[Quête] Montequine

[Galathée]

La muraille était très haute, et la corde trop courte, Astrée s'en rendit compte assez vite en la déroulant. Heureusement, les pierres qui constituaient les remparts n'étaient pas parfaitement ajustées et de nombreuses aspérités permettaient de s'y accrocher, la rôdeuse dut donc changer de méthode et se lancer dans l'escalade. Dans le noir, il lui était évidemment très difficile de voir où poser les mains, mais à force de tâtonnements, elle parvint à s'arrimer convenablement et à progresser peu à peu vers le sommet et le chemin de ronde. A posteriori, ce fut une chance, car les gardes passèrent plusieurs fois au-dessus d'elle, sans jamais la voir, leur regard se portant beaucoup plus loin et pour cause : un centaure serait bien incapable de grimper de la sorte... Cela lui permit d'arriver en haut à un moment où ils étaient loin et sans laisser la moindre trace.

[Voyageuse]

Astrée guetta un éventuel bruit de pas ou de voix, avant de franchir le mur. Elle savait qu'elle n'avait que peu de temps avant que les gardes ne reviennent, aussi se précipita-t-elle immédiatement de l'autre côté, risquant un regard par-dessus le mur opposé. Il fallait qu'elle redescende, rapidement... Et si possible sans corde pour ne pas avoir à l'abandonner sur place. Il lui fallait donc trouver un bâtiment avec un toit accessible, en contrebas, ou mieux, un escalier permettant l'accès au chemin de ronde. Mais ceux-ci se trouvaient probablement près des tours de guet. Un toit était plus probable.

[Galathée]

Il y avait peu de bâtiments adossés directement à la muraille, et le premier qu'Astrée dénicha ressemblait trop à une caserne pour qu'elle puisse s'y précipiter sans risquer d'alerter ceux qui l'habitaient probablement. Heureusement, un peu plus près de la tour sans être directement dans son ombre, se trouvait un petit hangar qui servait à abriter les chariots. Elle put donc descendre précautionneusement le long des moellons, puis se laisser tomber sur le toit de paille et de bois, avant de se glisser à terre et de se cacher un moment derrière l'une des charrettes.
Il faisait désormais nuit, mais les rues de Montequine étaient brillamment éclairées par les lampes à huile, comme la première fois qu'elle y était venue, quatre nuits plus tôt, déjà. Il y avait d'ailleurs encore des promeneurs attardés, elle vit passer deux personnes en grande conversation, puis un garde tranquille, sifflotant une chanson, la lance sur l'épaule.

[Voyageuse]

Astrée avançait prudemment, longeant les murs, ne s'engageant dans une rue que si elle lui paraissait déserte. Peut-être aurait-elle pu déambuler sereinement, comme une promeneuse attardée, mais elle ne voulait pas prendre le risque d'être interpellée. Tout le monde se connaissait dans ce village.
Elle se dirigea, au juger, en direction de la place où se trouvait le centaure roux. Ainsi, les autres étaient emprisonnés en grand nombre dans le grand bâtiment bas qui jouxtait la place. Il lui suffisait donc d'y entrer... Elle se demandait avec appréhension dans quel état d'esprit elle les trouverait. Remplis de haine, de peur, ou soumis ? Avide de liberté ou résignés, totalement domestiqués ? Et plus particulièrement, comment réagirait le centaure gris ? Se trompait-elle en imaginant qu'il pouvait l'aider ? Les privations et les maltraitances ne l'avaient-elle pas rendu aussi haineux que les autres ? Ou complètement résigné ? Elle soupira. Que se passerait-il si elle décidait de tous les libérer ? Sortiraient-ils discrètement au petit matin pour fuir, ou risquait-elle de provoquer un carnage s'ils choisissaient de se venger en attaquant les villageois ? Elle devait prendre le temps d'analyser la situation avant d'agir. Son but était de mettre fin à la captivité des centaures et à cette guerre, pas de déchaîner de la violence supplémentaire qui n'aboutirait qu'à aggraver la haine. Et pourtant, il fallait les libérer...
Des questions plein la tête, elle continuait à progresser, discrètement. Au fond d'elle, elle sentait qu'elle avait... le trac. Peur de se tromper, de prendre la mauvaise décision, de tout faire échouer. Mais il fallait bien tenter quelque chose... Elle espérait, de tout coeur, que le centaure gris comprendrait son objectif et y adhérerait. Et qu'elle parviendrait à le libérer...

