La Couronne de Cuivre

-Effectivement. Et ce ne sera pas facile. Mais... J'aime les défis ! Sans compter qu'un peu de lumière, de chaleur et de joie au milieu des brumes glacées et obscures des marécages, c'est une bonne illustration de nos valeurs, de notre conviction qu'il demeure toujours de l'espoir, même au cœur des plus profondes ténèbres... Alors, nous chanterons et nous danserons. Peut-être pas sur le trajet, d'accord. Mais une fois dans la ville...
Elle le dévisagea, parut sur le point de dire quelque chose, se ravisa.
-Plus j'y réfléchis, plus je suis convaincue que toute cette aventure peut donner lieu à une formidable chanson de geste hélonnienne, fit-elle enfin. Nous nous efforcerons que sa conclusion soit heureuse. Les histoire dramatiques ne sont pas désagréables, quand on les écoute. Très poignantes, même. Cependant, quand on est soi-même un acteur de ladite histoire, c'est toujours mieux quand ça se finit bien.

" C'est certain." dit-il simplement.
La jeune femme était enthousiaste, c'était aussi un trait de la profession, probablement. Mais en réalité, toutes les personnes qu'il avait rencontrées jusqu'ici partageaient cette même conviction. Il ne savait pas s'il devait l'admirer ou la craindre. Il était persuadé que, malheureusement, la réalité et les turpitudes du voyage les décilleraient. Il ne le leur souhaitait pas, cependant. Mais il le savait. Il chassa ces pensées.
" Savez-vous si cette cité est étendue ? Dame Marthe a, je crois, parlé de cinq cents colons... C'est un beau nombre, mais c'est loin de constituer la population d'une ville..."

-D'après les documents d’Étienne, la ville abritait plusieurs milliers d'âmes : nous ne manquerons donc pas d'espace ! Je pense que, dans un premier temps, nous nous installerons dans un seul quartier, et si les remparts sont trop vastes pour que nous les contrôlions dans leur ensemble, et bien, nous construirons des barricades pour sécuriser notre lieu de vie. Enfin, j'imagine. Cependant, si tout se passe bien, ce ne sera que temporaire : si le projet réussit, si les filons d'or et de diamants ne sont pas épuisés, nous aurons rapidement un afflux de volontaires. Ils seront les bienvenus, du moment qu'ils partagent nos valeurs et acceptent notre mode de fonctionnement.

Et c'est là que les choses se corseront, songea-t-il.
Il n'avait pas d'expérience des cités minières : ce genre de lieux était généralement exploité par des communautés naines ou gnomes qui avaient davantage de facilités et de compétences dans le domaine. C'était d'ailleurs surprenant que ces deux races soient si peu représentées dans un projet qui aurait dû exciter plus d'une convoitise. Mais malgré une bonne entente, les peuples se mélangeaient finalement peu, souffrant de trop d'incompatibilités culturelles, sans doute. Des humains avaient mis l'expédition en branle, et des humains verraient son échec ou sa réussite.
" Et bien, espérons que vous ne viderez pas toutes les cités du continent pour remplir la vôtre. Avait-elle un nom, d'ailleurs ? J'imagine que les documents de Messire de Fontbrune doivent le mentionner." dit-il avec légèreté.

-Elle s'appelait Clairétoile. La légende veut que ses fondateurs, dont l'ancêtre d’Étienne, avaient entrepris un long voyage en quête d'un nouveau lieu où s'établir. A l'issue d'une journée particulièrement éprouvante, ils parvinrent près d'un lac, furent charmés par le reflet de la voûte céleste se mirant dans ses eaux paisibles et y virent un bon présage. Comme les environs étaient agréables, comme les terres fertiles ne manquaient pas, ils choisirent de poser là leurs bagages. Bientôt, ils découvrirent que le sous-sol était tout aussi riche, puisqu'il recelait de l'or... et des diamants : des étoiles, en somme. Par la suite, la cité prospéra, devint, à en croire ses chroniqueurs du moins, le joyau des Landes, la cité étincelante, la capitale d'un royaume où coulait le lait et le miel. Évidemment, sans doute y a-t-il là une part d'exagération liée à la nostalgie du foyer perdu... Car survint la Catastrophe qui sonna la ruine de Clairétoile et de toute la région, obligeant ceux qui y vivaient à fuir en attendant le jour béni où ils pourraient rentrer chez eux... Très romanesque, n'est-ce pas ?

" Très romanesque en effet, fit le Luménien avec un sourire. Je n'aurais pas imaginé qu'il y ait des terres fertiles au coeur des Landes, je les ai toujours imaginées humides ou désertiques, une version plus accidentée de la Trouée... Clairétoile, c'est presque elfique, comme nom."
Il songea un instant à Euryale, prêtresse de la Lune, enlevée par la nuit noire, avalée, pour toujours.
" Sait-on quelque chose de cette Catastrophe ? C'est très vague... et un peu inquiétant. Le Paludier qui a vu la cité n'en a-t-il rien dit ? Ou les chants de barde ? Après tout, rares sont les événements qui leur échappent..."

