fumant. Deverell, debout, paraissait nerveux, tandis qu’Aliosha ravitaillait tout le monde, aidée d’un Fulgence très concentré pour ne pas renverser le plateau dont il avait la charge.
Hormis les quatre amateurs de bain, sans doute encore en mission, il ne manquait que Constance, mais elle était sans doute à bord de la Liberté, et Abel, qui tenait peut-être la boutique.
« Ortwin prétend que les Bainites vont sacrifier un gosse que nous n'avions pu localiser ce soir. Nous allons devoir improviser une intervention. »

-Une intervention dans le temple de Baine ?! lâcha Taliesin en s'immobilisant brusquement.
Il était naturellement hors de question de rester les bras croisés tandis que les séides de ce dieu maléfique tueraient un enfant. Mais, tout de même, ils étaient en train de parler de tout autre chose que d'une embuscade contre le carrosse d'un propriétaire de gladiateurs...
-Chez les maîtres de Léontine, nous avons croisé deux Bainites venant d'acheter plusieurs caisses de bougies, reprit-il d'une voix hésitante. Peut-être était-ce justement en prévision du... rituel ?

" C'est difficile à savoir, avec les Bainites. Ils sont du genre à improviser un sacrifice sur une lubie de leur grand prêtre."
Kerun soupira.
" Mais il y a des chances, oui. Et je suis bien conscient que c'est une mission très risquée. Je n'impose à personne d'y participer, d'ailleurs. Ce n'est pas ainsi que fonctionne la Réunion. Ces gosses n'ont aucun proche. Si celui-ci se fait tuer cette nuit, il ne reste de toute façon personne pour le pleurer."
Il les invita à le suivre à table.
" Je pense qu'en agissant avant la nuit, nous avons plus de chance d'y parvenir. Ils en sont encore au stade des préparatifs, certains doivent être en ville... Une fois qu'ils seront rassemblés, ça deviendra injouable."

-J'imagine, oui...
La journée étant déjà bien avancée, il ne disposaient que de très peu de temps pour préparer et mener à bien l'opération. Oui, "ils", car, pour l'heure, il n'imaginait pas rester à l'écart. Peut-être cela changerait-il d'ici quelques minutes, lorsqu'il aurait eu l'opportunité de véritablement mesurer les risques encourus. Mais dans l'immédiat...
Désireux de se détendre quelque peu, il se baissa et souffla à l'oreille de Guéric :
-Comment avais-tu deviné qu'il faudrait enchaîner immédiatement ? Je commence à croire qu'en plus d'être un paladin, tu as des pouvoirs de devin...

" Je dois dire que je m'y attendais pas... Ils sont plutôt costauds, les Bainites, non ?" souffla le halfelin tandis qu'ils prenaient place.
Le plan déployé sur la table était manifestement celui du temple de Baine. On distinguait trois niveaux, le premier dessiné en détail, le second un peu moins précis, le troisième à peine esquissé. Sedanius désignait un point au niveau intermédiaire.
" L'autel est ici. De ce côté-là, ce sont les cellules des jeunes clercs, avec le dortoir des novices tout au bout. L'escalier qui se trouve ici descend directement au niveau inférieur, où sont la plupart des salles de torture et des cachots. Mais il y a un quatrième niveau, et peut-être un cinquième. Je ne connais personne qui en soit remonté pour en parler.
— Atteindre ce second niveau ne sera déjà pas complètement évident. Seuls les clercs y ont accès, intervint Arion. Cela dit, il n'y a pas de protections magiques. La peur qu'inspire Baine suffit à écarter le curieux... La promesse des tourments qui attend l'impudent n'est pas à prendre à la légère."
Le jeune elfe de lune paraissait, pour une fois, parfaitement concentré sur ce qu'il racontait.
" Est-ce qu'ils vont torturer le gosse avant de le sacrifier ? demanda Ybarra avec une grimace.
— Plus que probablement. Mais il y a une chambre de torture au même niveau... Le plus probable est qu'il sera retenu à l'étage des cachots, préparé à ce niveau, et monté pour... le final." répondit Sedanius, à mi-voix.
Le paladin qui les écoutait se frotta le visage des deux mains.

Taliesin pensait savoir quel type de sentiments animaient le paladin. Peut-être lui parlerait-il, en cas de besoin. Mais, dans l'immédiat, il fallait se concentrer sur les préparatifs de l'expédition. Les images du fameux bâtiment de l'extraction, au refuge, lui étaient brusquement revenues à l'esprit, et un goût de bile lui était monté à la gorge.
-Comme pénétrer dans le bâtiment par l'entrée principale n'est évidemment pas de mise, comment pensez-vous procéder ? Par une issue latérale ? Par un passage souterrain ? J'ai ouï dire que le sol de Mélandis en était littéralement truffé et qu'il était possible de se rendre d'un point à n'importe quel autre sans jamais voir la lumière du soleil. Du moins, si on les connait, et si l'on a pas peur d'affronter maints dangers...