[Galathée]

En redoublant de prudence, aidée par la lumière et les multiples recoins qu'offrait le village, Astrée parvint à atteindre la place où se trouvait le centaure roux. L'animal n'avait pas bougé d'un iota, toujours rivé à sa structure de bois des sabots à la gorge, et quand il l'entendit, il se raidit exactement de la même manière que quatre nuits plus tôt. Il paraissait peut-être un peu plus maigre, son poil était sale et sa respiration plus saccadée, mais sa défiance était intacte. Le bâtiment juste à côté, plongé dans l'obscurité, était malheureusement verrouillé.

[Voyageuse]

Astrée tenta sans succès d'ouvrir la porte. Verrouillée, bien sûr. Il fallait qu'elle vérifie celle de derrière, qui serait sans doute dans le même état. Et sinon, Prince lui avait dit qu'il y avait des fenêtres dans la toiture... pourrait-elle y grimper ?
Elle devinait, même en lui tournant le dos, la présence du roux derrière elle. Prise d'une subite inspiration, elle vérifia que la place était vide et s'approcha de lui, se forçant à réprimer le sentiment de peur qu'il lui inspirait encore. Elle savait qu'il ne servait à rien de lui parler, mais elle voulait tout de même essayer.
- Centaure..., murmura-t-elle. Je suis profondément désolée, révoltée, de ce que les gens d'ici font à votre peuple. Et je vous promet d'essayer de vous venir en aide...
Elle recula d'un pas, observant sa réaction sans réel espoir. Elle n'attendait nulle réponse. Il avait toujours volontairement ignoré le peu de choses qu'elle avait tenté de lui dire lorsqu'elle était prisonnière. Il était plein de haine. Peut-être, en outre, l'avait-on bâillonné. Elle ignorait même s'il pouvait abaisser à écouter ce qu'une humaine lui disait. Mais au moins avait-elle tenté de lui parler.
Il ne lui restait plus qu'à vérifier que la porte de derrière était elle aussi verrouillée, puis à essayer de grimper sur le toit.

[Galathée]

Le centaure avait entendu ses paroles, car il parut tenter de reculer, ce qui lui était bien sûr impossible. Il n'émit aucun son, sinon celui des chaînes qui le retenaient. Sa lutte ne dura pas plus d'une seconde, cependant, et il s'immobilisa.
Astrée n'eut plus qu'à tenter sa chance à l'arrière du bâtiment. La porte était plus petite et contre toute attente, elle s'ouvrit sur une remise où étaient entassés de nombreux sacs de nourriture. Ils contenaient principalement de l'avoine et du son, mais aussi des carottes et des choux. Une seconde porte, au fond, était barrée de plusieurs verrous, mais tous coulissaient et Astrée n'eut aucun mal à les ouvrir. Elle déboucha alors dans une sellerie qui n'aurait dépareillé en rien dans les écuries d'un château. De nombreuses selles et brides étaient suspendues à des crochets ou posées sur des supports de bois. Chacun portait le nom d'un animal, de Nuage à Fougueux, en passant par Murmure. Il y avait aussi du matériel de pansage, des harnais de trait, tout le matériel habituel du bon palefrenier. Astrée nota cependant la présence de nombreuses entraves plus étranges, visant sans doute à "gérer" la partie humaine des créatures.
Une arche voûtée menait plus loin, directement dans l'écurie, dont Astrée percevait le murmure... Respirations, mouvements, soupirs...