-Malheureusement, il faut toujours une exception à la règle, et c'est le cas de cette Catastrophe. Nul ne sait rien d'elle, pas même les bardes, pas même les Paludiers qui sont venus s'installer ici après qu'elle se soit produite. On suppose qu'autrefois, la zone n'était pas qu'un vaste marécage putride, qu'elle était au contraire riante, accueillante... Mais ce fléau inconnu a apparemment tout changé. Cependant... L'histoire est riche d'exemples montrant la lente reconquête de territoires abandonnés pour d'obscures raisons. Peut-être notre expédition marque-t-elle le début d'un tel mouvement ? Par ailleurs, les marais, ça s'assèche : ces terres jadis arables peuvent le redevenir. Cela réclamera d'immenses efforts, j'en conviens. Toutefois, ça n'est pas totalement irréaliste ou farfelu.

" Je ne voulais rien sous-entendre de tel, fit le Luménien, sur la défensive. Je songeais simplement... qu'il est toujours plus facile de se prémunir d'un ennemi que l'on connait. Mais cette Catastrophe est ancienne, vous avez raison. Il n'est nul besoin de s'en préoccuper aujourd'hui."
Pas qu'il soit personnellement capable de s'en empêcher, mais il n'était pas non plus obligé de jouer l'oiseau de mauvaise augure au milieu de ces gens pleins d'énergie et de confiance.
" Il est certain que vous avez rassemblé une équipe qui semble capable de relever ce défi, en tout cas."

-On l'espère tous. Le projet a été bien pensé, bien organisé, et d'ailleurs, si ça n'avait pas été le cas, je ne m'y serais pas jointe : j'ai l'âme aventurière, non suicidaire... Il n'empêche : dresser des plans, prendre des précautions, essayer de parer à toutes les éventualités et voyager dans les riantes campagnes d'Helonna, c'est une chose ; mettre la théorie en pratique et être confronté à la réalité, c'est une autre affaire. Il y aura d'abord le voyage, qui promet d'être éprouvant. Mais, à mon avis, le plus dur commencera quand nous serons arrivés à bon port : nos objectifs seront alors plus vagues, sur le plus long terme ; il nous faudra vivre au quotidien en milieu hostile, surmonter les épreuves ensemble, garder notre cohésion... Tout un programme ! Enfin, nous sommes tous conscients que ça ne sera pas simple, que nous avons du pain sur la planche. Un homme averti en vaut deux, dit-on : nous sommes donc un millier ! Malgré tout, quelques bonnes volontés de plus ne seraient pas de refus.

Le Luménien sourit de cet appel du pied peu subtil.
" Peut-être. Je dois dire, pour être parfaitement honnête, et sans vouloir douter une seconde du sérieux de vos conseillers et de votre organisation de manière générale... que j'ai encore du mal à croire que cette cité puisse être trouvée. Bien sûr, je n'ai pas vu les documents que possède Messire de Fontbrune, et je n'ai pas parlé avec le Paludier qui prétend avoir vu la ville, mais... les Landes sont désolées depuis des siècles, maintenant... Les Ithiliens doivent chercher depuis des lustres, parce qu'ils vénèrent Oghma, le savoir, la science, et donc se doivent de trouver ces trésors perdus, mais aussi parce que s'ils pouvaient peupler les Landes de cités soeurs, leur influence politique croîtrait sur l'île... Ils sont au coeur du gisement... Et ils n'ont rien trouvé. Alors voilà... J'ai du mal à me représenter cette cité perdue. Encore davantage d'imaginer le groupe de colons qui va y parvenir."
Il secoua la tête, subitement gêné.
" Je suis désolé, ce ne sont pas des paroles très positives, mais... cela reste mon sentiment."

Elle haussa les épaules.
-Votre sentiment est légitime, quoique Luménis ait récemment prouvé que rien n'est impossible : nul n'aurait jamais osé imaginer qu'un coup d’État s'y produirait jamais et, pourtant, il a eu lieu ; beaucoup ont alors pensé que Morfea Nwalk était indéboulonnable, et pourtant, les Résistants ont pensé l'inverse et l'ont accompli... Les exemples sont légion, il suffit de se pencher sur l'histoire... qui montre aussi des échecs dont il est évidemment nécessaire de tenir compte. Mais pour en revenir à Ithilion... Peut-être n'ont-ils rien trouvé. Ou peut-être ont-ils trouvé et préféré ne rien en dire. Quand on a mis la main sur un filon, le crier sur tous les toits n'est guère avisé. De plus, cela expliquerait que leurs ambitions soient sans cesse croissantes et qu'ils paraissent avoir les moyens de les mettre en œuvre. Je conclurais en ajoutant que des expéditions ont découvert ce qu'elles cherchaient : elles se sont efforcées de rester discrètes, toutefois, pour les raisons que je viens d'évoquer. Certaines choses se sont sues, néanmoins... Puisque vous venez de Solarcis, peut-être avez-vous entendu parler d'un certain Ekhart ? On dit qu'il est rentré chez lui les poches pleines d'or, après une excursion dans les Landes...