Sedanius se tourna vers le barde et lui sourit.
" Il y a la possibilité de l'entrée latérale. Il y en a au moins deux. Une au niveau de leurs écuries, et une au niveau des cuisines. Sinon, évidemment, on peut tenter l'entrée par les égouts. Mais c'est risqué. Comme je le disais, au moment de la construction du temple, seuls ces trois niveaux ont été officialisés... mais je sais de source sûre qu'il y en a deux de plus. Et je ne sais pas ce qu'ils renferment.
— Probablement qu'il vaut mieux ne pas trop chercher à savoir.
— A mon avis, ils entretiennent un réseau de galeries les menant à droite à gauche... Ce sont des Bainites. C'est le genre de choses qu'ils font, dit Elliot. Sans doute vers des temples alliés, sans doute vers des lieux de pouvoir... Mais le temps de dénicher un passage secret utile, nous serons demain matin.
— Mais ils ont des égouts, ajouta Kerun.
— Immanquablement."

-Le problème avec les égouts, c'est qu'à moins de n'emprunter que des conduits inutilisés depuis des lustres, même le plus puissant mage, même le plus habile roublard ne peut compter rester discret une fois qu'il en est sorti : l'odeur qu'on y récolte est littéralement abominable, on la sent pour ainsi dire des lieues à la ronde. Je le sais d'expérience : nous sommes souvent passés par là durant le soulèvement des esclave et j'ai cru que je ne me débarrasserai jamais de ces horribles remugles... Par conséquent, s'il y a moyen de s'infiltrer par les entrées latérale, il vaudrait peut-être mieux considérer les égouts comme une porte de sortie.
Il grimaça.
-Enfin, ce n'est qu'une suggestion. Je suis loin d'être expert en ces domaines...

" Les égouts luméniens sentent moins mauvais, dit Kerun.
— Faudra faire avec les égouts mélandiens." rétorqua Arion.
Les deux hommes s'échangèrent un regard tendu mais en restèrent là. Sedanius acquiesça.
" Taliesin a raison. Mieux vaut envisager les égouts comme porte de sortie, dit-il.
— Bon... Les cuisines sont ici, là, c'est la réserve, il y a ce couloir jusqu'au réfectoire, et si j'ai bien suivi, celui-ci monte vers l'étage supérieur et les chambres des clercs les plus expérimentés.
— Nous n'avons aucun plan de cette zone, mais il est déterminable par l'agencement extérieur du bâtiment, je suppose.
— A priori, nous n'aurons pas besoin d'y aller. Sauf si un des prêtres est connu pour ses goûts douteux ?
— Non. On n'a jamais entendu parler de ce genre de choses. Or, généralement, ces rumeurs sont entretenues avec bonheur."
Kerun soupira.
" C'est déjà ça. A-t-on une idée de l'attribution des cachots ?
— Non, dit Sedanius. Le gosse peut être n'importe où.
— Nous devrions bouger. Il est déjà entre leurs mains depuis plus de cinq heures."

-Un instant... intervint l'elfe. Même si nous parvenons à sauver le gamin sans être repérés, ce qui serait assez miraculeux, sa disparition, elle, ne passera pas longtemps inaperçue, et je doute que les Bainites ne fassent rien pour tenter de laver cet affront, cet incursion dans leur sanctuaire, ce coup porté à leurs projets... Dès lors, ne devrait-on pas prendre le temps de réfléchir à une couverture, à des indices que nous pourrions laisser et que seraient susceptibles de les leurrer ? A-t-on les moyens d'imaginer quelque chose de crédible en se basant soit sur ce qu'Ortwin nous a appris, soit sur la situation actuelle à Mélandis ?

" Je n'avais pas pensé à ça... murmura Kerun.
— L'idéal serait de parvenir à faire retomber ça sur le dos des Cyriciens, dit Arion.
— C'est beaucoup trop risqué ! s'exclama Sedanius en ouvrant des yeux ronds. Non, non, non ! On n'ouvre pas impunément les portes des enfers ! Il faut trouver une autre explication. D'autant que ça n'aurait absolument aucun sens : pourquoi les Cyriciens iraient-ils enlever un gosse ?
— Ce n'est pas n'importe quel gosse. C'est le gosse que les Bainites veulent sacrifier.
— Ce ne sera sûrement pas la seule victime de ce sacrifice. Pour que ça ait du sens, il faudrait délivrer tous les condamnés et gâcher l'entièreté de leurs projets !
— Et bien... c'est pas gagné." souffla Guéric.

Taliesin hocha la tête : oui, ça n'était pas gagné... Mais nul doute qu'il en faudrait plus pour les décourager.
-Libérer tous leurs prisonniers serait un excellent moyen de noyer le poisson, même s'il faudrait faire en sorte qu'ils ne voient jamais nos visages, même si cela compliquerait grandement notre tâche... Mais, déjà, sait-on quelque chose à propos de cette cérémonie ? Sait-on pourquoi ils s'en prenne à ce gosse ? De tels éléments pourraient peut-être nous aider à y voir plus clair.
La réussite d'une telle opération réclamait ordinairement la collecte patiente de maintes informations. Vu les circonstances, cependant, ils devraient se contenter du peu qu'ils possédaient déjà...

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Le Comptoir des Transparences