[Voyageuse]

Astrée veilla à refermer les portes derrière elle, et s'approcha lentement de l'arche voûtée. Elle appréhendait quelque peu l'accueil, l'atmosphère qu'elle allait ressentir... mais non, c'était absurde, pour eux elle ne serait qu'une humaine comme une autre, venant contrôler ce qui se passait, et les centaures étaient sans doute tous entravés.
A regret, elle caressa doucement la petite tête de Prince, cherchant à le tirer de sa somnolence. Elle avait besoin qu'il la guide vers le gris, s'il se souvenait de l'endroit exact où il était parqué.
Puis, silencieusement, elle entra dans le vaste bâtiment servant d'écurie. Elle s'attendait à devoir patienter quelques instants pour que ses yeux s'habituent à la pénombre, l'endroit n'étant sans doute pas éclairé. Au besoin, elle allumerait un bout de bougie, mais préférait éviter de trahir ainsi sa présence. Elle se demanda si les centaures voyaient dans l'obscurité. Comme Prince, peut-être ?

[Galathée]

Il faisait effectivement un noir d'encre dans l'écurie, et Astrée en distingua tout juste l'organisation générale. Il y avait simplement une grande allée centrale, sur laquelle débouchaient une quinzaine de boxes de chaque côté. Chaque box paraissait carré, d'environ 4 mètres sur quatre et ses murs étaient de bois jusqu'à une hauteur de plus de deux mètres, ce qui devait empêcher les centaures de se voir les uns les autres. La plupart des portes étaient ouvertes dans leur partie supérieure, mais certaines étaient fermées par des barreaux de fer. La rôdeuse entendit surtout des respirations tranquilles, signe que la plupart des créatures dormaient. Elle perçut néanmoins un gémissement venant de la gauche, et quelque chose qui ressemblait à des sanglots étouffés, un peu plus loin sur la droite. Mal réveillé, Prince mit un certain temps à émerger, mais se transforma aussitôt en cheval. Il s'engagea ensuite dans l'allée, foulant la terre battue de ses sabots. Si elle ne voulait pas le perdre de vue dans l'ombre, Astrée avait intérêt à lui emboîter rapidement le pas...

[Voyageuse]

Bien sûr, Prince devait se faire cheval pour y voir plus clair. C'était moins discret, mais après tout, personne ne prêterait attention à un bruit de sabots. Et il aurait tôt fait de se transformer à nouveau en cas de besoin.
Elle lui emboîta immédiatement le pas, laissant sa main posée sur son dos pour qu'il la guide dans l'obscurité. Les gémissements et les sanglots lui serraient le coeur. Certains centaures devaient être maltraités... Ou, tout simplement, en train de regretter leur vie de créatures libres. Ils étaient en tout cas tous solidement enfermés. Elle espérait que la plupart dormaient, et que nul n'irait jeter un coup d'oeil par la porte de sa cellule. Mieux valait ne pas se faire remarquer pour le moment.

[Galathée]

Prince la guida jusqu'à une dernière stalle avant l'entrée et s'immobilisa avant de redevenir, en une seconde, écureuil. La porte était ouverte à moitié mais la partie supérieure était barrée de fer. Elle n'aurait cependant pas grand mal à faire coulisser les verrous car il ne semblait y avoir nul cadenas. Elle devina une silhouette couchée sur le sol, la courbe d'un croupe, l'angle d'une épaule, un entrelacs de jambes équines. La respiration du centaure était rapide, mais régulière.

[Voyageuse]

Astrée inspira profondément pour chasser son trac. Et si elle s'était trompée ? Elle se remémora sa captivité, la sensation que ce centaure n'éprouvait nulle haine contre elle. Il l'avait même remerciée pour les soins. Son sentiment de culpabilité lorsqu'il s'était fait capturer, sa certitude qu'il était différent, qu'elle pouvait lui faire confiance. Et Reynald aussi considérait qu'elle devait faire confiance aux centaures. Ce n'était plus le moment de reculer.
Elle se glissa silencieusement dans la stalle, le coeur battant. Elle n'y voyait goutte. Elle aurait voulu voir son visage, ses réactions. Peut-être pourrait-elle se risquer plus tard à allumer une bougie, en tirant la porte.
"Bonsoir", murmura-t-elle doucement, espérant que sa voix suffirait à le réveiller.