Décidément, songea Albérich avec un sourire. C'était une chance qu'Hubert se soit éclipsé un moment.
" Non seulement j'en ai entendu parler, mais j'ai même eu l'honneur de lui parler et de partager une grotte avec lui."
Il soupira légèrement. Il ne servait à rien de lui dire qu'on trouve parfois suffisamment d'or pour toute une vie dans un tertre abandonné, un vieux mausolée croulant ou un temple oublié. Les Lathandrites étaient les spécialistes de ce genre d'expéditions, dans certaines régions. Lui-même n'avait jamais eu l'esprit assez matérialiste pour se soucier de ce type de choses.
" Vos arguments se tiennent, Dame, et je souhaite à votre entreprise de réussir. A notre entreprise, devrais-je dire, car je ne doute pas que mon ami m'entraînera dans cette aventure dès que les deux jours de réflexion requis seront écoulés."

Elle grimaça.
-Vous seriez un atout certain pour notre communauté : avec votre carrière et votre réputation, nul doute que vous soyez élu conseiller aux prochaines élections, et que votre expérience soit irremplaçable pour permettre à la cité de survivre et de se développer. Néanmoins, si vous ne voulez pas venir, si notre projet ne suscite en vous aucune flamme mais uniquement des réticences, alors, ne venez pas. Et le plus sûr moyen de vous assurer que votre ami ne puisse vous contraindre, c'est de dire à nouveau, à voix haute et en public, que vous comptez le suivre en traînant des pieds : on vous interdiras alors tout bonnement de nous rejoindre. Nul n'a été forcé de faire partie de la communauté, et ce n'est pas aujourd'hui que cela va commencer. De surcroît... Ne prenez pas mal ce que je vais dire, mais... Nous avons besoin de réalistes, parmi nous. Nous en avons déjà beaucoup, mais plus il y en aura, mieux ce sera. En revanche, quelqu'un qui intégrerait nos rangs alors même qu'il pense l'expédition inutile, stupide ou vouée à l'échec...
Elle secoua le tête.
-J'aimerais que vous participiez. Tous l'aimeraient, s'ils savaient que vous êtes là, que cette possibilité existe. Mais je le répète : ne venez pas si vous n'en avez pas envie. Ce sera mieux pour vous... et pour nous.

La réponse de la jeune femme laissa Albérich légèrement déstabilisé. Bien sûr, il ne s'était pas attendu à ce qu'on tente de le convaincre de participer à cette aventure, mais il n'avait pas non plus prévu qu'on essaie de l'en dissuader.
Il hésita. Il aurait voulu dire à la barde que les choses n'étaient pas si simples, que rien n'était jamais tout à fait blanc ou tout à fait noir, mais elle brûlait du feu des convaincus et la nuance n'était pas leur spécialité. C'était une bonne chose qu'elle l'ait averti du risque qu'il courait à grommeler, cependant : il faudrait qu'il joue les conquis, pour ne pas risquer de gâcher l'aventure d'Hubert.
" Votre confiance me touche, dit-il finalement. Mais je pense que vous avez déjà d'excellents conseillers et je n'ai nulle envie de m'imposer dans une organisation qui fonctionne bien."
Il ne répondait pas à la question, bien sûr.
" Mais je garderai vos paroles à l'esprit, soyez-en certaine, et je ne m'engagerai pas sans bonnes raisons."

-Je souhaite sincèrement que vous en trouviez. Ce que je vais dire est très égoïste, mais aucun d'entre nous n'a jamais dirigé de cité, et vos compétences seraient donc irremplaçables pour aider la communauté à s'installer, à s'organiser, à survivre... Cependant, je comprendrais fort bien que vous préfériez vous impliquer ailleurs. Il est vrai que les lieux ayant besoin de bonnes volontés et de personnes compétentes ne manquent pas, sur Hélonna, et que quasiment aucun n'est situé au cœur de sinistres marécages... Et puis, je gage que vous préférez les grandes villes aux villages...
Elle jeta un regard par-dessus l'épaule d'Albérich.
-Ah, un autre visage inconnu : je pense donc ne pas me tromper en affirmant que votre ami est de retour...
De fait, Hubert se rapprochait.