[Galathée]

Son torse se redressa aussitôt, comme s'il avait été piqué par un insecte. Son corps équin demeura cependant couché et il ne fit nul mouvement pour tenter de se lever. Elle devina qu'il regardait dans sa direction, mais il ne dit pas un mot. Elle l'entendit respirer par le nez puis lâcher un faible son de gorge et comprit qu'il n'avait pas la possibilité de parler. De la même manière, il ne fit pas un geste. Seule sa queue battit l'air, avant de retomber dans la paille.

[Voyageuse]

Il ne pouvait pas parler. Baillonné, sans doute. Bon, il fallait qu'elle prenne le risque de faire un peu de lumière : elle ne pouvait pas l'aider dans cette obscurité.
Elle referma doucement la porte et alluma la petite bougie qu'elle avait dans son sac. Désireuse d'éviter que les centaures des autres stalles ne remarquent un quelconque halo de lumière au plafond ou filtrant à travers les barreaux, elle s'efforça d'en masquer de son mieux la luminosité, et guetta attentivement les réactions alentours. A la moindre alerte, elle devrait l'éteindre.
Puis, sa bougie à la main, elle s'approcha du centaure, un peu intimidée. Inquiète également des maltraitances qu'il avait peut-être subies. Elle allait commencer par lui ôter le baillon qui l'empêchait de s'exprimer.

[Galathée]

C'était bien le centaure gris, comme elle l'espérait. Il ferma un moment les yeux lorsqu'elle alluma la bougie, puis les rouvrit, et la regarda par dessus la flamme. Il était nu à l'exception du pansement qui lui couvrait encore le flanc. Son torse était couvert d'ecchymoses brunes, déjà anciennes, datant peut-être du jour de sa capture. Il portait un bâillon de cuir sanglé derrière sa nuque et ses bras étaient retenus dans son dos au moyen d'un dispositif complexe qui lui bloquait les mains au niveau des coudes. Il était également entravé, probablement capable de se lever mais pas beaucoup plus. Astrée parvint sans trop de difficulté à lui retirer son masque et lui libérer la bouche. Il esquissa immédiatement un sourire et elle le vit rougir d'embarras.
" Merci, souffla-t-il à voix basse. Merci beaucoup."

[Voyageuse]

"De rien", murmura Astrée, rougissant à son tour.
Subitement, elle ne savait plus que dire, se trouvant aussi intimidé que chaque fois qu'elle devait parler à un inconnu.
"Je vais essayer de vous faire sortir de là, expliqua-t-elle finalement à voix basse, avant d'ajouter, à tout hasard : Je suis une amie de Reynald, un prêtre humain. Je sais qu'il connaît certains d'entre vous, mais je ne sais pas si vous le connaissez... Et je m'appelle Astrée."
Tout en parlant, elle examinait le dispositif qui lui maintenait les bras dans le dos. Il devait y avoir un moyen de l'enlever...

[Galathée]

Le centaure sourit.
" Reynald m'a prévenu que tu viendrais, fit-il avec un sourire doux. Je suis Byron. Enchanté de faire ta connaissance. Enfin... de manière plus réglementaire, je suppose."
Il se tourna vers elle et recula légèrement, lui dérobant l'accès à son dos.
" Mais tu ne dois pas me libérer. Tu ne sauras pas me faire sortir. Il faut que tu ailles rejoindre la harde. Tu dois les prévenir que nous avons été pris, c'est important."

[Voyageuse]

Byron. L'ami dont Reynald lui avait parlé, l'autre jour, avant de la quitter. Il y a une éternité. Le hasard faisait bien les choses. Comment Reynald avait-il pu savoir qu'elle croiserait les centaures ? Celui-ci en particulier ? Parce qu'il avait un rapport avec sa quête ? Mais ce n'était décidément pas le moment d'y penser, pas du tout.
Elle lui sourit, mais n'osa pas le tutoyer. Il l'impressionnait trop.
"Reynald m'avait parlé de vous. Enfin, il m'avait dit de vous saluer à l'occasion... Et... je n'ai pas envie de vous laisser là, vraiment pas..."
Elle secoua la tête.
"Si j'arrive à vous libérer, on peut essayer de partir par la porte principale... On bénéficierait de l'effet de surprise... Mais je reconnais que c'est dangereux, sans doute."
Elle grimaça.
"Et pourquoi est-ce si important de prévenir la harde ?"

[Galathée]

" C'est difficile à expliquer... à un humain, dit le centaure avec une petite grimace. Mais la harde, c'est ce qui compte le plus au monde. Ma propre vie... n'a pas grande importance ni grande valeur en dehors de la harde. Si elle venait à disparaître, et avec elle nos traditions et nos savoirs... La chose serait terrible."
Il s'arrêta un instant et pinça les lèvres.
" Et pourtant, c'est ce qui risque d'advenir. Il faut qu'ils sachent que Sheldon a été pris. Il faut qu'ils trouvent un autre chef. Peut-être pourront-ils choisir quelqu'un d'une autre caste, à présent que la lignée est brisée... Je ne sais pas. Mais moi... Je n'ai pas d'utilité dans la lutte à venir. Je peux attendre et espérer. Si je m'enfuis, ils sauront que tu es avec nous et cela précipitera la destruction de tout ce qui fait sens. Nous ne pouvons pas faire ça."

[Voyageuse]

"Je comprends... Un peu. Enfin, j'essaie..."
Non, elle ne comprenait pas vraiment. Que la harde passe avant sa propre vie, pourquoi pas. Mais que survivre lui soit indifférent à ce point... Et puis, non, il n'était pas inutile dans la lutte à venir, au contraire. Il n'était pas rempli de haine, et peut-être pouvait-il avoir une influence sur les autres...
Elle avoua, avec une grimace :
"Ce que je crains, si je vais à la rencontre de votre harde, c'est de me retrouver avec une flèche entre les omoplates avant d'avoir eu la moindre chance de m'expliquer. Ils sont en guerre, et ils me prendront sans doute pour l'un des villageois d'ici. C'est pour cela que je venais vous trouver. Pour que vous puissiez m'accompagner là-bas, et leur parler... Et puis, je ne comprends pas pourquoi ce serait si grave qu'ils découvrent que je veux vous aider..."

[Galathée]

" Parce que tu es notre seul élément de surprise."
Il haussa doucement les épaules.
" Tu sais faire des choses qu'aucun de nous ne peut. Comme escalade une enceinte, passer par une fenêtre, monter sur un toit... Je ne sais pas ce que tu leur as dit et ce dont ils se doutent, mais... s'ils savent que tu es avec nous, ils te traqueront, et tu auras sacrifié ta vie pour rien."
Un long frémissement anima son corps de cheval, de l'échine à la queue.
" Je sais que tu ne nous dois rien, au contraire, nous t'avons maltraitée alors que tu n'avais rien fait... Mais Sheldon est déboussolé, tu dois le comprendre, il avait la responsabilité de la harde sur les épaules et il a failli. Pour un chef de harde, c'est insupportable."
Il pinça les lèvres puis sourit doucement.
" Mais tu te méprends sur mon peuple. Nous savons que tous les humains ne partagent pas le point de vue des Montequins. Nous en avons rencontré, de temps en temps, dans les montagnes, mais les voyageurs sont rares. Si tu vas au devant des bonnes personnes, tu seras accueillie dans la harde. Bien sûr, certains grinceront des dents, mais c'est ainsi dans toute communauté, je pense, quelle que soit son espèce. Je peux te guider au bon endroit, il suffit de connaître le chemin."

[Voyageuse]

"Pour le moment, les Montequins doivent penser que j'ai fui dans la vallée... Ou peut-être que je rôde encore de l'autre côté... Ils ne peuvent pas imaginer que je suis passé de ce côté-ci. Donc effectivement, je reste un élément de surprise. Mais..."
Elle secoua la tête.
"Byron... Ça ne suffira pas qu'ils se choisissent un nouveau chef. La dryade du bosquet m'a expliqué que vous étiez trop peu nombreux maintenant, que les derniers vont finir par être pris ou tués.... Pourquoi ne pas essayer plutôt de libérer les centaures prisonniers ici ?"
Y compris leur chef, sans doute... S'il le jugeait faisable : elle n'oserait certainement jamais elle-même.