Hubert qui ne put s'empêcher de sourire en les apercevant.
" Je tourne le dos deux minutes et voilà que tu comptes déjà fleurette ! s'exclama-t-il en s'approchant. J'aurais dû me douter qu'il y avait une intention derrière cette envie de rester tout seul au milieu du chemin !"
Albérich s'empourpra.
" Ne raconte pas n'importe quoi, tu veux..."
Hubert s'était tourné vers la jeune femme puis jeta un coup d'oeil au Luménien, l'air d'attendre quelque chose.
" Roxane, je vous présente Hubert de Maleval, paladin de son état. Hubert, voici Roxane, la chroniqueuse officielle ou officieuse, à voir, de l'expédition, dit Albérich.
— Enchanté, Dame."

-Enchantée également, dit-elle en lui serrant la main. Et si vous me permettez de prendre la défense d'Albérich, sachez qu'il a été on ne peut plus correct : il m'a juste demandé si j'habitais chez mes parents et si j'avais une tente pour moi toute seule.
Elle sourit largement.
-Bon, je récapitule : en seulement une journée, voilà qu'un ancien conseiller luménien et un paladin, deux profils que notre communauté ne comptait pas dans ses rangs, s'intéressent de près à elle... Bon, plus qu'une cohorte de mineurs nains, une compagnie d'archers elfes et cinq-cent civils de plus, et nous serons parés !

" Attention, notre offre de services expire au premier jour du printemps, dit Hubert, faussement sérieux. Mais je vois que tu as fait profil bas, Albérich, c'est bien."
Le Luménien dévisagea le paladin avec une grimace.
" Est-ce que Sir Robert t'a fait boire quelque chose ?
— Pas du tout. Mais je ne voulais pas interrompre votre conversation, fit-il, plus sérieux. Je pense cependant que si nous voulons trouver des portes encore ouvertes, nous avons intérêt à nous carapater rapidement jusqu'à l'entrée de la ville. A moins que tu n'imaginais partager la tente de Dame Roxane dès ce soir ?
— Hubert.
— Dans ce cas, nous ferions peut-être mieux de prendre congé. Je ne doute pas que nous nous reverrons très bientôt."

-Ça a dû lui faire plaisir de recevoir de la visite : depuis que les entraînements quotidiens sont de rigueur, on le fuit comme la peste, par peur des exercices supplémentaires, des reproches sur la manière dont on tient son arme ou dont on protège l'un de ses flancs... Bon, j'exagère un peu : tout le monde comprend l'importance de cette formation et s'y prête de bonne grâce, quitte à ronchonner un peu. Les gosses, eux, ils adorent, et je suis ravie que les deux sexes soient logés à la même enseigne : voilà une belle preuve d'égalité ! Quant à Robert, c'est un homme charmant, et il reprend du poil de la bête. Ça fait plaisir à voir.
Elle sourit.
-Allez, j'arrête d'essayer de vous retenir jusqu'à ce que les portes de Grand Estuaire soient fermées. De toute façon, c'est peine perdue : ils ne se barricadent pas sitôt le soleil disparu... Albérich, Hubert, c'était un plaisir de vous rencontrer, j'espère que nous nous recroiserons avant peu.

" Merci pour cette conversation, Roxane. Elle m'a été très profitable." dit Albérich, en s'inclinant légèrement.
Hubert le dévisagea, une expression légèrement goguenarde sur les traits, et le Luménien devina qu'il devrait subir un interrogatoire serré dès qu'ils auraient quitté le campement. Le paladin se fendit cependant de nouvelles salutations avant de l'entraîner vers la sortie. Pendant quelques minutes, il ne dit absolument rien et Albérich crut qu'il s'en tirerait à bon compte. C'était un leurre : le chevalier préparait son entrée en matière.
" Je dois dire que je n'avais pas du tout envisagé ce type d'incitant pour te convaincre d'affronter les Landes.
— C'est parce que ce n'est pas du tout mon type d'incitant.
— Tu es certain ?
— Je suis certain."
Il s'arrêta.
" Hubert. A Solarcis, Pernille a joué les marieuses et ça a été un désastre. Nous en avons parlé, et nous étions tous les deux d'accord pour dire que c'était... pénible. Tu ne vas pas te mettre à essayer de me trouver une femme, quand même ? Je t'ai déjà dit : ce n'est pas une bonne manière de me motiver à rester dans un endroit."
Le paladin leva les yeux au ciel.
" Tout de suite les grands discours ! Je voulais juste savoir si elle te plaisait !
— C'est une jolie femme. Elle a dix ans de moins que moi. C'est un barde et les bardes me portent malheur. Je ne tombe pas amoureux de quelqu'un au bout de dix phrases échangées. Fin de la démonstration.
— C'était juste une question ! Comme tu es grognon, misère."
Ils avaient atteint la sortie du campement et se glissèrent à l'extérieur en saluant les gardes, avant de remettre le cap sur Grand Estuaire.

Les gardes du camp comme ceux de la ville les saluèrent sans les arrêter, les seconds paraissant détendus, signe qu'ils ne craignaient nulle incursion venue des Landes. Une fois les portes franchis, ils longèrent des rues en train de se vider, contrairement à la grand salle de l'Escale qui, elle, était déjà presque bondée. Cependant, la tenancière avait pris soin de leur réserver une table et, bien que sa curiosité soit manifeste - sans doute se demandait-elle s'ils étaient retournés auprès de la communauté - elle se contenta de prendre leur commande pour le repas. Autour d'eux, les clients, dont bon nombre de voyageurs, étaient lancées dans des conversations où les termes de "campement", "cité perdue" et "expédition" revenaient avec une étonnante fréquence.

Ce brouhaha de conversations inquiétait légèrement Albérich. Si les gens de Clairétoile vidaient les villes alentours de leur population, ils allaient s'attirer des inimitiés très rapidement et une petite cité en gestation avait avant tout besoin de soutien. Ils avaient de la chance que Luménis soit organisée sur le même type de fonctionnement, de surcroît, car la plupart des villes de l'île demeuraient soumises à la noblesse, et malgré les beaux idéaux de Fontbrune, Albérich savait que la majeure partie de ses pairs n'apprécieraient pas de voir détaler leurs ouailles pour renforcer les rangs d'une communauté rebelle. Sans doute entendaient-ils écarter toute mise en garde à coup de belles paroles, mais c'était peu réaliste compte tenu de la géopolitique de l'île... D'autant qu'Ithilion et Solarcis étaient les cités les plus proches, et ni l'une, ni l'autre n'était un modèle de démocratie. En y réfléchissant, il se demandait si le danger ne viendrait pas davantage de l'intérieur que des créatures du marais. Il aurait été Béranger qu'il aurait envoyé des espions surveiller tout ce beau monde.
Il se tourna vers Hubert et se demanda subitement si le paladin pouvait l'avoir accompagné pour une raison toute différente de ce qu'il prétendait. Il avait toujours été flou, d'ailleurs, sur ses véritables motivations... Non. C'était ridicule. C'était un paladin et les paladins ne mentent pas. Hubert ignorait tout de cette initiative jusqu'à il y a quelques jours. Et c'était un mauvais comédien, il l'avait constaté plusieurs fois à Solarcis : il portait ses émotions sur son visage comme autant de fanions. Avec un soupir, il maudit les Sharites qui le faisaient douter de tout, même des rares rocs dans son existence.
Le chevalier lui sourit, incertain. Il mangeait de bon appétit mais guettait manifestement une opportunité de se glisser dans une brèche de sa réflexion pour l'entretenir de sa dernière rencontre.
« Alors ? Sir Robert ? lui offrit Albérich.
— Il m’a eu l’air capable. Il est jeune, cela dit, et manque probablement d’expérience… Mais il paraît responsable, intelligent, prêt à se remettre en question au besoin… Lucide, aussi. Bref, je pense qu’il s’en sortira… pour autant que les Landes n’accouchent pas de périls démesurés. Et il a l’air d’avoir besoin de lames supplémentaires…
— Donc la décision est prise.
— Oui, je pense que oui. Mais il te reste presque deux jours pour me faire changer d’avis.
— Je n’en ai pas l’intention. Tu sais bien que je n’ai pas d’alternative à te proposer et je n’ai pas envie que tu sois frustré… »
Hubert le dévisagea une seconde, parut sur le point de dire quelque chose mais se ravisa. Albérich grimaça. Le paladin parut embarrassé et soupira.
« Je ne veux pas t’imposer cette aventure. Elle est risquée, très risquée, je ne peux pas le nier.
— N’en parlons plus. J’ai accepté de te laisser décider de l’itinéraire.
— Nous parlions alors de Lunaros, tu le sais bien.
— Peu importe. Il n'y a rien de spécial à Lunaros. »
Le paladin resta silencieux puis acquiesça dans un soupir.
« Alors nous signerons probablement après-demain. »
Albérich opina du chef et lui sourit, apaisant. Hubert ne parut pas complètement convaincu, mais cela suffirait pour le moment.

Le silence s'étant temporairement réinstallé entre les deux hommes, ils purent à nouveau saisir des bribes des conversations dont ils étaient environnés. Ils constatèrent ainsi que si la plupart des voyageurs s'intéressaient à l'expédition, rares étaient ceux à envisager, ne serait-ce que sur un plan théorique, de se joindre à elle : les débats portaient principalement sur ses chances de réussite ou sur la dangerosité des Landes. Au milieu de ce tumulte, la tenancière s'efforçait de répondre aux différentes demandes de ses clients, plus ou moins secondée par un jeune homme apparemment mal à l'aise et encore maladroit : un employé récemment engagé, à n'en pas douter.