[Galathée]

" Un tel coup de force ne peut pas marcher parce que..."
Il la dévisagea un moment et un soupir douloureux échappa de sa poitrine.
" Beaucoup de centaures, ici, sont nés en captivité. Ils ont été éduqués... dressés... par les humains depuis le jour de leur naissance. Ils ne savent pas se battre, mais ils sont libres. Nous autres, les centaures sauvages, nous sommes en minorité, nous sommes attachés, surveillés et... si nous devions tenter quelque chose, les centaures domestiques se rangeraient probablement du côté de leurs maîtres. C'est quelque chose qui ne peut pas se produire, ce serait..."
Il secoua la tête.
" Mais j'outrepasse mon rôle. Je ne suis ni un stratège, ni un penseur, ce n'est pas ma place. Les décisions doivent se prendre dans la harde, car la harde est la vie. Je t'en prie, va les trouver, aide-les. Et tu m'aideras de la sorte. Et tu nous aideras tous."

[Voyageuse]

- Oui, je comprends bien qu'on ne peut pas risquer que vous ayez à vous battre contre vos semblables... Et qu'on ne peut donc pas tout simplement vous libérer. Il faudrait arriver à convaincre les humains de vous laisser partir tous...
Astrée grimaça.
- Mais je ne sais pas comment. Je ne suis pas stratège, moi non plus...
C'était pour cela, sans doute, que les centaures n'attaquaient pas de ce côté-ci. Pour ne pas entrer en guerre contre leurs congénères domestiqués. C'était pour ça que les humains ne semblaient guère s'en inquiéter.

Elle sentit son coeur se serrer. Elle ne voulait pas le laisser ici.
- Vous dites que ce n'est pas votre rôle... mais je suis certaine qu'au sein de la harde, là-bas, votre présence serait plus utile qu'ici. Ils vous écouteraient mieux que moi... Et puis, je ne veux pas vous laisser ici : c'est de ma faute si vous avez été pris, c'est mon familier qui les a guidés. Je me disais que vos camarades allaient me tuer dès que vous seriez remis, et je ne savais pas ce qui se passait ici... Si on pouvait vous libérer sans qu'ils sachent que c'est moi... Ou même en sachant que c'est moi, ça m'est égal de prendre le risque... Venez avec moi...
Elle sentait qu'elle n'arriverait pas à le convaincre. D'autant qu'il semblait persuadé que les autres centaures n'allaient pas l'attaquer à vue et qu'elle n'avait pas besoin de lui pour rejoindre la harde... ce qu'elle avait bien du mal à croire.

[Galathée]

Byron secoua la tête.
" Sheldon ou Kess t'auraient tuée, Astrée. Et ils auraient tué la petite fille s'ils en avaient eu l'opportunité. Tu ne dois pas t'en vouloir. Nous cherchons tous à survivre."
Il soupira et parut soudain très jeune, comme l'angoisse passait un moment sur ses traits.
" Peut-être que... Non, ce ne serait pas raisonnable... Nous perdrions trop de temps, et j'ai l'espoir que Sheldon s'en sorte avant qu'ils ne le tuent... Non, il faut que tu y ailles. Je peux tenir le coup le temps qu'il faudra. Je n'ai rien à suggérer à la harde, ce n'est pas ce que je suis."

[Voyageuse]

Astrée ne put s'empêcher de se dire que Byron était d'un entêtement rare. Aussi têtu qu'un certain Sorlyn de sa connaissance...
- Ils ont dit qu'ils le tueraient dans deux veilles s'ils n'étaient arrivés à rien avec lui... C'était il y a déjà quatre jours je crois. Mais.... Qu'est-ce qui ne serait pas raisonnable ? Quelle idée vous a traversé ? Dites-moi...
De fuir avec elle ? De libérer tous les centaures entravés ? De... libérer Sheldon ?

[Galathée]

Il soupira.
" Je me disais que je pourrais essayer de gagner leur confiance... Aux humains, je veux dire. Peut-être me laisseraient-ils sortir de l'enceinte de la ville et il me serait alors plus facile de m'évader sans que tu aies l'air impliquée... Mais ça ne marchera pas. Ils savent que nous ne nous laissons pas dresser aisément. Si je rentrais brusquement dans le rang, ils auraient... comment dites-vous... le pou sur l'oreille ?"
Il secoua la tête.
" Et ce serait égoïste. Tu n'as pas besoin de moi. Je suis le messager de mon chef, c'est mon rôle. Je ne peux pas l'abandonner derrière, ce serait déshonorable."

[Voyageuse]

Astrée sourit
- Il me semble qu'en allant parler à la harde pour leur annoncer la capture de votre chef, vous joueriez parfaitement votre rôle de messager, au contraire...
Elle avait peut-être une chance de le convaincre, finalement.
- Quant à gagner la confiance des humains... Effectivement ce n'est pas évident. Mais... je leur ai dit, quand ils m'ont libérée, que vous n'étiez pas comme les deux autres, que vous n'aviez pas cette haine en vous, que j'aurais voulu qu'ils vous épargnent. Je ne sais pas dans quelle mesure ça peut les aider à vous croire, mais ils devraient avoir un a-priori... "positif" si on peut dire... sur vous. Et puis, Caribert est tellement confiant en sa capacité à dompter n'importe quelle créature... Ça fait déjà quelques temps que vous êtes prisonnier, il peut leur sembler plausible que vous ayez abandonné tout espoir. Oui, je pense que ça peut marcher.
A condition qu'il parvienne à fuir une fois dehors.
- Mais c'est vrai, aussi, qu'il ne faudra pas perdre trop de temps. Il me semble que le chef des chasseurs, l'autre jour, parlait de frapper avant que la harde ait le temps de choisir un chef. Cela dit, ils pensent certainement qu'ils ont quelques mois devant eux pour ça, et ils vont sûrement attendre d'en avoir fini avec Sheldon. On devrait... se donner le délai que vous estimez raisonnable, pour qu'ils vous laissent sortir. Et si ça ne marche pas, j'irai seule...

[Galathée]

Il gémit une seconde.
" Tu me mets des idées subversives en tête, exactement comme Reynald le faisait ! Si la harde pense que j'ai fait passer ma liberté et ma survie avant les intérêts du groupe, je serai puni ! Vous autres, humains, vous ne comprenez pas ce genre de choses, mais elles sont pour nous fondamentales... C'est l'essence même de notre mode de vie. Si nous devons survivre au prix de notre identité, cela n'en vaut pas la peine, si ?"
C'était une question rhétorique, Astrée le vit crisper les épaules et devina que s'il l'avait pu, il se serait pris la tête dans les mains.
" Si je pouvais aller voir Sheldon, lui parler... S'il me donnait son accord..."
Il leva les yeux.
" Peut-être peux-tu me détacher et me laisser aller jusque là... Il peut décider... et ensuite nous verrons."

[Voyageuse]

Astrée sourit, les yeux pétillants.
- Oh, je suis sûre que Sheldon préférera que ce soit vous qui parliez à la harde plutôt qu'une humaine : il n'aura aucune confiance en moi... Et je vous assure que je ne cherche pas à vous mettre des idées subversives en tête, d'ailleurs je suis certainement moins douée que Reynald pour ce genre de chose. Je pense juste, sincèrement, que vous serez plus utile à votre peuple en étant là-bas, auprès de la harde, qu'ici enfermé dans une cellule.
Elle s'approcha de lui.
- Laissez-moi vous détacher. Je vais vous conduire auprès de votre chef... Ou je peux rester en arrière si vous préférez, pour ne pas que ma présence l'agace. Et je vous ai amené à boire et à manger, aussi. Je parie qu'ils vous affament.