Ils terminèrent de manger puis Hubert commanda un bain, soucieux de profiter de ce type de confort une ultime fois avant de prendre la route. Ils n’abordèrent plus la question du périple à venir jusqu’à ce que le paladin ne redescende dans la salle commune, où le Luménien l’avait attendu en bouquinant tranquillement. Il ne fut pas surpris de le voir apparaître avec le plateau d’Hermines sous le bras. C’était un plaisir dont ils devraient également se passer dans les jours à venir et Albérich ne doutait pas que ce serait encore plus difficile pour le paladin que de manquer d’eau chaude.
Ils jouèrent tranquillement, sans beaucoup parler, chacun plongé dans ses pensées. Même distrait, Albérich restait meilleur qu’Hubert, mais celui-ci paraissait au moins aussi soucieux que le Luménien. La décision était prise, mais les interrogations paraissaient peu résolues. Une fois que les Brunes eurent conquis le terrier des Blanches, l’Eclaireur posé crânement sur la case supérieure, ils se firent servir un petit tord-boyaux de fin de soirée. Albérich savait qu’Hubert voulait reparler de la cité idéale sans oser le faire, aussi lui fit-il le plaisir de revenir sur le sujet.
« Et donc… Tu vas signer, finalement ?
— Oui, dit le paladin. La charte est bien pensée, complète, le contrat raisonnable… et je dois avouer que si jamais le groupe prenait des décisions contraires aux préceptes de Lathandre, et bien… Je romprais mon contrat, cette fois. »
L’ancien clerc hésita à saisir la perche. Le chevalier en avait-il vraiment envie, ou était-ce une pointe d’amertume qu’il valait mieux ne pas effleurer ?
« Veux-tu me parler de cette autre fois ? finit-il par demander.
— Non. »
Albérich leva les mains d’un geste défensif et Hubert passa les paumes sur son visage.
« Excuse-moi.
— Non, surtout pas. Il n’y a rien à en dire, c’est tout. Béranger m’a défendu de quitter Solarcis, arguant des risques de guerre, de mon engagement envers la cité. Et j’ai obtempéré. C’était de la lâcheté, en réalité, Albérich. J’aurais dû y aller, peu importe son avis. Un paladin est loyal à son maître, mais avant tout à ses valeurs. J’aurais dû y aller.
— Tu aurais sans doute été tué, Hubert.
— Non. Je n’avais pas l’intention de me ruer comme un imbécile contre les remparts. J’aurais cherché à contacter d’autres survivants, ou des gens qui comme moi, de l’extérieur, voulaient intervenir, peut-être serais-je entré en contact avec la résistance, que sais-je… Mais je n’ai rien fait. Et ressasser ces actes manqués ne me fait aucun bien. »
Le Luménien acquiesça, embarrassé. Il avait la sensation qu’il y avait autre chose là-derrière, un autre regret, plus profond, mais il n’arrivait pas bien à l’identifier. Peut-être était-ce de savoir que la quasi totalité des paladins luméniens avaient été décimés. Ses anciens amis, ses compagnons d’apprentissage… même s’il ne les avait plus vus depuis dix ans.
Hubert avait commencé à ranger le jeu. La lenteur de ses gestes indiquait qu’il éprouvait une grande difficulté à contrôler sa colère. Albérich se morigéna d’avoir été maladroit, mais il était trop tard.
« Penses-tu que nous ayons tout le matériel requis pour cette aventure ? demanda-t-il alors.
— Je pense qu’ils nous fourniront ce qu’il nous manque, fit le paladin. Mais nous ferons un inventaire demain matin, si tu veux. Après l’entraînement. Tu devras malheureusement te passer de nos cours particuliers dans les veilles à venir. Je ne peux pas dire que cela me réjouisse, parce que je ne pense pas que tu progresseras beaucoup en groupe, mais il faudra bien que nous nous pliions aux méthodes en vogue. Et je profiterai du cours de demain pour attirer ton attention sur certains détails… et te donner à des conseils à appliquer quoi qu’en dise ton futur instructeur. J’essaierai de reprendre tout ça avec toi quand tout ça sera terminé et j’espère que tu n’auras pas pris trop de mauvaises habitudes.
— Tu es donc toujours dans l’optique de deux veilles, un trajet, c’est tout ? »
Hubert s’était levé et le regarda, interdit.
« Toi pas ?
— Si si. »
Il se rassit.
« Tu as changé d’avis ? A cause de la petite barde ?
— Non. Je voulais savoir si toi, tu avais changé d’avis.
— Non. Mon avis est de nous laisser la possibilité de décider. Je ne pense pas qu’il soit difficile de basculer d’un contrat à un autre. La juge l’a sous-entendu. Tu as raison de dire qu’il y a le projet, et puis les gens qui en font partie. Nous pouvons aviser sur place. Je dois dire que je suis d’ailleurs surpris que tu ne sois pas plus motivé par cet aspect des choses…
— Tu veux dire en dehors du fait que je ne suis pas persuadé que nous arriverons jusque là ?
— Oui.
— C’est quelque chose de compliqué à comprendre, Hubert. Parfois je me dis que tu me connais mal, finalement. Mais il est tard et je n'ai plus le courage de parler politique et sens de la vie. Ce sera pour une autre fois.
— Si tu veux. »
Le paladin haussa les épaules et se mit en marche vers les escaliers. Albérich termina son verre puis le suivit. Une fois dans leur chambre, ils se déshabillèrent rapidement et chacun gagna sa couche. Le Luménien s’endormit en trois battements de cœur, bien décidé à profiter de ses dernières nuits dans un lit convenable.

Lorsqu'ils s'éveillèrent après une nuit reposante et ouvrirent les volets de leur chambre, ce fut pour découvrir un monde moins lumineux que la veille : ciel et soleil étaient dissimulés par une couverture nuageuse uniforme dont la couleur claire, cependant, n'augurait pas d'intenses averses de neige. Dans la salle commune aussi, l'atmosphère était moins pimpantes : comme de coutume dans n'importe quelle auberge, certains clients avaient trop bu la veille et en payaient le prix, affichant une mine brouillée et un regard trouble. La patronne était l'une des rares personnes pleinement réveillées mais son aide, lui, les yeux encore bouffis de sommeil, peinait à accomplir sa tâche.

Une fois le petit déjeuner terminé, Hubert entraîna Albérich à travers la ville, le fit sortir de l’enceinte par le nord et leur dénicha un coin tranquille pour procéder à leurs exercices quotidiens. Le paladin trépignait, désormais, Albérich le lisait sur son visage, dans ses gestes, tout devait lui paraître futile au regard de ce qui les attendait le lendemain. De son côté, il était hanté par une petite voix pernicieuse qui sapait sa bonne volonté. Avait-il vraiment survécu aux Sharites pour aller mourir dans un marécage, fauché par un limon dégoulinant ou un dragon de vase ? Ne précipitait-il pas une disparition qui arrangerait ses détracteurs, Gareth Maelwedd en tête ? Il essayait de se convaincre qu’il pourrait faire marche arrière, tôt ou tard, regagner la civilisation et les combats qu’il avait toujours voulu mener… qu’il pouvait faire confiance à Hubert, à Fontbrune, à Sir Robert ou Roxane la barde, qu’ils avaient raison, que cette folie n’en était pas réellement une… mais c’était difficile. La confiance n’était pas son fort et il avait la sensation qu’Hubert était aveuglé par son besoin de mouvement.
En même temps, il avait accepté et c’était tellement simple maintenant de laisser aller, de se dédouaner, de fermer les yeux et de suivre. Deux veilles, ce n’était pas énorme, s’il y survivait.

Hubert le malmena comme jamais, l’assourdissant de bons conseils dont il ne retint rien, et il renonça rapidement à tenir le compte des bleus qu’il arborerait en fin de journée. Conscient qu’il avait tapé un peu fort, le paladin se confondit ensuite en excuses, qu’Albérich accepta avec bonhomie, avant qu’ils se séparent : Hubert retourna à l’auberge pour vérifier le harnachement et l’état des chevaux, tandis qu’Albérich musardait en ville, au petit bonheur la chance. Avant de sortir, ils avaient jeté un œil sur leurs affaires et, a priori, ils étaient plutôt bien équipés. Leur tente était intacte, leurs couvertures épaisses, leurs bottes et leurs manteaux encore en excellent état.

Albérich ne trouva rien qui retint son attention. Il avait à moitié envie de s’acheter des livres, mais s’il y avait une libraire dans la ville, il ne la trouva pas, et il n’interrogea pas les citadins. Son esprit vagabondait toujours, revenant sur sa trajectoire des derniers mois, se demandant comment cette nouvelle péripétie s’insérait dans son parcours, si cela avait un sens, ou pas, et si oui, lequel. Il repensait aussi aux paroles de Roxane, à sa mise en garde. Il ne voulait pas leur causer du tort, assurément. Elle avait loué les réalistes, s’était défiée des défaitistes. Etait-il défaitiste ? Peut-être. Pas vraiment. Il savait qu’une fois qu’il aurait signé, il se donnerait sans retenue, même si c’était une cause perdue. Ce qu’il en pensait au fond de lui-même n’avait guère d’importance. La motivation était utile, mais pas toujours nécessaire.

Quand il rentra à l’auberge, Hubert était parti chez un armurier du coin, afin de faire réviser armes et armures. Albérich imagina sans peine un colosse au marteau gigantesque tentant de débosseler son écu déjà bien souffreteux. De son côté, il gagna les étages, rangea ses affaires et s’offrit une petite sieste.
La journée toucha rapidement à sa fin, ce qui était une chance : l’impatience d’Hubert devenait difficilement supportable. Pourtant, le paladin ne la verbalisa à aucun moment et ne se plaignit de rien. Il n’aborda même pas le sujet de l’expédition, bien qu’elle leur pende désormais au nez. Albérich se demanda comment il tiendrait dans le campement si Fontbrune leur annonçait qu’ils ne partiraient que dans deux mois. Il se garda bien de l’exprimer cependant et ils jouèrent aux Hermines, comme de coutume, après avoir mangé.

La nuit fut plus agitée que la précédente, car le paladin ne trouvait pas le sommeil. Albérich finit par lui concocter une tisane apaisante avant de se recoucher. Cela ne suffit malheureusement pas.
« Albérich, j’ai besoin que tu me dises que tu es sûr, finit par dire Hubert.
— Je suis sûr, soupira le Luménien, un rien excédé.
— D’accord, merci. » fit-il.
Il continua cependant à froisser ses draps pendant un certain temps. Albérich soupira.
« Quoi ?
— Tu n’es pas convaincu, n’est-ce pas ?
— Je suis désolé, Hubert. Ça n’a rien à voir avec toi, ni même avec l’essence de ce projet. Mais toi, tu es convaincu, et ça me suffit.
— Je sais. C’est une sacrée responsabilité sur mes épaules.
— Je suis désolé de te l’imposer.
— Ne le sois pas. Je suis là pour ça. »
Ils demeurèrent silencieux un moment.
« Donnons-leur deux veilles.
— Oui.
— Ça ne nous coûte rien.
— Non.
— Dis-toi que tu m’accompagnes dans ma visite des Landes. Ensuite, je serai rassasié et nous pourrons prendre un bateau jusqu’à Lunaros.
— Je t’ai déjà dit que j’étais d’accord, Hubert. Dors maintenant. »
Cette fois, le chevalier finit par rester tranquille. Albérich eut beaucoup plus de mal à fermer l’œil, de son côté, et s’éveilla tout courbaturé. Hubert était évidemment fin prêt, lui. Ils descendirent déjeuner et le Luménien se promit de profiter de ce repas comme si c'était son ultime.

Il fut particulièrement copieux et ce, sans qu'ils aient besoin de rien demander. La tenancière n'avait pu manquer de remarquer leur manège et d'en tirer les conclusions qui s'imposaient. D'ailleurs, elle finit par aborder le sujet, quand elle revint pour les débarrasser.
-Alors, c'est le grand jour ? Vous allez signer ?
Il ne s'agissait pas réellement de questions.
-Vous m'aviez pourtant l'air de personnes raisonnables... soupira-t-elle. Alors, trois hypothèses : soit je me suis trompée, soit ces gens disposent d'une magie capable de convaincre n'importe qui, soit leur projet n'est pas aussi dément qu'il en a l'air. Sincèrement, je n'arrive pas à trancher.

Albérich se garda bien de répondre à la question de la jeune femme, se tournant tout naturellement vers Hubert.
" Je ne sais pas si nous sommes vraiment raisonnables, Dame, fit le paladin. Mais je pense que ce projet n'est pas aussi insensé qu'il en a l'air et que ces gens pourraient probablement vous en convaincre. Et il ne faut jamais négliger le pouvoir de l'espoir... et celui de la curiosité."

-Bien possible. Je me garderai donc soigneusement d'aller les trouver, par crainte que leurs arguments... ou leur magie... ne me poussent à tout laisser tomber. J'y tiens, mine de rien, à cette auberge !
Elle sourit.
-Bon, puisque vous serez du voyage... L'un des palefreniers s'appelle Arnaud. C'est mon ancien employé, et un bon garçon, de surcroit. Alors, si vous en avez l'occasion, garder un œil sur lui : ce serait dommage qu'il lui arrive des bricoles. Enfin, j'imagine que vous aurez déjà fort à faire pour vous protéger vous-même. Non que je doute que vous soyez capable de vous défendre, mais les Landes... ce sont les landes, quoi.

" Arnaud. Soyez certaine que nous ouvrirons l'oeil, fit le paladin, affable. Et nous serons vigilants, nous connaissons la réputation des Landes. Qui sait, dans quelques mois, peut-être pourrez-vous venir nous rendre visite directement sur place... "
Albérich ne put s'empêcher de grimacer mais le chevalier lui décocha un clin d'oeil et il préféra retourner à sa tasse de thé. Ils terminèrent de manger en silence. Hubert était tendu, Albérich crevé, et l'un et l'autre avaient hâte, pour des raisons sans doute différentes, de sceller leur destin.

Ils saluèrent ensuite l'aubergiste, récupérèrent leurs chevaux et leur matériel et se mirent en route pour le campement. Techniquement, ils étaient toujours un peu en avance sur le délai obligatoire, mais Albérich supposait que Fontbrune ne les ferait pas lanterner pour quelques heures. Au pire, ils s'installeraient avant de signer...

La Couronne de Cuivre

[Quête] Dans la Campagne du Soleil